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14/03/2024 | FRANCE | N°22/04375

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 14 mars 2024, 22/04375


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 14 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 22/04375 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z65V

AFFAIRE : M. [Z] [G] - Mme [D] [K] épouse [G] ( Me Sarah HABERT)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffie

r lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Mme PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le r...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 14 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 22/04375 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z65V

AFFAIRE : M. [Z] [G] - Mme [D] [K] épouse [G] ( Me Sarah HABERT)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL:

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Mme PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience ;

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDEURS

Monsieur [Z] [G],
né le 22 Juillet 1987 à [Localité 4] (MAROC)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Madame [D] [L] [K] épouse [G],
née le 22 Juillet 1987 à [Localité 2] (61)
de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

agissant en leurs qualité de représentants légaux, titulaires de l’autorité parentale à l’endroit d’[J] [G], né le 06 Octobre 2013 à [Localité 5] (MAROC) en vertu de la Kafala judiciaire du Tribunal de TAZA en date du 11/02/2014

représentée par Me Sarah HABERT, avocat postulant au barreau de MARSEILLE et par Me Fatima BOUALI, avocat plaidant au barreau de Seine-Saint-Denis

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet- Place Monthyon - 6, Rue Joseph Autran - 13281 MARSEILLE CEDEX 6

dispensé du Ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

Le 10 novembre 2021, [Z] [G] et [D] [K] épouse [G], agissant en leur qualité de représentants légaux d’[J] [G], né le 6 octobre 2013 à [Localité 5] (Maroc), ont souscrit auprès du Tribunal judiciaire d’Aix-en-Provence une déclaration de nationalité française pour [J], en vertu des dispositions de l’article 21-12 du Code civil.
Par décision en date du 17 novembre 2021, l’enregistrement de cette déclaration a été refusé, au motif quel l’acte de recueil légal de [J] n’était pas opposable en France en raison de sa contrariété à l’ordre public international français.

Par acte en date du 4 mai 2022 auquel il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, [Z] [G] et [D] [K] épouse [G], agissant en leur qualité de représentants légaux de [J] [G], ont fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille aux fins de :
- constater que l’assignation a été délivrée au Ministère de la justice,
En conséquence
- les déclarer recevables en leur demande,
- dire que la décision querellée souffre d’absence de motivation, et à tout le moins d’insuffisance de motivation,
Par conséquent,
- dire que la décision de refus d’enregistrement est nulle et illégale,
- prononcer son annulation,
- dire que la kafala judiciaire rendue par le Tribunal de TAZA le 17 février 2014 portant sur un enfant abandonné produit ses effets légaux en France de plein droit et n’est pas contraire à l’ordre public international français,
En conséquence,
- dire que [J] [G] est français sur le fondement des dispositions de l’article 21-12 du Code civil,
- dire et juger la décision refusant l’enregistrement de la nationalité française non fondée,
- ordonner l’enregistrement de la nationalité française d’[J] [G],
- ordonner en tant que de besoin, l’inscription du dispositif statuant sur la nationalité au répertoire civil annexe tenu par le service central de l’état civil sur le fondement des dispositions de l’article 28 du Code civil,
- mettre à la charge de l’Etat la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Ils soutiennent qu’ils ne sont pas en mesure de savoir quelles sont les dispositions de l’acte de kafala qui ne serait pas conforme à l’ordre public international français, ni quelles dispositions de l’ordre public international français seraient invoqués à l’appui de cette décision de refus.
Ils exposent s’être rapprochés de la Maison Départementale de la Solidarité d’[Localité 3] afin de faire l’objet d’une évaluation sociale par des travailleurs sociaux, qui, après avoir étudié leur projet de kafala, ont conclu qu’ils présentaient toutes les conditions matérielles et éducatives favorables à l’accueil d’un nourrisson à leur domicile.
Ils indiquent que l’ensemble des conditions prévues par l’article 21-12 du Code civil sont réunies puisque [J] a fait l’objet d’un recueil légal en vertu d’une décision de kafala judiciaire portant sur un enfant abandonné qui est reconnue de plein droit en France sans contrariété aucune à l’ordre public international français; que cette kafala constitue une décision de recueil légal produisant ses effets juridiques en France, et qu’ils ont accueilli et élevé [J] en France depuis son arrivée sur le territoire le 23 février 2014 en subvenant à ses besoins, en assurant sa protection et son éducation comme s’il s’agissait de leur propre fils.
Ils précisent que dans l’intérêt supérieur de l’enfant, ils ont fait procédér à son changement de nom afin de lui conférer leur nom de famille [G] et ainsi favoriser pleinement son intégration.

Le Procureur de la République n’a pas conclu.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 11 avril 2023.

Par jugement avant-dire droit en date du 29 juin 2023, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats afin que [Z] [G] et [D] [K] épouse [G] justifient de leur nationalité française.

