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25/03/2024 | FRANCE | N°22/03831

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 25 mars 2024, 22/03831


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/03831 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z4HH

AFFAIRE : M. [F] [M] (Me Ange TOSCANO)
C/ CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE (Me Gilles MARTHA)
- S.C.I. SOGARIS [Localité 6] PROVENCE (Me Joanne REINA)



DÉBATS : A l'audience Publique du 19 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la dat

e du délibéré a été fixée au : 25 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/03831 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z4HH

AFFAIRE : M. [F] [M] (Me Ange TOSCANO)
C/ CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE (Me Gilles MARTHA)
- S.C.I. SOGARIS [Localité 6] PROVENCE (Me Joanne REINA)

DÉBATS : A l'audience Publique du 19 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 25 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 25 Mars 2024

PRONONCE par mise à disposition le 25 Mars 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [F] [M]
né le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 6], demeurant [Adresse 5]

Immatriculé à la sécurité sociale sous le n° [Numéro identifiant 1]
représenté par Me Ange TOSCANO, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Gilles MARTHA de la SCP BINISTI-BOUQUET-LASSALLE-MAUREL, avocats au barreau de [Localité 6]

S.C.I. SOGARIS [Localité 6] PROVENCE, dont le siège social est [Adresse 7] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Joanne REINA de la SELARL PLANTAVIN REINA ET ASSOCIES, avocats au barreau de [Localité 6]

*************

La société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE exploite une plate-forme de 9 hectares dédiée aux activités de la logistique urbaine sis [Adresse 8].
Sur ce site sont implantées diverses entreprises dont la société VERT CHEZ VOUS qui emploie Monsieur [F] [M].

Le 10 septembre 2020, Monsieur [M], s’apprêtait à quitter le site au guidon de sa motocyclette, lorsqu’il a été blessé car sa cheville a heurté un rocher déposé aux abords de la chaussée.

Par ordonnance en date du 19 avril 2021, le juge des référés a ordonné une expertise et a désigné le docteur [U] afin de la réaliser.

L’expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 4 février 2022.

Monsieur [M] a sollicité auprès de la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE l’indemnisation de son préjudice. Celle-ci, contestant sa responsabilité, n’a pas donné suite.

Par acte du 12 avril 2022 assignant la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE et la CPAM des Bouches du Rhône, suivi de conclusions notifiées le 25 octobre 2022, Monsieur [M] demande au tribunal de :
- DÉCLARER le jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône
- CONDAMNER la défenderesse à lui verser la somme de 55.708, 50 € en réparation de son préjudice corporel et hors mémoire
- CONDAMNER la défenderesse à lui verser la somme de 350 € au titre des frais et honoraires d’assistance à expertise
- la CONDAMNER à lui verser la somme de 5.000 € en vertu de l’article 700 du CPC
- la CONDAMNER aux entiers dépens distraits au profit de Maître Ange TOSCANO et ce compris le coût de l’expertise judiciaire.

Par conclusions notifiées le 19 juillet 2022, la CPAM des Bouches du Rhône demande au tribunal de :
- FIXER la créance définitive de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône à la somme de 13 439,92 €, se décomposant comme suit :
-Dépenses de santé actuelles : 4.591, 31 €
-Franchises : 65, 79 €
-Perte de gains professionnels actuels : 5.712, 10 €
-Soins post consolidation : 1.049, 26 €
-Perte de gains professionnels futurs : 2.153, 04 €
- CONDAMNER la société Sogaris [Localité 6] Provence à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône la somme totale de 13 439,92 € au titre de ses débours avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- CONDAMNER la société Sogaris [Localité 6] Provence à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 1 114 € au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 376-1 alinéa 9 du Code de la sécurité sociale ;
- CONDAMNER la société Sogaris [Localité 6] Provence à verser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société Sogaris [Localité 6] Provence aux entiers dépens de l’instance.

