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18/03/2024 | FRANCE | N°22/08654

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 18 mars 2024, 22/08654


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/08654 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2JEF

AFFAIRE : Mme [W] [N] (Me Julie MOREAU)
C/ M. [J] [Z] (Me Pascal CERMOLACCE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )


DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 18

Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024

PRONONCE pa...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/08654 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2JEF

AFFAIRE : Mme [W] [N] (Me Julie MOREAU)
C/ M. [J] [Z] (Me Pascal CERMOLACCE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024

PRONONCE par mise à disposition le 18 Mars 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [W] [N]
née le [Date naissance 3] 1968 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5] - [Localité 1]

représentée par Maître Julie MOREAU de la SELARL CAMPOCASSO & ASSOCIES, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [J] [Z], demeurant [Adresse 6] - [Localité 8]

représenté par Maître Pascal CERMOLACCE de la SELARL CABINET CERMOLACCE-GUEDON, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 4] - [Localité 2] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

**********

Par acte du 5 septembre 2022, Madame [W] [N], née le [Date naissance 3] 1968, a assigné devant le tribunal de céans Monsieur [J] [Z], sur le fondement de l’article 1243 du code civil.
Par acte séparé du même jour, elle a dénoncé la procédure à la CPAM des Bouches du Rhône.

Madame [N] expose que le 29 août 2019, elle s’est rendue au sein du garde meubles “CARDI Déménagements” à [Localité 8] ; qu’elle est entrée dans le bureau d’accueil ; que le chien de race American staffordshire terrier, appartenant à Monsieur [J] [Z], s’est jeté sur elle et l’a mordue au visage.

Par ordonnance en date du 25 juin 2021, le juge des référés a ordonné une expertise, a désigné le docteur [L] afin de la réaliser et a condamné Monsieur [Z] à verser à Madame [N] une provision de 2.500 euros.

L’expert a procédé à sa mission et a déposé son rapport le 13 mai 2022.

Aux termes de son assignation, Madame [N] demande au tribunal de :
- CONDAMNER Monsieur [Z] à réparer son entier préjudice
- lui ALLOUER la somme de 14.449 €, après déduction de la provision de 2.500 €
- DÉCLARER la décision opposable à la CPAM des Bouches du Rhône
- CONDAMNER Monsieur [Z] au paiement d’une somme de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses conclusions notifiées le 2 janvier 2023, Monsieur [Z] demande au tribunal de :
- JUGER que les agissements et le comportement de Madame [N] sont constitutifs d’une faute emportant exonération totale ou partielle du gardien du chien
- JUGER qu’une exonération de responsabilité et donc un partage de responsabilité sera retenu dans les proportions et pourcentages qu’il plaira à la juridiction de faire application
- JUGER qu’il conviendra d’allouer à Madame [N] la somme globale de 7.503 € déduction faite de la provision, à laquelle il conviendra d’appliquer une exonération dans les proportions et pourcentages qu’il plaira à la juridiction de faire application, se décomposant comme suit :
-DFTP : 908 €
-Souffrances endurées : 2.500 €
-Préjudice esthétique temporaire : 1.000 €
-Frais divers : 1.395 €
-DFP : 2.700 €
-Préjudice esthétique définitif : 1.500 €
-A déduire provision : - 2.500 €
- RÉDUIRE à de plus justes proportions l’indemnisation sollicitée par Madame [W] [N]
- DÉBOUTER Madame [N] de l’ensemble de ses demandes complémentaires
- JUGER n’y avoir lieu à article 700 du Code de Procédure Civile ou à défaut qu’il conviendra de faire application du partage de responsabilité
- STATUER ce que de droit sur les dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 février 2024 et mise en délibéré au 18 mars 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité

L’article 1243 du code civil dispose que :
“Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé”.

Madame [N] soutient avoir été blessée par le chien appartenant à Monsieur [Z] et sollicite que celui-ci soit condamné à l’indemniser de son préjudice.
Au soutien de sa demande, Madame [N] verse notamment au débat :
- une attestation de Monsieur [U] [P] en date du 06/05/2020
- des pièces médicales
- une photographie de son visage.

