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28/03/2024 | FRANCE | N°22/05146

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab b4, 28 mars 2024, 22/05146


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/05146 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z3XZ

AFFAIRE :

M. [U] [R] (Maître Grégoire LADOUARI de la SELARL MCL AVOCATS)
C/
S.A.S.U. RESIDENCE CHEVILLON (la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL)


Rapport oral préalablement fait


DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame

Sylvie PLAZA, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 28 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prono...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/05146 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z3XZ

AFFAIRE :

M. [U] [R] (Maître Grégoire LADOUARI de la SELARL MCL AVOCATS)
C/
S.A.S.U. RESIDENCE CHEVILLON (la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 08 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 28 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 28 Mars 2024

Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [U] [R], kinésithérapeute
né le 24 Mai 1955 à [Localité 6], de nationalité française
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître Grégoire LADOUARI de la SELARL MCL AVOCATS, avocats au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

La société RESIDENCE CHEVILLON (S.A.S.U.)
Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° 343 908 356
dont le siège social est sis [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Renaud PALACCI de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, avocats au barreau de MARSEILLE

La société CLINEO (S.A.S.)
Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° 523 250 488
dont le siège social est sis [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Renaud PALACCI de la SELARL AVOCATS JURIS CONSEIL, avocats au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE :

Le 1er avril 1981, Monsieur [U] [R], masseur kinésithérapeute de profession, a signé avec Madame [E] [I], en sa qualité de gérante de la maison de retraite dite « [5] », sise [Adresse 1], un contrat d'exercice au sein de cette maison de retraite.
Le contrat a été conclu pour une durée de quinze ans, soit jusqu'au 1er avril 1996.

Le contrat prévoyait notamment en son article 5 le versement par Monsieur [U] [R] d'une somme de 100.000 francs à la direction de la maison de retraite.

Par avenant du 2 janvier 1988, le docteur [B] [M], ès qualité de gérant de la société à responsabilité limitée RESIDENCE CHEVILLON, a convenu de prolonger l'accord passé avec Monsieur [U] [R] pour une durée de trente ans à compter du 1er janvier 1996.

A compter du 17 novembre 2019, Monsieur [U] [R] s'est déclaré en arrêt de travail pour raisons de santé.

Par courrier du 26 mai 2021 adressé à Monsieur [Z] [Y], ès qualité de gérant et associé unique de la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON, Monsieur [U] [R] a indiqué souhaiter mettre fin au contrat du 1er avril 1981. Il a sollicité la restitution de la somme de 100.000 francs visée à l'article 5 du contrat.

Par deux courriers successifs, Monsieur [Z] [Y] (écrivant sous l'enseigne SAS NEOS) a refusé ce versement à Monsieur [U] [R]. Ce refus a été motivé, selon Monsieur [Y], d'une part en ce qu'il ne résulterait pas des éléments comptables de la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON qu'elle aurait effectivement reçu le versement des 100.000 francs, d'autre part, au motif que le contrat du 1er avril 1981 n'aurait pas été conclu avec la société RESIDENCE CHEVILLON, qui ne serait donc pas obligée par les termes et stipulations de celui-ci.

Les parties n'étant pas parvenues à un accord amiable, par actes d’huissier en date des 14 avril 2022 et 18 mai 2022, Monsieur [U] [R] a assigné la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON et la société par actions simplifiée CLINEO devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de les condamner solidairement à lui verser la somme de 39.066,44 €.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 11 avril 2023, au visa des articles 1103, 1104, 1217, 1231-1 et 1231-2 du code civil, Monsieur [U] [R] sollicite de voir :

- débouter la société SASU RESIDENCE CHEVILLON et la société SAS CLINEO de l’intégralité de leurs demandes et prétentions ;
- condamner solidairement la société SASU RESIDENCE CHEVILLON et la société SAS CLINEO à lui allouer la somme de 39.066,44 euros, correspondant à la restitution de la somme versée au titre de la conclusion du contrat d’exercice du 1er avril 1981 ;
- condamner solidairement la société SASU RESIDENCE CHEVILLON et la société SAS CLINEO à lui allouer la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de son obligation de bonne foi contractuelle ;
- condamner solidairement la société SASU RESIDENCE CHEVILLON et la société SAS CLINEO à lui allouer la somme de 2.500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner solidairement la société SASU RESIDENCE CHEVILLON et la société SAS CLINEO aux entiers dépens de l’instance ;

