TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON
Chambre 10 cab 10 J
N° RG 21/00085 - N° Portalis DB2H-W-B7F-VQB2
Jugement du 08 août 2024
Notifié le :
Grosse et copie à :
la SELARL BIGEARD - BARJON - 1211
la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS - 716
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 08 août 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,
Après que l’instruction eut été clôturée le 13 juin 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 21 décembre 2023 devant :
François LE CLEC’H, Président,
siégeant en formation Juge Unique,
Assisté de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,
Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :
DEMANDERESSE
Madame [P] [R]
née le 05 août 1950 à [Localité 6]
demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Baptiste BEAUCOURT de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocats au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.C.I. WALDORF
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maître Axel BARJON de la SELARL BIGEARD - BARJON, avocats au barreau de LYON
EXPOSE DU LITIGE
Par acte authentique en date du 4 mai 2011, la SCI WALDORF a acquis au sein d’un ensemble immobilier sis [Adresse 2] à [Localité 8] le lot n°10 consistant en un appartement.
La SCI WALDORF a fait réaliser par la société BOUKHARI des travaux de rénovation et de division de cet appartement en deux studios avec un sas de desserte commun.
Ces travaux incluaient notamment des travaux de plomberie.
Les travaux de rénovation et de division ont été réceptionnés dans le courant du mois de juin 2011.
Par acte authentique du 30 novembre 2011, la SCI WALDORF a vendu à Madame [P] [R] le lot n° 28 issu de la division du lot n° 10.
Se plaignant de difficultés d’évacuation des eaux usées et de nombreuses pannes à répétition du WC équipé d’un sanibroyeur qui auraient débuté en mars 2012 et qui auraient notamment entraîné le remplacement du sanibroyeur en 2017, Madame [R] a sollicité en mai 2018 l’analyse de la société BOUVARD qui a donné ses conclusions le 25 mai 2018.
Madame [R] s’est ensuite tournée vers son assureur pour faire procéder à une expertise amiable. Celle-ci a été réalisée par la société SARETEC qui a rendu son rapport le 6 décembre 2018.
Par acte d’huissier en date du 7 février 2020, Madame [R] a assigné la SCI WALDORF devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.
Par ordonnance du 31 mars 2020, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné Monsieur [F] [G] pour procéder à cette expertise.
A la suite d’une requête introduite par Madame [R], le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Lyon a, par ordonnance du 2 septembre 2020, autorisé cette dernière à pratiquer une inscription d’hypothèque provisoire sur le bien appartenant à la SCI WALDORF sis lot n° 4 et 20 de l’immeuble en copropriété situé [Adresse 3] à [Localité 7] pour sûreté et conservation de sa créance évaluée provisoirement à la somme de 12 800 euros.
L’inscription a été effectuée au service de la publicité foncière le 1er décembre 2020. Et cette inscription a été dénoncée à la SCI WALDORF par acte d’huissier du 7 décembre 2020.
Par acte d’huissier en date du 4 janvier 2021, Madame [R] a assigné la SCI WALDORF devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :
condamner la SCI WALDORF à lui payer la somme de 12 800 euros en indemnisation de ses préjudices, tels qu’ils ont été provisoirement évalués par le juge de l’exécution ; condamner la SCI WALDORF à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI WALDORF aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire, distraits au profit de Maître Raphaël BERGER, avocat sur son affirmation de droit.
Par écrit du 4 février 2021, Madame [R] a donné son autorisation pour la mainlevée de l’hypothèque provisoire inscrite sur le bien de la SCI WALDORF afin que celle-ci puisse le vendre. La somme de 12 800 euros a été prélevée du prix de vente de ce bien et mise sous séquestre en l’étude ARMANET-GAMBIEZ, notaires à [Localité 5].
