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28/03/2024 | FRANCE | N°22/08536

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 28 mars 2024, 22/08536


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 28 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 22/08536 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2IBY

AFFAIRE : S.A. AXA FRANCE IARD( la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ Etablissement public OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM) (Me Eric GENEVOIS)


DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présiden

te (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le r...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 28 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 22/08536 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2IBY

AFFAIRE : S.A. AXA FRANCE IARD( la SELARL ABEILLE & ASSOCIES)
C/ Etablissement public OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDI CAUX (ONIAM) (Me Eric GENEVOIS)

DÉBATS : A l'audience Publique du 25 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BERARD Béatrice

Vu le rapport fait à l’audience

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 28 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

La Compagnie AXA FRANCE IARD, immatriculée au RCS de Nanterre sous le n° 722 057 460, agissant poursuite et diligences de son directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège, dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Bruno ZANDOTTI de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, substitué à l’audience, avocats au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

L’ Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogèneset des infections nosocomiales (ONIAM), Etablissement public administratif représenté par son directeur en exercice, dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Me Eric GENEVOIS, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Sylvie WELSCH de la SCP UGGC Avocats, substituée à l’audience par Me Ansiau-Maxime EBERSOLT, Avocats plaidant au barreau de PARIS

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 6 février 1983, Madame [Y] a été hospitalisée au Centre hospitalier de [Localité 4] en raison d’un tableau d’entérite nécrosante dans les suites de sa naissance. Le 12 novembre 2001, Madame [Y] a découvert être atteinte par le virus de l’hépatite C.
Imputant sa contamination aux produits sanguins reçus lors de son hospitalisation en 1983, Madame [Y] a saisi l’ONIAM d’une demande d’indemnisation amiable.
Par décision du 7 juin 2010 l’ONIAM a rejeté la demande d’indemnisation de Madame [Y].
Madame [Y] a saisi le Tribunal administratif de Marseille et a sollicité la condamnation de l’ONIAM à lui verser la somme de 247.592 euros en réparation de ses préjudices.
Par jugement du 17 novembre 2014, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Madame [Y].
Madame [Y] a interjeté appel de ce jugement et la Cour administrative d’appel de Marseille a, par arrêt du 16 mars 2017, infirmé le jugement du 17 novembre 2014 en condamnant l’ONIAM a verser à Madame [Y] la somme de 35.024 euros, outre la somme de 750 euros au titre des frais d’expertise, ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Un avis de somme à payer n°763 a été émis le 12 juillet 2018 par l’agent comptable de l’ONIAM pour le recouvrement d’une somme de 37. 774 euros, correspondant au montant des condamnations, dépens et frais irrépétibles.

La SA AXA FRANCE IARD a contesté ce titre par requête en date du 25 septembre 2018 devant le Tribunal administratif de Montreuil qui a renvoyé l’affaire devant le Tribunal administratif de Marseille.
Par ordonnance en date du 5 juillet 2021, le Tribunal administratif de Marseille s’est déclaré incompétent.

Par acte en date du 3 août 2022, la compagnie AXA FRANCE IARD a fait assigner l’ONIAM devant le Tribunal judiciaire de Marseille afin de voir annuler le titre de recettes n° 763.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 octobre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, la compagnie AXA FRANCE IARD demande au tribunal de :
- juger que le titre de recettes n° 763 est entaché d’illégalité interne comme externe,
- prononcer l'annulation du titre de recettes n° 763,
- débouter l’ONIAM de sa demande de condamnation de la Compagnie AXA au versement de la somme de 37.774 euros assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts,
- débouter l’ONIAM de sa demande de condamnation de la Compagnie AXA sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner l’ONIAM à lui verser la somme de 2.000 euros en application de l’article L.761-1 du Code de justice administrative.