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [U] [R] affirme que l'article 17 du contrat initial prévoyait que la société gérant la résidence reprenait à son compte les engagements passés par la direction de celle-ci. La société RESIDENCE CHEVILLON, qui exploitait la résidence, était donc engagée par ce contrat. En outre, le contrat a été « prorogé » par « avenant » en 1991 par le gérant de la société RESIDENCE CHEVILLON : cette prorogation est donc bien la preuve que le contrat initial engageait déjà cette société.
Le demandeur ne détient plus d'éléments bancaires quant à l'effectivité de son dépôt en 1981. Toutefois, le docteur [M], lors de la prorogation de 1981, confirme à Monsieur [U] [R], qu'en cas de départ, « la caution due sera restituée » : il y a là preuve du versement.
La somme déposée ne consiste pas en un droit d'entrée. Il s'agit d'un dépôt de garantie, destiné à couvrir les conséquences financières éventuelles pour l'établissement des manquements du praticien à ses obligations. En ce qu'il s'agit d'un dépôt de garantie, il doit être restitué à l'issue du contrat.
Les cas de restitution ne sont pas limités par l'article 7 du contrat comme l'affirment les défenderesses : l'article 13 prévoit la restitution en cas d'invalidité du praticien.
La RESIDENCE CHEVILLON ne peut ignorer l'ensemble de ces éléments. Elle connaît la situation de santé de Monsieur [U] [R]. La mauvaise foi de cet établissement dans l'exécution de ses obligations contractuelles justifie, outre la restitution de la somme, l'allocation de dommages et intérêts.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 2 juin 2023, au visa des articles 1103, 1104 et suivants et 1231-1 du code civil, la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON et la société par actions simplifiée CLINEO sollicitent de voir :

- mettre purement et simplement hors de cause la société CLINEO ;
- débouter Monsieur [U] [R] de sa demande de restitution de la somme de 39.066,44 € réévaluée, à l’égard de CLINEO et RESIDENCE CHEVILLON ;
- débouter Monsieur [U] [R] de sa demande de paiement de la somme de 2.500 € à titre de dommages et intérêts, pour non respect de l’obligation de bonne foi contractuelle ;
- débouter Monsieur [U] [R] de sa demande de paiement de la somme de 2.500 €, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [U] [R] au paiement de la somme de 5.000 € à la société CLINEO à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, et de la somme de 5.000 € à la société RESIDENCE CHEVILLON, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- condamner Monsieur [U] [R] au paiement de la somme de 4.000 € à la société CLINEO, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile à la société RESIDENCE CHEVILLON, ainsi qu’aux entiers dépens ;
- dire n’y avoir lieu a écarter l’exécution provisoire sur les demandes reconventionnelles.

Au soutien de leurs prétentions, la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON et la société par actions simplifiée CLINEO font valoir que la société CLINEO n'apparaît à aucun moment dans la chaîne contractuelle. Elle doit être mise hors de cause.
Par ailleurs, le contrat du 1er avril 1981 n'a pas été signé par la société RESIDENCE CHEVILLON : les prétentions dirigées contre elle doivent également être rejetées.

Au demeurant, les 100.000 francs visés par le contrat étaient constitutifs d'un droit d'entrée pour le praticien. Il n'avait pas vocation à être restitué si le contrat se poursuivait jusqu'à son terme, ce qui a été le cas. C'est l'exécution du contrat qui a constitué une contrepartie au versement de ce droit d'entrée. C'est en ce sens qu'il convient de lire l'article 5, en l'éclairant par les stipulations de l'article 6 : la direction s'engage à restituer la somme, si elle ne peut mener le contrat à son terme. Le contrat stipule d'ailleurs que la somme sera remise au docteur [M] « qui en usera selon son jugement au mieux des besoins de l'établissement ». Le contrat ne vise que trois cas de restitution, à son article 7 : aucun des trois n'est caractérisé en l'espèce.
Aucun des courriers versés aux débats par le demandeur ne corrobore réellement sa thèse : ils sont soit trop vagues, soit sont parfaitement compatibles avec l'interprétation selon laquelle, la somme de 100.000 francs ne devait être restituée que dans le cas où Monsieur [U] [R] aurait quitté l'établissement, avant l'issue du premier contrat, entre 1981 et 1996.
Le demandeur étant mal fondé en ses prétentions, sa demande au titre de la résistance abusive ne saurait prospérer, en ce que les défenderesses se défendent de bonne foi. Et a fortiori, le demandeur fait preuve de mauvaise foi en interprétant de manière erronée un contrat pour tenter d'obtenir, quarante ans après, la restitution d'une somme qui ne lui est pas due. Il devra être condamné à verser aux défenderesses une indemnisation au titre de sa procédure abusive.

