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18/03/2024 | FRANCE | N°21/08607

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 2ème chambre cab2, 18 mars 2024, 21/08607


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 21/08607 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZFYI

AFFAIRE : Mme [T] [F] (Me Karine TOUBOUL-ELBEZ)
C/ S.A. ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL
(Me Etienne ABEILLE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )



DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du

délibéré a été fixée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 21/08607 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZFYI

AFFAIRE : Mme [T] [F] (Me Karine TOUBOUL-ELBEZ)
C/ S.A. ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL
(Me Etienne ABEILLE)
- CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE ( )

DÉBATS : A l'audience Publique du 05 Février 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Madame Elsa VALENTINI

Greffier : Madame Célia SANDJIVY, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 18 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 18 Mars 2024

PRONONCE par mise à disposition le 18 Mars 2024

Par Madame Elsa VALENTINI, Juge

Assistée de Madame Célia SANDJIVY, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

réputée contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [T] [F]
née le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 6], demeurant [Adresse 2]

Immatriculée à la sécurité sociale sous le n°[Numéro identifiant 1]

représentée par Me Karine TOUBOUL-ELBEZ, avocat au barreau de MARSEILLE

C O N T R E

DEFENDERESSES

S.A. ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL, dont le siège social est sis [Adresse 4] prise en la personne de son représentant légal en exercice

représentée par Me Etienne ABEILLE, avocat au barreau de MARSEILLE

CPAM DES BOUCHES-DU-RHONE, dont le siège social est sis [Adresse 3] prise en la personne de son représentant légal en exercice

défaillant

*********

Le 4 avril 2018 à [Localité 6], Madame [T] [F], née le [Date naissance 5] 1967 à [Localité 6], a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL (ACM).

Son assureur, la MATMUT, lui a versé une provision de 2.000 euros et a mis en place une mesure d’expertise amiable confiée au docteur [Y].
L’expert s’est adjoint un sapiteur psychiatre et a rendu son rapport le 19 décembre 2020.

Par actes des 22 et 23 septembre 2021, Madame [F] a assigné devant le tribunal de céans la société ACM et la CPAM des Bouches du Rhône afin d’obtenir l’indemnisation de son préjudice sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

Par ordonnance en date du 25 avril 2022, le juge de la mise en état a alloué à Madame [F] une provision complémentaire de 6.000 euros.

Dans ses dernières écritures notifiées le 21 novembre 2022, Madame [F] demande au tribunal de :
- CONDAMNER la société ACM IARD à lui payer la somme de 30.281, 06 €, en deniers ou quittances, avec intérêts à compter de la demande, selon le détail suivant :
-Frais médicaux : mémoire
-Frais d’assistance à expertise : 1.440 €
-DFT : 2.270 €
-Pretium doloris : 6.000 €
-DFP : 20.571, 06 €
Subsidiairement
- CONDAMNER la société ACM IARD à lui payer la somme de 22.190 €, en deniers ou quittances, avec intérêts à compter de la demande, selon le détail suivant :
-Frais médicaux : mémoire
-Frais d’assistance à expertise : 1.440 €
-DFT : 2.270 €
-Pretium doloris : 6.000 €
-DFP : 12.480 €
En tout état de cause
- CONDAMNER la société ACM IARD à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
- CONDAMNER la société ACM IARD aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ sur son affirmation de droit par application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures notifiées le 11 janvier 2023, la société ACM IARD demande au tribunal de :
- RÉDUIRE les demandes d’indemnisation formulées par Madame [F]
- DÉDUIRE des sommes qui seront allouées à Madame [F] les indemnités provisionnelles d’un montant total de 8.000 €
- DÉCLARER irrecevable la demande de Madame [F] de fixer le taux de déficit fonctionnel permanent à 8%
- DÉBOUTER Madame [F] de sa demande de reconnaissance d’un déficit fonctionnel temporaire à 8%,
- DÉDUIRE des sommes qui seront allouées à Madame [F] les créances des tiers payeurs
- DIRE n’y avoir lieu à exécution provisoire du jugement à intervenir qu’à hauteur de la somme offerte par la concluante
- DÉBOUTER Madame [F] du surplus de ses demandes, fins et conclusions
En tout état de cause
- DIRE n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du CPC et aux dépens
- LAISSER à la charge de Madame [F] les dépens de l’instance.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions quant à l’exposé détaillé des prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 16 janvier 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 5 février 2024 et mise en délibéré au 18 mars 2024.

