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14/03/2024 | FRANCE | N°21/11067

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, 3ème chbre cab b4, 14 mars 2024, 21/11067


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B


JUGEMENT N°


Enrôlement : N° RG 21/11067 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZL55

AFFAIRE :

La société CABINET LAUGIER-FINE (la SELARL JURISBELAIR)
C/
M. [G] [X] (Me Ismaël TOUMI)


Rapport oral préalablement fait


DÉBATS : A l'audience Publique du 21 Décembre 2023


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A

l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 14 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION B

JUGEMENT N°

Enrôlement : N° RG 21/11067 - N° Portalis DBW3-W-B7F-ZL55

AFFAIRE :

La société CABINET LAUGIER-FINE (la SELARL JURISBELAIR)
C/
M. [G] [X] (Me Ismaël TOUMI)

Rapport oral préalablement fait

DÉBATS : A l'audience Publique du 21 Décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré

Président : Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Greffier : Madame Sylvie PLAZA, lors des débats

A l'issue de laquelle, la date du délibéré a été fixée au : 14 Mars 2024

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024

PRONONCE en audience publique par mise à disposition au greffe le 14 Mars 2024

Par Monsieur Alexandre BERBIEC, Juge

Assisté de Madame Sylvie PLAZA, Greffier

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

NOM DES PARTIES

DEMANDERESSE

La société CABINET LAUGIER-FINE (S.A.S.)
Immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le N° 307 772 269
dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

représentée par Maître Lisa VIETTI de la SELARL JURISBELAIR, avocats au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

C O N T R E

DEFENDEURS

Monsieur [G] [X], retraité
né le 25 Février 1937 à [Localité 5], de nationalité française
demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Ismaël TOUMI, avocat au barreau de MARSEILLE

Madame [T] [L]
née le 05 Janvier 1960 à [Localité 4] (CAMEROUN), de nationalité française
demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Ismaël TOUMI, avocat au barreau de MARSEILLE

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] sont copropriétaires d'un bien immobilier sis [Adresse 3]. Par acte sous seing privé du 19 décembre 2009, ils l'avaient donné à bail d'habitation aux époux [P] [E] et [N].

Le 25 octobre 2013, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] ont signé avec la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE un contrat de mandat de gestion concernant ce bien immobilier.

Des loyers sont demeurés impayés.

Le 16 septembre 2019, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L], par l'intermédiaire de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, ont fait délivrer aux époux [P] un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au bail.

Le 25 novembre 2019, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L], par l'intermédiaire de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, ont assigné les époux [P] en référé devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE aux fins d'obtenir le constat de la résiliation du bail, l'expulsion des locataires, ainsi que leur condamnation aux arriérés et au paiement d'une indemnité d'occupation.

Par ordonnance du juge des référés du 25 juin 2020, les époux [P] ont été condamés à verser à Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] la somme de 9.854,38 €, à titre de provision représentant les loyers et charges impayés jusqu'au 5 novembre 2019, échéance de novembre incluse. La résiliation du bail a été constatée. L'expulsion des époux [P] a été ordonnée. Ils ont été condamnés solidairement à titre provisionnel à verser à Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] la somme de 903,68 € au titre de l'indemnité d'occupation.

Les époux [P] ont quitté les lieux.

En parallèle des impayés de loyers, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE réglait, au titre de son mandat, entre les mains du syndicat des copropriétaires les avances sur charges de copropriété de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L]. La société par actions simplifiée LAUGIER-FINE réglait également entre les mains du CREDIT FONCIER DE FRANCE les échéances de crédit de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L], relatives au bien immobilier géré.

Par acte d’huissier en date du 2 décembre 2021, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE a assigné Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] devant le Tribunal judiciaire de MARSEILLE, aux fins notamment de les voir condamner solidairement à lui verser la somme de 10.988,62 €, correspondant aux avances d'appels de fonds et de charges de copropriété, avec intérêts au taux légal à compter du 30 janvier 2020.

Aux termes de ses conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 4 mai 2023, au visa des articles 1998 et suivants du code civil, 700 du code de procédure civile, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE sollicite de voir :

- “débouter les époux [X]” de toutes leurs demandes, fins et conclusions comme étant infondées et injustifiées ;

- condamner solidairement Monsieur et Madame [X] à payer à la société CABINET LAUGIER-FINE l’ensemble des avances d’appels de fonds et charges de copropriété, effectués pour leur compte et s’élevant à la somme de 10.988,62 €, suivant décompte de gestion arrêté au 30 septembre 2021, assortie des intérêts au taux légal capitalisés à compter du 30 janvier 2020,
- condamner solidairement Monsieur et Madame [X] à payer à la société CABINET LAUGIER-FINE la somme de 3.000 €, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- les condamner solidairement aux entiers dépens ;
- dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit assortissant la décision à intervenir”.

