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07/03/2024 | FRANCE | N°22/02941

France | France, Tribunal judiciaire de Marseille, Gnal sec soc: cpam, 07 mars 2024, 22/02941


REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]


JUGEMENT N°24/01055 du 07 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 22/02941 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2VN5

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [I] [U]
née le 21 Mai 1982 à [Localité 10] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par de Me Marie-France POGU, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE


c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
Représenté par Mme Véronique PEYRACC

HIA (Inspecteur) muni d’un pouvoir régulier


DÉBATS : À l'audience publique du 14 Décembre 2023


COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du...

REPUBLIQUE FRANCAISE
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE

POLE SOCIAL
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]

JUGEMENT N°24/01055 du 07 Mars 2024

Numéro de recours: N° RG 22/02941 - N° Portalis DBW3-W-B7G-2VN5

AFFAIRE :
DEMANDERESSE
Madame [I] [U]
née le 21 Mai 1982 à [Localité 10] (BOUCHES-DU-RHONE)
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par de Me Marie-France POGU, avocat au barreau D’AIX-EN-PROVENCE

c/ DEFENDERESSE
Organisme CPAM 13
[Localité 3]
Représenté par Mme Véronique PEYRACCHIA (Inspecteur) muni d’un pouvoir régulier

DÉBATS : À l'audience publique du 14 Décembre 2023

COMPOSITION DU TRIBUNAL lors des débats et du délibéré :

Président : PAWLOWSKI Anne-Sophie, Vice-Présidente

Assesseurs : LEVY Philippe
AGGAL AIi

L’agent du greffe lors des débats : KALIMA Rasmia,

À l'issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 07 Mars 2024

NATURE DU JUGEMENT

contradictoire et en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 07 novembre 2022, [I] [U] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille afin de contester la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d'assurance maladie (CPCAM) des Bouches du Rhône du 20 septembre 2022 ayant confirmé le refus de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dont elle dit avoir été victime le 04 décembre 2021.

L'affaire a été appelée à l'audience du 14 décembre 2023.

Par voie de conclusions soutenues par son avocate, [I] [U] demande au tribunal de reconnaître le caractère professionnel de l'accident dont elle a été victime le 04 décembre 2021.

A l’appui de ses prétentions, elle soutient apporter la preuve de la matérialité de l'accident dont elle a été victime.

Par voie de conclusions soutenues par un inspecteur juridique la CPCAM des Bouches du Rhône conclut au rejet de la demande de [I] [U].

A l'appui de ses prétentions, la CPCAM des Bouches du Rhône soutient qu'elle ne disposait pas – à l'issue de l'enquête administrative réalisée par ses soins – de présomptions favorables suffisantes pour reconnaître le caractère professionnel de l'accident allégué.

L'affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2024.

MOTIFS

Sur le caractère professionnel de l'accident

Aux termes des dispositions de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre que ce soit ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.

Il ressort de ces dispositions que l’accident du travail suppose la réunion de trois critères : un fait soudain, l’existence d’une lésion, et la démonstration du caractère professionnel de l’accident.

Le fait soudain est désormais défini par la cour de cassation comme tout fait précis survenu soudainement au cours ou à l’occasion du travail. Ce critère implique que l’accident ait eu lieu à une date et dans des circonstances certaines et précises.
La preuve de la matérialité ne peut résulter que d'un ensemble de présomptions sérieuses, graves et concordantes.
Les seules déclarations du salarié sur l'accident qu'il a subi sont insuffisantes pour établir le caractère professionnel de l'accident. En effet, il appartient à celui qui prétend avoir été victime d'un accident du travail d'établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel.

La lésion peut être d’origine physique ou psychique.

Enfin, le fait accidentel doit revêtir un caractère professionnel au sens de l’article L411-1 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire qu’il doit être survenu par le fait ou à l’occasion du travail.
Ce critère est présumé rempli lorsque l’accident survient au temps et au lieu de travail. Cette présomption d’imputabilité établit en réalité un double lien de causalité : d'une part, le lien entre la lésion et l'accident et d'autre part, le lien entre la lésion et le travail. La victime est, par conséquent, dispensée de rapporter cette double preuve.

****

La déclaration d'accident du travail effectuée le 13 février 2021 par [T] [D], gérant de Provence TPMR (employeur de [I] [U]) est renseignée comme suit :

« Date : 04/12/2021 ; Heure : 17h57 ;
Activité de la victime lors de l'accident : transport et accompagnement d’une personne en situation de handicap ;
Nature de l'accident : notre chauffeur nous déclare avoir été bloqué par 4 individus lors de la dépose d’une personne dont elle a la charge du transport. Pas d’agression physique le chauffeur était dans le véhicule portes fermées, et les individus ont voulu ouvrir la voiture ;
Objet dont le contact a blessé la victime : aucune blessure physique ;
Eventuelles réserves motivées (…) : le salarié nous informe d’un décès dans sa famille le 7, absent depuis le 8, nous envoie un AT le 9/12 ».

Le certificat médical initial établi par le docteur [J] – médecin généraliste – le 09 décembre 2021 faisait état d’une « anxiété réactionnelle ».

