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21/03/2024 | FRANCE | N°20/01870

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 21 mars 2024, 20/01870


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01347 du 21 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01870 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XWOC

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [E] [F] [L]
née le 05 Mars 1955 à [Localité 8] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Benoit GRANJARD, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [D]





DÉBATS : À

l'audience publique du 18 Décembre 2023


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président


Assesseurs : KA...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 6]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01347 du 21 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 20/01870 - N° Portalis DBW3-W-B7E-XWOC

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [E] [F] [L]
née le 05 Mars 1955 à [Localité 8] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Benoit GRANJARD, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [D]

DÉBATS : À l'audience publique du 18 Décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
DUMAS Carole

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par courrier expédié le 20 juillet 2020, Madame [M] [L] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille en contestation de la décision du 27 mai 2020 de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône (CPCAM) relative à une demande de remboursement d’indu du 10 mars 2020 à hauteur de 3 432,99 euros au motif de versement à tort d’arrérage de pension d’invalidité correspondant à la période du 1er septembre 2019 au 30 novembre 2019.

A l'audience du 18 décembre 2023, Madame [L], représenté par son conseil et reprenant ses conclusions, sollicite du tribunal qu'il :-
rejette la demande de condamnation de la Caisse,
- subsidiairement, dispense du remboursement de l'indu de 2902,48 euros, au regard de sa bonne foi et de sa situation financière,
- très subsidiairement, ordonne une remise totale ou partielle de la dette en raison du préjudice subi du fait des erreurs de la Caisse, en application de
- accorde les plus larges délais de paiement,
- en tout état de cause, condamne la Caisse à lui verser la somme de 3000 euros au titre des dommages et intérêts en raison du préjudice moral et financier subi du fait des erreurs de la Caisse,
- condamne la Caisse à lui verser la somme de 1500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'appui de ses prétentions, elle expose été employée au sein de la société [7] depuis le 20 novembre 1978, avoir été en invalidité de catégorie I depuis le 12 mai 2009, puis placée en invalidité de catégorie II à compter du 1er septembre 2019. Elle explique ne pas comprendre l'indu qui lui est réclamé dans la mesure où elle avait contrat de travail et ne percevait pas de pension de retraite sur la période litigieuse, n'ayant pas demandé à passer en retraite. Elle estime que la Caisse a commis une faute en ne contrôlant pas la situation de l’assurée comme le prescrit l’article R341-14 du code de la sécurité sociale ce qui l’a précipitée dans la précarité en lui supprimant pendant environ un an toute source de revenu, et en prélevant des sommes sur des remboursements médicaux en violation l’article R133-9-2 du code de la sécurité sociale.

La CPCAM, représentée par un inspecteur juridique et reprenant ses conclusions, demande au tribunal qu'il confirme le bien-fondé de l'indu ramené à la somme de 2902,48 euros et le rejet des demandes de la requérante.

A l'appui de ses prétentions, elle s’en rapporte à l’argumentation de la commission de recours amiable et expose que la requérante a perçu de septembre à novembre 2019 un double paiement de pension, invalidité et retraite dont le cumul n’est pas possible, et qu’elle doit restituer en application des articles 1302 et suivants du Code civil sur la répétition de l’indu.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article L341-15 du code de la sécurité sociale, la pension d'invalidité prend fin à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L 351-1. Elle est remplacée à partir de cet âge par la pension de vieillesse allouée en cas d'inaptitude au travail.

L’article L341-16 du même code précise que par dérogation aux dispositions de l'article L. 341-15, lorsque l'assuré, dont la pension d'invalidité a pris fin à l'âge prévu au premier alinéa de l'article L. 351-1, exerce une activité professionnelle, la pension de vieillesse allouée au titre de l'inaptitude au travail n'est concédée que si l'assuré n'y fait pas opposition.

En l’espèce, il convient de constater que si l'article L341-16 ne mentionne pas expressément le caractère effectif de l'activité professionnelle devant être exercée pour qu'un assuré pouvant partir à la retraite mais s'y refusant puisse continuer à percevoir une pension d'invalidité, il convient de considérer que celle-ci est induite dans la mesure où cette exception est instituée afin de permettre à l'assuré qui le souhaite de continuer à travailler et favoriser ainsi un maintien dans la vie active. Or, le fait d'être dans un arrêt de travail, sous-entendant ainsi une suspension de l'activité de travail, ne constitue pas un maintien dans la vie active.
Aux termes de l’article 1302 du code civil, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

L’article 1302-1 du code civil ajoute que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Il ressort des dispositions de l'article 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile qu'il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et de prouver les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

Ainsi, il entre dans l’office du juge de se prononcer sur le bien-fondé de la décision administrative d’un organisme de sécurité sociale déterminant l’étendue de la créance qu’il détient sur l’un de ses assurés, résultant de l’application de la législation de sécurité sociale.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame [L] n’exerçait plus ses fonctions à la [7], ni n’exerçait matériellement et effectivement aucune autre activité professionnelle, en sorte que la pension d’invalidité ne pouvait se cumuler avec la pension de retraite sur ce fondement.

