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19/03/2024 | FRANCE | N°22/02652

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 19 mars 2024, 22/02652


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01130 du 19 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 22/02652 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2RZZ

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. SOCIETE MECANIQUE ROBINETTERIE INDUSTRIELLE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Marc-Antoine GODEFROY, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Ariane COURREGES, avocat au barreau de MARSEILLE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
repré

sentée par Mme [D] (Inspecteur)




DÉBATS : À l'audience publique du 16 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du d...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01130 du 19 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 22/02652 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2RZZ

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
S.A.S. SOCIETE MECANIQUE ROBINETTERIE INDUSTRIELLE
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Marc-Antoine GODEFROY, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Ariane COURREGES, avocat au barreau de MARSEILLE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
représentée par Mme [D] (Inspecteur)

DÉBATS : À l'audience publique du 16 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : CHARBONNIER Antoine
DUMAS Carole

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 19 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [T] [V], employé de la société MÉCANIQUE ROBINETTERIE INDUSTRIELLE (ci-après la société MRI), a sollicité selon déclaration du 19 mai 2021 la prise en charge au titre d’une maladie professionnelle de son affection « rupture partielle de la coiffe rotateurs de l’épaule droite (rupture quasi-totale du tendon du supra épineux à l’IRM) » médicalement constatée par certificat médical initial établi le 28 avril 2021 par le docteur [L].

Après transmission de cette déclaration à la société MRI, la caisse primaire d’assurance maladie (ci-après la CPAM) des Bouches-du-Rhône a fait diligenter une enquête administrative.

Par courrier du 16 novembre 2021, la CPAM des Bouches-du-Rhône a notifié à la société MRI sa décision de transmettre la demande de maladie professionnelle de Monsieur [T] [V] à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP) au motif que la maladie ne remplissait pas les conditions lui permettant de la prendre en charge directement et qu’elle pouvait consulter et compléter le dossier jusqu’au 17 décembre 2021 et formuler des observations jusqu’au 28 décembre 2021.

Par courrier du 8 mars 2022, la CPAM des Bouches-du-Rhône a notifié à la société MRI la prise en charge de la maladie déclarée par Monsieur [T] [V] au titre de la législation professionnelle (rupture partielle de la coiffe rotateurs de l’épaule droite (rupture quasi-totale du tendon du supra épineux à l’IRM)).

La société MRI a saisi la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône aux fins de contestation de l’opposabilité de cette décision à son égard.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 6 octobre 2022, la société MRI a formé un recours contentieux devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM saisie par courrier du 6 mai 2022 reçu le 10 mai 2022.

Par décision du 18 octobre 2022, la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône a explicitement rejeté la contestation de la société MRI.

L’affaire a été retenue à l’audience de fond du 16 janvier 2024.

Par voie de conclusions soutenues oralement par son conseil, la société MRI demande au tribunal, à titre principal, de déclarer inopposable à son égard la décision de prise en charge de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 8 mars 2022 pour non-respect du principe du contradictoire.
A titre subsidiaire, elle demande au tribunal de déclarer inopposable la décision de prise en charge de la CPAM des Bouches-du-Rhône du 8 mars 2022 au motif que le lien direct avec le travail n’est pas établi.

Au soutien de ses prétentions, sur la forme, la société MRI fait valoir que la procédure d’instruction diligentée par la CPAM des Bouches-du-Rhône est irrégulière dans la mesure où cette dernière n’a pas mis à sa disposition le dossier pendant quarante jours francs, conformément à l’obligation prévue par l’article R.461-10 du Code de la sécurité sociale, et qu’elle n’a en outre pas mis à sa disposition l’intégralité des pièces du dossier susceptibles de lui faire grief.

Sur le fond, la société MRI soutient que la CPAM des Bouches-du-Rhône ne rapporte pas la preuve du lien direct entre le travail habituel de son salarié et l’affection déclarée.

La CPAM des Bouches-du-Rhône, représentée à l’audience par une inspectrice juridique, demande pour sa part au tribunal de :
- dire que le contradictoire a été respecté vis-à-vis de l’employeur ;
- dire qu’elle a respecté la procédure d’instruction de la maladie professionnelle ;
- dire qu’il existe un lien direct entre la maladie de l’assuré et son activité professionnelle ;
- entériner l’avis du CRRMP du Val de Loire ;
- dire opposable à l’employeur la maladie du tableau 57 des maladies professionnelles dont a souffert Monsieur [V].

Sur la forme, la CPAM soutient en substance qu’elle a respecté les obligations qui lui incombe de sorte que la présente procédure d’instruction est régulière. Elle fait valoir en particulier que le délai de quarante jours francs prévu par l’article R.461-10 du Code de la sécurité sociale court à compter du jour auquel elle a envoyé le dossier au CRRMP.
Sur le fond, elle se prévaut des deux avis des CRRMP désignés pour démontrer le lien direct entre le travail de Monsieur [V] et sa pathologie.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience pour un exposé plus ample de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande en inopposabilité de la prise en charge de la maladie tirée d’irrégularités de la procédure d’instruction

La société MRI demande à titre principal l’inopposabilité de la décision de prise en charge de la maladie de son salarié par la caisse, au titre du risque professionnel, pour non-respect du principe du contradictoire lors de la phase d’instruction. Elle fonde sa demande sur deux moyens distincts à savoir le non-respect du délai de mise à disposition du dossier par la caisse, et le caractère incomplet du dossier mis à disposition.