Dans un souci de lisibilité du jugement, les mentions du dispositif des conclusions demandant au tribunal de donner acte, constater, dire, dire et juger, rappeler qui ne s'analyseraient pas comme des demandes au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais comme des moyens n'appelant pas de décision spécifique n'ont pas été rappelées dans l'exposé des demandes des parties.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur les prétentions dirigées contre la société CLINEO :

Monsieur [U] [R] ne motive pas dans ses conclusions à quel titre la société CLINEO, qui n'a jamais été partie aux relations contractuelles, lui serait redevable au titre des contrats qu'il invoque.

Il en sera donc débouté.

Sur la demande de restitution :

A titre préliminaire, il convient d'examiner le moyen de la société RESIDENCE CHEVILLON selon lequel, elle ne serait pas partie au contrat du 1er avril 1981.

Il y a d'abord lieu de relever que le contrat est signé par la gérante de la maison de retraite dite « [5] », mais que celle-ci est située [Adresse 7]. Or, une maison de retraite n'est pas une personne morale : c'est un bâtiment, une structure matérielle.
Le contrat du 1er avril 1981 n'engage donc pas Monsieur [U] [R] avec une personne morale distincte de la société RESIDENCE CHEVILLON : c'est simplement que ce contrat n'identifie pas la personne morale cocontractante de Monsieur [U] [R]. La cocontractante est uniquement désignée par le lieu de son activité : la maison de retraite sise [Adresse 7]. La raison sociale de cette personne morale n'est pas indiquée.

Il n'en demeure pas moins que c'est bien avec la personne morale gérant la maison de retraite que le demandeur passe contrat. L'article 5 vise d'ailleurs l'usage de fonds « au mieux de l'objet social de l'établissement » : cette notion d'objet social ne peut s'entendre qu'à l'égard d'une personne morale, certes pas nommée directement dans le contrat.
Or, c'est bien de cette même maison de retraite dont il est question dans le courrier du 2 janvier 1988 du docteur [M] agissant ès qualité de gérant de la société RESIDENCE CHEVILLON, partie à la présente procédure. L'avenant du 2 janvier 1988 évoque d'ailleurs la prolongation du contrat initial.

Aussi, le Tribunal retiendra que le contrat du 1er avril 1981, tel qu'évoqué par l'avenant du 2 janvier 1988, s'applique dans les relations entre Monsieur [U] [R] et la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON.

S'agissant maintenant de la somme de 100.000 francs (désormais réclamée à hauteur de 39.066,44 € au titre de l'érosion monétaire selon le demandeur) à proprement parler, il convient de relever que si, dans ses courriers initiaux antérieurs à l'action en justice, la société RESIDENCE CHEVILLON niait la remise même de cette somme, tel n'est plus réellement le cas au terme de ses dernières conclusions.
Le courrier du docteur [M] du 2 septembre 1991, gérant à cette date de la société RESIDENCE CHEVILLON, en évoquant l'éventualité d'une restitution de la « caution » (sic), rapporte d'ailleurs suffisamment la preuve que cette somme avait été préalablement remise.

Les parties sont en désaccord sur la qualification qu'il convient de donner à cette remise de fonds : dépôt de garantie ou bien droit d'entrée.
Toutefois, cette question d'une qualification juridique précise est sans intérêt en l'espèce, dès lors que la seule lecture du contrat litigieux permet au Tribunal de déterminer le sort à donner à cette somme. La qualification juridique en matière de droit civil n'a d'intérêt qu'en matière de dispositions d'ordre public, dérogeant au contrat, ou lorsque le contrat est taisant et que la qualification permet d'y appliquer les suites prévues par le code civil, à titre supplétif de volonté. Or, ici, le contrat est explicite et ne stipule pas en matière d'ordre public. C'est donc le sens du contrat, et non pas une qualification juridique abstraite, qu'il convient d'examiner.

En effet, les articles 1, 2, 3 et 4 du contrat prévoient que l'établissement laisse Monsieur [U] [R] exercer sa profession en son sein, qu'il devienne le consultant de l'établissement sur ce point et qu'il bénéficie d'une clause de non concurrence, la maison de retraite s'engageant à ne pas avoir recours à un autre praticien que Monsieur [U] [R].

