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19/03/2024 | FRANCE | N°19/02837

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 19 mars 2024, 19/02837


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01119 du 19 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 19/02837 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WGD4

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Société [5]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de LYON


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Adresse 3]
représentée par Mme [G] (Inspecteur)




DÉBATS : À l'audience publique du 16 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Pr...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 6]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01119 du 19 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 19/02837 - N° Portalis DBW3-W-B7D-WGD4

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Société [5]
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Guy DE FORESTA, avocat au barreau de LYON substitué par Me Laurent SAUTEREL, avocat au barreau de LYON

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPCAM DES BOUCHES-DU-RHONE
[Adresse 3]
représentée par Mme [G] (Inspecteur)

DÉBATS : À l'audience publique du 16 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PASCAL Florent, Vice-Président

Assesseurs : CHARBONNIER Antoine
DUMAS Carole

L’agent du greffe lors des débats : AROUS Léa,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 19 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE :

La société [5] a effectué le 10 septembre 2013 une déclaration d’accident du travail pour son salarié [T] [L] employé en qualité de conducteur de car, survenu le 9 septembre 2013 à 8h10 durant son service dans les circonstances suivantes : « D’après les dires de M. [L], il se serait bloqué le dos en passant sur un dos d’âne avec l’autocar ».

[T] [L] a été placé en arrêt de travail avec prolongations successives et a perçu au titre de cet accident des indemnités journalières du 10 septembre 2013 au 15 février 2014, date de la consolidation de son état de santé fixée par le service du contrôle médical de la CPAM.

A réception du relevé de son compte employeur de l'année 2013, la société [5] a constaté que son salarié a bénéficié de 160 jours d'arrêts de travail, et doutant de l'existence d'un lien direct et exclusif entre les prolongations successives d'arrêt de travail dont a bénéficié celui-ci et son accident du travail du 9 septembre 2013, l’employeur a saisi le 4 décembre 2018 la commission de recours amiable de la CPAM des Bouches-du-Rhône, afin de contester la durée des arrêts et soins y afférents.

Par décision du 19 février 2019, la commission de recours amiable a rejeté la contestation de l’employeur et maintenu l'opposabilité de la décision de prise en charge des arrêts de travail au titre de la législation sur les risques professionnels.

Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 18 mars 2019, la société [5], représentée par son conseil, a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille afin de contester cette décision, et par voie de conséquence l'opposabilité à son égard de la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle, des arrêts de travail successifs et des soins médicaux consécutifs à l'accident du travail du 9 septembre 2013.

L’affaire a été retenue à l’audience de fond du 16 janvier 2024.

Par voie de conclusions soutenues oralement par son conseil, la société [5] maintient ses demandes en faisant valoir l'existence d'une disproportion manifeste entre les lésions constatées après l'accident du 9 septembre 2013 et la durée des soins et arrêts de travail pris en charge par la suite, en l'état des 160 jours d'arrêt prescrits pour de simples douleurs initiales au niveau lombaire.
Selon l'employeur, la CPAM ne justifie pas d'une continuité de symptômes et de soins dans la prise en charge desdits arrêts, du seul fait qu'elle ne lui a pas transmis en temps utile le certificat médical initial et ceux subséquents de prolongation permettant de couvrir l'intégralité de la période d'arrêt de travail de son salarié.

La société [5] demande par conséquent au tribunal de :
A titre principal,
-constater que l’employeur a délivré sommation à la caisse primaire de communiquer les documents constituant les documents constituant le dossier de Monsieur [L] ;
-constater que la CPAM a refusé d’y donner suite et place l’employeur dans l’impossibilité d’articuler une critique argumentée à l’encontre de ses décisions de prise en charge des prestations consécutives au sinistre en cause ;
-déclarer en conséquence l’ensemble des soins, arrêts de travail et toutes autres prestations servis au titre du sinistre en cause inopposables à son égard ;
A titre subsidiaire,
-constater l'existence d'un différend d'ordre médical portant sur l'imputabilité des soins et arrêts de travail consécutifs à l'accident en cause ;
-ordonner une expertise médicale judiciaire afin de vérifier la justification des soins et arrêts de travail prise en charge par la CPAM au titre de l'accident du 9 septembre 2013.

Par voie de conclusions soutenues oralement, la CPAM des Bouches-du-Rhône réplique que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail s’étend pendant toute la durée d’incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime ; qu’il appartient en conséquence à l’employeur de rapporter la preuve de l'existence d’un état antérieur évoluant pour son propre compte ou d’une cause totalement étrangère, ce qu’il ne fait pas en l’espèce.
La caisse ajoute que la société [5] qui se contente d'émettre des doutes sur la continuité des symptômes et des soins, sans produire aucun élément probant, ne saurait solliciter une expertise judiciaire destinée à pallier sa propre carence, et ce conformément aux dispositions de l'article 146 du Code de procédure civile.

La CPAM des Bouches-du-Rhône demande par conséquent au tribunal de :
- rejeter la demande d’expertise sollicitée par la société [5] ;
- déclarer opposable à La société [5] l’ensemble des soins et arrêts consécutifs à l'accident du travail dont [T] [L] a été victime le 9 septembre 2013.

En application de l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se reporter aux pièces et conclusions déposées par les parties à l’audience, reprenant l’exposé complet de leurs moyens et prétentions.

L’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la communication du dossier d’accident du travail par la caisse primaire à l’employeur

Conformément au dernier alinéa de l’article R.441-11 du Code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à l’espèce, ce n’est qu’en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, que la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d’une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie, ou procède à une enquête auprès des intéressés.

