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25/03/2024 | FRANCE | N°22/07553

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 25 mars 2024, 22/07553


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/07553 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2G43

AFFAIRE : M. [I] [J] (Me Cyril CASANOVA)
C/ Compagnie d’assurance MATMUT
(Me Philippe DE GOLBERY )
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )



DÉBATS : A l'audience Publique du 12 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du dé

libéré a été fixée au : 25 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 2...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/07553 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2G43

AFFAIRE : M. [I] [J] (Me Cyril CASANOVA)
C/ Compagnie d’assurance MATMUT
(Me Philippe DE GOLBERY )
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 12 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 25 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2024

PRONONCE par mise à disposition le 25 Mars 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [I] [J]
né le [Date naissance 3] 1988 à [Localité 9], demeurant [Adresse 2]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 1]

représenté par Me Cyril CASANOVA, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance MATMUT, Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes, immatrciulée au RCS de ROUEN sous le n°775 701 447 dont le siège social se situe [Adresse 6], prise en sa délégation régionale située sis [Adresse 5] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Philippe DE GOLBERY de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

***********

Le 28 octobre 2020, Monsieur [I] [J], né le [Date naissance 3] 1988, circulait à moto lorsqu’il a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MATMUT.

Il s’agit pour Monsieur [J] d’un accident du travail.

L’assureur a versé à Monsieur [J] une provision amiable de 2.000 euros et a mandaté le docteur [Z] afin de l’examiner.
L’expert a rendu son rapport le 28 septembre 2021.

Sur la base de ce rapport, la MATMUT a formulé une offre d’indemnisation qui n’a pas été acceptée.

Par actes des 15 et 18 juillet 2022 assignant la société MATMUT et la CPAM des Bouches du Rhône, suivis de conclusions notifiées le 14 novembre 2022, Monsieur [J] demande au tribunal de :
A titre principal
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 60.795 € au titre de l’incidence professionnelle
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 38.896 € au titre du déficit fonctionnel permanent
A titre subsidiaire
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 50.000 € au titre de l’incidence professionnelle ;
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 14.800 € au titre du déficit fonctionnel permanent
En tout etat de cause
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 840 € au titre des frais d’assistance à expertise
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 2.363 € au titre de l’assistance par tierce personne temporaire
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 1.955 € au titre déficit fonctionnel temporaire
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 8.000 € au titre des souffrances endurées
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 2.500 € au titre du préjudice esthétique temporaire
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 3.000 € au titre du préjudice esthétique permanent
- CONDAMNER la compagnie MATMUT à lui payer la somme de 10.000 € au titre du préjudice d’agrément
- PRENDRE ACTE du montant des débours de l’organisme social et condamner en conséquence la compagnie MATMUT au paiement de ces débours
- CONDAMNER la compagnie MATMUT au doublement des intérêts légaux, en application de l’article 16 de la loi du 5 juillet 1985, pour offre manifestement insuffisante et incomplète s’analysant comme une absence d’offre dans les délais prévus par l’article 12 de ladite loi
- CONDAMNER la compagnie MATMUT au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
- ORDONNER l’exécution provisoire du jugement à intervenir, par application des dispositions de l’article 514 du C.P.C.
- CONDAMNER la société requise aux entiers dépens, par application des dispositions de l’article 695 du C.P.C.

