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26/03/2024 | FRANCE | N°20/02762

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 26 mars 2024, 20/02762


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Adresse 12]


JUGEMENT N°24/01440 du 26 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02762 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YB7E

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Madame [G] [Z] veuve [M]
née le 27 Janvier 1938 à [Localité 13] (HAUTE-CORSE)
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [F] [M]
né le 27 Juin 1964 à [Localité 16]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représenté pa

r Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [U] [M] épouse [A]
née le 13 Novembre 1965 à [Localité 16]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Adresse 12]

JUGEMENT N°24/01440 du 26 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02762 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YB7E

AFFAIRE :
DEMANDEURS
Madame [G] [Z] veuve [M]
née le 27 Janvier 1938 à [Localité 13] (HAUTE-CORSE)
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [F] [M]
né le 27 Juin 1964 à [Localité 16]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [U] [M] épouse [A]
née le 13 Novembre 1965 à [Localité 16]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [S] [M]
né le 06 Janvier 1972 à [Localité 16]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Adresse 14]
comparant en personne assisté de Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [D] [M]
née le 30 Décembre 1986 à [Localité 16]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [B] [M]
né le 14 Décembre 1989 à [Localité 16]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [V] [M]
né le 28 Décembre 1991 à [Localité 16]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [R] [M]
né le 13 Août 1993 à [Localité 16]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [C] [M]
née le 18 Novembre 1997 à [Localité 16]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Julie ANDREU, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
S.C.P. [15], mandataire de la société [8]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
non comparante, ni représentée

Appelés en la cause:
Organisme CPCAM DES [Localité 11]
[Localité 16]
comparante en personne

Organisme FIVA
[Adresse 17]
[Adresse 17]
[Adresse 17]
représentée par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Jean-Baptiste LE MORVAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

DÉBATS : À l'audience publique du 31 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : CAVALLARO Brigitte
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 26 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

réputé contradictoire et en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [T] [M] a travaillé en qualité de tourneur, puis en fin de carrière de contremaître, pour la société [8] (ci-après [8]) du 30 juillet 1979 au 25 mai 1997.

Il lui a été diagnostiqué un mésothéliome provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante qui a été pris en charge par la caisse primaire centrale d'assurance maladie (ci-après CPCAM) des [Localité 11] au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles le 29 mars 2018. Par décision du 22 juin 2018, la CPCAM des [Localité 10] lui a attribué une rente sur la base d'un taux d'IPP fixé à 100 %.

Une demande d'indemnisation auprès du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (ci-après FIVA) a été déposé le 22 mars 2018 par Monsieur [T] [M], demande à laquelle le FIVA a donné suite en lui proposant une offre qu'il a accepté. Cette offre d'un montant total de 65.600 € est répartie ainsi: préjudice moral : 38.500 € ;
préjudice physique : 12.800 € ;préjudice d'agrément : 12.800 € ;préjudice esthétique : 1.500 €.
Le FIVA a également versé aux ayants droit de Monsieur [T] [M] (ci-après les consorts [M]), en réparation des préjudices moraux et d'accompagnement, la somme totale de 75.200 € répartie ainsi :
Madame [G] [M] (veuve) : 32.600 € ;Madame [U] [M] épouse [A] (fille) : 8.700 € ;Monsieur [F] [M] (fils) : 8.700 € ;Monsieur [S] [M] (fils) : 8.700 € ;Madame [D] [M] (petite-fille) : 3.300 € ;Madame [C] [M] (petite-fille) : 3.300 € ;Monsieur [B] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [V] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [R] [M] (petit-fils) : 3.300 €.
Parallèlement, le 17 janvier 2020, Monsieur [T] [M] a saisi la CPCAM des [Localité 11] d'une demande de conciliation dans le cadre d'une procédure de reconnaissance de la faute inexcusable de son ancien employeur.

Monsieur [T] [M] est décédé le 29 janvier 2020, à l'âge de 80 ans, des suites de son mésothéliome.

