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28/03/2024 | FRANCE | N°23/04023

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 28 mars 2024, 23/04023


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 28 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 23/04023 - N° Portalis DBW3-W-B7H-267H

AFFAIRE : M. [D] [G]( la SELARL LEXVOX AVOCATS & ASSOCIES)
C/ M. [B] [N] (Me [W] [Z]) - CPAM DES BOUCHES DU RHONE


DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandin

e, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les pa...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 28 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 23/04023 - N° Portalis DBW3-W-B7H-267H

AFFAIRE : M. [D] [G]( la SELARL LEXVOX AVOCATS & ASSOCIES)
C/ M. [B] [N] (Me [W] [Z]) - CPAM DES BOUCHES DU RHONE

DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [D] [G]
né le [Date naissance 3] 1972 à [Localité 7] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Patrice HUMBERT de la SELARL LEXVOX AVOCATS & ASSOCIES, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, vestiaire : 330

C O N T R E

DEFENDEURS

CPAM DES BOUCHES DU RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 2]

défaillant

Monsieur [B] [N]
né le [Date naissance 1] 1980 à [Localité 6]
de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Grégory PILLIARD, avocat au barreau de TOULON, vestiaire : 1016 susbtitué à l’audience

EXPOSÉ DU LITIGE

[D] [G] a bénéficié de soins dentaires prodigués par le Docteur [B] [N] entre le 24 juin 2013 et le 29 décembre 2016, consistant principalement en la pose d’implants intra-osseux, de couronnes dentaires, d'infrastructures corono radiculaires, ainsi que de prothèses.

Se plaignant des conditions de sa prise en charge, [D] [G] a fait assigner le Docteur [B] [N], par acte en date du16 juin 2021, devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Marseille afin d’obtenir la désignation d’un expert judiciaire.
Par ordonnance en date du 30 septembre 2021, une expertise a été ordonnée et confiée au Docteur [R] [I].
Le rapport a été déposé le 28 juillet 2022.

Par acte en date du 30 janvier 2023 auquel il est référé pour plus ample exposé des moyens, [D] [G] a fait assigner le Docteur [B] [N] et la CPAM des Bouches-du-Rhône devant le Tribunal judiciaire de Marseille afin de voir :
- homologuer le rapport d’expertise,
- dire et juger que la responsabilité du médecin est engagée en raison des fautes commises et qu’elle ouvre droit à indemnisation,
- fixer la date de consolidation de la victime au 21 juin 2018
- En conséquence, condamner solidairement les requis à lui payer la somme totale de 25.416,50 euros,
- juger que les sommes d’ores et déjà exigibles s’entendent en deniers ou quittances, les provisions allouées devant être déduites,
- juger qu’en vertu de l’article 1153-1 du Code civil l’ensemble des sommes dues portera intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir,
- fixer la créance de la CPAM,
- déclarer le jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône,
- ordonner l’exécution provisoire sur l’intégralité de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution,
- dire que dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes par lui retenues en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080, devra être supporté par le débiteur,
- condamner solidairement les requis à lui payer la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles et aux dépens en ce compris les frais d’expertise judiciaire.

Il soutient que le Docteur [B] [N] n’a pas procédé à des soins consciencieux, ce qui lui a causé des souffrances inutiles et la nécessité de soins supplémentaires.
Il ajoute qu’il n’a pas été informé de l’ensemble des risques et complications que comportait le traitement, de telle sorte qu’il n’a pas pu se préparer à la situation d’échec et aux conséquences de la faute médicale dont il a été victime.
Il expose qu’il entend faire valoir une perte de chance professionnelle au titre de l’incidence professionnelle temporaire, puisque les séquelles l'ont conduit à abandonner le cursus commercial pour une orientation administrative.