Aux termes de conclusions notifiées le 24 octobre 2022, la société MATMUT demande au tribunal de :
- lui DONNER ACTE de ce qu’elle n’a en aucun cas contesté le droit à indemnisation du requérant
- ENTÉRINER les conclusions du Docteur [Z]
- ÉVALUER l’entier préjudice de Monsieur [I] [J] en déclarant satisfactoires les offres d’indemnisation suivantes :
-D.S.A. : Rejet
-Honoraires d’assistance : 840,00 €
-DFT : 1.839,30 €
-SE : 5.400,00 €
-DFP : 7.750,00 € sous Réserve
-PGPA : Rejet
-ATP : 1.568,00 €
-IP : 10.000,00 € Sous Réserve
-PET : Rejet
-PEP : 2.000,00 €
-PA : Rejet
- REJETER la demande de doublement des intérêts légaux
- RETRANCHER le recours des tiers-payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s’imputer,
- TENIR COMPTE de la provision de 2.000,00 € déjà versée à Monsieur [J]
- le DÉBOUTER de ses prétentions contraires ou plus amples
- DIRE n’y avoir lieu à exécution provisoire et déclarer commune et opposable à l’organisme social appelé en cause, la décision à intervenir
- REFUSER de faire application de l’article 700 du CPC au profit de Monsieur [J]
- STATUER ce que de droit sur le sort des dépens qui seront distraits au profit de la Société LESCUDIER & ASSOCIÉS, Avocat en la cause, qui y a pourvu (articles 696 et 699 du CPC).

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 23 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 février 2024 et mise en délibéré au 25 mars 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

En vertu des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subi sauf s’il est prouvé qu’il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice.

En l’espèce, il ressort des éléments du débat que, le 28 octobre 2020, Monsieur [J] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société MATMUT.

Le droit à indemnisation de Monsieur [J] n’est pas contesté par la défenderesse et résulte tant des circonstances de l’accident que des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de ce conducteur blessé par l’accident, seul élément susceptible d'affecter son droit à réparation indépendamment de toute faute de l'autre conducteur impliqué.

Le droit à indemnisation de Monsieur [J] étant plein et entier, la société MATMUT sera par conséquent condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes du rapport d’expertise amiable du docteur [Z] l’accident a causé à Monsieur [J] des contusions et dermabrasions multiples au niveau du coude gauche, hanche et cuisse gauche, des deux mains et de la face externe du genou gauche ainsi qu’un traumatisme de la cheville et du pied gauche.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- ATAP du 28/10/2020 au 12/03/2021
- Gêne temporaire de classe 3 du 28/10/2020 au 28/12/2020, avec tierce personne d’1h/jour
- Gêne temporaire de classe 2 du 29/12/2020 au 29/03/2021, avec tierce personne de 3h/semaine
- Gêne temporaire de classe 1 du 30/03/2021 au 28/08/2021
- Consolidation : 28/08/2021
- Souffrances endurées : 3/7
- Dommage esthétique : 1,5/7
- AIPP : 5%.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [J], âgé de 32 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Il sera alloué pour ce poste de préjudice la somme de 840 euros sur laquelle s’accordent les parties.

Assistance par tierce personne avant consolidation
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a retenu les éléments suivants :
- 1h/jour du 28/10/2020 au 28/12/2020
- 3h/semaine du 29/12/2020 au 29/03/2021.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assistée d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 20 € et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Monsieur [J], la somme de 1.920 euros (98h x 20 €).

Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Monsieur [J] expose qu’il occupait le poste de maçon au sein de la société SASU MGGM ; qu’il a conservé de l’accident des séquelles au niveau de la cheville et du pied gauche ; que cela le handicape dans l’exercice de son métier qui est exclusivement physique ; qu’il a repris son travail 6 mois après l’accident avec un aménagement de ses tâches.
Il se prévaut d’une part d’une pénibilité accrue. Il précise à cet égard qu’il occupait le poste de manoeuvre. Pour justifier de ce préjudice, il produit au débat une attestation de son employeur ainsi que d’un collègue de travail.
Monsieur [J] considère, d’autre part, qu’il subit une perte de chance professionnelle et une dévalorisation sur le marché de l’emploi. Il fait valoir qu’il a dû adapter son activité et qu’il ne peut plus prétendre à l’évolution de carrière qui aurait dû être la sienne.
Monsieur [J] soutient que ce poste ne peut pas être évalué de façon forfaitaire. Il l’évalue sur la base de son salaire annuel qu’il fixe à 20.995 €, auquel il applique un coefficient d’incidence professionnelle de 10 %, qu’il capitalise jusqu’à l’âge de 62 ans. Il demande ainsi la somme de 60.795 €.
Subsidiairement, il demande la somme de 50.000 €.

