TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B
JUGEMENT N°
Enrôlement : N° RG 21/01320 - N° Portalis DBW3-W-B7F-YMWX
AFFAIRE :
S.A. BNP PARIBAS LEASE GROUP (Me Evelyne MERDJIAN)
C/
M. [I] [D] (Me Charlotte MOREAU-CARON)
Rapport oral préalablement fait
DÉBATS : A l'audience Publique du 01 Février 2024
COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré
Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge
Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats
A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 21 Mars 2024
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024
PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 21 Mars 2024
Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge
Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier
NATURE DU JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort
NOM DES PARTIES
DEMANDERESSE
La société BNP PARIBAS LEASE GROUP (S.A.)
Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le N° 632 017 513
dont le siège social est sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
représentée par Me Evelyne MERDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE
C O N T R E
DEFENDEUR
Monsieur [I] [D], avocat
né le 02/10/1951 à [Localité 3], de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
représenté par Me Charlotte MOREAU-CARON, avocat au barreau de MARSEILLE
EXPOSE DU LITIGE :
Par contrat Y0189714, la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP a donné en location à Monsieur [I] [D] un copieur, moyennant le paiement de 21 loyers trimestriels du 1er avril 2017 au 1er avril 2022, d’un montant de 1.320 € toutes taxes comprises
Par acte d’huissier en date du 29 janvier 2021, la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP a assigné Monsieur [I] [D] devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de le voir condamner à lui verser la somme de 17.820 €.
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 5 avril 2023, au visa des articles 1101 à 1104 du code civil, la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP sollicite de voir :
- débouter Monsieur [I] [D] de toutes ses prétentions ;
- condamner Monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 17.820 € avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
- condamner Monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de sa résistance abusive ;
- condamner Monsieur [I] [D] à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner Monsieur [I] [D] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP affirme que le défendeur fait durer les négociations depuis 2018. Déjà à cette date, il avait reconnu devoir la somme de 17.820 € avant de se rétracter. Encore dans ses dernières conclusions, il sollicite de voir uniquement fixer le montant de la créance, sans pour autant effectuer le moindre paiement. Sa résistance abusive est caractérisée par cette mauvaise foi dilatoire.
Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 27 avril 2023, Monsieur [I] [D] sollicite de voir :
A titre principal :
- dire que Monsieur [I] [D] est débiteur de la somme de 17.820 € ;
A titre subsidiaire ;
- renvoyer l'affaire à une audience à laquelle le Tribunal fixera le montant de la créance ;
- condamner Monsieur [I] [D] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, le défendeur fait valoir qu'un accord sur le montant de la somme due est intervenu entre les parties.
A l'audience du 1er février 2024, le conseil de Monsieur [I] [D] a indiqué que celui-ci entendait se désister de sa demande tendant à voir condamner la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP aux dépens. Cette déclaration a été actée à la note d'audience.
Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la condamnation en paiement :
Monsieur [I] [D] ne conteste pas le montant de sa dette au principal. Il sera condamné à verser à la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 17.820 €. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021, date de l'assignation valant mise en demeure.
Sur la résistance abusive :
Il résulte des articles 30 du code de procédure civile et 1240 du code civil que la résistance abusive consiste, d'une part, dans l'usage fautif du droit de résister à la prétention du demandeur, faute caractérisée notamment par l'intention exclusive de nuire au demandeur, et d'autre part, dans le préjudice causé par cet usage abusif.
La résistance à une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
Il résulte des échanges de mels et de courriers recommandés entre les parties que, le 2 avril 2019, les parties s'étaient accordées sur les termes d'un éventuel protocole d'accord entre elles. Par courrier du 15 mars 2019, Monsieur [I] [D] indiquait rester « dans l'attente d'un avenant qui concrétisera de façon juridique les conditions qui viennent de m'être précisées ».
La société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP demandait alors à Monsieur [I] [D] (avocat de profession) de rédiger lui-même un protocole d'accord. Or, par courrier du 2 avril 2019, Monsieur [I] [D] indiquait : « lorsque mon Cabinet établit un acte, il est fondé à réclamer le règlement de ses frais et honoraires. Compte tenu de l'attitude particulièrement rigide de vos mandants qui refusent même de récupérer immédiatement le matériel litigieux et de dispenser mon Cabinet du règlement des dernières échéances, l'établissement de ce protocole d'accord n'est donc pas envisageable en l'état ».
