TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 10 cab 10 J
N° RG 24/03183 - N° Portalis DB2H-W-B7I-ZIYV
Jugement du 08 août 2024
Assignation à jour fixe
Notifié le :
Grosse et copie à :
Maître Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA - 713
Maître Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT - 806
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 08 août 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,
Après que la cause eut été débattue à l’audience publique du 20 Juin 2024 devant :
Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,
Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
Société CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE EST
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maître Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.A.R.L. SB DISTRIBUTION
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocats au barreau de LYON
EXPOSE DES FAITS, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé signé le 2 octobre 2013, la société CAISSE RÉGIONALE DU CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST (ci-après dénommée “société CRCAM”) a consenti un bail commercial pour une durée de neuf années (soit du 1er octobre 2013 au 30 septembre 2022) à la société SB DISTRIBUTION sur des locaux situés au numéro [Adresse 2], sur la commune de [Localité 4], aux fins d’y exploiter une activité de restauration-traiteur sous l’enseigne “L’ardoise” moyennant un loyer annuel de 24.000,00 euros hors taxes et hors charges (HT HC ci-après), outre une provision annuelle sur charges de 2.560,00 euros avec clause de révision annuelle.
La société CRCAM a fait délivrer à la société SB DISTRIBUTION un congé comportant refus de renouvellement du bail commercial avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction par acte d’huissier de justice signifié le 24 mars 2022. Elle a, par ailleurs, saisi le Juge des référés près le Tribunal judiciaire de LYON par acte extrajudiciaire délivré le 9 juin 2022, en vue d’obtenir l’évaluation des indemnités d’éviction et d’occupation par un expert judiciaire. Il a été fait droit à ladite demande par ordonnance de référé rendue le 7 novembre 2022, aux termes de laquelle l’exécution de la mesure d’expertise a été confiée à madame [X] [M].
La société SB DISTRIBUTION a ensuite fait assigner la société CRCAM devant le Juge des référés près le Tribunal judiciaire de LYON par acte extrajudiciaire en date du 24 juillet 2023, aux fins d’extension des missions confiées à madame [M] et, subsidiairement, d’exécution d’une nouvelle expertise destinée à évaluer l’incidence des travaux entrepris par la société CRCAM sur l’évolution de son chiffre d’affaires. Les demandes précitées ont été rejetées aux termes d’une ordonnance de référé rendue le 4 décembre 2023, en raison du caractère tardif de la prétention principale et du lien insuffisant de la prétention subsidiaire avec l’instance initialement introduite.
En conséquence, par acte de commissaire de justice signifié le 15 janvier 2024, la société SB DISTRIBUTION a fait assigner la société CRCAM devant le Juge des référés près le Tribunal judiciaire de LYON, afin d’obtenir une nouvelle expertise judiciaire dans une procédure distincte de la présente instance.
Aux termes d’un acte extrajudiciaire délivré le 16 février 2024, la société CRCAM a donné congé à la société SB DISTRIBUTION des places de parking mises à disposition.
Le rapport d’expertise judiciaire de madame [M] a été déposé le 26 février 2024.
C’est dans ce contexte que la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST a fait assigner à jour fixe la société SB DISTRIBUTION devant le Tribunal judiciaire de LYON par acte de commissaire de justice en date du 12 avril 2024.
Selon ordonnance datée du 9 avril 2024 la société CRCAM a été autorisée à assigner à jour fixe la société SB DISTRIBUTION par devant le Tribunal judiciaire de LYON à l’audience du 20 juin 2024.
* * *
Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 19 juin 2024, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société CRCAM demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
débouter la société SB DISTRIBUTION de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et rejeter l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, in limine litis, de dire et juger irrecevables les demandes reconventionnelles de la société SB DISTRIBUTION, rejeter la demande de sursis à statuer, homologuer le rapport d’expertise rendu par Madame [X] [M] expert judiciaire le 26 février 2024, fixer le montant de l’indemnité principale pour perte de fonds de commerce (abstraction faite de la période COVID et travaux de rénovation du siège) à la somme de 343.000,00 euros, fixer le montant de l’indemnité de trouble commercial à la somme de 25.700,00 euros, fixer le montant de la perte sur stock pour mémoire sur justificatif, fixer le montant des frais de déménagement à la somme de 0,00 euros, fixer le montant des indemnités de licenciement à la somme de 45.400,00 euros, fixer le montant de l’indemnité de résiliation à la somme de 0,00 euros, fixer le montant des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur à la somme de 42.900,00 euros et dire et juger qu’il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution provisoire.
Pour justifier l’irrecevabilité des demandes reconventionnelles opposées par la société SB DISTRIBUTION, la société CRCAM argue, en vertu de l’article 70 du Code de procédure civile, du lien insuffisant avec les demandes originaires d’homologation du rapport d’expertise et de fixation d’une indemnité d’éviction.