Aux termes de l’article L 355-3 du code de la sécurité sociale, en cas d'erreur de l'organisme débiteur de la prestation aucun remboursement de trop-perçu des prestations de retraite ou d'invalidité n'est réclamé à un assujetti de bonne foi lorsque les ressources du bénéficiaire sont inférieures au chiffre limite fixé pour l'attribution, selon le cas, à une personne seule ou à un ménage, de l'allocation aux vieux travailleurs salariés.
Lorsque les ressources de l'intéressé sont comprises entre ce plafond et le double de ce plafond, le remboursement ne peut pas être effectué d'office par prélèvement sur les prestations. Le cas et la situation de l'assujetti sont alors soumis à la commission de recours amiable qui accordera éventuellement la remise totale ou partielle de la dette et déterminera, le cas échéant, l'échelonnement de ce remboursement.

Aux termes de l’article R133-9-2 du code de la sécurité sociale, l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception. Cette lettre précise le motif, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du ou des versements donnant lieu à répétition. Elle mentionne l'existence d'un délai de deux mois imparti au débiteur pour s'acquitter des sommes réclamées et les modalités selon lesquelles les indus de prestations pourront être récupérés, le cas échéant, par retenues sur les prestations à venir. Elle indique les voies et délais de recours ainsi que les conditions dans lesquelles le débiteur peut, dans le délai mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 142-1, présenter ses observations écrites ou orales.

A l'expiration du délai de forclusion prévu à l'article R. 142-1 ou après notification de la décision de la commission instituée à ce même article, le directeur de l'organisme créancier compétent, en cas de refus du débiteur de payer, lui adresse par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception une mise en demeure de payer dans le délai d'un mois qui comporte le motif, la nature et le montant des sommes demeurant réclamées, la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement, les voies et délais de recours et le motif qui, le cas échéant, a conduit à rejeter totalement ou partiellement les observations présentées.
En l’espèce, en attribuant une pension à compter du 1er septembre 2019 puis en la retirant à compter de cette même date en estimant que cette pension d’invalidité n’était pas due parce que l’assurée, du fait de son âge, relevait non du régime de la pension pour invalidité mais de celui de la pension de retraite pour invalidité, alors que l’âge n’était pas une donnée ignorée par l’organisme et, par définition hors du domaine de contrôle été d’action de l’assurée, la CPAM a commis pour le moins une incontestable erreur de gestion.

La bonne foi se présume, et la caisse ne la conteste pas, a fortiori n’alléguant ni ne justifiant d’élément caractérisant la mauvaise foi, pas plus qu’elle ne conteste l’applicabilité de l’article L 355-3 précité au cas de Madame [L].

Dans ces conditions, il y a lieu de dispenser de remboursement et par voie de conséquence, d’annuler l’indu de pension d’invalidité, notifié à Madame [L] par courrier du 10 mars 2020 d’un montant de 3 432,99 € correspondant à la période du 1er septembre 2019 au 30 novembre 2019.

En remplaçant les indemnités journalières par une pension d’invalidité puis en supprimant d’autorité la pension d’invalidité à effet de la même date que celle d’attribution, tous éléments constituant les seuls revenus d’une personne en grande fragilité et vulnérabilité, notamment psychologique, pour la renvoyer vers un autre organisme, en l’occurrence d’assurance vieillesse, sans s’assurer que cet organisme verserait immédiatement après la cessation, une pension, c’est-à-dire le nécessaire pour vivre décemment, la CPAM a commis une faute de gestion.

Il n’est pas contesté que Madame [L] s’est retrouvée sans aucun revenu à tout le moins de décembre 2019, date de cessation de paiement par la CPAM, à septembre 2020, date de versement de la pension vieillesse.

En aboutissant à ce que l’assurée, reconnue invalide de catégorie 2, en incapacité de travailler et de subvenir par elle-même et ce moyen autonome à ses besoins, soit privée de tout revenu pendant de nombreux mois, cette faute n’a pu que placer Madame [L], atteinte d’un syndrome de fatigue chronique avec syndrome polyalgique diffus associé à un syndrome dépressif majeur qui a nécessité plusieurs hospitalisation en clinique psychiatrique en 2019, dans une grande difficulté notamment financière du jour au lendemain, ce qui a aggravé son isolement lié à son syndrome anxiodépressif comme en attestent les certificats des docteurs [N] et [C] des 26 février 2020 et 28 juillet 2020, caractérisant ainsi un préjudice qu’il convient d’indemniser à hauteur de 3 000 €, en ce compris le non-respect, non contesté, des dispositions de l’article R133-9-2 précité par prélèvement sans mise en demeure sur remboursement de soins médicaux dès après la notification de rejet de contestation d’indu par la commission de recours amiable.

En outre, Madame [M] [L] a été contrainte d’engager la présente procédure pour faire valoir ses droits.

Il ne parait donc pas inéquitable de condamner la CPCAM à lui verser la somme de 1500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Aux termes de l'article 696 du Code de Procédure Civile, « La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie », les dépens seront laissés à la charge de la CPCAM.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement contradictoire et en premier ressort,

ANNULE l’indu de 3 432,99 € du 10 mars 2020 de pension d’invalidité correspondant à la période du 1er septembre 2019 au 30 novembre 2019 notifié à Madame [M] [L] et confirmé par la décision du 27 mai 2020 de rejet de la commission de recours amiable de la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône ;

CONDAMNE la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône à verser la somme de 3 000 € en réparation du préjudice de Madame [M] [L] ;

CONDAMNE la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône à verser à Madame [M] [L] la somme de 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge de la Caisse Primaire Centrale d'Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône;

REJETTE le surplus des demandes ;

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 20/01870
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;20.01870 ?
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