Par ordonnance du 28 janvier 2020, la SCP [15] a été désigné par le tribunal de commerce de Marseille en qualité de mandataire ad hoc de la société [8] avec mission de la représenter dans le cadre de la présente procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille.

Par décision du 6 mai 2020, la CPCAM des [Localité 11] a pris en charge le décès au titre de la législation sur les risques professionnels, et a notifié le 25 mai 2020 à Madame [G] [Z] veuve [M] l'attribution d'une rente d'ayant droit à compter du 1er février 2020.

En l'absence de conciliation, les consorts [M] ont saisi le pôle social du tribunal Judiciaire de Marseille le 3 novembre 2020 d'un recours en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

L'affaire a été appelée à l'audience du 31 janvier 2024.

Par conclusions soutenues oralement à l'audience par leur conseil, les consorts [M] demandent au tribunal de :
déclarer recevable leur recours ;dire et juger que la maladie professionnelle dont est atteint et décédé Monsieur [T] [M] est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [8] ;En conséquence :
Au titre de l'action successorale :
fixer la rente de Monsieur [T] [M] sur la base de son salaire réel, à savoir 39.140 €, de son attribution le 3 octobre 2017 jusqu'à son décès le 29 janvier 2020 ;allouer la somme de 2.260 € au titre du déficit fonctionnel temporaire ;accorder le versement de l'indemnité forfaitaire prévue à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ;En leur nom propre :
ordonner la majoration de son montant maximum de la rente servie à Madame veuve [M] depuis son attribution ; dire que cette majoration devra être calculée sur la base du salaire réel de Monsieur [T] [M], à savoir 39.140,12 € ;condamner la branche ATMP de la CPAM à rembourser aux ayants droit la somme de 600 € correspondant aux frais de désignation d'un mandataire ad'hoc ; ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.
Représenté par son conseil à l'audience, le FIVA, subrogé dans les droits des ayants droit [M], sollicite du tribunal de :
dire et juger que la maladie professionnelle dont était atteint Monsieur [T] [M] est la conséquence de la faute inexcusable de la société [8], prise en la personne de Maître [L] [K] ; fixer à son maximum la majoration de la rente servie à Monsieur [T] [M] durant la période ante mortem et dire que la CPAM des [Localité 10] devra verser cette majoration à la succession de cette personne ;fixer à son maximum l'indemnité forfaitaire visée à l'article L. 452-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale, soit un montant de 18.336,64 € et dire que cette indemnité sera versée par la CPAM des [Localité 10] à la succession de Monsieur [T] [M] ;fixer à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale, et dire que cette indemnité sera directement versée à ce conjoint survivant par la CPAM des [Localité 10] ;fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [T] [M] à la somme de 65.600 €, répartie comme suit : préjudice moral : 38.500 € ;préjudice physique : 12.800 € ;préjudice d'agrément : 12.800 € ;préjudice esthétique : 1.500 € ;fixer l'indemnisation des préjudices moraux des ayants droit à la somme de 75.200 €, répartie comme suit : Madame [G] [M] (veuve) : 32.600 € ;Madame [U] [M] épouse [A] (fille) : 8.700 €;Monsieur [F] [M] (fils) : 8.700 € ;Monsieur [S] [M] (fils) : 8.700 € ;Madame [D] [M] (petite-fille) : 3.300 € ;Madame [C] [M] (petite-fille) : 3.300 €Monsieur [B] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [V] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [R] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;dire que la CPAM des [Localité 10] devra verser ces sommes au FIVA, créancier subrogé, en application de l'article L. 452-3 alinéa 3 du code de la sécurité sociale, soit un total de 140.800 €,rejeter la demande de complément d'indemnisation formée par les consorts [M], au titre de leur préjudice personnels moraux d'ayants droit, ceux-ci ayant été indemnisés par le FIVA postérieurement à l'engagement de la présente action en justice ;statuer ce que de droit sur la demande de réparation du déficit fonctionnel temporaire sollicitée par les consorts [M] au titre de l'action successorale, le FIVA n'ayant pas indemnisé ce poste de préjudice ;condamner la partie succombante aux dépens,
La SCP [15], en la personne de Maître [L] [K], a été désignée comme mandataire judiciaire de la société [8] et bien que régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception, n'a pas comparu.