Elle souligne ensuite que la prétention tendant à obtenir un sursis à statuer n’est pas justifiée, l’expertise sollicitée concomitamment en référé portant sur l’évaluation d’un éventuel préjudice de jouissance.
Dans un troisième temps, se référant au rapport d’expertise judiciaire, elle considère que l’indemnité principale doit venir compenser la disparition d’un fonds de commerce, le transfert de l’activité exercée par la société SB DISTRIBUTION n’étant pas envisageable dans des locaux de remplacement. Se fondant sur les dispositions de l’article L.145-14 du Code de commerce, elle explique que madame l’Expert judiciaire a procédé à la valorisation du fonds de commerce sur la base d’un chiffre d’affaires hors taxes, au regard de la situation locative et en appliquant une proportion de 100% du chiffre d’affaires moyen envisagé. Précisant qu’il a été effectué deux calculs, l’un en faisant abstraction des conséquences de l’épidémie de COVID-19, l’autre en les intégrant, elle indique qu’elle accepte la première modalité de calcul précitée. En conséquence, elle requiert que l’indemnité principale soit fixée au montant de 343.000,00 euros. S’agissant des indemnités accessoires, elle retient le chiffrage réalisé par madame l’Expert judiciaire au titre du trouble commercial, par application d’une méthode traditionnelle consistant à retenir 5 à 10% de la valeur du fonds de commerce. Elle considère que la perte de stocks doit reposer sur des justificatifs, l’activité de détail exploitée par la société SB DISTRIBUTION nécessitant l’entreposage de denrées. Elle partage l’avis de madame l’Expert judiciaire, selon laquelle il n’est dû aucun frais de déménagement en indemnisation du transfert de mobilier et des équipements. Elle retient le montant de 45.400,00 euros au titre des indemnités de licenciement. Elle signale que la société SB DISTRIBUTION n’a pas fourni de pièces permettant l’évaluation des indemnités de résiliation de potentiels emprunts contractés. Elle sollicite la fixation des frais et droits de mutation à la somme de 42.900,00 euros. En dernier lieu, elle propose une indemnité d’occupation d’une valeur de 34.000,00 euros annuels à compter de la date d’effet du congé délivré, soit le 1er octobre 2023, ce conformément au chiffrage élaboré par madame l’Expert judiciaire.
Au reste, elle fait valoir qu’elle a renoncé à se prévaloir du congé antérieurement délivré, portant sur la mise à disposition gratuite de places de parking. Elle expose, par ailleurs, que les nuisances dénoncées par la société SB DISTRIBUTION ne sont pas démontrées, l’expert-comptable ne faisant que reprendre les déclarations de celle-ci dans l’annexe des comptes déposés pour l’exercice 2022. Elle considère, au surplus, qu’elle était en droit de bénéficier d’une servitude de tour d’échelle, en qualité de voisin.
Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées le 19 juin 2024, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société SB DISTRIBUTION demande au tribunal, à titre liminaire, de :
constater le caractère factice de l’urgence invoquée par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est, constater l’absence d’urgence, la complexité du dossier, et la nécessité d’une expertise complémentaire, renvoyer l’affaire en mise en état.Sur le fond, avant dire droit sur le chiffrage des indemnités, elle requiert du Tribunal qu’il :
constate les manquements du bailleur à la garantie de jouissance paisible due au preneur, aussi bien qu’à son obligation de loyauté et de bonne foi qu’au droit du preneur au maintien dans les lieux, constate la nécessité d’une expertise aux fins de chiffrage des conséquences des travaux réalisés par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est, sursoit à statuer dans l’attente, soit de la décision du Juge des Référés dans l’instance enrôlée sous le numéro de RG 24/0155, soit de l’expertise à ordonner par le Tribunal, le cas échéant dans le cadre de la mise en état, Concernant le chiffrage de l’indemnités d’éviction et la réparation des troubles de jouissance, elle sollicite du Tribunal qu’il :
constate le droit à indemnité d’éviction de SB Distribution, et condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est à son versement, dise et juge que le montant définitif de l’indemnité d’éviction sera fixé à dire d’expert, et devra intégrer la perte de chance d’une exploitation normale du fait des travaux exécutés par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est pour la re-qualification de son siège social,
subsidiairement, dise que le montant global de l’indemnité d’éviction à allouer à la Société SB Distribution ne peut être inférieur à la somme de 477.150,00 eurps, et à titre encore plus subsidiaire à la somme de 460.000,00 euros, à titre encore subsidiaire, alloue en sus du montant de l’indemnité d’éviction calculé sur la base du rapport d’expertise de Madame [M] une indemnité supplémentaire à la charge de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est au titre de la perte de chance de mener une exploitation « normale » sur les exercices clôturés aux 31 décembre 2021, 2022 et 2023, dise et juge que cette indemnité supplémentaire sera évaluée à dire d’expert, constate le droit de la Société SB Distribution à la réparation de ses troubles de jouissance, et condamne la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est à son versement, dise que le montant de l’indemnisation due à la Société SB Distribution au titre de la réparation de ses troubles de jouissance sera évalué à dire d’expert, et fixé au terme du sursis à statuer sollicité, S’agissant des autres demandes, elle demande au Tribunal de :
fixer l’indemnité d’occupation due par la Société SB Distribution depuis la date d’effet du congé à la somme annuelle HT/HC de 24.320,00 euros, subsidiairement de 29.184,00 euros, dire inopposable le « congé de mise à disposition gratuite des places de parking libres » notifié le 16 février 2024 à la Société SB Distribution par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est, en tant que de besoin, constater son défaut de cause, et en prononcer la nullité, condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre Est à lui verser une somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts supplémentaires, au visa des articles 32-1 du Code de procédure civile, et 1104 et 1231-1 du Code civil, condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est au versement d’une somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Centre-Est aux entiers dépens, écarter l’exécution provisoire de droit, eu égard au statut d’ordre public des baux commerciaux, rejeter toutes prétentions, fins et moyens contraires.