La MATMUT soutient que le poste de Monsieur [J] n’a été aménagé que pendant une durée de 6 semaines après sa reprise. Elle s’oppose à la méthode de calcul proposée par le demandeur considérant que l’incidence professionnelle n’est pas proportionnelle aux revenus. Elle propose d’évaluer ce poste de préjudice à hauteur 10.000 euros. Elle demande la communication de la créance de la CPAM, Monsieur [J] étant susceptible de percevoir une rente AT.

L’expert a indiqué pour ce poste de préjudice : “on notera la notion de phénomènes douloureux accentués lors de certains efforts répétés et/ou soutenus, sans autre limitation (le port des chaussures de sécurité entraine une immobilisation des régions séquellaires”.
En effet, au regard des séquelles orthopédiques au niveau de la cheville et du pied gauches et du métier de Monsieur [J], la pénibilité accrue imputable à l’accident est établie.
S’agissant de la perte de chance professionnelle et de la dévalorisation sur le marché de l’emploi, il sera observé qu’il ressort du rapport d’expertise un aménagement du poste limité à 6 semaines. L’attestation de l’employeur ne permet pas de remettre en cause cet élément. Aucune pièce de la médecine du travail n’est versée à cet égard. Cet élément de l’incidence professionnelle n’est donc pas démontré.
En ce qui concerne la méthode de calcul proposée par le demandeur, il sera observer qu’elle prend pour postulat que le salaire est le seul instrument objectif de mesure des paramètres bouleversés par l’accident. Or si la pénibilité, les chances d’évolution et la dévalorisation sur le marché de l’emploi ont indiscutablement une valeur économique au sein de la relation de travail qui existe avant un accident, il ne peut pour autant être considéré qu’ils constituent la mesure de la rémunération.
En conséquence, le coût de l’atteinte porté à ces paramètres en cas de séquelles en partie ou totalement invalidantes ne peut être mesurée à l’aune de la rémunération, elle-même corrélée à un coefficient d’incidence professionnelle, étant rappelé que l’impact des séquelles sur la rémunération relève du poste perte de gains, l’incidence professionnelle ayant pour seule vocation d’indemniser les incidences périphériques du dommage dans la sphère professionnelle, c’est à dire hors perte de gains.
En conséquence, il convient de tenir compte de la nature des restrictions physiologiques et psychologiques médico-légales pour déterminer leur impact dans la sphère professionnelle, sans corrélation directe aux gains perçus, manqués ou espérés.
En revanche, l’évaluation de l’incidence professionnelle implique de prendre en considération la catégorie d’emploi exercée, la nature de l’ampleur de l’incidence, les perspectives professionnelles et l’âge de la victime.
Au regard de ces éléments, ce poste de préjudice sera évalué à hauteur de 30.000 euros.
La créance de la CPAM n’étant pas versée au débat et dans la mesure où Monsieur [J] est susceptible de percevoir une rente AT, il y a lieu de surseoir à statuer sur ce poste de préjudice.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- Gêne temporaire de classe 3 du 28/10/2020 au 28/12/2020
- Gêne temporaire de classe 2 du 29/12/2020 au 29/03/2021
- Gêne temporaire de classe 1 du 30/03/2021 au 28/08/2021.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [J] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 1.861, 65 euros, calculée comme suit :
62j x 27 € x 50 % = 837 €
91j x 27 € x 25 % = 614, 25 €
152j x 27 € x 10 % = 410, 40 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment de la contention du coude par attelle, du port d’une chaussure de Barouk, du traitement médicamenteux et de la rééducation. Cotées à 3/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 6.000 euros.

Préjudice esthétique temporaire
Monsieur [J] évalue ce poste de préjudice à 2,5/7 pendant la période de gêne temporaire de classe 3 en raison de l’attelle au coude gauche et des cicatrices et dermabrasions sur la jambe gauche. Il sollicite à ce titre la somme de 2.500 euros.