Il convient de relever le caractère surprenant de la réponse de Monsieur [I] [D] : en effet, ce n'était pas en qualité d'avocat tiers au litige qu'il lui était demandé de rédiger l'accord, puisqu'il était partie à ce même litige. La société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP ne sollicitait donc manifestement pas Monsieur [I] [D] pour la rédaction d'un accord comme un professionnel qu'elle aurait souhaité rémunérer pour une prestation : elle faisait simplement la faveur à un débiteur connaissant les arcanes du droit de pouvoir lui-même rédiger les termes de son propre protocole d'accord.
Mais, quand bien même Monsieur [I] [D] s'estimerait fondé à avoir refusé de rédiger bénévolement un protocole d'accord qui aurait pu être rédigé par sa cocontractante, créancière, il y a lieu de constater que depuis ce refus de rédaction, aucun accord n'est plus intervenu entre les parties, jusqu'aux conclusions du 27 avril 2023 de Monsieur [I] [D], par lesquelles il reconnaît les sommes dues. Or, alors que les parties, dès mars 2019, s'accordaient sur la quasi totalité des sommes dues (sinon sur le plan résiduel des pénalités et de deux loyers), Monsieur [I] [D] n'a jamais procédé à un quelconque paiement, même partiel, depuis.
Monsieur [I] [D] ne conteste pourtant pas la totalité de la somme depuis l'origine : il en reconnaît même l'essentiel depuis de longues années. Il reconnaissait ainsi devoir la somme de 14.580 € dès le tournant 2019-2020. Rien ne l'empêchait donc, même en ne souhaitant pas rédiger le protocole d'accord, de payer partiellement sa dette pour les sommes qu'il reconnaissait devoir.
Devant le présent Tribunal, à défaut de constitution initiale d'avocat en défense, l'affaire avait d'abord fait l'objet d'une ordonnance de clôture du 25 octobre 2021, suite à l'audience d'orientation. Suite à l'ordonnance de clôture, à la date même de l'audience de plaidoirie du 17 mars 2022 initialement prévue, Monsieur [I] [D] a constitué avocat. L'ordonnance de clôture a donc été révoquée et l'affaire renvoyée à la mise en état au 15 septembre 2022.
En trois ans de procédure, le défendeur a rédigé un seul jeu de conclusions, de deux pages, dans lequel il se borne finalement à reconnaître les sommes réclamées par la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP de longue date, sans davantage d'explications sur les motifs de sa résistance, ni de son acceptation finale et tardive. Il est à noter qu'en cours de négociations, en 2019, Monsieur [I] [D] évoquait avec indignation les manœuvres alléguées de la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP, indiquant son intention de déposer plainte auprès du Procureur pour escroquerie. Dans un courrier du 11 février 2020, le défendeur indiquait avoir effectivement déposé cette plainte.
Des suites de cette plainte, il n'est désormais plus question au cours de la présente procédure. Le défendeur ne l'évoque pas dans ses dernières (et seules) conclusions. Il ne fournit aucune pièce sur ce point.
La société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP a donc subi un préjudice de perte de temps et d'énergie, dont les multiples échanges de mails et de courriers avec Monsieur [I] [D] attestent, préjudice causé par la mauvaise foi de Monsieur [I] [D] dans la résistance excessive qu'il a opposée à la demande en paiement. Cette résistance a certes démarré avant la présente procédure judiciaire, mais s'est prolongée par une attitude dilatoire en cours de procédure.
Il y a donc lieu de condamner Monsieur [I] [D] à verser à la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 2.500 €, au titre du préjudice généré par sa résistance abusive.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Il y a lieu de condamner Monsieur [I] [D], qui succombe aux demandes de la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP, aux entiers dépens.
Il y a lieu de condamner Monsieur [I] [D] à verser à la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de 3.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire :
L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. »
La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :
CONDAMNE Monsieur [I] [D] à verser à la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de dix-sept mille huit cent vingt euros (17.820 €) ;
DIT que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2021, date de la mise en demeure ;
CONDAMNE Monsieur [I] [D] à verser à la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de deux mille cinq cents euros (2.500 €) au titre de sa résistance abusive ;
CONDAMNE Monsieur [I] [D] aux entiers dépens ;
CONDAMNE Monsieur [I] [D] à verser à la société anonyme BNP PARIBAS LEASE GROUP la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;
REJETTE les prétentions pour le surplus.
Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.
LA GREFFIERELE PRESIDENT