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21/03/2024 | FRANCE | N°19/06975

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 21 mars 2024, 19/06975


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]


JUGEMENT N°24/01340 du 21 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 19/06975 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XCB2

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [T] [Y]
né le 30 Mai 1963 à [Localité 6] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Maître Nicole GASIOR de , avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Sabrina REBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13


[Localité 3]
représentée par Mme [B]




DÉBATS : À l'audience publique du 18 Décembre 2023


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des dé...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]

JUGEMENT N°24/01340 du 21 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 19/06975 - N° Portalis DBW3-W-B7D-XCB2

AFFAIRE :
DEMANDEUR
Monsieur [T] [Y]
né le 30 Mai 1963 à [Localité 6] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 4]
[Localité 2]
comparant en personne assisté de Maître Nicole GASIOR de , avocats au barreau de MARSEILLE substituée par Me Sabrina REBOUL, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [B]

DÉBATS : À l'audience publique du 18 Décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : DEPARIS Eric, Vice-Président

Assesseurs : KASBARIAN Nicolas
DUMAS Carole

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 21 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [T] [Y] a déclaré, le 19 février 2019, auprès de la caisse primaire d’assurance maladie des Bouches-du-Rhône (ci-après la CPAM) une maladie professionnelle grâce au formulaire cerfa idoine mentionnant « hépatite et asthme sur exposition professionnelle chimique » à l’appui d’un certificat médical initial du 21 janvier 2019 posant le diagnostic suivant:
- « Hépatite cytolytique (non obstructive – non virale) sur exposition professionnelle chimique (exposition solvant + encre)
- Asthme ([termes illisibles]) sur exposition professionnelle chimique (solvant + encre). ».
Par courrier du 8 août 2019, la CPAM a notifié son refus de prise en charge de la maladie « hépatite aiguë cytolytique » inscrite au tableau n°12, pour motif administratif à Monsieur [T] [Y]. Ce courrier précise « votre absence à l’enquête administrative prive la caisse des éléments permettant d’apprécier de façon objective le caractère professionnel de l’affection alléguée ».
Par courrier du 11 septembre 2019, elle lui a également notifié son refus de prise en charge de la maladie « asthme » inscrite au tableau n°82, pour un motif administratif. Ce courrier précise « carence à l’enquête administrative ».
Monsieur [T] [Y] a saisi la commission de recours amiable de la caisse afin de contester ces deux décisions.
Par deux décisions en date du 22 octobre 2019 (concernant l’hépatite cytolytique) et du 19 novembre 2019 (concernant l’asthme) cette commission a rejeté ses recours.
Par requête du 17 décembre 2019, Monsieur [T] [Y] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance – devenu tribunal judiciaire – de Marseille afin de contester le refus de la caisse de reconnaitre ses affections déclarées le 19 février 2019.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience de plaidoirie du 18 décembre 2023.
Par voie de conclusions soutenues oralement à l’audience par son avocat, Monsieur [T] [Y] demande au tribunal de :
- Dire et juger que l’enquête administrative diligentée par la caisse lui est inopposable ;
- Annuler la décision de refus de prise en charge de la maladie tableau 12 hépatite notifiée par la CPAM en date du 8 août 2019 ;
- Annuler la décision de refus de prise en charge de la maladie tableau 82 Asthme notifiée par la CPAM en date du 11 septembre 2019 ;
- Annuler la décision de la commission de recours amiable en date du 22 octobre 2019 ;
- Annuler la décision de la commission de recours amiable en date du 19 novembre 2019 ;
- En conséquence, enjoindre la CPAM de procéder à une nouvelle enquête administrative afin de statuer sur ses déclarations de maladie professionnelle (hépatite et asthme) ;
A titre subsidiaire :
- ordonner toute mesure d’instruction que le tribunal estimera utile afin d’instruire les maladies professionnelles HEPATITE et ASTHME dont il souffre ;
-Statuer ce que de droit sur les dépens, en ce compris les frais d’huissier d’un montant de 350 euros.
A l’appui de ses demandes, il se prévaut essentiellement de sa bonne foi faisant valoir qu’il n’a pas été mis en mesure de répondre à la caisse. En effet, il estime que le courriel envoyé par l’enquêteur de la caisse ne peut constituer une diligence suffisante pour le contacter d’autant qu’il n’a jamais reçu le questionnaire habituellement envoyé aux assurés, ni de courrier d’information sur la possibilité de consulter son dossier avant sa prise de décision. 
La CPAM, représentée par un inspecteur juridique dument habilité, demande au tribunal de :
- Débouter Monsieur [T] [Y] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner Monsieur [T] [Y] à lui payer la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
En défense, la caisse soutient qu’elle a parfaitement respecté les dispositions des article R. 441-10 et suivants du code de la sécurité sociale, en témoigne les courriers et l’accusé de réception qu’elle produit aux débats et qu’elle n’a pas pu rendre d’avis sur la demande de reconnaissance de la maladie professionnelle en raison de la carence de l’assuré. En l’absence d’éléments de preuve de la part de l’assuré, elle considère qu’elle ne pouvait reconnaitre le caractère professionnel de la maladie alléguée dans les délais qui lui sont impartis.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L'affaire a été mise en délibéré au 21 mars 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie

Selon l’article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Pour bénéficier de la présomption d’imputabilité édictée par cette disposition, le travailleur doit apporter la preuve, d’une part, qu’il est atteint de l’une des maladies inscrites aux tableaux des maladies professionnelles et, d’autre part, qu’il a effectué de façon habituelle les travaux figurant sur la liste limitative ou indicative de ces tableaux.