En défense, dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 août 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample exposé des moyens, le Docteur [B] [N] demande au Tribunal de :
A titre principal :
- débouter [D] [G] et la CPAM des Bouches du Rhône de l’ensemble de leurs demandes fins et prétentions,
- rejeter toutes demandes de condamnation présentées à son encontre,
A titre subsidiaire :
- débouter [D] [G] et la CPAM des Bouches du Rhône de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions présentées à son encontre,
- rejeter toutes demandes de condamnation présentées à son encontre,
- rejeter toute demande de condamnation formée à son encontre au titre d’un prétendu préjudice d’impréparation,
- réduire dans de très larges proportions les demandes de condamnations présentées à son encontre et rejeter les demandes injustifiées,
En tout état de cause :
- condamner in solidum tous succombants à lui payer la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Maître Grégory PILLIARD, Avocat, en application des dispositions de l’article 699 du même code.

Il soutient que Monsieur [L] [G] présentait un état antérieur très dégradé avec trois anciennes couronnes céramo-métalliques posées en 1991 sur les dents antérieures du haut 11,12 et 21 à la suite d’un traumatisme après une chute de skateboard.
Il rappelle qu’un échec de traitement n’est pas nécessairement fautif, et que l’expert ne précise aucunement dans quelle mesure ces échecs pourraient d’une quelconque manière être constitutifs d’une faute du Docteur [B] [N]; qu’en réalité ils sont dus à l’état antérieur du patient.
Il ajoute avoir informé par écrit et oralement Monsieur [G] quant au traitement proposé et ses risques et relève que si l’expert émet des réserves quant à l’information délivrée, il considère que Monsieur [G] n’aurait pas refusé les soins même s’il avait été informé des risques, de telle sorte que Monsieur [D] [G] ne peut se prévaloir d’un quelconque défaut d’information ou impréparation.
A titre subsidiaire, il sollicite le rejet ou la réduction des sommes réclamées à titre d’indemnisation.

Assignée par remise de l’acte à personne habilitée, la CPAM des Bouches-du-Rhône n’a pas constitué avocat.

La procédure a été clôturée à la date du 12 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

En application de l'article L 1142-1 I du Code de la santé publique, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Il résulte de ce texte que la responsabilité d'un médecin ne peut être engagée sans que le demandeur à l'indemnisation ne rapporte la preuve qu'il a commis une faute en lien de causalité avec les préjudices dont il demande réparation.

L’expert relève que les actes, soins, traitements prodigués par le Docteur [B] [N] n'ont pas été consciencieux, attentifs, diligents et conformes aux données acquises de la science actuelle. Il expose qu’en l'absence de radiographie antérieure, on ne peut dire si l'indication de refaire au départ les trois prothèses était bonne.
L’expert conclut qu’il existe un lien de causalité direct et certain entre les lésions et les fautes et les négligences constatées.

Le docteur [N] soutient qu’il s’agit en réalité d’un échec de traitement non fautif, dû à l’état antérieur du patient. Il ne fournit cependant aucun élément de nature à remettre en cause les conditions expertales.

Le docteur [N] a ainsi commis un manquement fautif, et doit être tenu à réparer les dommages qui en sont résultés.

Sur la réparation des préjudices

Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit.

Il s’en déduit que la réparation du dommage doit être intégrale, mais que seuls les préjudices en lien avec les manquements constatés peuvent être indemnisés.

Il résulte du rapport d’expertise que la consolidation est intervenue le 21 juin 2018. Sur la base du rapport d’expertise, il convient de liquider le préjudice subi par Monsieur [G] de la manière suivante :

- Préjudices patrimoniaux

- préjudices patrimoniaux temporaires

* dépenses de santé actuelles

Ces dépenses correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d’hospitalisation exposés par les organismes sociaux et par la victime.

Monsieur [G] réclame à ce titre la somme de 4.700 euros.

L’expert précise qu’il n’est pas exposé par Monsieur [G] de décomptes et justificatifs d’éventuelles dépenses de santé avant la consolidation qui n’auraient pas été prises en charge par des organismes sociaux ou par des tiers payeurs, et qu’il « devrait être remboursé les dépenses prothétiques et implantaires engagées mais nous n’avons pas suffisamment de documents pour le faire. A priori 2165 + 1242 € + 600 €, le bridge n’ayant pas été réglé ».

Monsieur [G] ne produit aucun élément de nature à établir que ces dépenses sont restées à sa charge, étant relevé par ailleurs que la créance de la CPAM n’a pas été transmise.

Il devra être débouté de sa demande.

* perte de gains professionnels actuels

Elle concerne le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire.