La CPAM des Bouches du Rhône, régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat ; le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de l’ensemble des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

En vertu des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur blessé dans un accident de la circulation a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subi sauf s’il est prouvé qu’il a commis une faute ayant contribué à la survenance de son préjudice.

En l’espèce, il ressort des éléments du débat que, le 4 avril 2018, Madame [F] a été victime d’un accident de la circulation impliquant un véhicule assuré auprès de la société ACM.

Le droit à indemnisation de Madame [F] n’est pas contesté par la défenderesse et résulte tant des circonstances de l’accident que des articles 1er et 4 de la loi du 5 juillet 1985, aucune faute n’étant prouvée ni même alléguée à l’encontre de cette conductrice blessée par l’accident, seul élément susceptible d'affecter son droit à réparation indépendamment de toute faute de l'autre conducteur impliqué.

Le droit à indemnisation de Madame [F] étant plein et entier, la société ACM sera par conséquent condamnée à l’indemniser de l’intégralité de son préjudice.

Sur l’évaluation du préjudice

Aux termes non contestés du rapport d’expertise amiable du docteur [Y] l’accident a causé à Madame [F] un traumatisme indirect du rachis avec cervicalgies, céphalées et vertiges.

Les conséquences médico-légales sont les suivantes :
- ATAP du 05/04/2018 au 29/06/2018
- GTP de classe II du 04/04/2018 au 03/07/2018
- GTP de classe I du 04/07/2018 au 03/10/2019
- Consolidation : 04/10/2019
- Souffrances endurées : 2,5/7
- AIPP : 5 %.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [F], âgée de 51 ans lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit.

1°) Les Préjudices Patrimoniaux

Frais d’assistance à expertise
Les frais d’assistance à expertise exposés par la victime pour se faire assister d’un médecin lors des opérations d’expertise sont nécessaires à la préservation de ses droits. En effet, le débat présentant un caractère scientifique il paraît légitime qu’elle s’entoure d’un conseil technique au même titre que la compagnie d’assurances et ce dans le respect du principe du contradictoire.

Il est versé au débat deux notes d’honoraires du docteur [Z] pour un montant total de 1.440 euros.
Cette somme n’apparaît pas abusive pour l’assistance à deux accédits.

En conséquence, il sera alloué pour ce poste de préjudice la somme de 1.440 euros à Madame [F].

Dépenses de santé actuelles
Il ressort de la créance définitive de la CPAM des Bouches du Rhône en date du 14 juin 2021 que celle-ci a pris en charge des dépenses de santé à hauteur de 565, 43 euros.

Madame [F] ne fait état d’aucun reste à charge et ne formule aucune demande pour ce poste de préjudice.

Perte de gains professionnels actuels
Selon la créance de la CPAM, Madame [F] a perçu des indemnités journalières à hauteur de 4.169, 40 euros.

Madame [F] ne fait état d’aucune perte de gains et ne formule aucune demande pour ce poste de préjudice.

2°) Les Préjudices Extra Patrimoniaux :

Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants :
- GTP de classe II du 04/04/2018 au 03/07/2018
- GTP de classe I du 04/07/2018 au 03/10/2019.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [F] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de 1.848, 15 euros, calculée comme suit :
91j x 27 € x 25 % = 614, 25 €
457j x 27 € x 10 % = 1.233, 90 €.

Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis s’agissant notamment du port d’un collier cervical, du traitement médical et de la kinésithérapie. Cotées à 2,5/7 par l’expert, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 5.000 euros.

Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

L’expert a évalué le déficit fonctionnel permanent à 5 % en raison d’un syndrome algo fonctionnel rachidien et d’un état de stress post-traumatique.