Aux termes de conclusions notifiées le 28 novembre 2022, la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE demande au tribunal de :
A titre principal
- DEBOUTER Monsieur [F] [M] de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de la SCI SOGARIS [Localité 6] PROVENCE
- DEBOUTER la CPAM des Bouches-du-Rhône de ses demandes formées au titre de ses débours
A titre subsidiaire
- JUGER que l’indemnisation du préjudice corporel de Monsieur [F] [M] ne saurait être supérieure à la somme de 21.687,15 €, se décomposant comme suit :
-Sur les frais d’assistance à expertise : 350€,
-Sur l’assistance à tierce personne : 1.240 €
-Sur le déficit fonctionnel temporaire total : 27 €
-Sur le déficit fonctionnel temporaire partiel : 1.150,15 €
-Sur les souffrances endurées : 6.000 €,
-Sur le déficit fonctionnel permanent : 10.920 €.
-Sur le préjudice esthétique permanent : 1.500 €
-Sur le préjudice esthétique temporaire : 500 €
-Sur le préjudice d’agrément : aucune indemnisation
En tout etat de cause
- DEBOUTER Monsieur [F] [M] de sa demande de condamnation formée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
- DEBOUTER la CPAM des Bouches-du-Rhône de sa demande de condamnation formée au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER Monsieur [F] [M] au paiement de la somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER Monsieur [F] [M] aux entiers dépens de l’instance, distraits au profit de Maître Joanne REINA, de la SELARL PLANTAVIN-REINA & ASSOCIES, Avocat au Barreau de MARSEILLE, conformément aux termes de l’article 699 du Code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 30 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 19 février 2024 et mise en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

L’article 1242 du code civil institue une responsabilité de plein droit, objective, en dehors de toute notion de faute qui pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage ; lorsque la chose est par nature immobile, la preuve que le bien incriminé a participé de façon incontestable et déterminante à la production du préjudice incombe à la victime qui doit démontrer que la chose, malgré son inertie, a eu un rôle causal et a été l’instrument du dommage par une anormalité dans son fonctionnement, son état, sa fabrication, sa solidité ou sa position.

La responsabilité du fait des choses inanimées pèse sur le gardien de la chose intervenue dans la réalisation du dommage, sauf à prouver qu'il n'a fait que subir l'action d'une cause étrangère, le fait d'un tiers imprévisible et irrésistible ou la faute de la victime.

Il appartient à la victime de fournir des éléments objectifs permettant d’établir de manière suffisante les circonstances précises de l’accident de manière à démontrer que le caractère anormal ou dangereux de la chose inerte est à l’origine de son dommage.

En l’espèce, Monsieur [M] expose qu’il circulait à motocyclette sur le site d’[Adresse 4] lorsque sa cheville a heurté un énorme rocher déposé à la sortie du site et qui dépassait sur la chaussée.

Il conteste l’argument de la défenderesse selon lequel le rocher aurait été placé là pour formaliser une interdiction de tourner à gauche puisqu’il aurait suffi d’un panneau réglementaire d’interdiction.

Par ailleurs, il concède avoir initialement enjolivé sa version des faits et reconnaît qu’il ne s’est pas présenté devant la barrière de sortie et n’a pas attendu qu’elle se soulève. Cependant, il fait valoir que toute la voie est réservée à la circulation de sorte qu’il n’est pas fautif d’avoir circulé plus à gauche qu’à droite ou au centre. Il soutient que le rocher dépassait sur le côté gauche de la voie ce qui constitue un danger qui caractérise sa position anormale et permet d’engager la responsabilité de la défenderesse.

Au soutient de sa demande, Monsieur [M] verse au débat :
- un constat d’huissier de justice
- une attestation de Monsieur [G] [T], collègue de travail, mentionnant :
“...La première barrière ne s’est pas ouverte à son approche, afin de l’éviter, il s’est déporté légèrement sur sa gauche, tout en restant dans sa voie et a heurté un rocher dépassant sur la route...”
- un courriel dans lequel il relate les faits de la façon suivante :
“...En approche de la barrière, elle était ouverte en plein, donc je m’engage et celle- ci descend comme si elle ne m’avait pas détecté, afin de ne pas la prendre sur la tête, je me suis écarté sur la gauche en restant bien évidemment dans la voie qui m’était destinée, mais c’était sans faire attention à un rocher qui est situé bizarrement sur le côté mais qui dépasse énormément et surtout est très saillant ...” .

La société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE affirme que la version relatée par Monsieur [M], dans son courriel et dans la correspondance de son avocat, selon laquelle la barrière de sortie se serait refermée sur lui de sorte qu’il aurait été obligé de se déporter sur la gauche est erronée. Elle expose que Monsieur [M] s’est présenté devant la barrière intermédiaire de sécurité qui ne s’est pas ouverte immédiatement ; que plutôt que de patienter quelques secondes, il s’est déporté sur sa gauche afin de la contourner en circulant entre l’extrémité de la barrière et le rebord du terre-plein. Elle considère que cette manoeuvre volontaire sur la gauche est non-conforme à une conduite normale et attendue d’une personne raisonnable et constitue une faute. Elle estime que Monsieur [M] aurait dû se positionner au milieu de la voie face à la barrière afin que son véhicule soit détecté et réguler sa vitesse et marquer l’arrêt afin de permettre l’ouverture de la barrière. Elle soutient que Monsieur [M] a contrevenu aux dispositions de l’article R413-17 du code de la route alors que le ce code est applicable à tous les usagers du site.