Monsieur [G] sollicite à ce titre l’allocation d’une somme de 6.747 euros correpondant au forfait d’heures supplémentaires perdu depuis le mois d’avril 2015 jusqu’à la consolidation, soit 173,03 x 39 mois = 6.747 euros.

L’expert retient qu’il n’y a pas eu d’incapacité d’exercer totalement ou partiellement une activité professionnelle ou économique ou sportive.
Monsieur [G] n’établit pas que l’absence de réalisation d’heures supplémentaires est en lien avec les fautes du Docteur [N]. Sa demande formée à ce titre sera donc rejetée.

* frais divers

Il s’agit ici des frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime, tels que les honoraires déboursés auprès du médecin l’ayant conseillée ou assistée au cours des opérations d’expertise.

Monsieur [G] expose avoir subi une incidence professionnelle temporaire et sollicite réparation de ce préjudice à hauteur de 2.000 euros.

Il expose qu’en 2009, il bénéficiait d’un poste de chargé d'affaires professionnelles sur une classification en TM5 (classification qui précède le premier niveau d'une classification "cadre") et que les accords internes au sein de son entreprise octroient depuis 2013 le règlement d'un forfait mensuel "heures supplémentaires" compte tenu d'une activité commerciale contraignant souvent à déborder largement des horaires convenus.
Il soutient que les rendez-vous médicaux répétés et ses difficultés à s'exprimer, à gérer le tout-venant avec des prothèses qui tombent l'ont conduit à abandonner le cursus commercial (animation de réunions, RDV clientèle) pour une orientation administrative (analyste risque) exprimée en 2014 et qui s'est amorcée sur le début de l'année 2015, ce qui lui a fait perdre son niveau de classification (pour descendre sur une A TM4) et la rémunération mensuelle du forfait "heures supplémentaires".

L’expert n’a pas retenu d’incidence professionnelle, et Monsieur [G] ne démontre pas avoir subi un préjudice distinct de celui correspondant à la gêne temporaire qui sera réparé au titre du déficit fonctionnel temporaire. Sa demande sera rejetée.

- Préjudices extra patrimoniaux

- préjudices extra patrimoniaux temporaires

* déficit fonctionnel temporaire

La gêne temporaire est constitutive d’un déficit fonctionnel temporaire qui inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire. L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité et des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité.

L’expert retient une gêne temporaire partielle à hauteur de 10% à compter du 30 avril 2014, date de la fracture de la racine de la dent 21, jusqu’au 26 juin 2018, date de consultation du Docteur [U], en raison des diffucltés à parler et à manger.

Le Docteur [N] soutient qu’il a mis en place un bridge en position des dents 11, 12, 21 et 22 le 29 décembre 2016, et qu’à compter de cette date, il ne saurait exister de déficit fonctionnel temporaire persistant.

Ce point a fait l’objet d’un dire à l’expert le 30 juin 2022, et l’expert a répondu que le bridge posé le 29 décembre 2016 s’est rapidement mis à bouger, entraînant des gênes.

L’expert a ainsi fait une exacte évaluation du déficit fonctionnel temporaire.

Sur la base d’une indemnisation de 25 euros par jour comme demandé par Monsieur [G], il lui sera alloué une somme de 1513x25x10% =3.782,50 euros en réparation de ce préjudice.

* souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis depuis l’accident jusqu'à la consolidation.

L’expert a évaluées les souffrances endurées par Monsieur [G] à 2/7, compte tenu des douleurs physiques et psychologiques. Il sera alloué à ce titre la somme de 3.000 euros.

- préjudices extra patrimoniaux permanents

* déficit fonctionnel permanent

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive, après consolidation, du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence; il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence personnelles, familiales et sociales du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

L’expert l’évalue à 2%, compte tenu de la perte de deux dents, les 21 et 12.

Le docteur [N] affirme que les dents perdues ont été remplacées par un bridge, et que selon le barème indicatif d’évaluation du concours médical, si la perte d’une dent est évaluée classiquement à 1%, ce taux est diminué de moitié lorsque les dents sont remplacées par une prothèse mobile, des deux tiers lorsque la prothèse est fixe et en totalité lorsque les dents sont remplacées par une solution implanto-portée. Il rappelle également que Monsieur [G] présentait un état antérieur important avec des couronnes anciennes posées en 1991 sur les dents 12 et 21 à la suite d’un traumatisme.

