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18/03/2024 | FRANCE | N°22/00326

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 18 mars 2024, 22/00326


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 22/00326 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZOVZ

AFFAIRE : M. [C] [S] (Me Norbert AIDAN)
C/Compagnie d’assurance AVANSSUR (Me Olivier BAYLOT)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )
- Compagnie d’assurance GMF ASSURANCES
( Me Henri LABI)



DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors

des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décis...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 22/00326 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZOVZ

AFFAIRE : M. [C] [S] (Me Norbert AIDAN)
C/Compagnie d’assurance AVANSSUR (Me Olivier BAYLOT)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )
- Compagnie d’assurance GMF ASSURANCES
( Me Henri LABI)

DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024

PRONONCE par mise à disposition le 18 Mars 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputé contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEUR

Monsieur [C] [S]
né le [Date naissance 5] 1962 à [Localité 15] (MAROC), demeurant [Adresse 16] - [Localité 4]

représenté par Me Norbert AIDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

Compagnie d’assurance AVANSSUR, dont le siège social est sis [Adresse 8] - [Localité 10] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Maître Olivier BAYLOT de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocats au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 6] - [Localité 2] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

Compagnie d’assurance GMF, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 398 972 901 dont le siège social est sis [Adresse 9] - [Localité 1] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE

**********

Le 19 septembre 2015 à MARSEILLE, un accident de la circulation est intervenu entre :
- un véhicule BMW conduit par Monsieur [L] [T], assuré auprès de la société AVANSSUR dans lequel Monsieur [C] [S] était passager
- un véhicule RENAULT Clio conduit par Madame [Z] [N] et assuré auprès de la société GMF.

La société AVANSSUR a mandaté le docteur [D] afin d’examiner Monsieur [S]. L’expert a rendu un rapport provisoire le 9 juin 2016 en l’état de la non-consolidation de Monsieur [S].
La société AVANSSUR a versé des provisions amiables à hauteur de 20.000 euros.

Par ordonnance en date du 9 novembre 2016, le juge des référés a condamné la société AVANSSUR à payer “pour le compte de qui il appartiendra” la somme de 100.000 euros à titre de provision complémentaire.

Le docteur [E] a été mandaté pour examiner Monsieur [S].
L’expert a rendu son rapport le 6 décembre 2018.

Par ordonnance en date du 10 mai 2019, le juge des référés a débouté Monsieur [S] de sa demande de provision complémentaire.

Par acte du 24 décembre 2021, Monsieur [C] [S], né le [Date naissance 5] 1962, a assigné devant le tribunal de céans la société AVANSSUR et la CPAM des Bouches du Rhône, afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice.

Par acte du 14 juin 2022, la société AVANSSUR a dénoncé la procédure et assigné en garantie la société GMF ASSURANCES;

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 14 novembre 2022.

Monsieur [S] n’a pas conclu postérieurement à son assignation, aux termes de laquelle il demande au tribunal de :
- CONDAMNER la compagnie AVANSSUR à lui verser une somme de 224.805 € dont il convient de déduire les trois provisions versées d’un montant de 120.000 €
- CONDAMNER la compagnie AVANSSUR à lui verser la somme de 20.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC
- CONDAMNER la compagnie AVANSSUR aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures notifiées le 31 mai 2022, la société AVANSSUR demande au tribunal de :
A titre principal
- la METTRE hors de cause
A titre subsidiaire
- LIQUIDER l’entier préjudice de Monsieur [S] en déclarant satisfactoires les offres d’indemnisations formulées dans le corps de ses conclusions
- DÉDUIRE des sommes le montant de la provision précédemment versée pour un montant de 120,000 €, et tenir compte du recours de la CPCAM
- CONDAMNER la société GMF ASSURANCES à la relever et garantir intégralement de l’intégralité des condamnations mises à sa charge
En tout état de cause
- REJETER la demande formulée au titre des dispositions de l’article 700 du CPC
- CONDAMNER tout succombant aux entiers dépens de l’instance.

Dans ses conclusions notifiées le 21 novembre 2022, la société GMF ASSURANCES demande au tribunal de :
- ORDONNER sa mise hors de cause
- dire et juger que la Compagnie AVANSSUR prendra seule en charge la totalité du préjudice de Monsieur [C] [S], passager transporté dans le véhicule assuré par cette compagnie
A titre subsidiaire
- DÉBOUTER la compagnie d’assurances AVANSSUR de son appel en garantie
En toute hypothèse
- la CONDAMNER à régler la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile
- CONDAMNER la compagnie d’assurances AVANSSUR aux entiers dépens.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 février 2024 et mise en délibéré au 18 mars 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes des parties tendant à voir “dire et juger” ou “constater” ou “déclarer”

Ces “demandes” ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile et ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une exécution forcée.
Ces demandes -qui n’en sont pas et constituent en fait un résumé des moyens- ne sont en conséquence pas mentionnées dans le rappel synthétique des demandes dans l’exposé du litige et ne donneront pas lieu à mention au dispositif.