La société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE soutient par ailleurs que le rocher n’est pas situé dans l’axe de circulation délimité par la barrière, que la voie de circulation est suffisamment large et que si Monsieur [M] avait suivi sa voie de circulation, il n’aurait pas percuté le rocher destiné à matérialiser une interdiction de tourner à gauche pour les véhicules. Elle considère que la faute de Monsieur [M] est la cause exclusive de l’accident. Elle conclut que sa responsabilité n’est pas engagée.

La société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE produit notamment au débat ses conclusions de référé, l’ordonnance de référé du 19 avril 2021 et la vidéo des faits.

Il est désormais constant que la première version soutenue par Madame [M], selon laquelle il aurait été contraint de se déporter vers la gauche pour éviter la barrière qui était en train de descendre prématurément sur lui, est fausse. Elle n’est d’ailleurs plus soutenue. Cela ne dispense pas de rechercher si le rocher litigieux avait une position anormale et, le cas échéant, si Monsieur [M] a commis, le 10 septembre 2020, une faute de nature à exonérer le gardien de sa responsabilité.

Il ressort tant de la vidéo que du constat d’huissier qu’au moment de l’accident le rocher litigieux se trouvait après la barrière, dans le sens de la sortie du site, aux abords de la chaussée et qu’une partie du rocher empiétait sur la voie de circulation. Ce positionnement ne peut être considéré comme normal, cet empiétement sur la voie était par définition dangereux pour les usagers quand bien même la voie serait suffisamment large pour l’éviter.

D’ailleurs, le constat du 5 janvier 2021 démontre que le rocher litigieux a été déplacé de façon à ce qu’il ne dépasse plus sur la voie de circulation.

Il est constant que Monsieur [M] s’est blessé en heurtant ce rocher au niveau de la cheville.

La société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE, qui ne conteste pas être le gardien dudit rocher, est donc, à ce stade du raisonnement, responsable du préjudice de Monsieur [M].

S’agissant du comportement de celui-ci, la vidéo établit qu’il n’a pas ralenti à l’approche de la barrière, n’a pas attendu que celle-ci s’ouvre et l’a contournée en se déportant vers la gauche ce qui l’a conduit à heurter le rocher.

Ainsi, Monsieur [M] a commis des fautes de conduite en n’adaptant pas sa vitesse aux circonstances, en ne marquant pas l’arrêt à la barrière de sécurité et en ne circulant pas à droite de la chaussée.

Ces fautes caractérisent un comportement particulièrement imprudent. Elles ont joué un rôle causal incontestable dans le dommage.

En revanche, ces fautes ne sont pas la cause exclusive del’accident, car si le rocher avait eu une position normale, Monsieur [M] ne se serait pas blessé. Surtout, le comportement de Monsieur [M] ne peut être considéré comme imprévisible pour la société exploitant le site.

Au regard de ces éléments, il convient de dire que la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE est exonérée à 70 % de sa responsabilité.

Par conséquent, elle sera condamnée à indemniser Monsieur [M] de son préjudice, dans la limite de 30 %.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes du rapport d’expertise judiciaire du docteur [U] l’accident a causé à Monsieur [M] un traumatisme direct de la cheville gauche avec fracture fermée articulaire du pilon tibial versant interne associée à une fracture articulaire distale de la malléole interne et externe sans complication vasculo-nerveuse.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- ATAP du 11/09/2020 au 03/01/2021
- DFTT le 14/09/2020
- DFT à 33% du 11/09/2020 au 13/09/2020 et du 15/09/2020 au 06/11/2020, avec aide humaine de 1h/jour
- DFT à 25 % du 07/11/2020 au 03/01/2021, avec aide humaine de 3h30/semaine
- DFT à 10 % du 04/01/2021 au 16/04/2021
- Consolidation : 16/04/2021
- Souffrances endurées : 3/7
- Préjudice esthétique temporaire : 2/7
- Préjudice esthétique définitif : 1,5/7
- DFP : 7 %.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [M], âgé de 50 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Conformément à l’accord des parties sur ce point, ce poste de préjudice est évalué à 350 euros.

En application de l’exonération partielle de responsabilité, il sera alloué à Monsieur [M] la somme de 105 euros pour ce poste de préjudice.

Assistance par tierce personne avant consolidation
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a fixé le besoin d’assistance par une tierce personne de Monsieur [M] de la façon suivante :
- 1h/jour du 11/09/2020 au 13/09/2020 et du 15/09/2020 au 06/11/2020
- 3h30/semaine du 07/11/2020 au 03/01/2021.

