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18/03/2024 | FRANCE | N°22/08258

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 18 mars 2024, 22/08258


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/08258 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2K7L

AFFAIRE : M. [R] [U] (Me Elie ATTIA)
C/ S.A. MATMUT ASSURANCES (Me Philippe DE GOLBERY)
- CPAM DES [Localité 8] ( )



DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fix

ée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024

PRO...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/08258 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2K7L

AFFAIRE : M. [R] [U] (Me Elie ATTIA)
C/ S.A. MATMUT ASSURANCES (Me Philippe DE GOLBERY)
- CPAM DES [Localité 8] ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024

PRONONCE par mise à disposition le 18 Mars 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [R] [U]
né le [Date naissance 1] 1980 à , demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Elie ATTIA, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance MATMUT, Mutuelle Assurance des Travailleurs Mutualistes, immatrciulée au RCS de ROUEN sous le n°775 701 447 dont le siège social se situe [Adresse 6], prise en sa délégation régionale située sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Philippe DE GOLBERY de la SELARL LESCUDIER & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES [Localité 8], dont le siège social est sis [Adresse 2] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

**************

Le 12 décembre 2018 à [Localité 11], Monsieur [R] [U], né le [Date naissance 1] 1980, circulait à scooter lorsqu’il a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule immatriculé [Immatriculation 7], conduit par Madame [T] [V] et assuré auprès de la société MATMUT.

Le docteur [Y], mandaté par l’assureur pour examiner Monsieur [U], a rendu son rapport le 12 mai 2022.

Par acte du 24 août 2022 assignant la société MATMUT et la CPAM des [Localité 8], Monsieur [U] demande au tribunal de :
- DIRE ET JUGER que son droit à indemnisation est plein et entier
- CONDAMNER la MATMUT à lui payer la somme de 35.923, 75 €
- CONDAMNER la MATMUT à lui payer la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC
- DIRE ET JUGER n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir
- CONDAMNER la MATMUT aux entiers dépens.

Aux termes de conclusions notifiées le 21 décembre 2022, la société MATMUT demande au tribunal de :
- JUGER que M. [U] a commis, à l’occasion de l’accident de la circulation survenu le 12 décembre 2018 diverses fautes qui sont exclusives de tout droit à réparation
- le DÉBOUTER en conséquence de toutes ses fins et conclusions
Très subsidiairement
- JUGER que ses fautes réduisent au moins de 75% son droit à réparation, et que la MATMUT ne sera tenue de réparer que 25% des dommages invoqués
- DÉBOUTER le requérant de ses diverses fins et prétentions contraires ou plus amples
- ENTÉRINER les conclusions du Docteur [Y]
- DÉCLARER satisfactoires ses offres d’indemnisation
- ALLOUER à M. [U] 25% des indemnisations à arbitrer en raison de la limitation de son droit à réparation
- RETRANCHER le recours des tiers-payeurs des postes de préjudice sur lesquels ils doivent s’imputer
En tout état de cause
- DIRE que les importantes dissensions qui opposent les parties sur le droit à indemnisation et son étendue constituent autant de paramètres ou d’élément à considérer justifiant que le tribunal juge que l’exécution provisoire doit être en l’espèce écartée
- REJETER la demande de M. [U] d’application de l’article 700 du CPC
- LAISSER à sa charge exclusive les entiers dépens, et à tout le moins et subsidiairement à concurrence de 75%, avec distraction au profit de la Selarl LESCUDIER & Associés, Avocat en la cause qui y a pourvu (articles 696 et 699 du CPC).

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 9 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 février 2024 et mise en délibéré au 18 mars2024.

La CPAM des [Localité 8], régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

La loi du 5 juillet 1985 dispose notamment, que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages.

Ainsi, le droit à indemnisation du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'est pas apprécié en fonction du comportement de l'autre automobiliste impliqué. Il convient d'apprécier uniquement le comportement du conducteur blessé, en l'occurrence, Monsieur [U].

Celui-ci expose qu’il circulait sur sa voie de circulation [Adresse 5], lorsque le véhicule placé devant lui, conduit par Madame [V], a tourné brusquement à droite sans clignotant afin de stationner ; qu’il n’a pas eu d’autre choix que de le percuter ; qu’en raison du choc qu’il s’est déporté sur la voie des bus. Il souligne que le point de choc se situe sur l’avant droit du véhicule de Madame [V]. Il considère que cela corrobore sa version car s’il s’était trouvé dans la voie des bus avant l’accident, le véhicule de Madame [V] aurait été perpendiculaire à la route au moment de la collision et l’ impact se serait trouvé sur le côté latéral droit à l’arrière.
Monsieur [U] soutient qu’il existe une incertitude sur les circonstances de l’accident et qu’aucune faute n’est prouvée à son encontre. Il souligne l’absence d’élément justificatif comme des témoins, des caméras ou l’audition de Madame [V].
Il considère par ailleurs que Madame [V] a commis une faute d’imprudence en freinant soudainement, en tournant sans clignotant et sans vérifier l’absence de véhicule dans son rétroviseur.
Monsieur [U] conclut à un droit à indemnisation entier.