Le rapport d’expertise judiciaire a été déposé le 2 août 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 18 avril 2023, Madame [R] demande au tribunal de :
juger la SCI WALDORF entièrement responsable sur le fondement de la garantie décennale ; ordonner que la somme de 12 800 euros actuellement mise sous séquestre en l’étude ARMANET-GAMBIEZ soit versée à Madame [R] en réparation de son préjudice ; condamner la SCI WALDORF au paiement de la somme de 5502,42 euros correspondant au solde du préjudice subi ; condamner la SCI WALDORF au paiement de la somme de 4849,60 euros au titre des pertes locatives ; débouter la SCI WALDORF de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; condamner la SCI WALDORF à payer à la défenderesse la somme de 6300 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de Maître Baptiste BEAUCOURT de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS, avocat sur son affirmation de droit.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 mai 2022, la SCI WALDORF demande au tribunal de :
juger nul le rapport d’expertise de Monsieur [G] ; juger que Madame [R] supportera les frais de l’expertise judiciaire ; débouter Madame [R] de ses demandes de condamnation au titre des travaux d’évacuation des appareils (5344,90 euros), de modification de la colonne extérieure (4055,70 euros), des dépenses supportées par Madame [R] avant l’expertise judiciaire faute d’un quelconque constat contradictoire à hauteur de 1871,34 euros ; débouter en outre Madame [R] de sa demande de condamnation au paiement d’une indemnité pour pertes locatives à compter du 1er octobre 2021 jusqu’au jugement à intervenir ; débouter Madame [R] de ses plus amples demandes ; juger que l’exécution provisoire de la décision à intervenir est incompatible avec la nature de l’affaire et en raison de l’hypothèque judiciaire provisoire dont bénéficie la demanderesse ; condamner Madame [R] au paiement d’une somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par ordonnance du 13 juin 2023, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date et fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 21 décembre 2023. L'affaire a été mise en délibéré au 28 mars 2024. Le délibéré a été prorogé au 13 juin 2024, puis au 11 juillet 2024, puis au 22 août 2024 et finalement avancé au 08 août 2024.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de nullité de l’expertise judiciaire
L’article 175 du code de procédure civile énonce que « la nullité des décisions et actes d’exécution relatifs aux mesures d’instruction est soumise aux dispositions qui régissent la nullité des actes de procédure ».
L’article 114 du même code dispose :
« Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. »
L’article 117 prévoit :
« Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :
Le défaut de capacité d'ester en justice ;
Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;
Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice. »
Ces irrégularités de fond sont limitativement énumérées par l’article 117 précité et ne nécessitent pas la démonstration de l’existence d’un grief.
L’article 237 dispose que « le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ». Il est constant que ces obligations constituent une formalité substantielle dont le non respect est susceptible d’entraîner la nullité de l’expertise dès lors que la partie qui s’en prévaut rapporte la preuve d’un grief que lui cause cette irrégularité.
Suivant l’article 238, alinéa 3, le technicien ne « ne doit jamais porter d’appréciations d’ordre juridique ». Il est constant qu’aucune disposition ne sanctionnant de nullité l'inobservation de l’obligation imposée par ce texte, celle-ci ne peut entraîner la nullité de l’expertise.
En l’espèce, la société WALDORF demande l’annulation du rapport d’expertise judiciaire car l’expert aurait manqué d’objectivité ainsi que d’impartialité et il aurait porté des appréciations d’ordre juridique.
Ainsi, la défenderesse n’invoque pas pour obtenir cette nullité l’une des irrégularités de fond limitativement énumérées par l’article 117 susvisé.
Elle excipe seulement d’irrégularités de forme.
Concernant celle avancée par la SCI WALDORF suivant laquelle l’expert judiciaire aurait émis des appréciations d’ordre juridique, ce moyen est en tout état de cause inopérant au vu de ce qui a été dit ci-dessus.
Sur les manquements à l’objectivité et à l’impartialité allégués, il s’agit de rapporter la preuve non seulement de l’existence de ces irrégularités mais aussi de celle d’un grief causé par celles-ci
A cet égard, la SCI WALDORF fait en particulier valoir que l’expert n’a pas constaté personnellement l’existence des désordres invoqués par Madame [R], qu’il n’a pas vérifié l’implantation du réseau d’évacuation, qu’il n’a pas personnellement observé que les désordres proviendraient de malfaçons dans la mise en œuvre des installations, qu’il a affirmé qu’une pente de 1 cm par mètre est acceptable pour les évacuations à la condition d’avoir une évacuation rectiligne sans toutefois vérifier ladite évacuation, qu’il a considéré que le sanibroyeur actuellement utilisé devait être remplacé alors qu’il n’a pas constaté de dysfonctionnement, et qu’il a occulté la possible mauvaise utilisation du sanibroyeur par les locataires de la demanderesse.
Cependant, ces moyens n’ont en réalité pas trait à l’impartialité ou l’objectivité de l’expert mais aux éventuelles insuffisances du rapport d’expertise, c’est-à-dire à une critique du contenu même de l’expertise, ce qui ne relève pas de la question de la partialité ou de l’objectivité de l’expert mais de l’appréciation au fond des conclusions de l’expertise, débat et travail d’analyse classiques des parties vis-à-vis du rapport rendu s’agissant d’un avis ne liant pas le tribunal.