Il convient de fixer l’indemnisation du poste de préjudice lié à la nécessité d’avoir été assisté d’une tierce personne pour les besoins de la vie courante jusqu’à la consolidation sur la base d’un taux horaire de 17€ et d’allouer, en conséquence, à ce titre à Monsieur [M] la somme de 428, 40 euros, calculée comme suit :
55j x 1h x 17 € = 935 €
(58j/7) x 3,5h x 17 € = 493 €
(935 + 493) x 30 % = 428, 40 €.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- DFTT le 14/09/2020
- DFT à 33% du 11/09/2020 au 13/09/2020 et du 15/09/2020 au 06/11/2020
- DFT à 25 % du 07/11/2020 au 03/01/2021
- DFT à 10 % du 04/01/2021 au 16/04/2021.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [M] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 356 euros, calculée comme suit :

1j x 27 € = 27 €
55j x 27 € x 33 % = 490, 05 €
58j x 27 € x 25 % = 391, 50 €
103j x 27 € x 10 % = 278, 10 €
( 27 + 490, 05 + 391, 50 + 278, 10) x 30 % = 356 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment de l’hospitalisation, de l’intervention chirurgicale, de l’immobilisation et de la rééducation. Cotées à 3/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 6.000 euros, soit 1.800 euros en tenant compte de l’exonération partielle de responsabilité.

Préjudice esthétique temporaire
Côté à 2 /7 en raison de l’oedème, de la cicatrice et de la boiterie, il sera évalué à 1.300 euros.

En tenant compte de l’exonération partielle de responsabilité, il sera alloué à Monsieur [M] la somme de 390 euros en indemnisation de ce poste de préjudice.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 7 % par l’expert compte-tenu des séquelles cervicales relevées et étant âgée de 50 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme 12.600 euros, soit 3.780 euros en tenant compte de l’exonération partielle de responsabilité.

Préjudice esthétique permanent
Côté à 1,5/7 en raison de la persistance de traces cicatricielles chirurgicales bien visibles, il sera évalué à 3.000 euros.

En tenant compte de l’exonération partielle de responsabilité, il sera alloué à Monsieur [M] la somme de 900 euros en indemnisation de ce poste de préjudice.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

L’expert a retenu une gêne lors de la course à pied sans contre-indication fonctionnelle.

Monsieur [M] sollicite la somme de 6.000 euros en indemnisation de ce poste de préjudice.

La défenderesse s’oppose à la demande faisant valoir que Monsieur [M] ne produit aucun justificatif de la pratique de la course à pied et que le préjudice d’agrément temporaire est indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel.

Il y a lieu de constater que Monsieur [M] ne produit aucune pièce établissant qu’il pratiquait régulièrement une activité sportive quelconque avant l’accident. Dès lors, il ne démontre pas l’existence d’un préjudice d’agrément. Sa demande sera rejetée.

Sur la demande de la CPAM

L’article L376-1 du code de la sécurité sociale dispose en son alinéa 3 :
“Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s’exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu’elles ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel”.

Il convient de faire droit à la demande présentée par la CPAM des Bouches du Rhône en remboursement de ses débours dans la limite des droits de la victime.

Ainsi, la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE sera condamnée à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 4.031, 98 euros (13.439, 92 x 30 % ).
Elle devra également lui verser la somme de 1.114 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE, succombante, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Maître TOSCANO sera autorisé à recouvrer sur la partie condamnée aux dépens ceux dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.

La société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE devra en outre verser au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile une somme qu’il est équitable de fixer à 1.300 euros pour Monsieur [M] et 800 euros pour la CPAM des Bouches du Rhône.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT que la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE est responsable à 30 % du dommage subi par Monsieur [F] [M] ;

CONDAMNE la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE à payer à Monsieur [F] [M] les sommes suivantes, tenant compte de l’exonération partielle de responsabilité, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 105 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 428, 40 euros au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation
- 356 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 1.800 euros au titre des souffrances endurées
- 390 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 3.780 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 900 euros au titre du préjudice esthétique permanent

REJETTE la demande au titre du préjudice d’agrément ;

CONDAMNE la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 4.031, 98 euros au titre de ses débours ;

CONDAMNE la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 1.114 euros au titre de l’indemnité forfaitaire ;

CONDAMNE la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE à payer à Monsieur [F] [M] la somme de 1.300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE à payer à la CPAM des Bouches du Rhône la somme de 800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la société SOGARIS [Localité 6] PROVENCE aux dépens ;

AUTORISE Maître TOSCANO à recouvrer sur la partie condamnée aux dépens ceux dont il aurait fait l’avance sans en avoir reçu provision.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
25 MARS 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/03831
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;22.03831 ?
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