La société MATMUT considère que les circonstances de l’accident ne sont pas indéterminées. Elle soutient que son assurée circulait dans la voie de circulation la plus à droite réservée aux automobilistes ; qu’elle a débuté une manoeuvre pour se garer à droite ; qu’elle n’imaginait pas que Monsieur [U] tenterait de la doubler par la droite en remontant la voie des bus ; que celui-ci l’a percutée. Elle relève que le point de choc se situe à l’avant droit. Elle considère que si Monsieur [U] s’était trouvé dans la même voie derrière Madame [V], il l’aurait percutée à l’arrière. Elle considère en conséquence que Monsieur [U] circulait dans la voie réservée aux bus, en contravention avec l’article R412-7 du code de la route.
La société MATMUT estime qu’en tout état de cause Monsieur [U] s’est rendu coupable d’un défaut de maîtrise en ne respectant pas les distances de sécurité et en roulant à une vitesse inadaptée aux obstacles prévisibles.
Elle conclut, à titre principal, à une exclusion du droit à indemnisation et, à titre subsidiaire, à une réduction de 75 %.

Il ressort des procès-verbaux produits que Monsieur [U] a déclaré aux policiers :
“Je venais de [Adresse 10] en direction [Adresse 9]. Je circulais derrière un véhicule, ce dernier a voulu se garer sur la droite et j’ai percuté le véhicule au niveau avant droit. J’ai mal à l’épaule gauche, aux genoux et aux cervicales. Je n’ai rien d’autres à ajouter”.
Madame [V] et son véhicules n’étaient plus sur place lors de l’arrivée des policiers. Dès lors, aucune constatation matérielle du point d’impact n’a pu être réalisée.
Les policiers ont retenu les circonstances suivantes :
“Le conducteur du scooter venait de [Adresse 10] en direction du [Adresse 9], et aurait percuté, soit en remontant le flux de circulation par la droite, soit en circulant sur la voie de bus, un véhicule léger qui circulait [Adresse 5] qui tournait sur sa droite pour se stationner au niveau du [Adresse 5].
Point de choc : avant droit du véhicule léger sur la voie de bus”.

En l’absence de témoin, de constatations sur le véhicule de Madame [V] et de déclaration de celle-ci, le point d’impact n’est pas établi. Aucun élément ne permet de démontrer avec certitude que Monsieur [U] circulait dans la voie de bus au moment de l’accident.

En revanche, il ressort des déclarations même de Monsieur [U] que c’est lui qui a percuté le véhicule de Madame [V]. Dès lors, il a nécessairement commis un défaut de maîtrise. En effet, s’il avait adapté sa vitesse aux conditions de circulation et respecté les distances de sécurité, il aurait été en capacité de s’arrêter et d’éviter la collision indépendamment du caractère brutal ou non du changement de direction de Madame [V] qui n’était pas imprévisible.
Cette faute a joué un rôle causal dans l’accident.
La gravité de celle-ci justifie une réduction du droit à indemnisation de 50 %.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [Y] l’accident a causé à Monsieur [U] un traumatisme fermé de l’épaule gauche, une dermabrasion du genou gauche et des douleurs de la malléole interne droite.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- ATAP du 12/12/2018 au 12/03/2019
- GTP de classe III du 12/12/2018 au 26/12/2018
- GTP de classe II du 27/12/2018 au 27/02/2019
- GTP de classe I du 28/02/2019 jusqu’à consolidation
- Consolidation : 16/06/2019
- Souffrances endurées : 2,5/7
- AIPP : 4%.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [U], âgé de 38 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- GTP de classe III du 12/12/2018 au 26/12/2018
- GTP de classe II du 27/12/2018 au 27/02/2019
- GTP de classe I du 28/02/2019 au 16/06/2019.

Les parties s’accordent pour évaluer ce poste de préjudice à hauteur de 843, 75 euros.
Après application de la réduction du droit à indemnisation, il sera alloué à Monsieur [U] la somme de 421, 88 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment de l’immobilisation du membre supérieur et des soins locaux. Cotées à 2,5/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 5.000 euros, soit 2.500 euros après application de la réduction du droit à indemnisation.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 4 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 39 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 7.080 euros, soit 3.540 euros après application de la réduction du droit à indemnisation.

A cet égard l’éventuelle rente AT qui aurait pu être versée par la CPAM est indifférente pour la liquidation de ce poste de préjudice, puisque la Cour de cassation considère désormais que cette prestation ne répare pas ce poste de préjudice (Ass. plén. 20 janvier 2023, n°21-23.947 et n°21-23673 ; 2ème civ, 6 juillet 2023 n°21-24.283).

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

L’expert a retenu une gêne douloureuse pour certains gestes de musculation utilisant le membre supérieur gauche.

Monsieur [U] sollicite la somme de 20.000 euros pour ce poste de préjudice.

La MATMUT conclut au rejet en l’absence de justificatif sur une pratique antérieure et de la possibilité de poursuivre la musculation.

Le demandeur ne se prévaut, ni ne justifie, d’aucune activité de loisirs spécifiques avant l’accident. Dès lors, il ne démontre pas l’existence d’un préjudice d’agrément distinct de la diminution des plaisirs de la vie notamment du fait de l’impossibilité de se livrer à certaines activités d’agrément déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel permanent. Sa demande sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société MATMUT, succombante sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure.

Monsieur [U] ayant été contraint d’exposer des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner la société MATMUT à lui payer la somme de 1.500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [R] [U] du fait de l’accident de la circulation du 12 décembre 2018 est réduit de 50 % ;

CONDAMNE la société MATMUT à payer à Monsieur [R] [U] les sommes suivantes, tenant compte de la réduction du droit à indemnisation, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 421, 88 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 2.500 euros au titre des souffrances endurées
- 3.540 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

REJETTE la demande au titre du préjudice d’agrément ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des [Localité 8] ;

CONDAMNE la société MATMUT à payer à Monsieur [R] [U] la somme de
1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la société MATMUT aux dépens ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 18 MARS 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/08258
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.08258 ?
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