Au soutien de ses prétentions, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE affirme qu'elle a été amenée à avancer, à titre de geste commercial, des appels de fonds du syndicat de copropriété en lieu et place de ses mandants, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L]. Il a également été amené à régler des échéances de prêt contractées par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE auprès du CREDIT FONCIER DE FRANCE. Ce sont ces sommes, dont il réclame le remboursement, sur le fondement de l'article 1999 du code civil.
Les défendeurs ont reconnu leur dette par courrier du 23 août 2020.
La demanderesse a accompli les missions qui étaient les siennes au titre de son mandat. Elle a trimestriellement rendu compte de sa gestion. Elle a également fait procéder à l'expulsion des locataires mauvais payeurs dans des délais raisonnables. Si le bien n'a pas été remis en location, c'est que son état dégradé requérait des travaux sur lesquels les défendeurs ont été consultés, et pour lesquels ils n'ont pas donné suite.

Aux termes de leurs conclusions communiquées par le réseau privé virtuel des avocats le 1er décembre 2023, au visa des articles 1103, 1219, 1326, 1359, 1991, 1992, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] sollicitent de voir :

- débouter le cabinet LAUGIER-FINE de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- condamner le cabinet LAUGIER-FINE à verser aux époux [X] la somme de 22.296.87 €, au titre de la perte de chance de percevoir le montant des condamnations prononcées par le juge des référés du TJ Marseille au titre des dettes locatives et de l’indemnité d’occupation prononcées sur l’ordonnance d’expulsion ;
- condamner le cabinet LAUGIER-FINE à verser aux époux [X] la somme de 32.532.48 € à parfaire au titre de la perte de chance de percevoir des loyers depuis la libération de l’appartement jusqu’à la date de notification des présentes conclusions ;
- condamner le cabinet LAUGIER-FINE à verser aux époux [X] la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral ;
- condamner le cabinet LAUGIER-FINE à verser aux époux [X] la somme de 1.500 €, au visa de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner le cabinet LAUGIER-FINE au paiement des entiers dépens de l'instance ;
- juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la décision, avec capitalisation des intérêts.

Au soutien de leurs prétentions, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] font valoir qu'ils ne reconnaissent pas la dette dont se prévaut la demanderesse. Le mail des défendeurs du 23 août 2020, non signé et ne portant aucune mention de montant, ne vaut pas reconnaissance de dette. Au surplus, les demandeurs entendent se prévaloir de l'exception d'inexécution. La demanderesse, mandataire, a laissé d'importants arriérés de loyers et charges s'accumuler sans faire diligence. Le commandement de payer les loyers n'a jamais été versé aux débats. Aucune mesure d'exécution forcée n'a été diligentée.

Il entrait en réalité dans les missions de l'agence immobilière de régler entre les mains du syndicat de copropriété les charges et de régler les mensualités du crédit. Si ces sommes sont demeurées impayées dans les comptes de la demanderesse, c'est que les rentrées d'argent qui auraient dû compenser ces dépenses, à savoir les loyers des locataires, n'ont pas été suffisantes du fait des négligences de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE.
La demanderesse ne justifie pas davantage de diligences pour remettre le logement en location. Les défendeurs ont donc subi une perte de chance de trois ans pour la remise en location de leur logement. Si la demanderesse soutient que le logement était en trop mauvais état, qu'a-t'elle entrepris afin de recouvrer entre les mains des locataires le coût des dégradations ?
Les défendeurs ont donc, d'une part, perdu toute chance de recouvrer la dette locative et l'indemnité d'occupation, pour un montant a minima de 12.565,42 € voir de 22 296.87 €. Ils ont, d'autre part, perdu la chance de percevoir des loyers depuis le départ des locataires, pour une perte de 32.532,48 €.

Au-delà de ce qui a été repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l'espèce des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, le Tribunal entend se référer pour l'exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessus.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la perte de chance de percevoir les dettes locatives et l'indemnité de location :

Avant tout développement sur les autres prétentions des parties, le Tribunal relève que les défendeurs, à titre reconventionnel, sollicitent la condamnation de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE à leur verser la somme de 22 296.87 € au titre de la perte de chance de percevoir les loyers ou indemnités d'occupation des locataires [P] ayant quitté les lieux.

Or, indépendamment de la question de la faute éventuelle de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, de l'exception d'inexécution qui sera examinée plus bas, il convient de rappeler qu'une des conditions nécessaires à une condamnation sur le fondement de la responsabilité contractuelle est que le créancier d'une obligation démontre qu'il a subi un préjudice.