Sur le droit à indemnisation de Monsieur [S]

En vertu de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, les victimes, hormis les conducteurs des véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu’elles ont subis, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l’exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l’accident.

En l’espèce, il est acquis aux débats que le 19 septembre 2015, Monsieur [C] [S] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société GMF alors qu’il était passager d’un véhicule assuré auprès de la société AVANSSUR.

Le droit à indemnisation de Monsieur [S] n’est pas contesté et résulte tant des circonstances de l’accident que de l’article 3 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de ce passager blessé par l’accident.

Le droit à indemnisation de Monsieur [S] est donc plein et entier.
Il convient de constater que Monsieur [S] formule ses demandes seulement à l’encontre de la société AVANSSUR, ce qu’il a parfaitement le droit de faire indépendamment de la question de l’existence d’une faute du conducteur concerné.
Par conséquent, la société AVANSSUR sera condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.
La demande de mise hors de cause de la société AVANSSUR sera donc rejetée.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [E] l’accident a causé à Monsieur [S] :
- un traumatisme crânien et facial
- une entorse cervicale C6 C7 sur canal cervical étroit
- une contusion de l’épaule gauche
- une fracture du 5ème métatarsien gauche
- une fracture de l’aile iliaque gauche.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- Gêne temporaire totale du 19/09/2015 au 17/02/2016 et du 14/06/2016 au 22/07/2016
- Gêne temporaire de classe 4 du 18/02/2016 au 13/06/2016
- Gêne temporaire de classe 3 du 23/07/2016 au 22/08/2016
- Gêne temporaire de classe 2 du 23/08/2016 jusqu’à consolidation
- Consolidation : 19/09/2018
- Souffrances endurées : 4,5/7
- AIPP : 23%
- Dommage esthétique : 2/7
- Incidence professionnelle
- Tierce personne temporaire :
12h/jour du 18/02/2016 au 13/06/2016
2h/jour du 23/07/2016 au 22/08/2016
1h/jour du 23/08/2016 au 19/09/2018
- Tierce personne permanente : 3h/semaine.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [S], âgé de 53 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Perte de gains professionnels actuels
Ce poste de préjudice sera réservé conformément à l’accord des parties sur ce point.

Assistance par tierce personne avant consolidation
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L’expert a évalué le besoin en tierce personne de Monsieur [S] avant consolidation de la façon suivante :

Sur la base d’un taux horaire de 18€, il sera alloué à Monsieur [B] la somme de 10.923, 43 euros pour ce poste de préjudice, selon le calcul suivant :
12h/jour du 18/02/2016 au 13/06/2016
2h/jour du 23/07/2016 au 22/08/2016
1h/jour du 23/08/2016 au 19/09/2018.

Sur la base d’un taux horaire de 18€, l’assistance par tierce personne avant consolidation s’évalue à 39.762 euros :
116j x 12h x 18 € = 25.056 €
30j x 2h x 18 € = 1.080 €
757j x 1h x 18 € = 13.626 €.

Le tribunal ne pouvant statuer ultra petita, il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 33.825 euros qu’il sollicite.
Assistance par tierce personne après consolidation
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe de manière pérenne.

Monsieur [S] demande la somme de 2.340 euros au titre de la tierce personne pour la période allant de la consolidation jusqu’au 19 septembre 2021.

La société AVANSSUR acquiesce à cette demande.

Il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 2.340 euros au titre de l’assistance par tierce personne après consolidation, arrêtée au 19 septembre 2021.

Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

L’expert a indiqué dans son rapport :
“La reconnaissance de travailleur handicapé est imputable à l’accident. Il peut rependre une activité professionnelle en emploi sédentaire en évitant la sollicitation répétée du rachis cervical et des membres supérieurs. Une reprise professionnelle dans l’informatique est médicalement possible”.

Monsieur [S] demande la somme de 100.000 euros pour ce poste de préjudice.

La société AVANSSUR offre la somme de 15.000 euros faisant valoir qu’il n’y a pas de contre-indication à l’exercice de la profession antérieure mais une simple gêne dans certain mouvements.