Au soutien de ses prétentions, elle indique que le titre exécutoire attaqué est irrégulier aussi bien du point de vue de la légalité externe qu’interne; qu’en effet, l’avis n° 763 est irrégulier en ce qu’il n’a pas été signé par son auteur, et l’ONIAM ne justifie pas plus de la signature du bordereau de titre de recettes, lequel n’a pas a été adressé à la société AXA; qu’en outre, le titre de recettes émis par le comptable de l’ONIAM ne précise pas les bases de la liquidation de la créance réclamée et elle n’a donc pas été mise à même de discuter les bases de liquidation ; que de plus, l’origine transfusionnelle de la contamination ne peut être assurée avec certitude; qu’ainsi, l’expert ne se prononce pas de manière certaine sur l’origine transfusionnelle et le rapport d’expertise fait état du dossier médical de Madame [Y] et de documents probants, qui ne sont nullement fournis à la présente instance; que de surcroît, le génotype 3a retrouvé chez Madame [Y] n’est pas celui habituellement retrouvé chez les patients contaminés par voie transfusionnelle; que par ailleurs, l’ONIAM ne rapporte pas la preuve de l’administration de produits sanguins à la victime; qu’il ressort du rapport d’expertise communiqué que plusieurs produits sanguins ont été distribués, mais l’expert note seulement que le n°5007517 a été transfusé, or, le donneur à l’origine de ce produit a été revu en sérologie négative en juillet 2000; que dès lors, le seul culot dont il est démontré qu’il a été transfusé n’était pas contaminé et n’est donc pas à l’origine de la contamination de Madame [Y]; que de plus, l’expert précise que la prescription de produits sanguins semble justifiée mais il ne conclut pas que l’état de Madame [Y] nécessitait plus que le culot qui lui a été transfusé et dont le donneur est séronégatif; qu’en toute hypothèse, la demande de condamnation aux intérêts au taux légal avec capitalisation ne saurait aboutir puisque le concours de l’action juridictionnelle et de l’émission d’un titre est exclu.

En défense, dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 septembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, l’ONIAM demande au tribunal de :
A titre principal :
- constater le bien-fondé et la régularité formelle du titre exécutoire n° 2018-763 émis par l’ONIAM,
En conséquence,
- dire et juger qu’il est bien fondé à solliciter d’AXA FRANCE IARD la somme de 37.774 euros en remboursement des indemnisations versées en réparation des préjudices liés à la contamination par le VHC de Madame [S] [Y],
- débouter AXA FRANCE IARD de sa demande d’annulation du titre n° 2018-753 émis le 18 juillet 2018,
- débouter AXA FRANCE IARD de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
Subsidiairement :
- condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à lui régler la somme de 37.774 €,
En toute hypothèse :
- condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à payer les intérêts au taux légal sur la somme de 37.774 euros, à compter du 25 septembre 2018, avec capitalisation des intérêts par période annuelle à compter du 26 septembre 2019,
- condamner la compagnie AXA FRANCE IARD à lui verser une somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Il soutient que les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre doivent être examinés avant les moyens portant sur la régularité formelle de ce titre dans un objectif de bonne administration de la justice puisque l’annulation d’un titre pour vice de forme alors que son bien-fondé est confirmé donnera inévitablement lieu à l’émission d’un nouveau titre afin de répondre aux exigences de traçabilité de la Cour de comptes.
S’agissant de la légalité interne du titre, il soutient qu’ayant indemnisé la victime d’une contamination transfusionnelle par le VHC, il peut demander à êre garanti des sommes qu’i1 a versées par 1’assureur du CTS ayant fourni tout ou partie des produits sanguins administrés à la victime et dont l’innocuité n’a pas pu étre démontrée, à moins que le CTS démontre qu’il a fourni du sang non contaminé; qu’il peut bénéficier de la garantie des assureurs des centres de transfusions sanguines dès lors que le caractère transfusionnel de la contamination de la victime, que la preuve de l’indemnisation préalable de la victime par l’ONIAM et que la preuve que le centre de transfusion sanguine a fourni au moins un produit sanguin administré à la victime sont rapportés; qu’en effet, la matérialité des transfusions est attestée par le dossier transfusionnel de l’époque qui a été analysé par le docteur [X], expert désigné par ordonnance de référé; que contrairement à ce que soutient la société AXA FRANCE IARD, Madame [Y] a bénéficié de 1’administration de plusieurs produits sanguins à plusieurs moments différents les 19 et 21 février 1983 et le 1er mars 1983; quel’EFS n’a pas été en mesure de contrôler les donneurs à1’origine des produits administrés à Madame [Y], sauf pour la transfusion du 1er mars 1983 dont le donneur n’a pas été identifié comme porteur du VHC; qu’en outre, le docteur [X] a relevé que Madame [Y] ne présentait aucun autre facteur de risque que le facteur transfusionnel; que l’expert a expréssement conclu à l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [Y] en février 1983; que l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [Y] a été reconnue par l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du 16 mars 2017 ; que s’agissant de l’origine des produits, il est établi que ceux-ci ont bien été délivrés par le Centre régional de transfusion sanguine de [Localité 3]; que par ailleurs, il ressort également de l’enquête transfusionnelle de l’EFS que les deux donneurs, à l’origine du culot de globules rouges et du lot de plasma frais congelé transfusés à Madame [Y] au Centre hospitalier de [Localité 4] les 18 et le 19 février 1983, n’ont pas pu être contrôlés; qu’il ressort de la police n° 0 409 920 versée aux débats qu’à cette époque-là, le CRTS de [Localité 3] était assuré par la compagnie UAP, aux droits et obligations de laquelle vient la société AXA FRANCE IARD; qu’il verse aux débats l’attestation de paiement des sommes réclamées.
S’agissant de la légalité externe du titre, il soutient qu’il communique l’ordre à recouvrer signé par le Directeur de l’ONIAM, Monsieur [L]; qu’il a communiqué à l’appui du titre exécutoire l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 16 mars 2017, expréssement visé sur le titre.
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le titre serait annulé pour un motif de forme, il demande la condamnation de la compagnie AXA FRANCE IARD au paiement de la somme de 37.774 euros au titre des indemnités versées.
Il ajoute que la demande de condamnation au titre des intérêts légaux et de leur capitalisation trouve sa légitimité dans la sauvegarde des intérêts financiers de la solidarité nationale.
Il indique avoir informé la CPAM des [Localité 2] par courrier, afin que le jugement à intervenir lui soit déclaré opposable.