A titre liminaire, la société SB DISTRIBUTION soutient que l’urgence invoquée par la société CRCAM pour assigner à jour fixe est factice, en premier lieu à défaut de dangerosité dès lors que les travaux de démolition allégués ne lui paraissent pas prouvés et concernent une bande de terrain réduite située à une distance raisonnable de l’établissement. Elle souligne dans un second temps que l’intérêt public invoqué par la société CRCAM est exagéré, en ce que l’emprise de la voie lyonnaise porte sur une bande de terre en limite du tènement et n’affecte pas celle des parkings existants. Elle relève également que la durée limitée des travaux, restreints à quelques semaines, ne justifie pas qu’elle se trouve privée en urgence du droit au maintien dans les locaux loués. Elle discute la pertinence des objectifs poursuivis par la société CRCAM. Elle souligne enfin qu’il ne peut être sollicité l’exécution provisoire de la décision à venir sans porter atteinte aux dispositions du statut des baux commerciaux. En conséquence, elle sollicite le renvoi du dossier à la mise en état.
Toujours à titre liminaire, se fondant sur les articles 1719 du Code civil et L. 145-28 du Code de commerce, outre sur la jurisprudence des [Localité 5] d’appel d’[Localité 3], de [Localité 6] et de [Localité 7], elle affirme que les travaux de rénovation engagés par la société CRCAM sur le site ont eu une incidence sur les places de parking disponibles et sur l’accueil de la clientèle du commerce qu’elle exploite. De ce fait, elle estime que le recul manifeste du chiffre d’affaires généré sur la période de travaux ne peut s’expliquer uniquement par les répercussions de l’épidémie de COVID-19. Elle conclut à un manquement du bailleur à la garantie de jouissance paisible lui incombant et au droit au maintien dans les lieux postérieurement à l’expiration du bail commercial. Subsidiairement, en application de l’article 682 du Code civil, elle considère que la servitude de tour d’échelle dont se prévaut la société CRCAM constitue une reconnaissance implicite par celle-ci des conséquences dommageables qu’ont eu les travaux du siège social sur la jouissance du tènement dédié aux parkings. Elle fait valoir que les manquements précités lui ont occasionné un préjudice certain, en considération de l’évolution du chiffre d’affaires constatées sur les exercices comptables 2022 à 2024. Par suite, elle soutient qu’une nouvelle mesure d’expertise judiciaire doit être ordonnée (dans l’hypothèse où le Juge des référés ne ferait pas droit à la demande déjà présentée à cette fin) aux fins d’évaluer tant le préjudice de jouissance que son impact sur l’exploitation du commerce.
