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26/03/2024 | FRANCE | N°20/02883

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 26 mars 2024, 20/02883


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]


JUGEMENT N°24/01441 du 26 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02883 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YD3X

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [R] [L]
né le 10 Mars 1963 à [Localité 7] (LOIRE ATLANTIQUE)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Me Sylvain PONTIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Amélie BRADI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Commune VILLE D

E [Localité 3]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Claude BENSA, avocat au barreau de MARSEILLE substitué ...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/01441 du 26 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02883 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YD3X

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [R] [L]
né le 10 Mars 1963 à [Localité 7] (LOIRE ATLANTIQUE)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Me Sylvain PONTIER, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Amélie BRADI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Commune VILLE DE [Localité 3]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 1]
représentée par Me Jean-Claude BENSA, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Andréa PEREZ, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 3]
représentée par Madame [T] [H] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir spécial

DÉBATS : À l'audience publique du 31 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : CAVALLARO Brigitte
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 26 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

M. [R] [L] était embauché comme vacataire par la Ville de [Localité 3] pour les mois de juin, juillet et août 2005 en qualité de surveillant et sauveteur aquatique sur la plage [Adresse 6]. Le 15 août 2015 vers 18 heures, ce dernier était victime d'un accident du travail à la suite d'une explosion du local de secours dans lequel se trouvait une réserve d'essence. M. [R] [L] était grièvement brulé ayant nécessité des autogreffes sur les membres avec des séquelles importantes.

Le 26 août 2005, la caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches-du-Rhône a reconnu le caractère professionnel de l'accident et M. [R] [L] était consolidé le 20 janvier 2009.

Parallèlement, une procédure pénale était ouverte par le biais d'une information judiciaire pour des faits de mise en danger d'autrui et de blessures involontaires ayant entrainé une ITT de plus de 3 mois dans le cadre du travail. M. [A] [V], policier et chef de poste de la plage [Adresse 6], était renvoyé devant le tribunal correctionnel de Marseille qui le relaxait dans son jugement du 27 mai 2020. Cependant, le renvoi de l'affaire sur intérêts civils était ordonné par le tribunal comme cela est envisageable en matière de délit non intentionnel à l'audience civile de la 6ème chambre à l'audience du 5 février 2021 à 8h30 et cela à la demande de la partie civile.

Par requête du18 novembre 2020, M. [R] [L], par l'intermédiaire de son conseil, saisissait le pôle social en reconnaissance d'une faute inexcusable de son employeur, à savoir la Ville de [Localité 3].

L'affaire était appelée à l'audience du 31 janvier 2024

M. [R] [L], représentait par son conseil, demandait au tribunal:
d'écarter les fins de non-recevoir de la Ville de [Localité 3] (péremption, prescription et autorité de la chose jugée) ;de juger que la Ville de [Localité 3] a commis une faute inexcusable ;de fixer l'indemnisation globale de M. [R] [L] à 416.868,43 euros ;d'ordonner la majoration au maximum de la versée M. [R] [L] par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;de déclarer le jugement commun opposable à la CPCAM des Bouches-du-Rhône ;de condamner la Ville de [Localité 3] à la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La Ville de [Localité 3], représenté par son conseil, demandait au tribunal :
de prononcer la péremption d'instance, la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, et l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ;de débouter M. [R] [L] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la Ville de [Localité 3] ;à titre subsidiaire, de l'absence de justificatifs concernant la perte de chance d'une chance de promotion professionnelle, de la perte des années de cotisation, de l'ensemble de ses demandes au titre de la perte d'un chance ;de condamner M. [R] [L] au paiement d'une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La CPCAM des Bouches-du-Rhône soutient oralement que la prescription n'est pas acquise et, sur le fond, s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

Pour un exposé plus ample des moyens, le tribunal se réfère expressément aux écritures soutenues oralement conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire est mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la péremption de l'instance

L'article R.142-10-10 du code de la sécurité sociale dispose que " l'instance est périmée lorsque les parties s'abstiennent d'accomplir, pendant le délai de deux ans mentionné à l'article 386 du code de procédure civile, les diligences qui ont été expressément mises à leur charge par la juridiction. La péremption peut être demandée par l'une quelconque des parties. Le juge peut la constater d'office après avoir invité les parties à présenter leurs observations ".