La CPCAM des [Localité 9], représentée à l'audience par une inspectrice juridique, sollicite du tribunal de :
ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation sollicitée au titre des souffrances physiques et morales endurées par Monsieur [T] [M] ; débouter le FIVA de sa demande d'indemnisation du préjudice d'agrément; ramener à de plus justes proportions le montant de l'indemnisation sollicitée au titre du préjudice moral des ayants droit de Monsieur [T] [M].
Il convient de se rapporter aux conclusions respectives des parties pour un plus ample exposé du litige en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire est mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS

Sur la faute inexcusable

En vertu de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substités dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants ".

Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, la preuve de l'absence de faute inexcusable constituant un fait juridique dont la preuve peut être rapportée par tous moyens conformément à l'article 1358 du code civil et le cas échéant, de présomptions précises graves et concordantes telles que prévues par l'article 1382 du code civil.

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident survenu au salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru au dommage, seule la faute inexcusable de la victime ayant une incidence sur la majoration de la rente.

La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque, la faute de la victime n'ayant pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

En l'espèce, les consorts [M] se prévalent au soutien de leur demande en reconnaissance de la faute inexcusable de la société [8] de l'attestation établie par Monsieur [H] [N], salarié de la société [8] du 4 août 1984 au 31 décembre 2005, période pendant laquelle il a côtoyé Monsieur [T] [M] et qui exerçait la profession de tourneur comme la victime.

Il indique que : " L'activité de Mr [M] et de moi - même était la remise en état de pièces mécaniques issues de l'industrie navale, comme des vannes, pompes, clapets, soupapes et sièges de bateaux. L'étanchéité de ces pièces était souvent assurée par des joints contenant de l'amiante.
Durant ces années, tous les employés de la société [8] ont utilisé des outils ou protections contenant de l'amiante : four de mise en température, gants, couvertures en amiantes.
Il est à noter que ces fours étaient, pendant l'hivers, le lieu de regroupement des ouvriers car c'était l'endroit le plus chaud de l'atelier.
Monsieur [M] était exposé également à l'amiante lorsqu'il se rendait à bord des navires pour constater les travaux à réaliser, démonter sur place dans la salle des machines différentes pièces mécaniques afin de ramener à l'atelier pour l'usinage.
Le travail était réalisé sans réelle protection et à l'époque nous ne connaissions as la toxicité de l'amiante et n'avions jamais été informé, par qui que ce soit, des dangers pour notre santé ".

Il est dès lors démontré que Monsieur [T] [M], tourneur pendant la majeure partie de sa vie professionnelle, a été exposé de manière directe au risque d'inhalation de poussières d'amiante au sein de la société [8] entre 1979 et 1997, sans bénéficier de protection approprié pour réduire le risque d'exposition.