Or, l'article 5 du contrat, cœur du litige, stipule : « en contrepartie de ce qui est dit aux articles 1 à 4, le praticien soussigné verse une somme de 100.000 francs à la direction, qui l'utilisera comme elle l'entend et uniquement au mieux de l'objet social de l'établissement. »

Il est donc d'ores et déjà clair, à la lecture de ce texte, que la somme visée a vocation, non pas à être conservée par la maison de retraite pour restitution ultérieure, mais à être utilisée (et donc dépensée) par la direction. Il est également clair que cette somme est une contrepartie aux avantages accordés accordés au demandeur dans le contrat. Ces points résultent de la seule lecture du texte, sans qu'il soit besoin de plus ample qualification, puisque les stipulations sont explicites.

L'article 6 est également explicite et va dans le même sens : il stipule que si la direction ne pouvait mener à son terme cette opération, pour quelque raison que ce soit, elle devrait restituer les sommes perçues. C'est donc bien dans le cas où la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON ne remplirait pas ses obligations des articles 1 à 4, que la somme devrait être restituée, de sorte que les 100.000 francs sont une contrepartie qui n'a pas à être restituée, si la défenderesse remplit ses obligations.

Or, le demandeur n'allègue pas ni ne démontre que la maison de retraite n'aurait pas rempli ses obligations à son égard, entre 1981 et 1996.

C'est certes à juste titre que le demandeur invoque les articles 7 et 13 de ce même contrat, qui évoquent des cas de restitution. Il convient toutefois de les examiner. Quant à l'article 7, il prévoit trois cas de restitution :
- au terme normal du contrat d'exercice, si celui-ci n'a pas été renouvelé ;
- lorsque le praticien aura commis une faute grave ;
- lorsque le praticien soussigné sera dans l'impossibilité d'exercer la profession en raison d'une mesure disciplinaire de radiation ou de suspension.

Contrairement à ce qu'indique Monsieur [U] [R], il y a ici la preuve que la somme remise n'était pas destinée à compenser ses fautes éventuelles : au contraire, l'article 7 prévoit qu'en cas de commission d'une pareille faute, la somme n'aurait pas dû être conservée par la direction de la maison de retraite, mais aurait dû être restituée à Monsieur [U] [R]. En tout état de cause, il n'est pas allégué qu'il y aurait eu faute de Monsieur [U] [R].

Il n'y pas eu de mesure disciplinaire à l'égard de Monsieur [U] [R] durant le contrat.

Troisièmement, l'article 7 du contrat prévoit la restitution de la somme à l'issue du contrat, s'il n'a pas été renouvelé. Or, le demandeur produit lui-même aux débats un courrier du docteur [M] de 1988 renouvelant le contrat pour trente ans. Il n'y a donc pas lieu à restitution de ce chef. Là encore, le contrat révèle une notion de contrepartie : Monsieur [U] [R] avait un « droit » implicite au renouvellement, sauf pour la maison de retraite à lui restituer la somme de 100.000 francs. A contrario, en cas de renouvellement, Monsieur [U] [R] avait alors reçu l'ensemble des contreparties prévues au contrat.

Quant à l'article 13, il prévoit la restitution de la somme en cas d'invalidité « partielle, permanente, absolue ». Il convient de rappeler qu'au titre de l'article 1161 du code civil, dans sa rédaction à la date du 1er avril 1981, « toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier. » Il convient alors de relever que toutes les clauses du contrat, déjà rappelées plus haut, tendent à faire de la somme de 100.000 francs, la contrepartie de la bonne jouissance par Monsieur [U] [R] de la situation que doit lui garantir l'établissement, situation visée aux articles 1 à 4 : exercice au sein de la structure, situation de monopole via clause de non concurrence, rôle de consultant, droit à un renouvellement... Et toutes les clauses sur la restitution des sommes visent, sans ambigüité, les différents motifs pour lesquels l'établissement ne pourrait pas être en mesure, au cours du premier contrat, de garantir cette situation de manière pérenne à Monsieur [U] [R] : en cas de choix de non renouvellement, en cas d'inaptitude de Monsieur [U] [R] à exercer son art en raison d'une sanction disciplinaire, en cas de faute grave du praticien mettant un terme à la bonne entente contractuelle, en cas de rupture anticipée du contrat...

