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04/04/2024 | FRANCE | N°19/03471

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 04 avril 2024, 19/03471


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]


JUGEMENT N° 24/01706 du 4 Avril 2024

Numéro de recours : N° RG 19/03471 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WJQP

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Monsieur [I] [X]
né le 18 Mai 1948 à [Localité 8] ( BOUCHES-DU-RHONE )
[Adresse 6]
[Localité 4]
comparant assisté de Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

[9] ( [9] )
[Adresse 5]
[Localité 1]
comparant assisté de Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau D’AIX-EN-

PROVENCE


c/ DEFENDEUR
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
comparant



DÉBATS : À l'audience publique du 8 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIB...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N° 24/01706 du 4 Avril 2024

Numéro de recours : N° RG 19/03471 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WJQP

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Monsieur [I] [X]
né le 18 Mai 1948 à [Localité 8] ( BOUCHES-DU-RHONE )
[Adresse 6]
[Localité 4]
comparant assisté de Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

[9] ( [9] )
[Adresse 5]
[Localité 1]
comparant assisté de Me Thibaud VIDAL, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

c/ DEFENDEUR
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
comparant

DÉBATS : À l'audience publique du 8 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : MAUPAS René
ACHOUR Salim

La greffière lors des débats : DI GIACOMO Alexia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 4 Avril 2024

NATURE DU JUGEMENT

Contradictoire et en dernier ressort
19/03471

EXPOSE DU LITIGE

Par requête selon lettre recommandée expédiée le 19 juin 2020, le Docteur [I] [X] a saisi ce Tribunal de la contestation de la décision de la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie ( ci-après la CPCAM ) du 21 février 2019 de pénalité financière de 260 € ( 100 % des sommes en causes par application des articles R. 147-8-1et R. 147-5 du Code de la sécurité sociale ) , notifiée le 22 février 2019, au regard de l’indu de 264, 63 €, notifiée par la CPCAM par courrier daté du 16 juillet 2018, suite à l’analyse des prescriptions de son activité sur la période du 1er avril au 30 juin 2016 ayant révélé des irrégularités s’agissant des prescriptions comportant la mention « non substituable » « de façon non justifiée » .

Par jugement du 25 octobre 2022, ce Tribunal a ordonné la jonction avec le recours concernant la même créance n° RG 19/04460 avec continuation sous le seul numéro RG 19/03471.
L’affaire est appelée à l’audience utile du 8 janvier 2024.
Au soutien de son recours, le Docteur [I] [X] fait valoir que la procédure de contrôle d’activité est prescrite, mais aussi irrégulière en ce qu’elle a violé les dispositions de l’article L. 315-1 du Code de la sécurité sociale et méconnu les droits de la défense dès lors que la Caisse ne lui a jamais communiqué la liste des patients examinés, qu’elle n’a pas organisé d’entretien contradictoire suite à sa demande. Il affirme ensuite que la procédure de pénalité financière est irrégulière pour avoir violé les droits de la défense. Il soutient également que la décision de notification de mise en demeure de payer la pénalité est irrégulière dès lors que son auteur n’a pas compétence pour signer une telle décision, et que la décision de pénalité dernière n’est pas suffisamment motivée et que ces griefs sont infondés notamment quant à l’étendue du secret médical et de l’opposition des patients. Il demande par conséquent au Tribunal, au terme de ses conclusions soutenues oralement à l’audience par son Conseil :
- de dire et juger que la procédure de contrôle d’activité est irrégulière ;
- de dire et juger que la procédure de pénalité financière est irrégulière ;
- de dire et juger que la notification de mise en demeure de payer est entachée d’incompétence ;
- de dire et juger que la décision de pénalité financière n’est pas fondée ;
En conséquence :
- d’annuler la décision de la CPCAM lui infligeant la pénalité de 260 € ;
- condamner la CPCAM à lui verser la somme de 3 000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
La CPCAM, régulièrement représentée, soutient en premier lieu que la procédure de contrôle est régulière, qu’elle a parfaitement respecté les droits de la défense et le moyen soulevé relève du pénal et disciplinaire seulement. Elle précise qu’il appartenait au Docteur [I] [X] de demander un entretien contradictoire avec le Médecin conseil et qu’il n’est pas démontré qu’une telle demande ait bien été transmise au Médecin conseil. Elle affirme en second lieu que la procédure de pénalité financière est régulière, que chaque étape et délai ont été respectés, que la notification est régulière dès lors qu’elle est motivée et que le signataire bénéficiait d’une délégation de pouvoir. Elle soutient enfin que la charge de la preuve de griefs pèse non pas sur la Caisse mais sur le praticien, et que les griefs sont parfaitement fondés.
Elle demande par conséquent au Tribunal, au terme de ses conclusions soutenues oralement à l’audience par son inspectrice :
- de constater le bien-fondé de la décision de pénalité financière, ainsi que la régularité de la procédure ;
- condamner à titre reconventionnel le Docteur [I] [X] au paiement de la somme de 260 € au titre de la pénalité financière ;
- condamner monsieur [I] [X] au paiement de la somme de 3 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’affaire est mise en délibéré au 4 avril 2024.