Sur l’irrespect du délai de mise à disposition du dossier d’instruction
L’article R. 461-10 du Code de la sécurité sociale prévoit que « lorsque la caisse saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, elle dispose d’un nouveau délai de cent-vingt jours francs à compter de cette saisine pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie. Elle en informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse met le dossier mentionné à l’article R. 441-14, complété d’éléments définis par décret, à la disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur pendant quarante jours francs. Au cours des trente premiers jours, ceux-ci peuvent le consulter, le compléter par tout élément qu’ils jugent utile et faire connaître leurs observations, qui y sont annexées. La caisse et le service du contrôle médical disposent du même délai pour compléter ce dossier. Au cours des dix jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations restent ouvertes à la victime ou ses représentants et l’employeur.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’échéance de ces différentes phases lorsqu’elle saisit le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

À l’issue de cette procédure, le comité régional examine le dossier. Il rend son avis motivé à la caisse dans un délai de cent-dix jours francs à compter de sa saisine.

La caisse notifie immédiatement à la victime ou à ses représentants ainsi qu'à l'employeur la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l'origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis. »

La Cour de cassation juge de façon constante que pour l’application de l’ancien article R.441-14 du Code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, le délai de dix jours francs qu’il prévoit court à compter de la réception par les destinataires de l’information communiquée par l’organisme (voir notamment Cassation, 2ème chambre civile, 12 mai 2021, n°20-15.102).

Il résulte de l’article R.461-10 du Code de la sécurité sociale susvisé que la caisse dispose d’un délai de 120 jours à compter de la saisine du CRRMP pour prendre sa décision, et qu’au cours de ce délai, le dossier doit être mis à disposition de l’employeur pendant 40 jours francs.
S’il prévoit également que la caisse doit informer l’employeur des dates d’échéance des différentes phases, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, il ne précise pas le point de départ du délai de 40 jours.

Par analogie, il y a lieu de considérer que le délai de 40 jours prévu par l’article R.461-10 susvisé court à compter de la réception par le destinataire de l’information communiquée par l’organisme.

En effet, afin de garantir l’effectivité de ce délai de 40 jours francs, il ne peut valablement commencer à courir qu’à compter de l’information qui en est donnée à l’employeur.

Dès lors, son point de départ doit être fixé au lendemain (le délai étant stipulé franc) de la date de réception par l’employeur du courrier de notification.

Enfin, il résulte d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation que le non-respect par la caisse du principe du contradictoire à l’égard de l’employeur lors de la procédure d’instruction d’une maladie professionnelle est sanctionné par l’inopposabilité de sa décision de prise en charge de ladite maladie à l’employeur.

En l'espèce, par courrier du 16 novembre 2021, la CPAM a informé la société MRI que le dossier de maladie professionnelle de son salarié Monsieur [T] [V] était transmis à un CRRMP et que celle-ci pouvait consulter et compléter le dossier jusqu’au 17 décembre 2021 et formuler des observations jusqu’au 28 décembre 2021.

La société MRI verse au débat ce courrier portant un tampon « reçu le 19 novembre 2021 ». La caisse pour sa part ne produit pas l’avis de réception correspondant au numéro de courrier suivi indiqué sur son envoi.

Il s’ensuit que le délai de 40 jours francs a commencé à courir à compter du 20 novembre 2021 pour expirer le 30 décembre 2021, soit 40 jours entiers comptabilisés à partir du 20 novembre inclus auquel il est ajouté un jour.

En conséquence, la société pouvait consulter, compléter par tout élément qu’elle jugeait utile le dossier et faire connaître ses observations, jusqu’au 19 décembre 2021 puis seulement le consulter jusqu’au 30 décembre 2021.

Le courrier adressé par la caisse a irrégulièrement restreint les délais réglementaires prévus à l’article R.461-10 susvisé.

La CPAM n’a donc pas respecté l’obligation d’information mise à sa charge dans le cadre de l'instruction du dossier de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [T] [V] le 19 mai 2021.

Le principe du contradictoire n’ayant pas été respecté, la décision de prise en charge du 8 mars 2022 sera déclarée inopposable à la société MRI, sans qu’il n’y ait lieu d’examiner les autres moyens soulevés.

Les demandes de la CPAM seront en conséquence rejetées.

Sur les dépens

Les dépens de la présente instance seront mis à la charge de la CPCAM des Bouches-du-Rhône qui succombe, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit que la CPCAM des Bouches-du-Rhône n'a pas respecté le principe du contradictoire dans le cadre de l'instruction du dossier de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [T] [V] le 19 mai 2021 ;

Déclare en conséquence inopposable à la société MRI la décision prise 8 mars 2022 par la CPAM des Bouches-du-Rhône portant prise en charge de l’affection « rupture partielle de la coiffe rotateurs de l’épaule droite (rupture quasi-totale du tendon du supra épineux à l’IRM) » déclarée par Monsieur [T] [V] le 19 mai 2021 ;

Déboute la CPAM des Bouches-du-Rhône de ses demandes et prétentions ;

Condamne la CPAM des Bouches-du-Rhône aux dépens de l’instance ;

Conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile, tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 22/02652
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;22.02652 ?
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