L’article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit :
Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.

En l’espèce, Monsieur [T] [Y] se prévaut de sa bonne foi et indique que compte tenu de la teneur du courriel du 28 juin 2019 envoyé par la caisse, il a douté de son authenticité.

La caisse produit quant à elle un procès-verbal de constatation daté du 4 juillet 2019 dont il ressort que l’assuré aurait été contacté par l’agent assermenté, par téléphone, les 10 et 29 avril, le 13 mai et le 4 juin, que plusieurs messages vocaux lui auraient été laissés ainsi que par courriel le 28 juin 2019.

Ce courriel envoyé par l’enquêteur de la CPAM en date du 28 juin 2019, produit par l’assuré, ne fait pas référence à la maladie déclarée par l’assuré mais à une « tendinopathie chronique de votre ?paule gauche » ; le corps du mail comporte une erreur de syntaxe et certaines lettres sont remplacées par des symboles « ? ».

Compte tenu de ces éléments, l’assuré a pu légitimement croire que ce mail ne le concernait pas et qu’il s’agissait d’un courriel frauduleux.

En ce qui concerne les contacts téléphoniques, aux termes de son courrier de saisine de la commission de recours amiable datant de 2019, l’assuré indique qu’il a essayé de contacter l’enquêteur à l’origine du mail qu’il a reçu, Monsieur [D] [I], mais qu’il a constaté que le message d’accueil de sa boîte vocale n’était pas en français et que rien n’indiquait qu’il s’agissait d’un agent de la CPAM (pièce n°11 de la CPAM). Il souligne que cet élément est venu renforcer son sentiment d’être victime d’une escroquerie.

Il verse aux débats un procès-verbal de constat de commissaire de justice réalisé en date du 23 mai 2023, dont il ressort effectivement que les deux premiers messages d’accueil du numéro laissé par l’enquêteur CPAM sont bien en langue étrangère et que rien n’indique qu’il s’agit d’un agent de la CPAM (pièce n°16 de l’assuré). Ce constat corrobore les allégations précédentes de l’assuré.

En défense, la CPAM se contente de souligner que le procès-verbal a été réalisé plus de quatre années après les faits et que cet agent de la CPAM n’occupe plus les fonctions d’agent enquêteur assermenté. Ce dont elle justifie à l’aide d’un courrier de son service des ressources humaines (pièce de la CPAM n°21).

La CPAM n’apporte donc aucun élément concret permettant de remettre en cause les éléments de possible erreur de bonne foi de l’assuré s’agissant des contacts téléphoniques.

En conséquence, la Caisse ne peut se prévaloir qu’elle a valablement contacté l’assuré dans le cadre de son enquête.

Or, hormis ce courriel, elle ne justifie pas de l’envoi d’une convocation écrite au domicile de l’assuré.

Les seuls courriers qu’elle justifie avoir envoyés à l’assuré au cours de son enquête, conformément aux dispositions susvisées, mentionnent qu’elle est en attente du rapport d’enquête administrative.

Or l’assuré ne pouvait déduire des termes de ces courriers qu’elle attendait en réalité de pouvoir entrer en contact avec lui.

Dans ces conditions, la CPAM ne peut reprocher à l’assuré sa carence dans l’enquête administrative, de sorte qu’elle ne justifie d’aucun motif valable pour refuser de reconnaitre le caractère professionnel de sa maladie.

Puisque la caisse n’a pas pu entrer en contact avec l’assuré et qu’elle n’a pas envoyé de questionnaire à l’assuré, ni à l’employeur, le dossier de l’assuré qu’elle verse aux débats n’est pas renseigné et aucun élément ne permet de se prononcer sur le caractère professionnel de l’affection déclarée. En conséquence, il convient de reprendre l’instruction administrative de la maladie professionnelle.

Par conséquent, la CPAM sera enjointe de procéder à une nouvelle enquête administrative afin de statuer sur les déclarations de maladie professionnelle de Monsieur [T] [Y].

Le dossier de Monsieur [T] [Y] sera renvoyé devant la CPAM des Bouches-du-Rhône afin de vérifier si les conditions administratives de prise en charge des maladies professionnelles sont remplies.

Par ailleurs, Il n’y a pas lieu d’infirmer les décisions de la CPAM des Bouches-du-Rhône, ni celles de sa commission de recours amiable s’agissant de décisions administratives à laquelle le présent jugement a vocation à se substituer. 

Il convient de rejeter le surplus des demandes.

L’équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles.

En application de l’article 696 du Code de procédure civile, il convient de laisser les dépens à la charge de la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant après en avoir délibéré par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et premier ressort :

FAIT DROIT au recours de Monsieur [T] [Y] ;

ENJOINT la CPAM de procéder à une nouvelle enquête administrative afin de statuer sur la déclaration de maladie professionnelle de Monsieur [T] [Y] du 19 février 2019 suivant certificat médical initial du 21 janvier 2019 ;

RENVOIE le dossier de [T] [Y] vers la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône afin de vérifier si sa maladie peut être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels ;

RAPPELLE que le présent jugement se substitue aux décisions prises par l’organisme et la commission de recours amiable ;

REJETTE le surplus des demandes ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

LAISSE les dépens à la charge de la Caisse Primaire Centrale d’Assurance Maladie des Bouches-du-Rhône ;

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/06975
Date de la décision : 21/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-21;19.06975 ?
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