Sur le fond, reprenant les dispositions de l’article L. 145-14 du Code de commerce et la jurisprudence afférente, elle précise tout d’abord qu’elle n’entend pas contester la méthode consistant à fixer l’indemnité principale en fonction de la valorisation du fonds de commerce. Elle affirme toutefois que l’ancienneté des exercices comptables retenus rend difficile l’évaluation de l’indemnité d’éviction. Elle considère que le chiffrage établi sur les exercices 2020 à 2022 n’est pas davantage probant, tant en considération de la pandémie de COVID-19 que des répercussions des travaux au siège de la CRCAM. Soulignant l’évolution favorable du chiffre d’affaires sur les premiers mois de l’année 2024, elle estime qu’elle a été privée d’une chance de réaliser un chiffre d’affaires “normal” sur les années 2022 et 2023. Elle fait valoir que la fourchette d’évaluation du trouble commercial doit être fixée à 10 %, que la perte sur stocks et les frais de résiliation doivent être indemnisés sur justificatifs, que la somme de 45.400,00 euros chiffrée par madame l’Expert judiciaire au titre des indemnités de licenciement reste à parfaire au jour de l’éviction effective et que l’indemnité de remploi doit représenter 15% de la valeur du fonds de commerce. Dans un second temps, elle affirme qu’il existe un lien suffisant entre les demandes d’indemnisation d’un préjudice de jouissance et de fixation de l’indemnité. Discutant ensuite les conclusions de madame l’Expert judiciaire, elle fait valoir que la situation dégradée du commerce exploité depuis l’expiration du bail requiert une évaluation moindre de la valeur locative, qu’elle apprécie à 200,00 euros HT et HC le mètre carré pondéré par année ou, subsidiairement, à une base maximale de 240,00 euros HT et HC le mètre carré. Elle soulève par ailleurs l’inopposabilité et la nullité du “congé de mise à disposition des places de parking libres” délivré le 16 février 2024, avant de relever le caractère désormais non-fondé desdites prétentions, la société CRCAM ayant renoncé à se prévaloir de l’acte précité. Elle estime enfin, sur le fondement des articles 32-1 du Code de procédure civile, 1104 du Code civil et 1231-1 dudit Code, que les procédés abusifs de la société CRCAM lui ont occasionné un préjudice qu’elle évalue à la somme de 50.000,00 euros. Au surplus, elle soutient que l’exécution provisoire du présent jugement ne peut être maintenue, en ce que cela la priverait du droit au maintien dans les lieux assuré par le statut des baux commerciaux.
L'affaire a été plaidée à l’audience du 20 juin 2024, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 8 août 2024.
En cours de délibéré, Maître [C] [Z] a transmis une correspondance par RPVA le 31 juillet 2024, à laquelle Maître [W] [H] a entendu répondre ce même jour.
MOTIVATION
Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 4 du Code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. En outre, conformément à l'article 768 du Code de procédure civile, le Tribunal est tenu de statuer sur les seules prétentions énoncées au dispositif et d'examiner uniquement les moyens invoqués dans la discussion. Les demandes de "déclarer", de "dire et juger", de "constater", de "prendre acte" ou de "préserver des droits" ne constituant pas des revendications au sens du Code de procédure civile, sauf exceptions liées à une rédaction erronée de la demande, il n'y sera pas apporté de réponse dans le dispositif.
* * *
A titre liminaire, il est précisé qu’en application des dispositions de l’article 445 du Code de procédure civile, des notes peuvent être communiquées en délibéré à la seule demande du Président. Aucune note en délibéré n’ayant présentement été autorisée, les correspondances notifiées par RPVA de Maître [C] [Z] et Maître [W] [H] (en réponse) le 31 juillet 2024 seront déclarées irrecevables.
En parallèle, il est observé, en vertu de l’article 840 du Code de procédure civile et de la jurisprudence afférente, que l’ordonnance autorisant une assignation à jour fixe constitue une mesure d’administration non susceptible de recours, si bien qu’il n’appartient pas au Tribunal de se prononcer sur le caractère factice ou avéré de l’urgence.
Sur la demande d’expertise judiciaire présentée par la société SB DISTRIBUTION
L’article 70 alinéa 1 du Code de procédure civile prévoit que “les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.”
En l’occurrence, aux termes de l’assignation à jour fixe délivrée le 12 avril 2024 à la société SB DISTRIBUTION et des conclusions récapitulatives notifiées le 19 juin 2024, la société CRCAM entend solliciter principalement la fixation des indemnités d’éviction et d’occupation dues consécutivement au congé avec refus de renouvellement du bail commercial signifié le 24 mars 2022.
Or, la société SB DISTRIBUTION justifie la demande d’expertise judiciaire avant-dire droit par l’atteinte qui aurait été portée à la jouissance paisible des locaux loués pendant la durée du bail précité et jusqu’à leur libération complète.
Si le dénominateur commun demeure le bail commercial formalisé le 2 octobre 2013 entre la société CRCAM et la société SB DISTRIBUTION, il apparaît que les prétentions sont autonomes, l’indemnité d’éviction visant à indemniser le préjudice généré par le défaut de renouvellement dudit contrat et la demande d’expertise judiciaire ayant pour finalité de justifier une éventuelle compensation de pertes d’exploitation tant pendant son exécution que lors du maintien dans les lieux.
Il en résulte l’insuffisance du lien de cette demande reconventionnelle avec les prétentions originaires formées par la société CRCAM. C’est, au demeurant, ce qui a déjà été apprécié par le Juge des référés près le Tribunal judiciaire de LYON par ordonnance du 4 décembre 2023 pour refuser la mise en oeuvre d’une nouvelle mesure d’expertise.
En parallèle, il n’est pas dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de retarder ad vitam æternam l’issue inéluctable de la relation contractuelle formée le 2 octobre 2013 dans l’attente de l’évaluation d’un préjudice distinct de l’indemnité d’éviction, qui plus est si ledit chiffrage s’avérait impossible en considération de la concomitance des travaux de ré-architecture et de la crise sanitaire. Une telle situation ne pourra, au surplus, qu’aggraver inutilement le préjudice de jouissance dont la société SB DISTRIBUTION se prévaut.