La procédure a été clôturée à la date du 12 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La société AXA sollicitant à titre principal l’annulation du titre exécutoire émis à son encontre, le tribunal examinera en premier lieu les critiques formulées à l’encontre de sa régularité externe.

Sur la régularité externe du titre exécutoire

S’agissant de la preuve de l’indemnisation préalable de la victime, l’ONIAM produit aux débats une attestation de paiement indiquant qu’a été réglée à [S] [Y] la somme de 41.934,75 euros le 20 avril 2017, ce qui n’est pas contesté par AXA.

- Sur la signature du titre

Aux termes de l’article L212-1 du Code des relations entre le public et l’administration toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur, ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.

La compagnie AXA soutient que l’avis de sommes à payer n° 763 est irrégulier en ce qu’il n’a pas été signé par son auteur.

L’ONIAM communique l’ordre à recouvrer signé par le Directeur de l’ONIAM, [H] [L], à l’appui duquel l’agent comptable a été en mesure d’émettre l’avis de sommes à payer.

Il est constant qu'en matière de titres exécutoires visant au recouvrement des créances des établissements publics administratifs, le titre de recette individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de la décision, et l'autorité administrative doit justifier en cas de contestation que le bordereau du titre de recettes comporte la signature de cet auteur.

En l'espèce, aucune signature ne figure sur l'avis des sommes à payer valant titre exécutoire n° 763. Cet avis mentionne en qualité d'ordonnateur « le Directeur de l'ONIAM Monsieur [H] [L] ».
L'ordre à recouvrer exécutoire correspondant émis à la même date et mentionnant un ordonnateur identique, dont l'avis des sommes à payer constitue une ampliation, est signé par le Directeur de l’ONIAM, [H] [L].
Il n'est pas discuté que cet ordre à recouvrer a été porté à la connaissance de la compagnie AXA dans le cadre de la présente procédure, l'ONIAM l'ayant communiqué aux fins de régularisation de l'absence de signature de l'avis des sommes à payer.
La compagnie AXA ne peut donc se prévaloir d'avoir ignoré l'identité de l'auteur de l'ordre à recouvrer, puisqu'il lui a été permis de connaître précisément son nom, son prénom et sa qualité.
La demanderesse ne verse aucune pièce aux débats de nature à établir une quelconque privation de la garantie d'identifier l'auteur d'un acte administratif, privation dont elle n'explicite pas les potentielles manifestations.

