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14/03/2024 | FRANCE | N°22/03672

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 1ère chambre cab2, 14 mars 2024, 22/03672


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE


JUGEMENT N°24/ DU 14 Mars 2024


Enrôlement : N° RG 22/03672 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z5KB

AFFAIRE : Mme [L] [M] [V]( Me Ali BADECHE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE


DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : B

ESANÇON Bénédicte

En présence de Mme PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audie...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

JUGEMENT N°24/ DU 14 Mars 2024

Enrôlement : N° RG 22/03672 - N° Portalis DBW3-W-B7G-Z5KB

AFFAIRE : Mme [L] [M] [V]( Me Ali BADECHE)
C/ M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE

DÉBATS : A l'audience Publique du 11 Janvier 2024

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : SPATERI Thomas, Vice-Président
Assesseur : JOUBERT Stéfanie, Vice-Présidente (juge rapporteur)
Assesseur : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente

Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte

En présence de Mme PORELLI Emmanuelle, Vice-Procureur, Procureur de la République

Vu le rapport fait à l’audience ;

A l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 14 Mars 2024

Jugement signé par SPATERI Thomas, Vice-Président et par BERARD Béatrice, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

Madame [L] [M] [V]
née le 05 Avril 2004 à [Localité 4] (ALGÉRIE)
de nationalité Algérienne, domiciliée : chez Monsieur [V] [U], [Adresse 1]

représentée par Me Ali BADECHE, avocat au barreau de MARSEILLE,

C O N T R E

DEFENDERESSE

M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE MARSEILLE, près le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE en son parquet- Place Monthyon - 6, Rue Joseph Autran - 13281 MARSEILLE CEDEX 6

dispensé du ministère d’avocat

EXPOSE DU LITIGE

Par décision en date du 18 octobre 2021, la directrice des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Marseille a refusé l’enregistrement de la déclaration souscrite le 1er octobre 2021 par [L] [M] [V], née le 5 avril 2004 à [Localité 3] (Agérie), en vertu de l’article 21-12 du Code civil, en sa qualité de mineure de plus de seize ans recueillie judiciairement par une personne de nationalité française depuis plus de trois années, au motif que les actes d’état civil produits n’étaient pas probants au sens de l’article 47 du Code civil.

Par acte en date du 15 avril 2022, [L] [M] [V] a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de Marseille, aux fins de contester cette décision et juger qu’elle est de nationalité francaise.

Dans ses dernières conclusions signifiées par RPVA le 9 octobre 2023 auxquelles il y a lieu de se référer pour un plus ample exposé des moyens, elle demande au Tribunal de :
- dire et juger que la déclaration de nationalité souscrite sur le fondement de l'article 21-12 du Code civil est recevable;
- annuler la décision du 18 octobre 202l de refus d'enregistrement de la déclaration ;
- constater, dire et juger qu’elle est de nationalité francaise ;
- ordonner à la directrice des services de greffe judiciaire du Tribunal judiciaire de Marseille de procéder à l'enregistrement de sa déclaration en vue d'acquérir la nationalité francaise sur le fondement des dispositions de l’article 21-l2 du Code civil et de lui délivrer un certificat de nationalité francaise ;
- dire que la mention du jugement à intervenir sera portée en marge de son acte de naissance de l’état civil consulaire du Ministère de l'Europe et des Affaires Etrangères à [Localité 2] conformément à l’article 28 du Code civil ;
- statuer ce que de droit sur les dépens de l’instance.

Elle indique qu’elle produit l'acte de kafala du 20 juin 2018 rendu par Tribunal de [Localité 4] et un acte de naissance certifié conforme à l'original ; que la copie du registre d'état civil délivrée contient toutes les mentions prescrites par les articles 30 et 63 de l'ordonnance du 19 février 1970 ; que l’heure de la naissance et la date de déclaration de naissance portées sur l'acte de naissance délivré le 25 juillet 2021 sont erronées mais ces erreurs procèdent d'une faute d'inattention du rédacteur de l'acte de naissance; que l’acte de recueil légal résulte d'une décision judiciaire, rendue par une juridiction compétente, dont il a été délivré expédition; que cette décision a été rendue après audition du père le 20 juin 2018 et du demandeur à ce recueil légal en présence de témoins; qu’elle a bien été accueillie au domicile de son frère [U] [V], francais pour avoir bénéficié d'un décret de naturalisation du 7 avril 2017, publié au JORF du 9 avril 2017, depuis la date de la décision de kafala.

En défense, dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 novembre 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des moyens, le Procureur de la République demande au Tribunal de :
- dire que le récépissé prévu par l'article 1040 du Code de procédure civile a été délivré;
- dire que [L] [M] [V], se disant née le 5 avril 2004 à [Localité 3] (Agérie), n’est pas française ;
- la débouter de ses demandes ;
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du Code civil.