Monsieur [Z] considère que le comportement de Madame [N] a été fautif dans la mesure où c’est elle qui s’est approchée du chien, qu’elle s’est abaissée à son niveau et que le chien a simplement bougé la tête et percuté son visage. Il lui reproche également de ne pas lui avoir demander si elle pouvait caresser son chien. Il considère que ce comportement imprudent justifie une exonération ou un partage de responsabilité.
Monsieur [Z] produit notamment au débat :
- une attestation de Madame [I] [Z] en date du 12/03/2021
- une attestation de Madame [K] [O] en date du 12/03/2021
- un certificat médical du docteur [Y]
- une attestation de Madame [M].

La version de Madame [N] selon laquelle elle a été mordue par le chien est corroborée par le témoignage de Monsieur [P] et par les éléments médicaux notamment le rapport d’expertise judiciaire. Dès lors, les deux attestations de témoins émanant de proches de Monsieur [Z] qui écartent l’hypothèse d’une morsure n’emportent pas la conviction. En tout état de cause, même ces deux témoignages permettent de retenir que c’est bien le chien de Monsieur [Z] qui a causé la blessure de Madame [N].
S’agissant du comportement de cette dernière, il ne lui est reproché aucun comportement agressif ou brusque à l’égard du chien. Au contraire, il ressort de façon constante des éléments du débat qu’elle s’est approchée du chien pour le caresser. Le fait de s’approcher d’un chien, laissé sans muselière dans un local commercial ouvert au public, ne saurait être considéré comme un manque de prudence.
Par conséquent, il y a lieu de dire que la responsabilité de Monsieur [Z] est engagée et que le droit à indemnisation de Madame [N] est entier.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise judiciaire du docteur [L], les faits ont causé à Madame [N] une plaie de la joue gauche qui a dû être suturée et quatre plaies punctiformes de la joue gauche qui n’ont pas été suturées.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- DFT à 25 % pendant deux mois
- DFT à 10 % jusqu’à consolidation
- Consolidation : 29/08/2020
- Quantum Doloris : 2,5/7
- DFP : 2 %
- PET : 1,5/7 pendant 1 mois
- PED : 1/7.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [N], âgée de 51 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Dépenses de santé actuelles
Il ressort de la créance définitive de la CPAM en date du 17 août 2022 que celle-ci a pris en charge des dépenses de santé à hauteur de 506, 49 euros.

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Vu la note d’honoraires du docteur [S], il sera alloué à Madame [N] la somme de 720 euros au titre des frais d’assistance à expertise.

Frais divers
Madame [N] sollicite les sommes suivantes au titre de son reste à charge :
- 405 € au titre de 6 séances d’acuponcture
- 100 € au titre de l’oculoplastie
- 290 € au titre des 5 séances de psychothérapie
- 600 € au titre des 8 séances de Radiofréquence, 2 séances de LED et 1 séance de Jet Peel.

Dans la mesure où Monsieur [Z] acquiesce à cette demande, il sera alloué à Madame [N] la somme de 1.395 euros au titre des frais divers.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- DFT à 25 % du 29/08/2019 au 29/10/2019
- DFT à 10 % du 30/10/2019 au 29/08/2020.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [N] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 1.232, 55 euros, calculée comme suit :
61j x 27 € x 25 % = 411, 75 €
304j x 27 € x 10 % = 820, 80 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment du rappel antitétanique, du traitement médicamenteux, des soins locaux et du port d’un pansement. Cotées à 2,5/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 5.000 euros.

Préjudice esthétique temporaire
Côté à 1,5/7 pendant un mois en raison des plaies au visage, il justifie l’octroi de la somme de 1.500 euros.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 2 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 52 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 2.800 euros, soit 1.400 euros la valeur du point.

Préjudice esthétique permanent
Côté à 1/7 en raison d’une cicatrice fine de 1,5cm sur la pommette gauche relativement bien intégrée, il justifie l’octroi de la somme de 2.000 euros.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, Monsieur [Z], succombant, sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Il devra en outre verser à Madame [N] une somme qu’il est équitable de fixer à hauteur de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE Monsieur [J] [Z] à payer à Madame [W] [N] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 1.395 euros au titre des frais divers
- 720 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 1.232, 55 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 5.000 euros au titre des souffrances endurées
- 1.500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire
- 2.800 euros au titre du déficit fonctionnel permanent
- 2.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent

DIT que la provision déjà versée de 2.500 euros viendra en déduction des sommes ainsi allouées ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE Monsieur [J] [Z] à payer à Madame [W] [N] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE Monsieur [J] [Z] aux dépens.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 18 MARS 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/08654
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.08654 ?
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