Le tribunal déplore que Monsieur [S] s’abstienne de fournir toute explication sur sa situation professionnelle au moment de l’accident et actuelle et de produire toute pièce justificative.
Il ressort du rapport d’expertise que Monsieur [S] était informaticien sans emploi au moment de l’accident.
Au regard des séquelles orthopédiques, il est possible de retenir une pénibilité accrue, celle-ci étant théorique en l’état du non-emploi de Monsieur [S].
Il convient également d’admettre une dévalorisation sur le marché de l’emploi eu égard à la qualité de travailleur handicapé.
En tenant compte de l’âge de Monsieur [S] au moment de la consolidation, il lui sera alloué la somme de 20.000 euros au titre de l’incidence professionnelle.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- Gêne temporaire totale du 19/09/2015 au 17/02/2016 et du 14/06/2016 au 22/07/2016
- Gêne temporaire de classe 4 du 18/02/2016 au 13/06/2016
- Gêne temporaire de classe 3 du 23/07/2016 au 22/08/2016
- Gêne temporaire de classe 2 du 23/08/2016 au 19/09/2018.

Il sera alloué à Monsieur [S] la somme de 7.940 euros sur laquelle s’accordent les parties.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment des hospitalisations, de l’intervention chirurgicale, de l’immobilisation du pied gauche, du traitement médicamenteux, de la kinésithérapie. Cotées à 4,5/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 15.000 euros sur laquelle s’accordent les parties.

Préjudice esthétique
Côté à 2/7 en raison des différentes cicatrices et des troubles du schéma de marche partiellement imputable à l’accident, il justifie l’octroi de la somme de 3.200 euros pour rester dans la demande.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 23 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées et étant âgée de 56 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 47.380 euros, soit 2.060 euros le point.

Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécifique “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”.
La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident.
Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.
Monsieur [S] sollicite la somme de 5.000 euros pour ce poste de préjudice.

La société AVANSSUR sollicite que ce poste soit réservé dans l’attente de justificatif.

Monsieur [S] ne produit aucune pièce au soutien de sa demande. Dès lors, il ne prouve pas qu’il pratiquait une activité sportive ou de loisirs spécifique avant l’accident. Par conséquent, il ne démontre pas l’existence d’une préjudice d’agrément. Sa demande sera rejetée.

Sur le recours en garantie

Le recours du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ou de son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers s'exerce contre le conducteur d'un autre véhicule impliqué sur le fondement des articles 1240 et 1346 du code civil. La contribution à la dette a lieu en proportion de leurs fautes respectives ou en l'absence de faute prouvée à parts égales.

La société AVANSSUR soutient que le véhicule de son assuré a été violemment percuté par le véhicule conduit par Madame [N], après que cette dernière se soit dangereusement déportée sur la voie de gauche. Elle considère que la manoeuvre de dépassement que son assuré, Monsieur [T], était en train d’effectuer, était autorisé au regard de la ligne discontinue.
La société AVANSSUR estime que son assuré n’est pas responsable de l’accident. Elle demande à être relevée et garantie de toutes les condamnations mises à sa charge par la société GMF.

La société GMF ASSURANCES considère que Monsieur [T] ne circulait pas régulièrement puisqu’il circulait sur la voie de gauche, en contravention avec l’article R412-9 du code de la route, et alors que la chaussée était séparée par une ligne médiane de dissuasion ce qui aurait dû le décourager d’entreprendre un dépassement. Elle relève que la déclaration de Monsieur [S] relate une scène de violence routière inouïe.
Elle concède que Madame [N] a effectué une manoeuvre de léger déport sur la gauche, sans doute à très faible allure, pour anticiper la fin de la manoeuvre du véhicule qui la précédait. Elle considère que son assurée n’a été que l’obstacle qui a interrompu la course folle de Monsieur [T]. Elle relève que les policiers ont bien mentionné dans leur procès-verbal que c’est le véhicule de Monsieur [T] qui a heurté le véhicule de Madame [N].
La société GMF ASSURANCES retient que Monsieur [T] a commis des fautes en circulant à une vitesse excessive, sur la voie de gauche et en effectuant un dépassement dangereux. Elle conclut à sa mise hors de cause.