A titre principal, Madame [F] critique la méthode habituelle de calcul de ce poste de préjudice qu’elle qualifie de “barémisée”. Elle demande que ce poste de préjudice soit évalué sur la base de 1,50 € par jour, correspondant à 5 % de 30 €, et que le chiffrage se fasse en distinguant la partie échue et la partie à échoir. Elle demande à ce titre la somme de
20.571, 06€.
Subsidiairement, elle fait valoir que les 5 % retenus par l’expert aboutissent à sous-évaluer son préjudice car ils ne prennent pas en compte les souffrances post-consolidation et les troubles rencontrés dans la vie quotidienne. Elle reproche à l’expert d’avoir exclu les douleurs du genou et le zona qui sont connus comme étant réactionnels à un choc psychologique. Elle évalue son DFP à 8 % et sollicite la somme de 12.480 €, soit 1.560 € la valeur du point.

La société ACM s’oppose à la méthode de calcul proposée par Madame [F] faisant valoir qu’elle n’a pas été confirmée sur le plan judiciaire et qu’elle consiste à patrimonialiser le DFP qui est un poste extra-patrimonial.
Sur la contestation des 5 % retenus par l’expert, la défenderesse souligne qu’elle n’apparaissait pas dans l’assignation. Elle note que Madame [F] ne justifie pas de soins sur le genou droit et que la feuille d’accident du travail produite ne comporte pas de date. Elle souligne que les douleurs au genou ne faisaient pas partie des doléances exprimées à l’expert. Elle offre la somme de 6.350 € sur la base d’une DFP à 5%.

Il convient de relever que le docteur [Y] a formellement exclu l’imputabilité des douleurs du genou et du zona à l’accident. Pour remettre en cause cette évaluation, Madame [F] se contente de produire sa feuille d’accident du travail, pièce parfaitement connue de l’expert, et qui ne permet en aucun cas d’établir un lien de causalité entre des douleurs après consolidation et l’accident litigieux.
D’ailleurs, Madame [F] ne contestait nullement cette évaluation dans son assignation des 22 et 23 septembre 2021 et dans ses conclusions notifiées le 2 juin 2022. Elle ne le conteste pas non plus dans sa demande principale sur ce poste de préjudice.
Par conséquent, c’est bien le taux de 5 % qui sera entériné.

S’agissant de la méthode de calcul de ce poste de préjudice, il y a lieu de souligner que le docteur [Y] s'est appuyé sur le barème du “concours médical”, qui intègre tous les paramètres médicaux, dont la dolorisation persistante outre la perte de qualité de la vie dans ses aspects quotidiens. Dès lors, contrairement à ce qu’affirme Madame [F] tous les aspect de son préjudice ont été pris en compte.
Par ailleurs, les barèmes, comme le référentiel dit “Mornet” , évoqués par la requérante propose une grille de réparation qui intègre tous les paramètres des conséquences dommageables à titre permanent, puisque ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.
Il est donc inexact d'avancer que certaines des composantes de ce poste seraient méconnues, d'autant plus que le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation pour évaluer son indemnisation au plus prés des conséquences subies par chaque victime.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 5 % et étant âgée de 52 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué la somme de 7.000 euros, soit 1.400 euros la valeur du point.

Sur les demandes accessoires

Dans la mesure où l’assureur ne justifie pas du versement des provisions, le jugement sera prononcé en deniers ou quittances, provision non déduite.

Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, la société ACM, succombante sera condamnée aux entiers dépens de la présente procédure, distraits au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ.

Madame [F] ayant été contrainte d’exposer des frais pour obtenir la reconnaissance de ses droits, il est équitable de condamner la société ACM à lui payer la somme de 1.800 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE la société ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL à payer à Madame [T] [F], les sommes suivantes, en deniers ou quittances, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 1.440 euros au titre des frais d’assistance à expertise
- 1.848, 15 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire
- 5.000 euros au titre des souffrances endurées
- 7.000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

DIT le jugement commun à la CPAM des Bouches du Rhône ;

CONDAMNE la société ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL à payer à Madame [T] [F] la somme de 1.800 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société ASSURANCE DU CREDIT MUTUEL aux dépens distraits au profit de Maître Karine TOUBOUL-ELBEZ ;

AINSI JUGE ET PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA DEUXIEME CHAMBRE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 18 MARS 2024

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 2ème chambre cab2
Numéro d'arrêt : 21/08607
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;21.08607 ?
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