L'article 13, sous cet angle, n'apparaît donc que comme une illustration particulière du principe général posé à l'article 6 : si, en cours du premier contrat, le praticien n'était plus en mesure de se maintenir (pour cause d'invalidité), alors la somme de 100.000 francs lui serait restituée.

L'article 13 n'apparaît donc pas de nature à permettre à Monsieur [U] [R] de solliciter une restitution, alors que le contrat a, d'une part, été parfaitement exécuté entre 1981 et 1996 (du moins sa bonne exécution par la société RESIDENCE CHEVILLON n'est pas contestée par le demandeur), d'autre part, a déjà été renouvelé, sauf à contredire les stipulations de l'article 7 et, plus largement, à contredire le sens qui résulte de l'ensemble des stipulations du contrat telles que rappelées ci-dessus.

Le demandeur évoque également le courrier du 2 septembre 1991 du docteur [M] parlant de la restitution de la « caution » (sic). Toutefois, il convient de relever un aspect chronologique.
Le contrat initial avait été conclu pour quinze ans et ce en 1981. Dès lors, en 1991, cinq ans demeuraient à courir pour l'exécution du premier contrat, avant même la prise d'effet du renouvellement. Ce renouvellement avait certes été stipulé dès 1988, mais à effet au 1er avril 1996.

L'hypothèse qu'un des évènements prévus aux articles 6, 7 et 13 survienne et mette fin de manière anticipée à la première relation contractuelle était donc tout à fait envisageable, sans contredire pour autant l'absence de droit à restitution une fois le contrat renouvelé, c'est-à-dire à partir du 1er avril 1996.

Enfin, à titre conclusif, l'attestation de Madame [F] [P] n'évoque absolument pas, contrairement à ce que prétend Monsieur [U] [R], une dette de restitution de la société RESIDENCE CHEVILLON à son égard.

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'à compter du renouvellement du 1er avril 1996, Monsieur [U] [R] a perdu son droit à restitution de la somme de 100.000 francs déposée entre les mains de la personne morale gérant la maison de retraite du [Adresse 1] (désormais société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON). Monsieur [U] [R] sera donc débouté de sa prétention à la somme de 39.066,44 €.

Sur le non-respect de l'exigence de bonne foi contractuelle :

Non seulement Monsieur [U] [R] est mal fondé en ses prétentions mais en outre, il s'abstient en totalité d'expliquer ou de démontrer la réalité du préjudice dont il demande l'indemnisation. Il sera débouté de cette demande.

Sur la procédure abusive :

Il résulte de l'article 30 du code de procédure civile ainsi que de l'article 1240 du code civil que l’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

Il incombe à la partie qui entend solliciter une indemnisation sur le fondement de la procédure abusive de démontre l'abus par la partie demanderesse de son droit d'agir, de démontrer également le préjudice que la partie défenderesse a subi et de démontrer que ce préjudice a été causé par l'abus.

En l'espèce, les défenderesses s'abstiennent d'expliquer la nature ou le quantum du prétendu préjudice à hauteur de 5.000 € qu'elles auraient subi, du fait de l'action en justice de Monsieur [U] [R]. Elles seront donc déboutées de leur prétention de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il y a lieu de condamner Monsieur [U] [R], débouté de ses demandes, aux entiers dépens.

Il y a lieu de condamner Monsieur [U] [R] à verser à la société par actions simplifiée CLINEO la somme de 1.500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a lieu de condamner Monsieur [U] [R] à verser à la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON la somme de 1.500 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. »

La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

DEBOUTE Monsieur [U] [R] de ses prétentions dirigées contre la société par actions simplifiée CLINEO ;

DEBOUTE Monsieur [U] [R] de sa prétention à la somme de 39.066,44 € ;

DEBOUTE Monsieur [U] [R] de sa prétention à la somme de 2.500 € au titre de la mauvaise foi contractuelle ;

DEBOUTE la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON et la société par actions simplifiée CLINEO de leurs prétentions au titre de l'action abusive ;

CONDAMNE Monsieur [U] [R] aux entiers dépens ;

CONDAMNE Monsieur [U] [R] à verser à la société par actions simplifiée CLINEO la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [U] [R] à verser à la société par actions simplifiée unipersonnelle RESIDENCE CHEVILLON la somme de mille cinq cents euros (1.500 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab b4
Numéro d'arrêt : 22/05146
Date de la décision : 28/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-28;22.05146 ?
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