L’employeur joignait à la déclaration d’accident du travail un courrier de réserves rédigé en ces termes :

« Nous doutons de la véracité d’un accident du travail pour ce salarié.
Effectivement, le dimanche 5 décembre le salarié nous informe avoir été bloqué par 4 jeunes lors d’une dépose d’un bénéficiaire à son domicile le samedi 4 décembre 2021.
Elle nous indique qu’ils ont bloqué la voiture et empêché de partir.
Nos véhicules sont géolocalisés et nous ne constatons pas d’arrêt anormalement long lors de cette dépose (1 minute et 1 seconde d’arrêt stationnaire).
Lors de nos différents échanges par téléphone avec ce salarié dès le lundi 6, à aucun moment ce salarié manifeste le souhait que nous déclarions un accident du travail.
D’ailleurs, il est malheureusement fréquent sur certaines cités que des filtrages soient mis en place par certains habitants.
Le mardi, ce salarié, nous informe du décès de son oncle tombé d’un toit, elle nous demande s’il est possible pour elle de s’absenter, nous lui indiquons que la convention collective ne prévoit pas d’absence mais que nous la libérerions pour qu’elle puisse assister aux obsèques de son oncle.
Le mercredi 8 décembre ce salarié ne se présente pas à son poste, et nous informe par mail en fin de matinée qu’elle sera absente probablement jusqu’au lundi 13 et qu’elle nous fera parvenir un arrêt maladie.
Cet arrêt fait suite à notre refus.
Le vendredi 9, ce salarié nous envoie par mail à 20h16 un certificat médical pour accident du travail, dont vous trouverez une copie en pièce jointe.
Ces éléments nous amènent à penser que son absence est plus liée au décès de son oncle que du blocage du 04 décembre 2021 ».

Dans le questionnaire assuré, [I] [U] indiquait : « En déposant ma dernière patiente vers 18 heures voire 18 heures 15, 4 hommes m’ont bloqué le passage, ont tapé fort sur le camion, ils ont fait des marques donc j’ai pris en photo, ils ont essayé d’ouvrir le camion, le lieu était à [Localité 9] à la [Localité 8]. Sachant que mon patron a vite vendu le véhicule, il est géo-localisé, on peut très bien voir l’arrêt qui a été vu. Sachant que mon patron m’a dit que lui-même n’était pas rassuré d’aller dans ce lieu. Je vous fais part que je travaille seule, je vais chercher les personnes handicapées à leur domicile et les mener au centre à [Localité 6]. Le soir, je les récupère et je les dépose à leur domicile ».

Le 18 janvier 2022, [I] [U] déposait plainte auprès des services de police pour menace réitérée de violences et menace de mort réitérée. Elle expliquait :

« Le 04/12/2021 vers 18h00 je suis entrée dans la cité de la castellane [Localité 1] pour y déposer un patient (…)
Après l’avoir déposé quatre individus vêtus de sombre et de capuche ont sauté sur mon camion, ils ne cessaient de frapper le camion et de crier qu’il fallait que je sorte que je devais sortir du camion, qu’ils allaient me faire la peau.
J’ai été extrêmement choquée, les individus ont voulu rentrer à l’intérieur de mon camion, j’étais complètement sidérée et tétanisée par la situation, je ne savais pas s’ils voulaient me voler le camion ou bien s’ils avaient confondu avec un camion banalisé de police, les faits ont duré 5 minutes mais pour moi c’était une éternité.
Un individu a donné un coup dans ma vitre sans la casser, les quatre se sont écartés en riant comme pour se foutre de moi.
J’ai réussi à accéder vers la sortie et là il y avait des jeunes avec des chariots de commissions qui bloquaient l’entrée/sortie de la cité, un des jeunes m’a bien regardé et comme c’était lui qui m’avait laissée entrer pour déposer ma patiente il m’a ouvert pour me laisser sortir.
Je vous montre les dégradations commises sur le camion, sur l’ensemble du véhicule il y a des enfoncements, je ne sais pas si le toit du camion est dégradé car ils ont jeté un objet assez lourd dessus, je m’en suis aperçue plus tard quand j’ai roulé, ils m’avaient même écrasé une sorte de yaourt sur la vitre arrière gauche (vu et exact).
(…)
Je me suis rendue dans une permanence médicale car je tremblais et j’étais dans un état second, le docteur de permanence m’a prescrit un arrêt avec prolongation jusqu’au 21/01/2022 et une ordonnance pour aller consulter un psychiatre par la suite.
J’ai envoyé un mail à mon patron pour lui signaler les faits et surtout pour lui dire que je ne retournerai plus dans cette cité.
Seulement deux jours après il m’a contactée téléphoniquement pour prendre des nouvelles, et en lui disant que j’allais très mal, il m’a rétorqué que même lui il n’allait pas dans cette cité.
Mon patron m’a informée qu’on ne pouvait pas faire autrement et que j’avais le choix soit de continuer, soit de quitter ma place.
Mon patron n’a pas voulu que je dépose plainte pour les faits, il a récupéré rapidement le camion et je sais qu’il l’a vendu dans la foulée ».

[I] [U] ne justifie pas de sa consultation dans une permanence médicale le jour des faits. Le certificat médical initial est daté, non du 04 décembre 2021 mais du 09 décembre 2021.

Si la réalité de la lésion constatée médicalement le 09 décembre 2021 n’est pas contestée, rien ne permet toutefois d’établir que celle-ci est une conséquence de l’agression alléguée du 04 décembre 2021.

Ainsi, en l'absence de présomptions sérieuses, graves et concordantes permettant d'établir la matérialité de l'accident allégué, [I] [U] sera déboutée de sa demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident dont elle dit avoir été victime.

La décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches du Rhône du 20 septembre 2022 sera confirmée.

Sur les dépens

Les dépens de l'instance seront laissés à la charge de [I] [U] en application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré par mise à disposition au greffe, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONFIRME la décision de la commission de recours amiable de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône en date du 20 septembre 2022 rejetant la demande en reconnaissance du caractère professionnel de l'accident du 04 décembre 2021 formée par [I] [U] ;

DEBOUTE [I] [U] de l’ensemble de ses demandes ;

LAISSE les dépens de la présente instance à la charge de [I] [U].

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Marseille
Formation : Gnal sec soc: cpam
Numéro d'arrêt : 22/02941
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;22.02941 ?
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