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26/03/2024 | FRANCE | N°20/02696

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 26 mars 2024, 20/02696


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]


JUGEMENT N°24/01436 du 26 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02696 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YBHK

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [U] [B] épouse [L]
née le 11 Septembre 1978 à [Localité 9] (VAUCLUSE)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
comparante en personne assistée de Me Charlotte BOTTAI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Association [7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée

par Me Béatrice GASPARRI-LOMBARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 4]
repré...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]

JUGEMENT N°24/01436 du 26 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/02696 - N° Portalis DBW3-W-B7E-YBHK

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [U] [B] épouse [L]
née le 11 Septembre 1978 à [Localité 9] (VAUCLUSE)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
comparante en personne assistée de Me Charlotte BOTTAI, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Association [7]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Béatrice GASPARRI-LOMBARD, avocat au barreau de MARSEILLE

Appelée en la cause:
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Localité 4]
représentée par Madame [K] [F] (Inspecteur juridique), munie d’un pouvoir spécial

DÉBATS : À l'audience publique du 31 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : GOSSELIN Patrick, Vice-Président

Assesseurs : CAVALLARO Brigitte
ZERGUA Malek

L’agent du greffe lors des débats : MULLERI Cindy,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 26 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [U] [L] a été employé au sein de l'association [7] en qualité de conseillère sociale selon divers contrats précaires à compter du 29 mars 2010, puis en qualité de médiatrice polyvalente en contrat à durée indéterminée à compter du 29 septembre 2013.

Elle a été victime :
d'une première agression sur son lieu de travail le 7 juin 2017, pris en charge par la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après CPCAM des Bouches-du- Rhône) au titre de la législation sur les risques professionnels ; d'une seconde agression sur son lieu de travail le 19 juin 2018, qui n'a fait l'objet d'une déclaration d'accident du travail par l'employeur que le 22 février 2019 et pris en charge par la CPCAM des Bouches-du-Rhône au titre de la législation sur les risques professionnel par courrier du 5 mars 2019.
Madame [U] [L] sollicite la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur uniquement au titre de l'accident du travail du 19 juin 2018.

Le certificat médical initial du second accident du travail établi le 20 juin 2018 par le Docteur [G] [P] fait état d'un " choc émotionnel +++ anxiété majeure ".

Suite à ce second accident du travail, l'état de santé de Madame [U] [L] a été consolidé et elle s'est vue attribué un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 8 %, porté à 9 % suite à la décision du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille du 24 novembre 2022.

Le 4 août 2020, la CPCAM des Bouches-du-Rhône a établi un procès-verbal de non-conciliation dans le cadre de la procédure amiable en matière de faute inexcusable.

Par requête du 26 octobre 2020, Madame [U] [L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille d'une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

L'affaire a été appelée à l'audience dématérialisée de mise en état du 6 septembre 2023, puis la clôture des débats a été ordonnée avec effet différé au 17 janvier 2024, et les parties ont été convoquées à l'audience de plaidoirie du 31 janvier 2024.

Madame [U] [L], par voie de conclusions soutenues oralement par son conseil, sollicite du tribunal :
de juger que son employeur, l'association [7], a commis une faute inexcusable ;de condamner la CPCAM des Bouches-du-Rhône à la revalorisation au maximum de la rente annuelle qui lui est servie ;d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer les préjudices indemnisables ;de condamner l'association [7] au paiement d'une provision de 10.000 € à valoir sur l'indemnisation définitive de son préjudice ;de condamner l'association [7] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ; d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Au soutien de ses prétentions, Madame [U] [L] explique que son employeur n'a jamais déclaré l'accident du 19 juin 2018 auprès de la CPCAM des Bouches-du-Rhône et qu'il n'a mis en place aucune mesure pour éviter qu'elle se fasse agresser une seconde fois, notamment en ne mettant pas à jour le document unique d'évaluation des risques entre 2015 et 2020.

L'association [7], représentée à l'audience par son conseil, sollicite par voie de conclusions :
À titre principal :
de débouter Madame [U] [L] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur ;de débouter Madame [U] [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;À titre subsidiaire :
de lui donner acte qu'elle formule toutes protestations et réserves d'usage concernant la désignation d'un expert judiciaire formulée par Madame [U] [L] ;de débouter Madame [U] [L] de sa demande de provision de 10.000 € ;En tout état de cause :
de condamner Madame [U] [L] au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ses prétention, l'association [7] explique qu'elle a bien déclaré les deux accidents du travail et que si le second n'a été déclaré qu'au-delà des délais légaux, le retard ne lui est pas imputable dans la mesure où Madame [U] [L] ne lui avait pas signalé l'accident et ne lui avait pas transmis le certificat médical initial. Elle fait valoir que les mesures nécessaires pour protéger la santé physique et mentale des salariés avaient bien été mis en œuvre puisqu'elle a notamment inscrit Madame [U] [L] à plusieurs modules de formation sur la gestion des conflits dans le cadre professionnel, que Madame [U] [L] ne se trouvait jamais seule dans les locaux de l'association, et qu'à la suite de la première agression du 7 juin 2017 un soutien à été mis en place par le biais d'échanges intervenus entre la requérante et sa hiérarchie. Enfin, elle fait valoir que le manquement de l'employeur ne peut se déduire du seul fait que le document unique d'évaluation des risques (ci-après DUER) n'a été mis à jour qu'en 2020.