Conformément au III de l'article 9 du décret n° 2019-1506 du 30 décembre 2019, ces dispositions sont applicables à compter du 1er janvier 2020, y compris aux péremptions non constatées à cette date.

En l'espèce, la Ville de [Localité 3] soutient que l'instance est frappée de péremption dès lors qu'un délai supérieur à deux ans s'est écoulé depuis l'enregistrement de la requête de M. [R] [L] au 24 novembre 2020.

Il ressort des dispositions précédemment citées que le point de départ à partir duquel le délai de péremption de deux ans commence à courir est la date à laquelle la juridiction a expressément mis des diligences à la charge des parties.

Or, aucune diligence n'ayant été mise à la charge des parties par la juridiction, de sorte que le délai de péremption de deux ans n'a jamais commencé à courir.

Par conséquent, il sera considéré que l'instance n'est pas périmée et la Ville de [Localité 3] sera déboutée de sa demande sur ce point.

Sur la prescription

En matière de faute inexcusable, la prescription biennale résulte de la combinaison des articles L. 431-2, L. 461-1 et L. 461-5 du code de sécurité sociale.

Aux termes de l'article L. 431-2, " Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :
1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ;
2°) dans les cas prévus respectivement au premier alinéa de l'article L. 443-1 et à l'article L. 443-2, de la date de la première constatation par le médecin traitant de la modification survenue dans l'état de la victime, sous réserve, en cas de contestation, de l'avis émis par l'expert ou de la date de cessation du paiement de l'indemnité journalière allouée en raison de la rechute ;
3°) du jour du décès de la victime en ce qui concerne la demande en révision prévue au troisième alinéa de l'article L. 443-1 ;
4°) de la date de la guérison ou de la consolidation de la blessure pour un détenu exécutant un travail pénal ou un pupille de l'éducation surveillée dans le cas où la victime n'a pas droit aux indemnités journalières.
L'action des praticiens, pharmaciens, auxiliaires médicaux, fournisseurs et établissements pour les prestations mentionnées à l'article L. 431-1 se prescrit par deux ans à compter soit de l'exécution de l'acte, soit de la délivrance de la fourniture, soit de la date à laquelle la victime a quitté l'établissement.
Cette prescription est également applicable, à compter du paiement des prestations entre les mains du bénéficiaire, à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement des prestations indûment payées, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration.
Les prescriptions prévues aux trois alinéas précédents sont soumises aux règles de droit commun.
Toutefois, en cas d'accident susceptible d'entraîner la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la prescription de deux ans opposable aux demandes d'indemnisation complémentaire visée aux articles L. 452-1 et suivants est interrompue par l'exercice de l'action pénale engagée pour les mêmes faits ou de l'action en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident ".

En application des dispositions du dernier alinéa de l'article précité, le délai de prescription de l'action du salarié pour faute inexcusable de l'employeur ne peut commencer à courir qu'à compter de la date de consolidation de M. [R] [L] fixée au 20 janvier 2009. Il est relevé que de nombreux actes d'enquêtes sont intervenus avant cette date sous l'autorité du procureur de la République et du juge d'instruction et que le délai de prescription n'a recommencé à courir à compter du jugement définitif du 27 mai 2020 du tribunal correctionnel de Marseille.

La requête pour faute inexcusable du 18 novembre 2020 de M. [R] [L] répond aux conditions fixées par l'article L. 432-1 du code de sécurité sociale et l'action n'est pas prescrite.

Il y a lieu par conséquent de déclarer recevable à ce titre l'action en reconnaissance de faute inexcusable de M. [R] [L].

Sur l'autorité de la chose jugée résultant de la relaxe de M. [A] [V]

La Ville de [Localité 3] estime que le jugement de relaxe prononcé par le tribunal correctionnel de Marseille du 27 mai 2020 a autorité de la chose jugée sur le civil.

L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité.

Il n'aura pas échappé à la Ville de [Localité 3] qu'elle n'a fait l'objet d'aucune décision pénale de relaxe et encore moins un renvoi devant le tribunal correctionnel. Il est fait état d'un non-lieu à son égard par le magistrat instructeur dont l'ordonnance n'est pas communiquée à la présente instance.