Au reste, il ressort du rapport d’expertise judiciaire déposé le 26 février 2024 par madame [X] [M] qu’il a été procédé à l’évaluation du fonds de commerce “avant COVID et à ce jour, soit postérieurement au COVID et incidence des travaux en cours comprise.” Il est ainsi précisé en page numérotée quatorze du document susdit que la première hypothèse de valorisation, par ailleurs retenue par la société CRCAM, fait abstraction “du COVID et des travaux, sur la base moyenne des trois exercices clos au 31 décembre 2017, 2018 et 2019" (soit avant l’ouverture du chantier entrepris par le bailleur). Il paraît dès lors étonnant de légitimer la demande d’expertise judiciaire par la perte de valeur du fonds de commerce sur une période de référence manifestement non pénalisée par les travaux de réhabilitation.
En conséquence et sans qu’il ne soit requis de se prononcer sur la réalité du préjudice de jouissance allégué par la société SB DISTRIBUTION, il y a lieu de déclarer irrecevable la demande d’expertise judiciaire présentée.
La demande d’expertise étant irrecevable, le sursis à statuer subséquemment sollicité ne s’avère plus justifié et sera conséquemment rejeté.
Sur la demande de fixation de l’indemnité d’éviction
A titre liminaire, il est observé que le rapport d’expertise judiciaire déposé par madame [M] n’est pas un accord ni une transaction susceptible d'être homologué par le Tribunal, mais un outil technique contenant des éléments lui permettant de statuer sur les demandes qui lui sont présentées par les parties.
De ce fait, la demande d’homologation présentée par la société CRCAM sera rejetée.
Sur l’indemnité principale
Aux termes de l’article 145-14 du Code de commerce :
“Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.”
Le montant de l'indemnité doit être apprécié au moment le plus proche de la réalisation du préjudice, et donc de l'éviction (Civ. 3ème, 12 mai 1966, Bull. civ. III, n° 246), c’est à dire à la date du jugement ou de l'arrêt évaluant l'indemnité (Civ. 3ème, 19 juin 1991, Bull. civ. III, n° 182 ; 2 juin 1993, JCP 1993. IV. 1916 ; 24 nov. 2004, Bull. civ. III, n° 212).
En l’occurrence, il n’est pas contesté par les parties la perte du fonds de commerce induite par le non-renouvellement du bail commercial conclu le 2 octobre 2013. L’indemnité principale d'éviction doit donc correspondre à la valeur du fonds de commerce, madame [M] ayant observé que “compte tenu des éléments de référence en [sa] possession, il semble qu’aucune valeur de droit au bail ne soit pratiquée sur le secteur. Par ailleurs, compte tenu de la valeur du fonds de commerce à laquelle nous aboutissons, une valeur de droit au bail serait inférieure à celle-ci”.
La société SB DISTRIBUTION discute uniquement la pertinence des chiffres d’affaires retenus pour calculer la valeur du fonds de commerce.
Madame [M] évalue comme suit le chiffre d’affaires annuel des exercices comptables 2017 à 2022 ;
2017
2018
2019
2020
2021
2022
CA HT (€)
333 920
364 014
331 033
256 069
239 029
285 325
Dont subventions d’exploitation (€)
74 402
100 206
Bénéfice (€)
-1 231
9 887
5 195
37 203
7 425
-59 367
EBE (€)
12 569
8 543
1 481
48 335
16 698
-52 286
Moyennes arrondies (€)
CA sur trois années
343 000
260 000
Elle expose qu’à l’aune de l’excellente commercialité dont bénéficie la situation géographique, des caractéristiques des locaux, de la nature de l’activité, du volume d’activité réalisé, du montant du loyer pratiqué et de l’existence d’un parking, il peut être envisagé un pourcentage de 100% du chiffre d’affaires, ce choix ne faisant l’objet de nulle contestation des parties au contrat de bail.
Elle indique ensuite qu’elle a procédé à la valorisation du chiffre d’affaires selon les deux hypothèses détaillées ci-dessous à la demande expresse des Conseils des parties[1], ce qui démontre l’assentiment donné par la société SB DISTRIBUTION aux modalités d’évaluation appliquées :
[1] Page numérotée 14 du rapport d’expertise judiciaire, mention soulignée par le Tribunal
“hypothèse 1 : abstraction faite du COVID et des travaux, sur la base moyenne des trois exercices clos aux 31 décembre 2017, 2018 et 2019, la valeur de fonds de commerce ressort à 343 000 € x 1 = 343 000 €hypothèse 2 : sur la base moyenne des trois exercices clos au 31 décembre 2020, 2021 et 2022, la valeur du fonds de commerce à ce jour ressort à : 260 000 € x 1 = 260 000 €”
Le Tribunal comprend dès lors difficilement comment la société SB DISTRIBUTION peut présentement remettre en question la pertinence de données économiques qu’elle a précédemment validées et qu’elle pouvait aisément contester contradictoirement dans le cadre de l’expertise judiciaire ordonnée en référé.