Il résulte de ces éléments que Monsieur [L] doit être considéré comme étant l’auteur de la décision contestée au sens de l’article L212-1 précité, dont l’objet est de permettre au public d’identifier les personnes ayant matériellement pris les décisions qui les concernent.

- Sur les bases de liquidation

La société AXA se prévaut encore d’une violation de l’article 24 du décret du 7 novembre 2012, lequel précise que toute créance liquidée faisant l’objet d’une déclaration ou d’un ordre à recouvrer indique les bases de sa liquidation.

Or la simple lecture de l’ordre à recouvrer permet de constater que celui-ci mentionne dans le libellé son objet : “CAA de Marseille du 16/03/2017 n° police 0409920 dossier Mme [Y] [S]”, et se réfère expressément aux dispositions de l’article L1221-14 du Code de la santé publique.
L’ONIAM a communiqué à l’appui de son titre exécutoire l’arrêt rendu par la Cour administrative d’appel de Marseille l’ayant condamné à indemniser Madame [Y].

La lecture de cette décision permet d’apprécier le montant des indemnités allouées.

La Cour administrative d’appel a en effet condamné l’ONIAM à payer à [S] [Y] la somme de 35.024 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2010 et capitalisation à compter du 13 décembre 2012, outre la somme de 750 euros au titre des frais d’expertise ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’article L. 761-1 du Code de justice administrative.

Il apparaît dans ces conditions que le titre exécutoire répond aux exigences de motivation en ce qu’il indique clairement de façon détaillée les bases de la liquidation des sommes exigées de la compagnie AXA.

Le titre exécutoire n’encourt donc aucun grief relativement à sa régularité externe. Les demandes en ce sens doivent donc être rejetées.

Sur la régularité interne du titre exécutoire

La compagnie AXA soutient que l’existence même de la créance n’est pas établie dans la mesure où la responsabilité de l’assuré n’est pas démontrée puisque l’ONIAM ne démontre pas l’origine transfusionnelle de la contamination, ni l’administration de produits sanguins à la victime.

L’article L1221-14 du Code de la santé publique dispose que “Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées au titre de la solidarité nationale par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4, à l'exception de la seconde phrase du premier alinéa.
Dans leur demande d'indemnisation, les victimes ou leurs ayants droit justifient de l'atteinte par le virus de l'hépatite B ou C ou le virus T-lymphotropique humain et des transfusions de produits sanguins ou des injections de médicaments dérivés du sang. L'office recherche les circonstances de la contamination. S'agissant des contaminations par le virus de l'hépatite C, cette recherche est réalisée notamment dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Il procède à toute investigation sans que puisse lui être opposé le secret professionnel.
L'offre d'indemnisation visant à la réparation intégrale des préjudices subis du fait de la contamination est faite à la victime dans les conditions fixées aux deuxième, troisième et cinquième alinéas de l'article L. 1142-17.
La victime dispose du droit d'action en justice contre l'office si sa demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans un délai de six mois à compter du jour où l'office reçoit la justification complète des préjudices ou si elle juge cette offre insuffisante.
La transaction à caractère définitif ou la décision juridictionnelle rendue sur l'action en justice prévue au précédent alinéa vaut désistement de toute action juridictionnelle en cours et rend irrecevable toute autre action juridictionnelle visant à la réparation des mêmes préjudices.
La transaction intervenue entre l'office et la victime, ou ses ayants droit, en application du présent article est opposable à l'assureur, sans que celui-ci puisse mettre en œuvre la clause de direction du procès éventuellement contenue dans les contrats d'assurance applicables, ou, le cas échéant, au responsable des dommages, sauf le droit pour ceux-ci de contester devant le juge le principe de la responsabilité ou le montant des sommes réclamées. L'office et l'Etablissement français du sang peuvent en outre obtenir le remboursement des frais d'expertise. Quelle que soit la décision du juge, le montant des indemnités allouées à la victime ou à ses ayants droit leur reste acquis.
Lorsque l'office a indemnisé une victime ou lorsque les tiers payeurs ont pris en charge des prestations mentionnées aux 1 à 3 de l'article 29 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, ils peuvent directement demander à être garantis des sommes qu'ils ont versées ou des prestations prises en charge par les assureurs des structures reprises par l'Etablissement français du sang en vertu du B de l'article 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire de produits destinés à l'homme, de l'article 60 de la loi de finances rectificative pour 2000 (n° 2000-1353 du 30 décembre 2000) et de l'article 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute.
L'office et les tiers payeurs, subrogés dans les droits de la victime, bénéficient dans le cadre de l'action mentionnée au septième alinéa du présent article de la présomption d'imputabilité dans les conditions prévues à l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. Les assureurs à l'égard desquels il est démontré que la structure qu'ils assurent a fourni au moins un produit sanguin labile ou médicament dérivé du sang, administré à la victime, et dont l'innocuité n'est pas démontrée, sont solidairement tenus de garantir l'office et les tiers payeurs pour l'ensemble des sommes versées et des prestations prises en charge.”
Par ailleurs l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative au droit des malades et à la qualité du système de santé précise qu’en “cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur.”