En l'absence d'identité de parties à l'audience correctionnelle, il y a lieu de rejeter l'argument de la Ville de [Localité 3] en observant que l'instance sur le plan civil n'était pas close par ce jugement correctionnel, l'affaire ayant été renvoyée sur intérêts civil à l'audience sur intérêts civils du 5 février 2021 à 8h30, la responsabilité pénale et la responsabilité civile étant dissociées s'agissant d'infraction non intentionnelle conformément aux dispositions de l'article 470-1 du code de procédure pénale. Le tribunal ignore si des dommages et intérêts ont été accordés dans le cadre de cette audience.

L'argument de la Ville de [Localité 3] est rejeté sur ce motif.

Sur la faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie (de l'accident) du salarié. Il suffit qu'elle en soit la cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage.

Il incombe enfin au demandeur de rapporter la preuve que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié en démontrant l'existence d'un manquement à son obligation de sécurité, de la conscience de ce manquement et de l'absence de diligences pour pallier à ce manquement

En l'espèce, il apparaît qu'il était stocké dans le cabanon servant de poste de surveillance cinq bouteilles d'oxygène médical, une bouteille de gaz alimentant le réfrigérateur et des jerricanes d'essence comme l'a constaté M. [J], pompier et nageur sauveteur intervenu le jour de l'accident. Il est établi que le réfrigérateur fonctionné avec une flamme isolée et permanente à défaut d'électricité sur le poste de secours. Selon l'enquête pénale, l'essence était entreposée la nuit dans le cabanon pour éviter les vols. La présence de carburant à proximité de ce réfrigérateur au gaz constitue incontestablement un manquement à une obligation de sécurité pesant sur l'employeur conformément aux dispositions des articles L. 4121-1 et suivants du code du travail.

M. [R] [L] considère que la Ville de [Localité 3] avait parfaitement conscience du stockage de l'essence à proximité du réfrigérateur à gaz en se fondant sur le jugement correctionnel faisant état de la transmission de cette information depuis des années à la Ville de [Localité 3] par M. [N] [C], fonctionnaire de police nationale et supérieur hiérarchique de M. [A] [V].

Cependant, cette remontée d'information de stockage de l'essence dans le cabanon n'est confirmée par aucun responsable de la Ville de [Localité 3] que ce soit M. [X], placé sous le statut de témoin assisté dans l'instruction pénale, Mme [W], ingénieur à la direction territoriale, M. [Y], responsable de la sécurité et de la prévention des conditions de travail, ou encore Mme [F], technicienne de la direction territoriale. De plus, M. [A] [V] reconnaissait qu'il ne consignait pas ce stockage d'essence dans la main courante qu'il tenait à la disposition de son supérieur hiérarchique à savoir M. [N] [C]. Enfin, ce dernier, en tant que chef de l'USPL (division de la police en charge de la surveillance des plages et du littoral), demandait chaque année à la fin de chaque saison un rapport technique global à chaque chef de poste sur les demandes d'améliorations et relevant les problèmes de sécurité. Il ajoutait personnellement des annotations à ces rapports en fonction des dysfonctionnements constatés. Le rapport établi au titre de l'année 2004 ne fait état d'aucune problématique de stockage sur l'essence sur le poste de secours [Adresse 6] (D 128 de l'ordonnance de renvoi du juge d'instruction non transmise au tribunal). Dans le rapport de l'année 2005 établi en fin de saison sans doute postérieurement à l'accident du 15 août 2005, il est fait mention de problèmes de sécurité (électricité, eau et carburant D 142). Le rapport 2004 établi à la fin de la saison est en contradiction avec les déclarations de M. [N] [C].

M. [R] [L] ne rapporte nullement la preuve que son employeur, la Ville de [Localité 3], avait été informée du stockage de l'essence à proximité du réfrigérateur à gaz dans le cabanon de la plage [Adresse 6] et donc que cette dernière avait conscience du risque encourue.

En conséquence, M. [R] [L] sera débouté de son recours, de ses demandes et prétentions.

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [R] [L] est condamné aux dépens conformément aux dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, après en avoir délibéré, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE recevable en la forme le recours de M. [R] [L] comme n'étant ni périmé ni prescrit ni soumis à l'autorité de la chose jugée ;

DÉBOUTE M. [R] [L] de son action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, la Ville de [Localité 3] ;

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [R] [L] aux dépens conformément de l'article 696 du code de procédure civile ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/02883
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;20.02883 ?
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