MOTIFS

L'article L. 5125-23 du Code de la santé publique, dans sa rédaction au moment des faits, n’imposait simplement au médecin qui souhaite s'opposer à la substitution, pour des raisons particulières tenant au patient, que d'apposer une mention manuscrite expresse " non substituable " sur la prescription ;
L'article R. 4127-45 du Code de la santé publique dispose :
« I. — Indépendamment du dossier médical prévu par la loi, le médecin tient pour chaque patient une fiche d'observation qui lui est personnelle ; cette fiche est confidentielle et comporte les éléments actualisés, nécessaires aux décisions diagnostiques et thérapeutiques.
Les notes personnelles du médecin ne sont ni transmissibles ni accessibles au patient et aux tiers.
Dans tous les cas, ces documents sont conservés sous la responsabilité du médecin. "
II. — A la demande du patient ou avec son consentement, le médecin transmet aux médecins qui participent à la prise en charge ou à ceux qu'il entend consulter les informations et documents utiles à la continuité des soins.
Il en va de même lorsque le patient porte son choix sur un autre médecin traitant. »
L’article R..4127-50 du Code de la santé publique dispose :
« Le médecin doit, sans céder à aucune demande abusive, faciliter l’obtention par le patient des avantages sociaux auxquels son état lui donne droit. A cette fin, il est autorisé, sauf opposition du patient, à communiquer au médecin-conseil nommément désigné de l’organisme de sécurité sociale dont il dépend, ou à un autre médecin relevant d’un organisme public décidant de l’attribution d’avantages sociaux, les renseignements médicaux strictement indispensables » .
Il s’évince des décisions du Conseil constitutionnel n° 2010-69 QPC du 26 novembre 2010, n° 2011-119 QPC du 1er avril 2011 et n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 qu’aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789, le principe des droits de la défense s'applique non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition et dès lors s'impose aux autorités disposant d'un pouvoir de sanction sans qu'il soit besoin pour le législateur d'en rappeler l'existence.
Tel en est dès lors le cas des pénalités financières prévues à l’article L. 114-17-1 du Code de la sécurité sociale, pouvant être infligées notamment à un professionnel de santé pour sanctionner le non-respect d’une règle.
Or en l’espèce, après réclamation sur ce point, la CPCAM, par courrier daté du 18 octobre 2017, a transmis au Docteur [I] [X] une note relative au dépassement de taux NS ( Non Substituable ) du praticien quant à vingt médicaments figurant dans un premier tableau, et un second tableau contenant soixante-deux noms et prénoms de personnes présentées comme les patients avec leurs dates de naissances et numéro d’immatriculation à la Sécurité sociale.
Le respect des droits de défense requiert que soient reprochés des faits précis et articulés, et non la juxtaposition de deux tableaux en exigeant du praticien passible de sanctions de prouver son innocence un an et demi après moult consultations et patients, à partir d’éléments dont la loi n’exigeait pas l’enregistrement et la conservation dans le dossier du patient au point que cela devrait justifier, non dans un but thérapeutique, mais de simple comptabilité, de divulguer l’intimité de soixante-deux patients couverte par le secret médical, afin de tenter de reconstituer pour le Médecin de la Caisse, le raisonnement ayant conduit à l’exclusion du générique dans chaque cas particulier, d’autant au surplus que le requérant fait état de l’opposition des patients.
A telle enseigne, comme le fait remarquer la CPCAM dans ses conclusions, que le législateur a estimé nécessaire de modifier la loi en ce domaine par l’article 66 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019 et l’arrêté du 12 novembre 2019 précisant, en application de l'article L. 5125-23 du Code de la santé publique, les situations médicales limitatives dans lesquelles peut être exclue la substitution à la spécialité prescrite d'une spécialité du même groupe générique, motif devant être désormais explicitement mentionné sur la prescription.
Dès lors, les droits de la défense, s’agissant d’une pénalité ressortissant du domaine de la sanction, n’ont pas été respectés depuis la phase administrative enclenchée par la CPCAM.
Par conséquent, l’appréciation de la charge de la preuve par le Tribunal ne peut s’effectuer que sur le fondement nécessairement combiné de l’ensemble des dispositions précitées, dont celles à valeur constitutionnelles telles qu’interprétées par la seule juridiction compétente, et l'article 1353 du Code civil.
Par ailleurs et en tout état de cause, il ressort des dispositions de l'article L. 114-17-1 du Code de la sécurité sociale que :
“  I.-Peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, de la caisse mentionnée à l'article L. 215-1 ou L. 215-3 ou de l'organisme local chargé de verser les prestations au titre des assurances obligatoires contre les accidents de travail et les maladies professionnelles des professions agricoles :
( … )
3° Les professionnels et établissements de santé, ou toute autre personne physique ou morale autorisée à dispenser des soins, à réaliser une prestation de service ou des analyses de biologie médicale ou à délivrer des produits ou dispositifs médicaux aux bénéficiaires mentionnés au 1° ;
( … )
II. -La pénalité mentionnée au I est due pour :
1° Toute inobservation des règles du présent code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée ” .
Or, en l’espèce, par courrier du 21 septembre 2018, la CPCAM a informé le Docteur [I] [X] de ce qu’elle procédait à l’annulation l’indu de 264, 63 € correspondant.
En conséquence, en l’absence du fondement de l’indu, annulé, une pénalité de 260 € ne peut être infligée, dans son principe, ou à tout le moins au regard du calcul de cette somme puisque le montant de l’indu de référence a été ramené à zéro.
Compte tenu de ces éléments, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens, il y a lieu de considérer que c’est à tort que la CPCAM a appliqué la pénalité financière querellée au Docteur [I] [X].
En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, la partie qui succombe dans ses prétentions sera condamné aux dépens.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au regard des circonstances de l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire et en dernier ressort,

FAIT DROIT au recours introduit par le Docteur [I] [X] ;

ANNULE la pénalité financière de 260 €, notifiée par la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône, le 22 février 2019 ;
REJETTE toutes les autres demandes ;
CONDAMNE la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône aux dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

Conformément aux dispositions de l'article 612 du Code de procédure civile, les parties disposent pour former leur pourvoi en cassation d'un délai de deux mois, à compter de la notification de la présente décision.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024.

LA GREFFIERELE PRÉSIDENT

Notifié le :


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/03471
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;19.03471 ?
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