Sur la conscience du danger, la société [8], ne pouvait ignorer que de l'amiante était présente dans ses équipements de production et dans le matériel utilisé par ses employés et ne pouvait ignorer les dangers de ces produits dans la mesure où :
il existait dès la loi des 12 et 13 juin 1893 concernant l'hygiène et la sécurité des travailleurs et le décret du 10 juillet 1913, une législation de portée générale sur les poussières, reprises dans le code du travail mettant à la charge des employeurs des obligations de nature à assurer la sécurité de leurs salariés ;concernant spécifiquement l'amiante, ce risque sanitaire provoqué par ce matériau a été reconnu par l'ordonnance du 3 août 1945 créant le tableau n° 25 des maladies professionnelles à propos de la fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières enfermant de la silice ou de l'amiante, et que cette reconnaissance a été confirmée par le décret du 31 août 1950, puis par celui du 3 octobre 1951 créant le tableau n°30 propre à l'asbestose, fibrose pulmonaire consécutive à l'inhalation de poussières d'amiante ;les décrets des 5 janvier 1976 et 17 août 1977 ont réglementé spécifiquement les travaux portant sur les produits à base d'amiante en les mentionnant au tableau n° 30 des maladies professionnelles et ont imposé des règles de protection particulière préservant des poussières d'amiante.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société [8], compte-tenu de son importance, de son activité, et de son organisation, avait ou aurait dû avoir conscience du danger représenté par l'emploi de l'amiante, et qu'elle n'a pas pris les mesures nécessaires pour en préserver son salarié, Monsieur [T] [M].

En conséquence, la maladie professionnelle dont souffrait Monsieur [T] [M] sera jugée imputable à la faute inexcusable de son employeur, la société [8].

Sur les conséquences de la faute inexcusable

Sur la majoration de la rente de Monsieur [T] [M]

En vertu de l'alinéa 3 de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas de l'incapacité totale.

Il ressort de la notification de la décision de la CPCAM des [Localité 11] en date du 22 juin 2018 que la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente de Monsieur [T] [M] à 100 % à compter du 3 octobre 2018.

Les dispositions de l'article L. 452-2 susvisées, d'ordre public, prescrivent que la rente majorée allouée à la victime en cas d'incapacité totale ne peut excéder le montant de son salaire annuel. La majoration ne peut donc être appliquée lorsque la victime est atteinte d'une incapacité permanente totale de 100 % conférant droit à une rente égale à son salaire.

Il ressort toutefois de la notification de rente que le salaire réel de Monsieur [T] [M] d'un montant de 39.140,12 € a été plafonné par la CPCAM des [Localité 11] pour déterminer le salaire de référence qui a servi d'assiette pour le calcul de la rente à 37.495,56 €.

Le montant de la majoration de la rente devant être fixé de telle sorte que la rente majorée soit égale au montant du salaire réel annuel, il convient d'ordonner à la CPCAM des [Localité 10] de verser à la succession de Monsieur [T] [M] une majoration de rente basé sur son salaire réel annuel.

Sur la majoration de la rente de conjoint survivant

Le décès de Monsieur [T] [M] étant directement imputable à la faute inexcusable de l'employeur, la rente servie au conjoint survivant, Madame [G] [Z] veuve [M], sera majorée conformément aux dispositions de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale et cette majoration lui sera versée directement par la CPCAM des [Localité 11].

Sur l'indemnité forfaitaire

Il résulte de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale que si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

En l'espèce, il a été attribué par la CPCAM des [Localité 11] à Monsieur [T] [M] un taux d'incapacité permanente de 100 % par notification en date du 17 décembre 2018.

En conséquence, il sera alloué aux ayants droit une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de la consolidation, soit la somme de 18.336,64 €.

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique c'est-à-dire jusqu'à sa consolidation. Cette invalidité par nature temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime. Elle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime mais aussi à la perte de qualité de vie et à celle des joies usuelles de la vie courante que rencontre la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).

L'évaluation des troubles dans les conditions d'existence tient compte de la durée de l'incapacité, du taux de cette incapacité, et des conditions de vie de la victime.

Il est communément admis que cette indemnité est évaluée sur une base comprise en 750 et 1.000 € par mois, soit 25 à 33 € par jour.

En l'espèce, Monsieur [T] [M] n'a jamais été indemnisé au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle par le FIVA.

Il ressort des pièces versées aux débats que les premiers signes de la maladie de Monsieur [T] [M] se sont manifesté en juillet 2017. En effet, le compte rendu opératoire du Docteur [Y] du 26 juillet 2017 indique que " la plève est le siège d'une carcinose pleurale macrospiquement évidente ".