Au reste, il ressort de l’attestation établie le 17 juin 2024 par le cabinet d’expertise comptable [J] que le chiffre d’affaires enregistré sur l’exercice comptable 2023 a atteint la somme de 311.159,00 euros, en recul de 6,82 pour cents par rapport à l’exercice comptable 2017, de 14,52 pour cents par rapport à l’exercice comptable 2018 et de 6,00 pour cents par rapport à l’exercice comptable 2019. Intégrer le chiffre d’affaires réalisé sur l’année 2023 au calcul de l’indemnité principale viendrait ainsi en amoindrir la valorisation, ce qui questionne les motivations réelles de la société SB DISTRIBUTION.
En outre, il s’avère erroné d’affirmer que “l’exercice 2022 n’a été impacté “que” par les travaux” dès lors d’une part que la levée de restrictions préjudiciables au secteur de la restauration (dont le port du masque obligatoire dans les lieux clos et l’application du pass vaccinal) n’est pas intervenue avant le mois de mars 2022, d’autre part que le niveau d’activité “avant-covid” n’a aucunement pu être atteint dans un intervalle aussi restreint. En définitive, les exercices comptables 2022 et 2023 ont nécessairement été pénalisés par les répercussions sur le long terme de la crise sanitaire, ce qui est d’ailleurs corroboré par les données comptables des années antérieures, soit de 2017 à 2019.
Madame [M] se prononçant en faveur de la valorisation du fonds de commerce basée sur l’hypothèse 1, sans que la société CRCAM ne s’y oppose expressément, il sera retenu un chiffre d’affaires annuel de référence de 343.000,00 euros.
B. Sur les indemnités accessoires
L’article L 145-14 du Code de commerce prévoit que l’indemnité principale peut être augmentée des frais normaux de déménagement et de réinstallation, outre des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de valeur identique, sans que cette liste ne soit limitative.
1. Sur le trouble commercial
Madame [M] explique qu’elle a évalué le trouble commercial, soit les frais induits par l’installation dans un local de remplacement et par l’interruption temporaire de l’activité qui s’en suit assurément, sur une base de 5% à 10% de la valeur du fonds de commerce et qu’elle a finalement opté pour une base intermédiaire de 7,5%.
Elle expose toutefois, en page numérotée dix du rapport d’expertise judiciaire, que peu de locaux sont vacants à proximité du lieu d’implantation actuel du commerce L’ARDOISE et qu’il lui semble difficile actuellement (soit dans un temps proche, ledit rapport ayant été déposé le 26 février 2024) “d’installer une activité similaire dans des locaux en pied d’immeuble (souvent exclue par les règlements de copropriété)”. Il en infère une interruption plus étendue de l’activité exploitée par la société SB DISTRIBUTION, si bien qu’il sera retenu une base de 10%.
Par voie de conséquence, l’indemnité due au titre du trouble commercial sera évaluée à la somme de 34.300,00 euros[2].
[2] Soit 343.000,00 x0,1
2. Sur la perte de stocks
Conformément aux demandes des parties à l’instance, l’indemnisation des stocks écoulés dans des conditions préjudiciables se fera sur justificatif et sera conséquemment réservée.
3. Sur les frais de déménagement
Madame [M] considère qu’il n’y a pas lieu d’intégrer aux indemnités accessoires le coût lié au transfert du mobilier et du matériel d’exploitation, dès lors que les éléments incorporels et corporels sont compensés par l’indemnité principale et doivent être laissés sur place.
La société SB DISTRIBUTION demande que les frais de déménagement soient réservés, mais ne développe pas de moyens à l’appui.
Par suite, elle sera déboutée de sa demande.
4. Sur les indemnités de licenciement
Madame [M] reprend l’évaluation des frais de licenciement communiqués par le cabinet d’expertise comptable [J], d’une valeur arrondie à la somme de 45.400,00 euros.
Il sera conséquemment retenu la somme de 45.400,00 euros en indemnisation des frais de licenciement, à parfaire au jour de l’éviction effective sur justificatifs.
5. Sur les indemnités de résiliation
S’il ressort effectivement du rapport d’expertise judiciaire que la société SB DISTRIBUTION n’a pas transmis de justificatifs permettant d’évaluer les frais de résiliation des emprunts éventuellement contractés, il ne peut en être déduit qu’aucune indemnité ne serait due à ce titre.
Partant, les indemnités de résiliation seront évaluées sur justificatifs, dès lors que le lien entre l’emprunt contracté et l’activité exploitée dans les locaux loués auprès de la société CRCAM sera avéré.
La demande afférente sera réservée.