Il y a lieu cependant de relever qu’aucune indemnisation n’a été accordée au titre des dépenses de santé actuelles, et qu’il n’est pas établi la réalisation de ce bridge.

Il y a lieu dès lors de considérer que l’expert a fait une juste évaluation du déficit fonctionnel permanent.

Il convient de retenir l’âge de la victime à la date de la consolidation, soit 45 ans s’agissant de Monsieur [G].

Ainsi, en reprenant le taux retenu par l’expert de 2%, et une valeur de point à 1.440 conformément à la demande de Monsieur [G], il convient d’évaluer son préjudice à la somme de 2.880 euros.

* * *

Au total, le préjudice subi par Monsieur [G] résultant de la faute du Docteur [N] est ainsi évalué à la somme de 9.622,50 euros.
Le Docteur [N] sera donc condamné à lui payer la somme de 9.6662,50 euros, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

Sur le préjudice d’impréparation

L’article L1111-2 du Code de la santé publique dispose que « Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu'elle relève de soins palliatifs au sens de l'article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l'une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l'exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d'impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...)
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.»

Il appartenait au médecin d'apporter la preuve de l'information, preuve qui peut être faite par tous moyens, et notamment par des présomptions ou un faisceau d’indices.

En l’espèce, le Docteur [N] soutient avoir délivré à Monsieur [G] tout au long des soins une information quant aux échecs de traitement survenus et aux nouvelles propositions thérapeutiques choisies. Il n’apporte cependant aucune preuve de cette information, et l’expert relève qu’il n’y a pas de trace d’information écrite, précisant : “Il n'y a pas eu de plans de traitements présentant les différentes alternatives thérapeutiques, pas de consentements éclairés aux soins ni de fiches d'informations, pas
de charte implantaire.”

Si effectivement, ainsi que le Docteur [N] le relève, Monsieur [G] n’aurait pas refusé les soins même si une information écrite spécifique avait été tracée quant aux risques survenus, il y a lieu de rappeler que le préjudice d’impréparation est distinct de celui résultant de la réalisation, même non fautive, du risque, et vise à réparer le dommage moral éprouvé par le patient du fait de son impréparation à la possibilité, qui s’est finalement réalisée, des risques.

Monsieur [G] n’a pas pu se préparer aux soins subis et et aux risques encourus.

Il en est résulté un préjudice d’impréparation qui sera réparé par l’allocation de la somme de 3.000 euros.

Sur les autres demandes

Le docteur [N] qui succombe à l’instance, en supportera les dépens, qui comprendront les frais d’expertise.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [G] l’intégralité des frais irrépétibles qu’il a été contraint d’exposer; le docteur [N] sera donc condamné à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par le décret du 8 mars 2001, lorsque l’huissier recouvre des sommes dues par un débiteur , il lui est alloué, en sus du droit visé à l’article 8, un droit proportionnel dégressif. Cependant, les frais et dépens de procédure ne peuvent inclure les frais des éventuelles mesures d’exécution forcée que le créancier est susceptible d’engager pour obtenir l’exécution d’une décision de justice. En effet, aucune disposition législative ou réglementaire n’a prévu la faculté pour une juridiction de faire supporter même partiellement la charge de ses droits proportionnels ou d’encaissement par le débiteur en sus de l’indemnité allouée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. La demande présentée à ce titre sera donc rejetée.

Le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Il n’est pas nécessaire de déclarer le jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, puisqu’elle a été régulièrement assignée.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

Condamne le Docteur [B] [N] à payer à [D] [G] la somme de 9.662,50 euros en réparation de son préjudice corporel ;

Condamne le Docteur [B] [N] à payer à [D] [G] la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral d’impréparation ;

Condamne le Docteur [B] [N] à payer à [D] [G] la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile;

Déboute [D] [G] du surplus de ses demandes ;

Condamne le Docteur [B] [N] aux dépens, en ce compris les frais d’expertise.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 23 MARS 2024.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 23/04023
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;23.04023 ?
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