Or, la CPCAM des [Localité 10] n'a attribué à Monsieur [T] [M] une rente qu'à compter du 3 octobre 2017. Il a donc souffert pendant 68 jours, entre le 26 juillet 2017 et le 2 octobre 2017, des suites de sa maladie professionnelle sans être indemnisé.

Au regard de la gravité de la pathologie et des souffrances endurées, cette indemnité sera fixée à la somme de 1.700 €, soit 68 jours x 25 €.

Sur les préjudices indemnisés par le FIVA

Sur l'indemnisation des préjudices de Monsieur [T] [M]

En vertu des dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010, indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément, du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle, ainsi que de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du dit code.

Souffrances morales : Monsieur [T] [M] était atteint d'un mésothéliome lié à l'exposition à l'amiante et dont il n'ignore ni la gravité si les divers degrés d'évolution de son état de santé. Il résulte des explications et des pièces versées aux débats que ses souffrances morales doivent être réparées à hauteur de 38.500 €.Souffrances physiques : Il résulte des explications et des pièces versées aux débats que Monsieur [T] [M] a été hospitalisé à plusieurs reprises, qu'il a subit une biopsie par thoracoscopie qui est un examen particulièrement douloureux, qu'il a été contraint de suivre un traitement par chimiothérapie et radiothérapie et qu'il a reçu des soins morphiniques et un traitement médicamenteux particulièrement lourd. Ses proches témoignent également de ses souffrances physiques. Ses souffrances seront donc réparées à hauteur de 12.800 €.Préjudice esthétique : Il ressort des explications et des pièces versées aux débats que Monsieur [T] [M] a considérablement maigri en raison de sa maladie. Il convient donc de lui allouer la somme de 1.500 € au titre de ce préjudice.Préjudice d'agrément : L'indemnisation de ce poste de préjudice suppose de rapporter la preuve de l'exercice d'une activité spécifique sportive ou de loisir antérieure à la maladie afin de démontrer que les souffrances invoquées ne sont pas déjà réparées au titre du déficit fonctionnel permanent. En l'espèce, le FIVA verse aux débats plusieurs attestations des proches du défunt qui indiquent qu'il était sportif et notamment qu'il s'occupait d'un club de judo et qu'il pratiquait notamment le football, la randonnée, la pêche et la plongée en apnée. Il convient donc d'allouer la somme de 12.800 € au titre du préjudice d'agrément.
Le montant global des indemnités est de 65.600 €.

Par conséquent, la CPCAM des [Localité 10] devra verser directement cette somme au FIVA en sa qualité de créancier subrogé.

Sur le préjudice moral des ayants droit

Il est constant que les dispositions de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale ne font pas obstacle à ce que les ascendants et descendants d'une victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, dû à une faute inexcusable de l'employeur, et qui n'ont pas droit à une rente au sens des articles L. 434-7 à L. 434-14 du même code, puissent être indemnisés de leur préjudice moral selon les règles du droit commun.

En l'espèce, Monsieur [T] [M] est décédé à l'âge de 80 ans. Il était marié depuis 57 ans à son épouse. Le préjudice moral résultant de la perte de la personne avec laquelle elle a partagé sa vie n'est pas contestable. Monsieur [T] [M] avait 3 enfants et 5 petits-enfants qui l'ont tous accompagné durant sa maladie, et sont tous recevables à demander un dédommagement de leur préjudice moral.

Le montant des indemnisations proposées et acceptées par le FIVA aux consorts [M] correspond à une juste évaluation des préjudices subis, tenant compte en particulier de la gravité de la pathologie, de l'âge de la victime au moment de l'apparition de celle-ci, et de la soudaineté du décès après le diagnostic.