6. Sur les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur
Madame [M] a estimé ce poste de préjudice sur une base intermédiaire de 12,5 % de la valeur du fonds de commerce, la fourchette communément admise étant comprise entre 10 % et 15 %.
La société SB DISTRIBUTION évoque des “circonstances particulières”, ce qui est insuffisant pour justifier la réévaluation de la base de calcul à 15 %.
Par voie de conséquence, il sera retenu le montant forfaitaire de 42.900,00 euros[3] au titre de l’indemnité de remploi.
[3] Soit 343.000,00 x 0,125
C. Sur l’indemnité d’occupation
En application de l'article L. 145-28 du Code de commerce, le preneur est redevable à l'égard du bailleur d'une indemnité d'occupation qui correspond, en l'absence de stipulations contractuelles spécifiques, à la valeur locative des locaux.
L'indemnité d'occupation est fixée selon la valeur locative non pas de marché, mais de renouvellement, ce en application de l'article L 145-33 du code de commerce, dans des conditions exclusives de tout plafonnement.
En l’espèce, la surface pondérée des locaux objet du bail a été fixée à 152 m², sans que cela ne soit discuté par les parties à l’instance.
Madame l’Expert judiciaire explique que les éléments de référence utilisés pour évaluer l’indemnité d’occupation, soit les loyers pratiqués sur des locaux loués ou proposés à la location sur un secteur proche bénéficiant d’une commercialité similaire, “déterminent [...] des valeurs locatives comprises entre 190 et 230 euros hors charges le mètre carré pondéré par an et plus généralement entre 240 et 280 euros hors taxes et hors charges le mètre carré pondéré par an”. Elle précise que les valeurs locatives situées dans la fourchette haute concernent des locaux bénéficiant de parkings en façade similaires à ceux qui sont accessibles à la clientèle du restaurant L’ARDOISE. Elle explique, en outre, la prise en compte d’une valeur locative élevée par les avantages des lieux mis à disposition, eu égard aux contraintes propres à la destination des lieux contractuellement définies (soit notamment le refus opposé par certains bailleurs à l’exploitation d’une activité de restauration et les restrictions posées par les règlements de copropriété). C’est déjà ce qui est souligné en pages numérotées dix et douze du rapport d’expertise, puisque madame [M] y souligne le “fort potentiel de commercialité” du secteur d’implantation, la localisation du restaurant L’ARDOISE “à l’angle d’un carrefour les plus passants du secteur” et les difficultés actuelles pour trouver à proximité des locaux vacants similaires susceptibles d’accueillir ce type d’activité.
La société SB DISTRIBUTION oppose “la situation dégradée” de son commerce “depuis l’expiration du bail” pour motiver un abaissement de la valeur locative. Si elle précise insuffisamment son propos, il semble, à la lecture du dire dont elle se prévaut, qu’elle vise les conséquences des travaux entrepris sur les lieux par la société CRCAM. Or, il résulte du rapport d’expertise judiciaire que les difficultés d’exploitation subséquentes ont été intégrées à l’évaluation de l’indemnité d’occupation au travers d’un abattement de 20% (le pourcentage de 15% étant le plus souvent retenu dans les modalités de calcul de ce type d’indemnité). Par suite, réduire artificiellement la valeur locative au mètre carré pondéré par an reviendrait à appliquer un double abattement pour un motif unique. Il apparaît, au reste, que les travaux de “ré-architecture” du siège social de la société CRCAM ont désormais pris fin.
En revanche, il ressort tant du procès-verbal de constat établi le 13 février 2024 par Monsieur [E] [Y], clerc habilité, des courriers électroniques adressés par la société SB DISTRIBUTION au bailleur et des photographies jointes que les conditions d’exploitation se sont manifestement dégradées depuis le dépôt du rapport par madame [M] (pièces n°25-A, 26, 28 et 31 du défendeur). Il s’avère notamment que l’abandon de locaux voisins expose les commerces en activité aux nuisances de rongeurs envahissants, sans que les mesures correctrices prises par la société SB DISTRIBUTION ne permettent d’y mettre un terme (pièce n°27 du défendeur). La valeur locative s’en trouve nécessairement amoindrie, de sorte qu’il sera retenu une base de 240,00 euros hors taxes et hors charges le mètre carré pondéré par an.
De ce fait, l’indemnité d’occupation sera fixée au montant annuel de 29.184,00 euros[4] après abattement de précarité à compter du 30 septembre 2022.
[4] Soit (152m² x 240€) x 0,80
III. Sur les autres demandes reconventionnelles formées par la société SB DISTRIBUTION
A. Sur la demande d’inopposabilité et de nullité du congé de mise à disposition gratuite de places de parking délivré par la société CRCAM
La société CRCAM renonçant à se prévaloir du congé de mise à disposition gratuite des places de parking délivré le 16 février 2024, les demandes subséquentes d’inopposabilité et d’annulation formées par la société SB DISTRIBUTION s’avèrent sans objet (ce que cette dernière indique d’ailleurs en page numérotée trente-quatre des conclusions récapitulatives notifiées le 19 juin 2024).