En dehors de cette hypothèse, le Code de la sécurité sociale ne prévoit pas de communication par la caisse des éléments recueillis, ni de consultation du dossier de l’assuré par son employeur.

Comme le relève exactement la CPAM et conformément aux textes en vigueur, postérieurement à la notification de la décision de prise en charge, l’employeur ne peut exiger de la caisse la transmission des pièces du dossier de son salarié.

S’agissant du moyen tiré de l’article 6.1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, il est acquis que les principes du contradictoire et de l'égalité des armes ne sont pas violés dès lors que les services administratifs de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) ne sont pas en possession des pièces médicales sollicitées par l'employeur, ce dont il résulte que la caisse n’a pas été placée en situation de net avantage, vis-à-vis de l’employeur, dans la procédure.

Les griefs invoqués à ce titre ne sont donc pas fondés.

Sur la demande d’inopposabilité des arrêts de travail et des soins et la demande d’expertise

L'article L.411-1 du Code de la sécurité sociale établit une présomption d'imputabilité au travail de l'accident survenu au lieu et au temps du travail et dont il est résulté une lésion corporelle.
Par combinaison des dispositions des articles L.411-1, L.431-1 et L.433-1 du Code précité, cette présomption d'imputabilité s'applique aux lésions initiales, à leurs complications, à l'état pathologique antérieur aggravé par l'accident pendant toute la période d'incapacité précédant la guérison complète ou la consolidation, ainsi qu'aux soins postérieurs destinés à prévenir une aggravation, et plus généralement à toutes les conséquences directes de l'accident.

Dans les rapports entre la caisse et l’employeur, il incombe à l’employeur de détruire la présomption d’imputabilité s’y attachant en démontrant que les soins et arrêts consécutifs sont exclusivement imputables à une cause totalement étrangère au travail de l'assuré, ou à un état antérieur évoluant pour son propre compte.

Par ailleurs, la présomption d'imputabilité ne fait pas obstacle à l’organisation d’une expertise médicale sur pièces si l’employeur apporte un commencement de preuve suffisant pour rendre crédible sa critique des arrêts de travail qu’il estime médicalement disproportionnés au regard des lésions initiales.

En l’espèce, la société [5] ne conteste ni la matérialité ni le caractère professionnel de l'accident du 9 septembre 2013.

Dans le cadre de la présente instance, la CPAM produit un certificat médical initial, établi le 9 septembre 2013, faisant état de « douleurs lombaires, raideurs paravertébrales L5-S1 ».

La déclaration d’accident de travail établie le 10 septembre 2013 par la société [5] mentionne sur les circonstances de l’accident : « D’après les dires de M. [L], il se serait bloqué le dos en passant sur un dos d’âne avec l’autocar ».

Au regard de ces éléments, les lésions constatées sont en parfaite cohérence avec les circonstances de l'accident.

L’employeur prétend que la durée des arrêts de travail ne serait pas justifiée.

Or, la caisse justifie de l’arrêt de travail initialement prescrit en lien direct avec l’accident du travail du 9 septembre 2013, et la preuve de la continuité des symptômes et des soins par les aperçus de décomptes de paiement des indemnités journalières sur la période du 10 septembre 2013 au 15 février 2014.

L'employeur ne fait qu'émettre des doutes sur le lien de causalité directe et exclusive entre les arrêts de prolongation et l'accident du travail du 9 septembre 2013, en supposant la bénignité de la lésion initiale au regard de l’absence d’arrêt de travail initial.

Faute de production d'un quelconque élément tendant à établir l'existence d'une cause étrangère au travail, rien ne vient constituer un début de contradiction utile à la prise en charge contestée, les seules affirmations de la société [5] dans ses conclusions ne suffisant pas à y satisfaire.

L'argumentation de l'employeur, basée sur des considérations d'ordre général à partir de référentiels théoriques standard ne tenant pas compte de la situation particulière de [T] [L] n'est pas de nature à introduire une doute sérieux quant à la continuité des symptômes et des lésions, et à justifier une demande d'expertise, celle-ci n'ayant pas vocation à pallier la carence de la partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe, conformément aux dispositions de l'article 146 du Code de procédure civile.

Dès lors que l’arrêt de travail initial procède de l’accident de travail reconnu et non contesté, la présomption d’imputabilité s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime.

Il y a lieu par conséquent de débouter la société [5] de sa demande en inopposabilité, et de l'ensemble de ses demandes à ce titre.

En application de l'article 696 du Code de procédure civile, la partie succombant à l’instance en supporte les dépens.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire et premier ressort,

Déclare recevable, mais mal fondé, le recours de la société [5] ;

Déboute la société [5] de sa demande en inopposabilité des arrêts de travail et de soins consécutifs à l'accident du travail dont a été victime le 9 septembre 2013 son salarié [T] [L] ;

Dit que la société [5] ne démontre pas l'existence d'un différend d'ordre médical, en l'absence de production de tout élément de preuve de nature à introduire une doute sérieux quant à la continuité des symptômes et des soins ;

Rejette en conséquence la demande expertise médicale judiciaire formulée par l'employeur ;

Confirme la décision rendue le 19 février 2019 par la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône ;

Condamne la société [5] aux dépens de l’instance ;

Dit que tout appel de la présente décision doit être formé, sous peine de forclusion, dans le délai d’un mois à compter de la réception de sa notification, conformément aux dispositions de l'article 538 du Code de procédure civile.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 19/02837
Date de la décision : 19/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-19;19.02837 ?
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