Leurs préjudices ont été réparés par le FIVA comme suit :
Madame [G] [M] (veuve) : 32.600 € ;Madame [U] [M] épouse [A] (fille) : 8.700 € ;Monsieur [F] [M] (fils) : 8.700 € ;Monsieur [S] [M] (fils) : 8.700 € ;Madame [D] [M] (petite-fille) : 3.300 € ;Madame [C] [M] (petite-fille) : 3.300 €Monsieur [B] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [V] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [R] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;
Il convient donc sur ces points de faire droit aux demandes du FIVA et de dire que ces sommes lui seront versées par la CPCAM des [Localité 11] en sa qualité de créancier subrogé.

Sur l'action récursoire de la CPCAM des [Localité 11]

Selon l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale, la majoration est payée par la caisse qui en récupère le capital représentatif auprès de l'employeur dans des conditions déterminées par décret.

L'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale dispose que la réparation des préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

Dès lors, la CPCAM des [Localité 9] récupérera auprès de la société [8], prise en la personne de Maître [L] [K] en sa qualité de mandataire ad hoc, les sommes dont elle sera tenue de faire l'avance.

Sur l'exécution provisoire

Compte-tenu de la nature des faits de l'espèce et de leur ancienneté, l'exécution provisoire sera ordonnée.

Sur les dépens

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la société [8], prise en la personne de Maître [L] [K] en sa qualité de mandataire ad hoc, partie perdante, sera tenue aux dépens d'instance, y compris la provision pour la nomination du mandataire ad hoc d'un montant de 600 €.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort :

DIT que la maladie professionnelle dont souffrait Monsieur [T] [M], et dont il est décédé, est la conséquence de la faute inexcusable de son employeur, la société [8];

DIT que la majoration de la rente de Monsieur [T] [M] doit être fixé de telle sorte que la rente majorée soit égale au montant du salaire annuel réel de ce dernier, soit la somme de 39.140,12 €, et dit qu'elle sera versée directement par la CPCAM des [Localité 11] à la succession de Monsieur [T] [M] ;

ORDONNE la majoration de la rente de Madame [G] [Z] veuve [M], en qualité de conjoint survivant, à son taux maximum, et dit que cette indemnité lui sera versée directement par la CPCAM des [Localité 11] ;

ALLOUE l'indemnité forfaire prévue à l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale d'un montant de 18.336,64 € et dit qu'elle sera directement versée par la CPCAM des [Localité 11] à la succession de Monsieur [T] [M];

FIXE l'indemnisation au titre du déficit fonctionnel temporaire à la somme de 1.700 € ;

FIXE l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [T] [M] à la somme totale de 65.600 €, se décomposant comme suit :
souffrances physiques : 12.800 € ;souffrances morales : 38.500 € ;préjudice esthétique : 1.500 € ;préjudice d'agrément : 12.800 € ;
FIXE l'indemnisation des préjudices moraux des consorts [M] à la somme totale de 75.200 €, se décomposant comme suit :
Madame [G] [M] (veuve) : 32.600 € ;Madame [U] [M] épouse [A] (fille) : 8.700 € ;Monsieur [F] [M] (fils) : 8.700 € ;Monsieur [S] [M] (fils) : 8.700 € ;Madame [D] [M] (petite-fille) : 3.300 € ;Madame [C] [M] (petite-fille) : 3.300 €Monsieur [B] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [V] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;Monsieur [R] [M] (petit-fils) : 3.300 € ;
DIT que la CPCAM des [Localité 11] sera tenue de verser au FIVA l'ensemble de ces sommes, soit 140.800 € ;

DIT que la CPCAM des [Localité 11] récupérera auprès de la société [8] les sommes qui seront allouées au FIVA et aux consorts [M] en réparation des préjudices subis et des rentes et indemnités allouées ;

CONDAMNE la société [8] aux entiers dépens ;

ORDONNE l'exécution provisoire du jugement ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification, en application des dispositions de l'article 538 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/02762
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;20.02762 ?
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