La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/03/2024 | FRANCE | N°19/02293

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc : urssaf, 20 mars 2024, 19/02293


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01521 du 20 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 19/02293 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WD2R

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. [6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jessica CHATONNIER-FERRA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE


c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Mme [O] [D] (Inspecteur) munie d’un pouvoir régulier




DÉBATS : À l'audience publique du 29 Novembre 2023


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MOLCO Karine, Vice-P...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01521 du 20 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 19/02293 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WD2R

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.R.L. [6]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Jessica CHATONNIER-FERRA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

c/ DEFENDERESSE
Organisme URSSAF PACA
[Adresse 7]
[Localité 4]
Représentée par Mme [O] [D] (Inspecteur) munie d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 29 Novembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : MOLCO Karine, Vice-Présidente

Assesseurs : QUIBEL Corinne
ACHOUR Salim

L’agent du greffe lors des débats : KALIMA Rasmia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 20 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

La SARL [6] est une entreprise spécialisée dans l'agencement des lieux de vente, et plus particulièrement dans l'édification et/ou rénovation des décorations de salle de spectacle.

Elle emploie à cet effet deux salariés, M. [H] [G], également associé de la société, et M. [R] [T].

La SARL [6] a fait l'objet d'un contrôle sur l'application de la législation de la sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires, ayant donné lieu à une lettre d’observations de l’URSSAF PACA en date du 16 juin 2017, puis à une mise en demeure du 16 octobre 2017 pour un montant de 20 993 €, dont 3074 € de majorations de retard, pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.
Quatre chefs de redressement ont été retenus :
– frais professionnels non justifiés – principes généraux : 4108 €
– allocations forfaitaires repas non justifiées : 7976 €
– frais professionnels non justifiés – principes généraux : 5658 €
– prise en charge par l'employeur de contraventions : 179 €.

La SARL [6] a contesté les trois premiers chefs de redressement.

Par décision en date du 6 février 2018, modifiée en la forme le 2 janvier 2019, la commission de recours amiable de l’URSSAF a maintenu les chefs de redressement susvisés et rejeté la contestation de la SARL [6].

Par requête reçue le 15 février 2019, la SARL [6] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale des Bouches-du-Rhône, devenu pôle social du Tribunal judiciaire de Marseille, d’un recours contentieux à l’encontre de la décision de rejet de la commission de recours amiable de l'URSSAF PACA saisie de sa contestation des trois chefs de redressement.

L’affaire a été retenue à l’audience du 29 novembre 2023.

Par voie de conclusions soutenues oralement par son conseil, la SARL [6], demande au tribunal de :
– annuler le chef de recouvrement prononcé quant aux frais professionnels non justifiés pour la période 2014/2015/2016 d'un montant de 5658 € ;
– annuler le chef de recouvrement prononcé quant aux frais professionnels non justifiés pour la période de 2014/2016 d'un montant de 4108 € ;
– annuler le chef de recouvrement prononcé quant aux allocations forfaitaires de repas non justifiées pour la période 2014/2015/2016 pour un montant de 7976 €;
à titre subsidiaire, limiter le chef de recouvrement à la somme de 2472 €.

L’URSSAF PACA, représentée par une inspectrice juridique soutenant oralement ses conclusions, demande pour sa part au tribunal de :
– rejeter la contestation formulée par la SARL [6] ;
-confirmer le bien fondé de la décision rendue par la commission de recours amiable le 2 janvier 2019 ;
-condamner la SARL [6] au paiement de la somme de 20 993 € au titre de la mise en demeure du 16 octobre 2017 ;
-condamner la SARL [6] au paiement de la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux observations et conclusions des parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 15 février 2024 prorogé au 20 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

En application de l’article L.242-1 du Code de la sécurité sociale, tout avantage en argent ou en nature versé en contrepartie ou à l’occasion du travail doit être soumis à cotisations.

Doivent notamment être réintégrées dans l’assiette des cotisations, quelle que soit leur appellation, les primes, allocations ou tout autre avantage ne présentant pas le caractère de frais professionnels au sens de l’arrêté du 20 décembre 2002, ou ne présentant pas de caractère indemnitaire.

Les conditions d’exonération des remboursements de frais professionnels sont fixées par l’arrêté du 20 décembre 2002 qui dispose que les frais professionnels s’entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l’emploi du travailleur salarié ou que celui-ci supporte au titre de l’accomplissement de ses missions.