Il est versé au débat le procès-verbal d’enquête.
Les policiers ont retenu “d’après les déclarations recueillies et les constatations effectuées sur le terrain” :
“Un véhicule (A) de marque BMW immatriculé [Immatriculation 7] circulait sur le [Adresse 12] [Localité 3] venant du [Adresse 13] pour se diriger vers [Localité 11], a doublé à grande vitesse sur une ligne de dissuasion deux véhicules se trouvant devant lui. Après avoir dépassé le premier véhicule où se trouvait le témoin, le conducteur du véhicule A a percuté le côté gauche du second véhicule B de marque Renault Clio immatriculé [Immatriculation 14] puis a fini sur le trottoir en percutant deux potelets ainsi qu’un panneau publicitaire”.
Ils ont dressé un croquis de l’accident qui matérialise le point d’impact dans la voie de gauche.
Monsieur [S] a été entendu par les services de police et a déclaré :
“...Nous sommes montés dans son véhicule et au moment où j’ai mis ma ceinture de sécurité, ce dernier (Monsieur [L] [T]) m’a dit que ce n’était pas la peine de mettre la ceinture de sécurité car on allait seulement faire un petit tour. Cette déclaration m’a mis un doute, je me demandais si cet individu était normal.
Il a ensuite démarré à vive allure, j’ai été propulsé en arrière, collé au siège, je lui ai demandé de ralentir car on était à la sortie du parking du bar et perpendiculaire à la route de la Barrasse.
Après, il a tourné à gauche en direction d’[Localité 11] et a continué à accélérer, circulant à vive allure. On aurait pu croire que l’on faisait un rallye, il slalomait ente les véhicules. Il avait une conduite vraiment dangereuse. Il doublait les véhicules sur la voie de gauche, il n’avait pas de place pour se rabattre. Un peu avant le lieu de l’accident, la chaussée se rétrécit côté gauche pour cause de travaux.
Je n’arrêtais pas de lui crier de me laisser descendre du véhicule, il ne m’écoutait pas, il voulait me montrer que le véhicule était puissant. Je lui ai demandé cinq ou six fois de me laisser descendre mais en vain. Ensuite je me rappelle seulement que l’on a percuté un véhicule type citadine de couleur sombre, mais je ne suis pas sur car il faisait nuit (...)”.
Il est également produit au débat la déclaration que Madame [N] a faite à l’assureur selon laquelle :
“J’étais en train de rouler derrière une voiture qui a ralenti pour tourner à droite. Une fois la voiture engagée dans la rue, j’ai regardé devant pour voir si je pouvais la dépasser, ensuite j’ai regardé dans les rétros intérieurs et extérieurs, là j’ai vu des feux assez éloignés de ma voiture, et comme aucune voiture n’était en train de doubler, je me suis déportée sur la voie de gauche et à ce moment un véhicule est arrivé à fond derrière moi et m’a percuté”.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que c’est le véhicule de Monsieur [T] qui a percuté celui de Madame [N]. Celui-ci a donc fait preuve d’un défaut de maîtrise. En effet, s’il avait circulé à une vitesse adaptée aux circonstances, il aurait été en capacité de s’arrêter à temps, même dans l’hypothèse, non imprévisible, d’un véhicule se déportant dans sa voie. En revanche, même si la déclaration de Monsieur [S] va dans le sens d’une circulation à une allure très excessive, cela ne sera pas retenu car aucun élément objectif ne permet de le confirmer. Ensuite, il est établi que Monsieur [T] circulait sur la voie de gauche pour effectuer un dépassement. Or, la configuration des lieux ne permettait pas une telle manoeuvre en l’état d’un marquage au sol matérialisant une ligne de dissuasion et d’une visibilité insuffisante.
Par conséquent, il a lieu de retenir que Monsieur [T] a commis des fautes en ne maîtrisant pas son véhicule, en circulant sur la voie de gauche et en effectuant un dépassement dangereux.
S’agissant de Madame [N], il est établi qu’elle s’est déportée dans la voie de gauche pour dépasser le véhicule qui la précédait qui était en train de tourner à droite. Pour les mêmes raisons que pour Monsieur [T] cette manoeuvre n’était pas autorisée. Elle a donc commis une faute.

Au regard de la gravité des fautes respectives des conducteurs, il y a lieu de dire que la réparation à la dette se fera à hauteur de 70 % pour la société AVANSSUR et de 30 % pour la société GMF.

Par conséquent, la société GMF ASSURANCES sera condamnée à relever et garantir la société AVANSSUR des condamnations prononcées à son encontre, dans la limite de 30 %.

Sur les demandes accessoires

La société AVANSSUR, qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens.

En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par Monsieur [S] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 1.500 euros.
En revanche, la société GMF ASSURANCES sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

REJETTE la demande de mise hors de cause de la société AVANSSUR ;

CONDAMNE la société AVANSSUR à payer à Monsieur [C] [S] les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 33.825 euros au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation
- 2.340 euros au titre de l’assistance par tierce personne après consolidation, arrêtée au 19 septembre 2021
- 20.000 euros au titre de l’incidence professionnelle
- 7.940 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 15.000 euros au titre des souffrances endurées
- 3.200 euros au titre du préjudice esthétique
- 47.380 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

DIT que les provisions versées à hauteur de 120.000 euros viendront en déduction des sommes ainsi allouées ;

RÉSERVE la perte de gains professionnels actuels ;

REJETTE la demande au titre du préjudice d’agrément ;

CONDAMNE la société GMF ASSURANCES à relever et garantir la société AVANSSUR dans la limite de 30 % correspondant à son obligation à la dette ;

REJETTE la demande de mise hors de cause de la société GMF ASSURANCES ;

DIT le présent jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE la société AVANSSUR à payer à Monsieur [C] [S] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société GMF ASSURANCES de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire ;

CONDAMNE la société AVANSSUR aux dépens.

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE
18 MARS 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/00326
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;22.00326 ?
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