La MATMUT s’oppose à cette demande faisant valoir que ce poste de préjudice n’a pas été retenu par l’expert et que Monsieur [J] n’a pas les compétences médicales pour l’évaluer lui-même.

Si l’expert n’a pas évalué ce poste de préjudice, il ressort néanmoins de son rapport que, suite à l’accident, Monsieur [J] a présenté des dermabrasions multiples sur le coude, la hanche et la cuisse gauches et les mains et a dû porter une attelle au coude pendant 15 jours et une chaussure de Barouk pendant un mois et utiliser des cannes. Ces éléments ont nécessairement altéré la présentation physique de Monsieur [J]. De plus, l’expert a retenu un préjudice esthétique permanent côté à 1,5/7 en raison des diverses cicatrices.
Au regard de ces éléments, il sera alloué à Monsieur [J] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

L’expert a relevé une perte de quelques degrés dans la flexion extension et dans la sous astragalienne de la cheville gauche, une sensibilité en fin de volutation du médio-pied, sans véritable limitation, ainsi qu’une petite limitation en flexion IP1, IPP4, IPP et IPD5. Il a évalué à l’AIPP à 5%.

Monsieur [J] s’oppose à l’indemnisation de ce poste de préjudice sur la base d’une valeur du point d’incapacité selon le référentiel MORNET. Il sollicite une évaluation selon la méthode dite de la “valeur jour” qui consiste à majorer le montant utilisé pour le DFT, de le multiplier par le taux d’atteinte fonctionnelle et de le capitaliser de façon viagère.
Par ailleurs, Monsieur [J] considère que les 5 % retenus par l’expert ne concernent que les séquelles somatiques et pas les souffrances permanentes, les incidences dans la vie quotidienne et la perte de qualité de vie. Il estime que de ce fait la valeur du jour de DFT doit être majoré de 3, 67 €, soit une valeur de 32 €. Il applique la méthode de la valeur jour et sollicite ainsi la somme de 38.896 €.
Subsidiairement, il évalue ce poste sur la base d’une valeur du point d’incapacité à 1.960 €, soit la somme de 9.800 €, auquel il ajoute 5.000 € pour tenir compte de l’impact sur la qualité de vie des séquelles.

La MATMUT évalue ce poste à hauteur de 7.750 euros, soit1.550 euros la valeur du point. Elle soutient qu’il faudra déduire de cette somme la rente AT perçue.

Contrairement à ce que soutient Monsieur [J], pour fixer le taux d’AIPP les experts judiciaires en général et le docteur [Z] en l'espèce, s'appuient sur le “concours médical”, qui intègre tous les paramètres médicaux, dont la dolorisation persistante outre la perte de qualité de la vie dans ses aspects quotidiens. Le référentiel dit “Mornet” évoqué par Monsieur [J] propose une grille de réparation qui intègre tous les paramètres des conséquences dommageables à titre permanent , puisque ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Il est donc inexact d'avancer que certaines des composantes de ce poste seraient méconnues, d'autant plus que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation pour évaluer son indemnisation au plus prés des conséquences subies par chaque victime.
Ainsi au regard du taux retenu par l’expert et de l’âge de Monsieur [J] à la consolidation, ce poste de préjudice sera évalué à hauteur de 8.850 euros, soit 1.770 euros la valeur du point.
Par ailleurs, même si Monsieur [J] était bénéficiaire d’une rente AT, cette prestation n’aurait pas vocation à s’imputer sur ce poste de préjudice conformément à la jurisprudence la plus récente de la Cour de Cassation (Ass. plén. 20 janvier 2023, n°21-23.947 et n°21-23673 ; 2ème civ, 6 juillet 2023 n°21-24.283).

Préjudice esthétique permanent
Côté à 1,5/7 en raison de la persistance de quelques traces cicatricielles, il justifie l’octroi de la somme de 3.000 euros.

Préjudice d’agrément
Ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice d’agrément spécifique lié à l’impossibilité ou à la difficulté pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs et doit être évalué in concreto.