L’ONIAM verse aux débats le rapport du Docteur [X] suite à la mesure d’expertise ordonnée par le Président du Tribunal administratif de Marseille en référé, duquel il ressort qu’[S] [Y] a bénéficié de 1’administration de plusieurs produits sanguins les 19 et 21 février 1983 et le 1er mars 1983.
L’expert précise le numéro des produits transfusés, les dates de chacune des transfusion et la quantité transfusée, et que les produits ont bien été délivrés par le Centre de transfusion sanguine de [Localité 3].
La matérialité des transfusions est donc établie.
L’ONIAM rapporte également la preuve d’une couverture du CRTS de [Localité 3] par la société AXA durant la période de transfusion.

L’enquête transfusionnelle diligentée auprès de l’EFS a permis d’identifier le donneur correspondant à la transfusion du 1er mars 1983, comme non porteur du VHC, et n’a pas permis de contrôler les donneurs à l’origine des produits administrés les 19 et 21 février 1983.
Le docteur [X] a relevé par ailleurs que Madame [Y] ne présentait aucun autre facteur de risque que le facteur transfusionnel.

L’expert conclut à l’origine transfusionnelle de la contamination de Madame [Y] en février 1983, qui a été reconnue par l’arrêt de la Cour administrative d'appel de Marseille du16 mars 2017.

Dans le cadre de la présente instance, la société AXA n’apporte donc pas d’éléments pertinents pouvant remettre en cause l’origine transfusionnelle de la contamination ni l’origine des produits transfusés à Madame [Y]. Elle ne rapporte la preuve, qui lui incombe pour renverser la présomption légale instaurée au profit de la victime, de l’innocuité des produits fournis par son assuré, le CRTS de [Localité 3].

C’est donc en vain que la société AXA conteste son obligation de garantir les dommages causés par son assuré. Elle sera donc déboutée de l’intégralité de ses demandes.

Sur les intérêts

En application de l’article 1231-6 du Code civil les sommes mises la charge de la société AXA produiront intérêt au taux légal à compter du 25 septembre 2018, date de la requête d’AXA devant le Tribunal administratif de Montreuil, la société AXA ne justifiant pas d’un motif légitime pour ne pas avoir procédé au paiement de sa dette.Cette demande ne se heurte pas au principe du non cumul de l’action juridictionnelle et de l’émission d’un titre, dès lors que les intérêts réclamés au titre de l’action ne sont pas visés dans le titre.

Conformément à l’article 1343-2 du même code, les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront eux-mêmes des intérêts.

Sur les autres demandes

La compagnie AXA, qui succombe à l’instance, en supportera les dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l’ONIAM l'intégralité des frais irrépétibles qu’il a du exposer; la société AXA sera donc condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

Le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

Déboute la SA AXA FRANCE IARD de l’intégralité de ses demandes ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à l’ONIAM les intérêts au taux légal sur la somme mise à sa charge en vertu du titre exécutoire n°2018-753, émis le 18 juillet 2018, soit sur la somme de 37.774 euros, à compter du 25 septembre 2018;

Dit que les intérêts échus, dus pour au moins une année entière, produiront eux-mêmes des intérêts, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code civil ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD à payer à l’ONIAM la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SA AXA FRANCE IARD aux dépens, qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 28 MARS 2024.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/08536
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;22.08536 ?
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