Il soutient que la demanderesse produit à la présente instance la copie certifiée conforme du registre et sa traduction de l’acte de naissance n°1070 dressé le 7 avril 2004, qui ne comporte pas le nom de l’officier de l’état civil l’ayant délivrée; qu’en outre, bien que l’âge et la profession des parents de [L] [V] soient désormais indiqués, ce qui n’était pas le cas sur l’acte produit au soutien de sa demande, l’heure de naissance et le jour et l’heure à laquelle l’acte a été dressé sont différents des informations figurant sur le précédent acte, et l’acte de naissance n’est donc pas probant.
S’agissant du justificatif du recueil légal et de l’autorité parentale, il reproche à Madame [V] de ne pas produire une expédition certifiée conforme à l’original par un greffier émanant de la juridiction de la décision de kafala, et de ne pas justifier du caractère définitif de la kafala, ni de l’accord du père.
S’agissant des autres conditions requises par l’article 21-12 alinéa 3 du Code civil, il indique qu’il prend acte des documents produits qui justifient de la nationalité française du recueillant et s’en rapporte sur le recueil effectif de [L] [V] par [U] [V] pendant trois années au jour de la souscription de la déclaration.

La procédure a été clôturée à la date du 28 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Le récépissé prévu à l’article 1040 du Code de procédure civile a été délivré.

L’article 30 du Code civil dispose que lorsque l’individu qui revendique la nationalité française n’est pas lui même titulaire d’un certificat de nationalité française, la charge de la preuve de sa nationalité lui incombe.

En l’espèce, [L] [V] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de rapporter la preuve qu’elle remplit les conditions pour prétendre à la nationalité française.

Le requérant doit produire des pièces d’état civil fiables au sens de l’article 47 du Code civil selon lequel tout acte de l’état civil des français et des étrangers faits en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenues, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondant pas à la réalité.

Aux termes de l’article 30 de l’ordonnance algérienne du 19 février 1970 relative à l'état civil, les actes d'état civil énoncent l'année, le jour et l'heure où ils sont reçus, les prénoms, noms, profession et domicile de tous ceux qui y sont dénommés, les dates et lieu de naissance des père et mère dans les actes de naissance (...) sont indiqués lorsqu'ils sont connus : dans le cas contraire, l'âge desdites personnes est désigné par leur nombre d'années comme l'est, dans tous les cas l'âge des déclarants.
L’article 62 de cette ordonnance précise que la naissance de l'enfant est déclarée par le père ou la mère ou, à leur défaut, par les docteurs en médecine, sages-femmes ou autre personnes qui ont assisté à l’accouchement; lorsque la mère aura accouché hors de son domicile, par la personne chez qui elle a accouché, et l'acte de naissance est rédigé immédiatement.
L’article 63 énonce que l'acte de naissance énonce le jour, l'heure et le lieu de naissance, le sexe de l'enfant et les prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère et, s'il y a lieu , ceux du déclarant, sous réserve des dispositions de l'article 64 in fine.

Pour justifier de son état civil, [L] [V] avait produit devant le directeur des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Marseille la copie, délivrée le 25 juillet 2021 par la commune de [Localité 4], de l’acte de naissance n°1070 dressé le 5 avril 2004 à 2h10, selon lequel, le 5 avril 2004 à 3h10 est née à [Localité 4], [L] [M] [V], fille de [X] et de [Z] [K].
Ni l’âge ni la profession des parents de l’intéressée ne sont mentionnés.

[L] [V] produit à la présente instance la copie et sa traduction de l’acte de naissance n°1070 dressé le 7 avril 2004 à 9h40, selon lequel [L] [M] est née le 5 avril 2004 à 2h10 à [Localité 4] de [X] [V], 50 ans, ouvrier et de [K] [Z], son épouse, 47 ans, sans profession
Cette copie certifiée conforme ne comporte pas le nom de l’officier de l’état civil qui l’a délivrée.

Par ailleurs, selon cette copie, [L] [V] est née le 5 avril 2004 à 2h10 alors que selon la copie produite devant la directrice des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Marseille, elle est née à 3h10. En outre, selon cette dernière copie, l’acte a été dressé le 7 avril 2004 à 9h40 alors que selon la copie produite devant la directrice des services de greffe judiciaires du Tribunal judiciaire de Marseille, il a été dressé le 5 avril 2004 à 2h10.
Or, un acte de naissance est en principe un acte unique, conservé dans le registre des actes de naissance d’une année précise et détenu par un seul centre d’état civil, de sorte que les copies de cet acte doivent toujours avoir les mêmes références et contenir les mêmes indications.
Le fait de produire plusieurs actes de naissance différents ôte toute force probante, au sens de l’article 47 du Code civil, à l’un quelconque d’entre eux.

Il s'ensuit que, ne disposant pas d'un état civil fiable, [L] [V] ne saurait se voir reconnaître la nationalité française.

Son extranéité sera donc constatée.

Il y a lieu d’ordonner la mention prévue par l’article 28 du Code civil.

Succombant, [L] [V] sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que le récépissé prévu par l'article 1040 du Code de procédure civile a été délivré ;

Déboute [L] [M] [V] de ses demandes ;

Constate l'extranéité de [L] [M] [V], née le 5 avril 2004 à [Localité 3] (Agérie) ;

Ordonne la mention prévue par l'article 28 du Code civil ;

Condamne [L] [M] [V] aux dépens.

AINSI JUGÉ, PRONONCÉ ET MIS À DISPOSITION AU GREFFE DE LA 1ère CHAMBRE CIVILE AU TRIBUNALJUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 14 MARS 2024.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 1ère chambre cab2
Numéro d'arrêt : 22/03672
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;22.03672 ?
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