En l'espèce, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] disposent à l'endroit des époux [P] d'un titre exécutoire, constitué par l'ordonnance de référé du 25 juin 2020. Ce titre permet aux défendeurs de recouvrer leurs créances de loyer et d'indemnité d'occupation à l'endroit des époux [P] durant dix ans (sans même évoquer les interruptions de prescription résultant des actes d'exécution forcée), conformément à l'article L111-4 du code des procédures civiles d'exécution.

Dès lors, le Tribunal ne comprend pas quelle « chance de recouvrer les sommes » les défendeurs auraient perdue, alors qu'à la date du présent jugement, ces sommes peuvent encore être recouvrées durant plus de six ans, voir bien davantage en cas d'actes d'exécution forcée venant interrompre la prescription. L'inaction éventuelle de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE quant à ce recouvrement est indépendante du fait que les défendeurs ne démontrent absolument pas la réalité du préjudice invoqué à la date du présent jugement.

Ce préjudice allégué par les défendeurs est donc, du moins à la date du présent jugement, fictif, purement théorique et conjectural.

Le Tribunal relève d'ailleurs avec étonnement que les défendeurs, qui n'ont jamais entrepris d'action en justice à l'égard de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, soulèvent pour la première fois des prétentions pour un montant global de plus de 50.000 € à titre de demandes reconventionnelles, uniquement lorsqu'ils sont assignés en paiement. Le Tribunal relève également que les défendeurs, qui arguent de multiples fautes de gestion de la demanderesse et font valoir que celle-ci a manqué à ses diligences et ce depuis des années, s'abstiennent d'indiquer dans leurs dernières conclusions si, après toutes ces années de manquements allégués, ils ont résilié le mandat de gestion passé avec la demanderesse, afin de confier le bien à un autre mandataire.

Les défendeurs seront en tous cas déboutés de leur prétention.

Sur les avances d'appels de charges et de paiement des mensualités du crédit :

La société par actions simplifiée LAUGIER-FINE sollicite la somme de 10.988,62 € au titre des avances qu'elle a faites, au nom et pour le compte de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L], quant aux charges de copropriété pour le bien donné en gestion, ainsi qu'au titre des échéances du crédit immobilier de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE auprès du CREDIT FONCIER DE FRANCE.

Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] font, quant à eux, valoir l'exception d'inexécution, arguant des manquements de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE dans l'exécution des diverses obligations de son mandat.

Sur ce plan, le Tribunal relève qu'au titre du mandat de gestion confié à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, il lui incombe en cas de défaut de paiement des locataires, non seulement d'obtenir tout titre exécutoire, mais en outre de « les faire mettre à exécution par tous moyens et voies de droit ».
Il résulte du décompte locatif versé aux débats par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE que les locataires auraient finalement quitté les lieux en février 2021. Selon ce décompte, les époux [P] étaient redevables de la somme totale de 10.447,67 € au moment de leur départ.

Comme l'indiquent les défendeurs, la demanderesse ne démontre pas avoir fait procéder, durant trois ans séparant le départ des lieux du présent jugement, à une quelconque mesure d'exécution forcée, afin d'obtenir, au bénéfice de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L], le paiement des sommes qui leur sont dues.
Or, comme relevé plus haut, les défendeurs s'abstiennent d'indiquer qu'ils auraient résilié le mandat confié à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE. La demanderesse n'indique pas davantage que son mandat de gestion sur le bien aurait pris fin.

Il en résulte donc que, de l'aveu même de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, la somme de 10.447,67 € (qui comblerait en quasi totalité la créance qu'elle prétend avoir sur les défendeurs) est due par les anciens locataires mais que la demanderesse ne démontre pas avoir entrepris une quelconque mesure de droit, afin de faire saisir ces sommes entre les mains des locataires.

C'est donc à bon droit que les défendeurs, sur le principe, se prévalent de l'exception d'inexécution consistant à suspendre l'exécution de leurs propres obligations dans l'attente que la demanderesse exécute elle-même sa part du contrat. L'obligation de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE de tirer du bien les revenus pour lequel il est mis en location et d'obtenir de la part des locataires ou anciens locataires ces paiements réels apparaît d'ailleurs comme une obligation essentielle du contrat de mandat.