Monsieur [J] expose qu’il pratiquait la course à pied et le football. Il demande la somme de 10.000 euros au regard des séquelles conservées de l’accident. Au soutien de sa demande, il verse au débat une attestation de la Présidente de l’association [8] et une attestation du secrétaire général de l’association sportive [7].

La MATMUT conclut au débouté faisant valoir que l’expert n’a pas retenu d’impossibilité à la pratique et que les attestations produites n’établissent pas que Monsieur [J] pratiquait les activités alléguées avant l’accident.

L’expert a retenu des “phénomènes douloureux lors des activités sportives” déclarées, à savoir le football et la course à pied. Il y a donc une gêne à la pratique potentiellement indemnisable.
L’attestation de Madame [K] [R] n’établit aucune pratique antérieure puisqu’elle mentionne seulement que Monsieur [J] n’a pas pu se licencier du fait de l’accident. Aucune licence antérieure évoquée, ni produite au débat.
L’attestation de Monsieur [R] permet d’admettre une pratique antérieure puisqu’il mentionne que Monsieur [J] “n’a pu continuer les entraînements”. Néanmoins cette pièce reste très laconique et ne peut établir la régularité ou l’importance de l’activité.
Au regard de ces élément, il sera alloué à Monsieur [J] la somme de 3.000 euros pour ce poste de préjudice.

Sur le doublement de l’intérêt légal

L’article L 211-9 du code des assurances dispose que l’assureur doit présenter à la victime une offre définitive d’indemnisation dans un délai de 5 mois à compter de la date à laquelle il a été informé de sa consolidation.

Le docteur [Z] a rédigé son rapport définitif le 28 septembre 2021. En prenant en compte un délai de 20 jours pour l’envoi de ce rapport (article R 211-44 du code des assurances), l’assureur devait donc présenter une offre définitive avant le 18 mars 2022.

La première offre dont la MATMUT justifie est une offre formulée le 22 mars 2022. Elle n’a donc pas été faite dans les délais.
Cette offre est complète puisqu’elle propose une proposition pour tous les postes de préjudice et que les seuls postes laissés en mémoire sont chiffrés et des justificatifs sont demandés à Monsieur [J] afin de les liquider. Elle n’est pas manifestement insuffisante puisque la somme proposée n’est pas inférieure au tiers de la somme allouée par le tribunal.

En application de l’article L 211-13 du code des assurances, il convient d’ordonner le doublement de l’intérêt légal entre le 18 mars 2022 et le 22 mars 2022

Le doublement s’applique à l’indemnité offerte par l’assureur, soit à la somme de 30.248 euros (en incluant les postes laissés en mémoire).

Sur les demandes accessoires

Vu la quittance provisionnelle versée au débat, il y a lieu de dire que la somme de 2.000 euros viendra s’imputer sur les sommes allouées.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société MATMUT, succombante sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Monsieur [J] ayant été contraint d’exposer des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner la société MATMUT à lui payer la somme de 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société MATMUT à payer à Monsieur [I] [J] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 840 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 1.920 euros au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation
- 1.861, 65 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 6.000 euros au titre des souffrances endurées
- 2.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 8.850 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 3.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent
- 3.000 euros au titre de l’incidence professionnelle

DIT que la provision déjà versée de 2.000 euros viendra en déduction des sommes ainsi allouées ;

SURSOIT À STATUER sur l’incidence professionnelle ;

CONDAMNE la société MATMUT à payer à Monsieur [I] [J] des intérêts au double du taux légal portant sur la somme de 30.248 euros, pendant la période ayant couru du 18 mars 2022 jusqu’au 22 mars 2022 ;

DIT le jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE la société MATMUT à payer à Monsieur [I] [J] la somme de
1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la société MATMUT aux dépens ;

RENVOIE l’affaire à l’audience de mise en état du 27 mai 2024 à 14h30 pour production de la créance définitive de la CPAM ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 25 MARS 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/07553
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;22.07553 ?
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