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 6 septembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, [Z] [G] et [D] [K] épouse [G], agissant en leur qualité de représentants légaux de [J] [G] demandent au Tribunal de :
- constater que l’assignation a été délivrée au Ministère de la justice,
En conséquence
- les déclarer recevables en leur demande,
- dire que la décision querellée souffre d’absence de motivation, et à tout le moins d’insuffisance de motivation,
Par conséquent,
- dire que la décision de refus d’enregistrement est nulle et illégale,
- prononcer son annulation,
- dire que la kafala judiciaire rendue par le Tribunal de TAZA le 17 février 2014 portant sur un enfant abandonné produit ses effets légaux en France de plein droit et n’est pas contraire à l’ordre public international français,
En conséquence,
- dire que [J] [G] est français sur le fondement des dispositions de l’article 21-12 du Code civil,
- dire et juger la décision refusant l’enregistrement de la nationalité française non fondée,
- ordonner l’enregistrement de la nationalité française d’[J] [G],
- ordonner en tant que de besoin, l’inscription du dispositif statuant sur la nationalité au répertoire civil annexe tenu par le service central de l’état civil sur le fondement des dispositions de l’article 28 du Code civil,
- mettre à la charge de l’Etat la somme de 1.500 € au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Ils précisent que [Z] [G] a acquis la nationalité française par naturalisation le 6 octobre 2008; et que [D] [L] [K] épouse [G] démontre également sa qualité de française depuis le 19 avril 2002 comme en atteste les mentions marginales apportées sur son acte de naissance délivré le 11 juillet 2023 par la ville de [Localité 2].

Le Procureur de la République n’a pas conclu.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 12 décembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le récépissé prévu à l’article 1043 devenu 1040 du Code de procédure civile a été délivré.

A titre liminaire, il sera relevé que la décision de refus d’enregistrement de la déclaration est motivée puisqu’elle indique que l’acte de recueil légal de [J] n’est pas opposable en France en raison de sa contrariété à l’ordre public international français.

En application de l’article 21-12 du Code civil, l'enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance, peut déclarer, dans les conditions prévues aux articles 26 et suivants, qu'il réclame la qualité de Français, pourvu qu'à l'époque de sa déclaration il réside en France.

Le terme «recueilli» signifie seulement que l'enfant étranger a été matériellement et moralement recueilli et élevé par une personne de nationalité française, sans que cette condition impose une rupture totale des liens légaux avec sa famille d'origine.

Selon l'article 47 du Code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité.

En l’espèce, [Z] [G] justifie qu’il a acquis la nationalité française par naturalisation ainsi qu’il ressort de son son acte de naissance en date du 9 août 2023 et de l’extrait du décret de naturalisation publié au JO le 6 octobre 2008.

Il justifie ainsi être de nationalité française depuis au moins trois années à la date de la déclaration.

Monsieur et Madame [G] démontrent également avoir recueilli en France, où ils demeurent, l’enfant [J] depuis plus de trois ans sans discontinuité, en produisant l’attestation de scolarité depuis la petite section en 2016, le carnet de santé de l’enfant et son passeport sur lequel figure sa date d’entrée en France, le 23 février 2014.

La condition relative au recueil de l’enfant est donc remplie.

S’agissant des conditions dans lesquelles ce recueil a été mis en place, les époux [G] produisent le jugement étranger d'abandon de l'enfant en date du 6 février 2014, l’ordonnance du 11 février 2014 leur confiant la kafala et les nommant tuteurs datifs de l’enfants, ordonnance motivée et mentionnant les réquisitions du Ministère public, et la copie intégrale de l’acte de naissance de l’enfant mentionnant le recueil par [Z] [G] et [D] [K] épouse [G] et le décret de changement de nom du 30 septembre 2019.

Ces pièces démontrent que le recueil de l’enfant a eu lieu dans des conditions licites et régulières, et aucun élément ne permet de douter de la fiabilité de l’état civil de l’enfant.

En considération de ces éléments, il convient de faire droit à la demande et d’ordonner l’enregistrement de la déclaration de nationalité française souscrite le 10 novembre 2021 et de dire que l’enfant [J] est français depuis cette date.

La mention prévue par l’article 28 du Code civil sera ordonnée.

Les dépens resteront à la charge du Trésor public.

Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Constate que le récépissé prévu par l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré ;

Ordonne l’enregistrement de la déclaration souscrite le 10 novembre 2021 par [Z] [G] et [D] [K] épouse [G] en leur qualité de représentants légaux de l’enfant [J] [G], né le 6 octobre 2013 à [Localité 5] (MAROC);

Dit que [J] [G], né le 6 octobre 2013 à [Localité 5] (MAROC), est français depuis le 10 novembre 2021 en application des dispositions de l’article 21-12 du Code civil ;

Ordonne la mention de l’article 28 du Code civil ;

Laisse les dépens à la charge du Trésor public.

Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre l’article 700 du code de procédure civile.

AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 14 MARS 2024.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/04375
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.04375 ?
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