Il a été retenu plus haut que les défendeurs ne démontrent pas, à la date du présent jugement, de perte de chance de recouvrer l'arriéré locatif : s'il est exact que les défendeurs, puisqu'ils peuvent encore se prévaloir du titre exécutoire, ne démontrent pas que ces sommes sont définitivement irrécouvrables au jour du présent jugement, il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont pas recouvrées par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, dont c'est pourtant l'obligation contractuelle. L'exception d'inexécution est donc valable nonobstant l'absence de préjudice définitivement établi, en ce que l'exception d'inexécution n'a pas pour fondement le résultat préjudiciable, mais le seul manquement du débiteur à ses obligations à la date de l'exception.

Quant au quantum de l'exception d'inexécution, il a été relevé ci-dessus que la somme que la demanderesse laisse sans recouvrement (10.447,67 €) est quasiment d'un montant équivalent à celle qu'elle réclame aux défendeurs.

Pour le surplus, il incombe à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE au titre de ses obligations de remettre le bien à la location suite au départ des locataires. La demanderesse indique que les lieux ont été laissés par les locataires en mauvais état, que des travaux étaient nécessaires et que les demandeurs n'ont pas accepté ces travaux.

D'une part, la demanderesse ne démontre pas le mauvais état des lieux lors de la sortie, procédant uniquement par affirmation. Il lui incombait pourtant, comme mandataire, de faire procéder à un état des lieux de sortie qu'elle aurait pu verser aux débats. Ce point apparaît toutefois d'une importance toute relative, puisque le courrier du 29 octobre 2020 de Madame [T] [L] établit que les dégradations étaient connues des bailleurs.

D'autre part et surtout, il résulte du contrat de mandat, qu'en cas de dégradations, il lui incombait de diligenter toute procédure à l'encontre des locataires aux fins d'obtenir pour le compte de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] des indemnisations. Or, ces indemnisations pour dégradations auraient éventuellement pu, ensuite, se compenser avec les sommes dues par Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE. La demanderesse ne démontre pas avoir entrepris une quelconque action en recouvrement concernant les dégradations locatives, ce qui lui incombait au titre de son mandat sans qu'il soit besoin de l'aval des bailleurs. Là encore, les sommes que la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE aurait ainsi recouvrées se seraient compensées sur le compte de gestion avec le solde débiteur de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] à son égard.

L'ensemble des manquements de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE à ses obligations contractuelles justifie l'inexécution par Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] de leur obligation à paiement de 10.988,62 €. Si cette dernière obligation n'apparaît, dans son principe, pas contestable, au vu des pièces produites par la demanderesse, cette dernière sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l'exception d'inexécution.

Sur la perte de chance de percevoir les loyers :

Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] forment une demande reconventionnelle à hauteur de 32.532,48 €, au titre des loyers non perçus suite à l'absence de remise en location du bien immobilier après départ des locataires.

La société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, quant à elle, fait valoir qu'elle a sollicité l'aval de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] pour entreprendre des travaux en vue de la remise en location du logement.

C'est de mauvaise foi que les défendeurs feignent de s'interroger dans leurs conclusions sur la nature des travaux qui auraient été à envisager, faisant valoir que la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE est insuffisamment précise dans son courrier du 20 novembre 2020. En effet, ce courrier intervenait en réponse à un courrier de Madame [X]-[L] du 29 octobre 2020, indiquant que celle-ci s'était rendue dans l'appartement et qu'elle avait constaté un certain nombre de dégradations qu'elle expliquait.
C'était donc, évidemment, aux désordres évoqués par la bailleresse elle-même que les travaux proposés par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE dans son courrier visaient à remédier.

Et s'il incombait à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, sans mandat supplémentaire, de procéder à toute action en recouvrement des sommes dues au titre de la location ou des dégradations locatives auprès des époux [P], en revanche, il ne saurait être reproché à la demanderesse d'avoir attendu l'aval des propriétaires des lieux pour initier des travaux.

Les défendeurs sont donc également de mauvaise foi, quand ils feignent de s'interroger dans leurs conclusions sur la raison pour laquelle l'agence n'a pas remis le bien en location : c'est parce que les défendeurs n'ont apporté aucune réponse à la proposition de travaux que le bien n'a pas pu être redonné à bail.

La demanderesse fait également valoir qu'étant dans l'attente du règlement des sommes qu'elle avait avancées au titre des charges de copropriété et du crédit immobilier, elle ne comptait pas continuer à faire diligence à fonds perdus au profit de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] .
Si une exception d'inexécution a bien été retenue à l'égard de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE quand aux sommes qu'elle réclamait, il n'en demeure pas moins que le moyen de la demanderesse s'analyse lui-même comme une exception d'inexécution.