B. Sur la demande d’indemnisation d’une somme de 50.000,00 euros
Les procédés abusifs allégués étant postérieurs à l’expiration du bail commercial, il sera statué sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle.
Aux termes de l'article 1240 du Code civil pris dans la rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."
En outre, l'article 1241 dudit Code, dispose que "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence."
Dès lors, il appartient au demandeur d'établir, à l'encontre de celui qu'il entend obliger à réparer, l'existence d'une faute, d'un préjudice réel et certain, et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.
Sans qu’il ne soit nécessaire de déterminer l’existence d’une faute imputable à la société CRCAM, il apparaît que la société SB DISTRIBUTION ne démontre pas la réalité du préjudice allégué ni ne justifie le quantum de l’indemnisation subséquemment sollicitée.
En conséquence, la société SB DISTRIBUTION sera déboutée de sa demande d’indemnisation.
III. Sur les mesures de fin de procès et sur l’exécution provisoire
Aux termes de l'article 696 du Code de procédure civile, "la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie."
Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.
La présente procédure ayant pour objet la fixation de l’indemnité d’éviction due en raison du refus de renouvellement du bail commercial signé le 2 octobre 2013, la société CRCAM, débitrice de l’indemnité susdite, supportera les entiers dépens et sera condamnée à payer à la société SB DISTRIBUTION la somme de 3.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Aux termes de l'article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
Toutefois, selon l'article 514-1 du même code, le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.
En raison du droit de repentir ouvert au bailleur à compter du prononcé de la présente décision et du droit au maintien dans les lieux du locataire jusqu'au paiement de l'indemnité d'éviction, l'exécution provisoire apparaît incompatible avec la nature de l'affaire et sera écartée.
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal statuant publiquement en formation à juge unique après débats publics par jugement rendu contradictoirement en premier ressort, prononcé par mise à disposition au greffe,
Déclare irrecevables les deux messages transmis par RPVA le 31 juillet 2024 respectivement par Maître [C] [Z] et Maître [W] [H] ;
Dit n’y avoir lieu de statuer sur la demande formée par la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION tendant à obtenir le renvoi de la présente affaire à la mise en état ;
Déclare irrecevable la demande de la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION tendant à obtenir l’exécution d’une nouvelle mesure d’expertise judiciaire ;
Rejette la demande de sursis à statuer formée par la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION ;
Rejette la demande d’homologation du rapport d’expertise judiciaire de madame [X] [M] présentée par la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST ;
Constate que le congé délivré le 24 mars 2022 par la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST à la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION avec refus de renouvellement et offre de paiement d'une indemnité d' éviction a mis fin, au 30 septembre 2022, au bail liant les parties, portant sur les locaux situés au numéro [Adresse 2], sur la commune de [Localité 4] ;
Dit que ce congé a ouvert droit pour la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION au paiement d'une indemnité d'éviction et qu’elle est, en retour, redevable d'une indemnité d'occupation du 1er octobre 2022 jusqu'à son départ effectif des locaux ;
Condamne la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST à payer à la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION les sommes suivantes :
343.000,00 euros au titre de l’indemnité principale d’éviction ;34.300,00 euros au titre du trouble commercial occasionné ;45.400,00 euros au titre des indemnités de licenciement, somme à parfaire au jour de l’éviction effective sur justificatifs ;42.900,00 euros au titre de l’indemnité de remploi ;
Réserve les postes de perte de stocks et d’indemnités de résiliation, lesquels seront indemnisés à terme sur justificatifs dès lors que le lien avec l’activité exploitée dans les locaux loués auprès de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST sera avéré ;
Rejette la demande de la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION tendant à ce que les frais de déménagement soient réservés ;
Condamne la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION à payer à la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST une indemnité d’occupation annuelle de 29.184,00 euros hors taxes et hors charges, à compter du 1er octobre 2022 et jusqu’à la restitution des lieux ;
Dit n’y avoir lieu de statuer sur les demandes d’inopposabilité et d’annulation du congé de mise à disposition gratuite de places de parking formées par la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION, la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST ayant expressément renoncé à s’en prévaloir ;
Rejette la demande de la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION tendant à obtenir la condamnation de la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST à lui payer une somme de 50.000,00 euros à titre de dommages et intérêts ;
Condamne la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST aux entiers dépens de l’instance ;
Condamne la société CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL CENTRE-EST à payer à la société à responsabilité limitée SB DISTRIBUTION la somme de 3.000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;
Ecarte l’exécution provisoire du présent jugement ;
Rejette toutes les demandes plus amples ou contraires ;
En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART.
LA GREFFIÈRE LLA PRÉSIDENTE