L'arrêté du 20 décembre 2002 dispose que :

« L'indemnisation des frais professionnels s'effectue :
1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;
2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3 à 9. »

Sur les frais professionnels non justifiés pour un montant de 4108 €

Au cours de ses opérations de contrôle, l'inspecteur de l'URSSAF constatait en 2014 et en 2016, que le solde de la caisse a été porté au crédit du compte courant des associés sous le libellé « apport en espèces ».
L'inspecteur a estimé que ces sommes constituaient des compléments de rémunération et les a réintégrées dans l'assiette de cotisations.

La société fait valoir que Monsieur [G], à la fois salarié et associé de la société, se voit remettre, préalablement aux déplacements professionnels effectués, une enveloppe en numéraire destinée à couvrir ses frais ainsi que ceux de Monsieur [T] pendant leur déplacement.
En cas de dépassement, Monsieur [G] procède au règlement du supplément de frais avec sa carte bancaire personnelle.
Elle souligne que la société ne rembourse pas à Monsieur [G] le montant desdits frais engagés qui est alors porté sur le compte courant d'associé de ce dernier et qu'il ne s'agit ainsi aucunement d'un complément de rémunération.

Il convient cependant de rappeler, tel que le fait justement l' URSSAF, que le compte courant d'associé constitue une avance consentie par un associé au cours de la vie de la société ; qu'il s'agit d'un compte ouvert dans les comptes de la société, sans formalités et sans tenir compte des apports initiaux enregistrés dans le capital social.
L'avance en compte courant peut consister à transférer de l'argent sur le compte bancaire de la société mais elle peut aussi prendre la forme d'une dette de la société envers l'un de ses associés que les deux parties décident de transformer en avance en compte courant par le jeu des écritures comptables.

En conséquence, les sommes correspondant aux dépenses professionnelles avancées par Monsieur [G] avec sa carte bancaire personnelle, portées sur les comptes courants associés, sont constitutives de dettes de la société envers ces derniers et doivent faire l'objet de justificatifs.

Il est de jurisprudence constante que c'est à l'employeur qu'il appartient d'apporter la preuve de l'utilisation effective de l'indemnité conformément à son objet.

Or, la société ne produit aucun justificatif de paiement permettant d'établir que Monsieur [G] a effectué des dépenses à titre professionnel sur ses deniers personnels.

Le solde de caisse porté au crédit du compte courant associé doit donc être considéré comme un complément de rémunération et soumis à cotisations et contributions sociales.

C'est donc à juste titre que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette de cotisations les sommes portées au crédit du compte courant des associés en 2014 et en 2016 pour un montant de 4108€.

Sur les allocations forfaitaires de repas non justifiées pour un montant de 7976 €

Selon l'article 3 de l'arrêté, le salarié est en déplacement professionnel lorsqu'il est empêché de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail et qu'il est contraint de prendre ses repas hors des locaux de l'entreprise.

Dans ce cas, des forfaits sont prévus qui permettent de déduire de l'assiette des cotisations les indemnités versées par l'employeur couvrant les dépenses supplémentaires de nourriture exposées par le salarié.

L’article 3 de l’arrêté précise que les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n’excède pas la limite de sommes forfaitaires.

En l'espèce, lors des opérations de contrôle, à l'analyse des bulletins de salaire, l'inspecteur a constaté que les salariés ont perçu une allocation forfaitaire de repas exonérée de cotisations d'un montant de 17,90 € en 2014, 18,10 € en 2015 et 18,30 € en 2016.
Soit un montant total de :
– 3436 € en 2014
– 3420 € en 2015
– 4209 € en 2016.

Or, la société expose elle-même dans ses conclusions que « dans un souci de simplification et afin d'éviter que les salariés ne soient contraints de faire l'avance des frais sur place (hébergement, restauration…), la SARL [6] remet à cet effet et avant chaque déplacement une enveloppe en numéraire à Monsieur [G] à charge pour lui de régler l'intégralité de ses frais ainsi que ceux de Monsieur [T]. »

C'est précisément ce qui a été vérifié par l'inspecteur de l'URSSAF à l'étude des notes de frais produites qui établissent que les frais de repas sont pris en charge directement par la société chaque fois que les salariés sont en déplacement.

En conséquence, les frais de déplacement sont indemnisés sur la base des dépenses réellement engagées.

Le versement d'allocations forfaitaires de repas fait double emploi avec l'indemnisation réelle des frais de repas.

La société rembourse des frais professionnels sous forme réelle, les frais engagés doivent donc faire l'objet de justificatifs.