L'ensemble des relations contractuelles telles qu'elles résultent des pièces versées aux débats se caractérise par un blocage progressif : la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE a avancé sur ses fonds (en exécution du contrat de mandat et non à titre de « geste commercial » comme elle le prétend de manière erronée dans ses conclusions) des sommes dues par les défendeurs au syndicat des copropriétaires et au CREDIT FONCIER DE FRANCE ; n'étant pas payée, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE a estimé, à tort, devoir se dispenser de certaines diligences de recouvrement de loyers et de dégradations qui lui auraient pourtant, peut-être, permis de couvrir les sommes qu'elle réclamait à ses cocontractants ; Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] peuvent désormais faire valoir à bon droit (quoi que tardivement, pour la première fois devant ce Tribunal) que l'inexécution par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE de ses propres obligations excuse leur propre inexécution.

Arrivée à ce stade, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE a donc à son tour été confrontée à une inexécution suffisamment grave des obligations de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] pour justifier qu'elle cesse de faire diligence, et n'entame pas les travaux sur le bien ni ne le remette en location.

Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] seront donc déboutés en intégralité de leur prétention au titre de la somme de 32.532,48 €.

Sur le préjudice moral de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] :

La demande des défendeurs au titre du préjudice moral apparaît, là encore, formée de mauvaise foi : il ne figure dans leurs conclusions pas une seule ligne de motivation, pas une seule explication, sur la faute de la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE justifiant cette demande, sur la nature de ce préjudice moral, sur son quantum... Cette demande apparaît pour la première fois, sans explication aucune, dans le dispositif de leurs conclusions. Ce faisant, les conclusions des défendeurs ne respectent pas les exigences des articles 6 et 768 du code de procédure civile sur l'obligation de motiver les demandes.

La prétention n'étant pas motivée, elle n'est a fortiori pas fondée. Les défendeurs en seront déboutés.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Si les parties sont mutuellement déboutées de leurs prétentions respectives, il n'en demeure pas moins que l'inexécution première ayant conduit au blocage de la relation contractuelle entre les parties est celle de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L], qui n'ont pas réglé les avances effectuées par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE.

En outre, il convient de relever que les défendeurs ont formé, au cours du présent litige, des prétentions reconventionnelles pour des montants très importants correspondant à des préjudices dont ils n'avaient pourtant jamais fait mention, avant que la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE ne décide d'initier une action en justice.

A l'inverse, la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE établit avoir, de manière amiable et à de nombreuses reprises, tenté d'obtenir le paiement des sommes qui lui étaient dues.

Au surplus et comme relevé dans le présent jugement, Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] font, à plusieurs reprises, preuve de mauvaise foi dans leur défense, prétendant s'interroger sur la nature de travaux de réparation proposés par la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE, alors que le courrier de celle-ci intervenait en réponse à leur propre courrier, se plaignant de l'état dudit appartement, ou réclamant un préjudice moral sans même daigner motiver la demande, ou encore en se plaignant qu'un bien n'ait pas été remis en location alors qu'ils n'avaient pas répondu à un courrier les sollicitant pour des travaux nécessaires à la remise en location.

C'est donc par la faute de Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] que la présente instance a été nécessaire pour la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE. Les moyens des défendeurs, bien que fondés pour certains, n'en demeurent pas moins pour d'autres empreints de mauvaise foi.

A ce titre, il convient donc de condamner Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] in solidum aux entiers dépens et aux frais irrépétibles pour l'instance qu'ils ont contraint la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE à exercer.

Il y a lieu de condamner in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] aux entiers dépens.

Il y a lieu de condamner in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] à verser à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE la somme de 3.000 €, au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire :

L’article 514 du code de procédure civile dispose que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. »

La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition de la décision au greffe après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort :

DEBOUTE Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] de leur prétention tendant à voir condamner la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE à leur verser la somme de vingt-deux mille deux cent quatre-vingt-seize euros et quatre-vingt-sept centimes (22.296.87 €) au titre de la perte de chance de recouvrer les loyers et indemnités d'occupation ;

DEBOUTE la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE de sa prétention à la somme de 10.988,62 € au titre des avances sur charges de copropriété et d'avances sur échéances de crédit ;

DEBOUTE Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] de leur prétention à la somme de 32.532,48 € au titre de la perte de chance de percevoir des loyers à compter du départ des lieux des époux [P] ;

DEBOUTE Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] de leur prétention à la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] aux entiers dépens ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [G] [X] et Madame [T] [L] à verser à la société par actions simplifiée LAUGIER-FINE la somme de trois mille euros (3.000 €) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire à titre provisoire ;

REJETTE les prétentions pour le surplus.

Ainsi jugé et prononcé les jour, mois et an susdits.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : 3ème chbre cab b4
Numéro d'arrêt : 21/11067
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;21.11067 ?
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