La CPCAM des Bouches-du-Rhône, représentée par une inspectrice juridique, soutient que l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur au titre de l'accident du travail du 7 juin 2017 est prescrite et s'en rapporte à l'appréciation du tribunal quant à la reconnaissance de la faute inexcusable de l'association [7] concernant l'accident du travail du 19 juin 2018 et la demande de majoration en capital. Elle sollicite la condamnation de l'association [7] à lui rembourser la totalité des sommes dont elle serait tenue d'assurer par avance le paiement et de ne pas mettre à sa charge les sommes allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions déposées par les parties à l'audience, reprenant l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 26 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de prescription de l'action en reconnaissance d'une faute inexcusable

La CPCAM des Bouches-du- Rhône demande au tribunal de déclarer irrecevable pour cause de prescription l'action en reconnaissance de la faute inexcusable introduite par Madame [U] [L] concernant l'accident du travail du 7 juin 2017.

Toutefois, cette demande doit être rejeté dans la mesure où Madame [U] [L] ne demande la reconnaissance de faute inexcusable de son employeur qu'au titre de l'accident du travail survenu le 19 juin 2018. Le procès-verbal de non-conciliation établi le 4 août 2020 par la CPCAM des Bouches-du-Rhône ne fait d'ailleurs mention que de ce dernier accident du travail.

Sur la demande en reconnaissance d'une faute inexcusable

En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat ; le manquement à cette obligation a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de la maladie survenue au salarié. Il suffit qu'elle soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes auraient concouru à la survenance du dommage.

La faute inexcusable ne se présume pas et il appartient à la victime ou ses ayants droit d'en rapporter la preuve.

Dans le cadre de la présente instance, il appartient à Madame [U] [L] de démontrer la conscience du danger et le manquement de son employeur à son obligation de sécurité de résultat, et plus précisément l'absence de mesures nécessaires pour la préserver du risque d'agression.

En l'espèce, Madame [U] [L] soutient que l'association [7] a commis des manquements fautifs à l'origine de son accident du travail du 19 juin 2018.

D'une part, elle fait valoir que son employeur n'a jamais déclaré cet accident auprès de la CPCAM des Bouches-du- Rhône.

Elle considère, d'autre part, qu'il n'a mis en place aucune mesure pour éviter qu'elle se fasse agresser une seconde fois malgré ses alertes sur ses conditions de travail dégradées et du fait que l'employeur n'a pas mis à jour le document unique d'évaluation des risques entre 2015 et 2020.

Toutefois, les éléments versés aux débats démontrent que l'association [7] a bien déclaré le 22 juin 2019 l'accident du travail du 19 juin 2018 et que si cette déclaration est effectivement tardive, elle n'est pas de nature à constituer une faute inexcusable de la part de l'employeur.

Il ressort par ailleurs des éléments versés aux débats que Madame [U] [L] a suivi des formations qualifiantes au cours desquelles ont été dispensé des modules concernant la gestion des conflits, notamment une formation dispensée par l'association [8] le 19 et 20 février 2015, et qu'elle devait suivre une autre formation sur comment " Maîtriser le positionnement et le cadre d'intervention du médiateur social " les 17, 18 et 19 décembre 2018 prévoyant un volet sur la gestion des conflits.

Il résulte par ailleurs des explications de l'employeur que si Madame [U] [L] était amenée à recevoir en entretien individuel des usagers, elle n'était jamais seule sur le site de la maison du droit d'[Localité 2]. En effet, il y avait en permanence deux agents d'accueil municipaux ainsi que, sauf déplacement, une autre médiatrice sociale (Madame [O]).

Enfin, concernant le DUER, s'il est exact que ce document initialement établie le 29 juillet 2014 n'a été mis à jour que le 4 mai 2020, cette absence de mise à jour ne peut à elle seule constituer la preuve d'une violation d'une obligation de sécurité et ne démontre pas plus à elle seule que l'employeur n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver sa salariée d'un danger dont il avait ou aurait dû avoir conscience.

En l'état de ces éléments, aucune faute inexcusable ne peut donc être reprochée à l'association [7] et Madame [U] [L] doit être déboutée de son recours et de toutes ses demandes.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [U] [L], partie perdante, supportera la charge des dépens.

Par ailleurs, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats publics, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉCLARE recevable en la forme le recours de Madame [U] [L] ;

DÉBOUTE Madame [U] [L] de son action tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et de toutes ses autres demandes de ce chef ;

DIT n'y avoir lieu d'appliquer les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [U] [L] aux dépens ;

DIT que tout appel de la présente décision doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai d'un mois à compter de la réception de sa notification.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/02696
Date de la décision : 26/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-26;20.02696 ?
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