Il est de jurisprudence constante que c'est à la société d'établir des documents probants qui permettent de vérifier que l'indemnité est utilisée conformément à son objet.

Or, la société SARL [6] ne justifie nullement que l'indemnité a été versée conformément à son objet.

En conséquence, l’URSSAF a fait une exacte application de la loi en réintégrant dans l'assiette de cotisations les allocations allouées pour les frais de repas pour les années 2014, 2015 et 2016 pour un montant de 7976 €.

Sur les frais professionnels non justifiés pour un montant de 5658 € (indemnités de grand déplacement)

Au titre des frais professionnels, s’il n’est pas établi que le salarié a exposé des frais supplémentaires de transport, de repas ou d’hébergement du fait d’une situation de déplacement, les indemnités doivent être réintégrées dans l’assiette des cotisations.

L’article 5 de l'arrêté du 20 décembre 2002 prévoit que si les circonstances de fait sont établies (salarié empêché de regagner sa résidence pour des raisons professionnelles qui a ainsi exposé des frais supplémentaires de nourriture et de logement), les allocations forfaitaires de grand déplacement en métropole sont présumées utilisées conformément à leur objet et donc exonérées de cotisations, lorsqu’elles ne dépassent les limites fixées par les textes en vigueur.

Cette allocation forfaitaire doit être exclusive de toute autre forme d’indemnisation par l’employeur des dépenses de même nature. Le travailleur salarié ou assimilé est présumé empêché de regagner sa résidence lorsque les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :
-la distance séparant le lieu de résidence du lieu de déplacement est au moins égale à 50 kilomètres (trajet aller),
-les transports en commun ne permettent pas de parcourir cette distance dans un temps inférieur à 1h30.

En l'espèce la pratique de la société [6] est la même que celle précédemment exposée.

Elle indique en effet que Monsieur [G] prélève des espèces en caisse pour régler les dépenses d'hébergement et de restauration pour Monsieur [T] et lui-même lorsqu'ils sont en grand déplacement.

Or, la société expose également qu'il est indiqué sur les fiches de paie un montant d'indemnité de grand déplacement pour Monsieur [G] et Monsieur [T].

Lors des opérations de contrôle, l'inspecteur a pu vérifier à l'étude des bulletins de salaire communiqués par la société qu'il est effectivement mentionné une ligne intitulée « indemnités de grands déplacements » ou le forfait déterminé par l'administration est appliqué en fonction des nombres de jours de grands déplacements.

Cependant les indemnités forfaitaires ne sont pas réellement versées puisque les frais ont été réglés directement par les retraits de caisse effectuée avant les déplacements, retraits qui sont déduits sur les fiches de paie.

La société [6] rembourse donc les frais professionnels sous forme réelle et ses frais doivent être justifiés.

Or l'inspecteur a constaté que le montant des notes de frais produites par l'employeur était inférieur au montant des espèces prélevées en caisse.

C'est donc à juste titre que l'URSSAF a réintégré dans l'assiette des cotisations partie des sommes allouées après reconstitution des montants bruts pour un redressement s'élevant à la somme de 5658 €.

***

En conséquence, la SARL [6] sera déboutée de l’ensemble de ses demandes et prétentions.

Il convient de confirmer la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA en date du 12 janvier 2019, et de condamner la cotisante au paiement de la somme de 20 993 € au titre de la mise en demeure du 16 octobre 2017.

La partie perdante sera également condamnée au paiement des dépens de l’instance, outre 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en contribution des frais irrépétibles que l’organisme a dû exposer pour l’application de la loi.

Compte tenu de la nature et de l’ancienneté du litige, il convient également d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE recevable, mais mal fondé, le recours introduit le 15 février 2019 par la SARL [6], à l’encontre du redressement opéré par lettre d’observations du 16 juin 2017 pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016  ;

DÉBOUTE la SARL [6] de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

CONFIRME la décision de la commission de recours amiable de l’URSSAF PACA en date du 2 janvier 2019 ;

CONDAMNE la SARL [6] à payer à l’URSSAF PACA la somme de 20 993 € au titre de la mise en demeure du 16 octobre 2017 délivrée pour le recouvrement des cotisations sociales redressées et majorations de retard dues pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ;

CONDAMNE la SARL [6] à payer à l'URSSAF PACA la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL [6], aux dépens de l’instance, en application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

DIT que tout appel de la présente décision doit être formé, à peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 20 mars 2023.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc : urssaf
Numéro d'arrêt : 19/02293
Date de la décision : 20/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-20;19.02293 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award