La SCI WALDORF avance en outre que l’expert a fait preuve d’une confiance aveugle dans les affirmations de Madame [R], mais sans l’étayer par aucun élément probant, et alors que l’expert s’est notamment appuyé sur les pièces produites lors des opérations d’expertise et que la défenderesse a participé aux opérations d’expertise, a été mise en mesure de s’exprimer et a pu le faire dans le respect du principe du contradictoire avec un retour sur ses observations, comme le montrent son dire et la réponse de l’expert à ce dire.
En conséquence, eu égard à ce qui précède, il ne peut être retenu des manquements de l’expert aux principes d’objectivité et d’impartialité, et il ne peut par suite, nécessairement, y avoir grief.
Cette irrégularité de forme tirée de l’irrespect des principes d’objectivité et d’impartialité ne peut donc prospérer.
Par conséquent, aucune cause de nullité du rapport n’est caractérisée par la défenderesse et celle-ci sera déboutée de sa demande de nullité du rapport d’expertise.
Sur les demandes d’indemnisation
L'article 1792 du code civil énonce :
« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »
L'article 1792-1 du même code dispose :
« Est réputé constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage. »
L’article 1792-2 prévoit :
« La présomption de responsabilité établie par l'article 1792 s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un ouvrage, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.
Un élément d'équipement est considéré comme formant indissociablement corps avec l'un des ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage. »
En l’espèce, à propos des désordres, tout d’abord, l’expert ne se contente pas d’indiquer qu’il n’a pas pu constater les désordres, mais en donne la raison, valable, à savoir que les dysfonctionnements sont épisodiques, ce dont témoignent les factures de réparation de dysfonctionnements ayant affecté la plomberie de Madame [R], transmises par celles-ci et annexées au rapport d’expertise, en date des 14 mars 2012, 29 août 2017, 28 mars 2018, 9 mai 2018, 12 novembre 2018, 29 mars 2021 et 1er avril 2021, qui montrent donc des réparations intervenues au fil des années et, partant, le caractère discontinu de ces dysfonctionnements.
Ensuite, la description des désordres donnée dans l’expertise ne s’est pas faite uniquement par rapport aux dires de Madame [R] mais également par rapport au contenu des factures précitées.
De surcroît, dans un courrier en date du 10 octobre 2021 adressé à Madame [R] par sa locataire pour l’informer de son départ du logement sans respect du préavis, ladite locataire mentionne notamment les graves problèmes d’évacuation affectant le logement ainsi que le refoulement des eaux usées contenant des matières fécales dans le bac de douche, la locataire joignant la photo correspondante pour témoigner de ce refoulement, photo qui est produite avec la lettre dans le cadre de la présente procédure et qui montre effectivement le bac de douche contenant de l’eau dans lequel stagne beaucoup de matière, de couleur noire sur la photo, et un déboucheur de canalisation à ventouse.
Ainsi, eu égard au rapport, aux factures et à ce courrier avec photo, Madame [R] a subi des refoulements d’eaux usées chargées de matières fécales dans les WC, la douche et l’évier, un risque sanitaire généré par le fait que les appareils sanitaires affectés à la toilette et au nettoyage des ustensiles dédiés à la nourriture sont souillés par des matières potentiellement porteuses de germes, des pannes du WC et une impossibilité d’utiliser les appareils sanitaires jusqu’à l’intervention d’un professionnel pour déboucher les canalisations obstruées, l’expert soulignant le caractère inutilisable de l’appartement tant que l’intervention du professionnel n’a pas eu lieu.
Sur la cause de ces désordres, il ressort du rapport d’expertise qu’ils sont dus à des malfaçons dans la mise en œuvre des installations, à savoir le rejet des effluents de plusieurs WC avec broyeur dans une même canalisation, d’autant plus qu’elle sert à l’évacuation gravitaire d’autres appareils sanitaires, le rejet d’évacuations d’eaux usées et/ou eaux vannes dans une descente d’eaux pluviales, ce qui n’est conforme ni au DTU 60.1 ni au règlement départemental type, et la pente du réseau d’évacuation enterrée d’une valeur inférieure à 1 cm/m.
Il est à souligner qu’il ne peut être reproché à l’expert de ne pas avoir vérifié visuellement l’implantation des réseaux d’évacuation.
En effet, les réseaux étant encastrés dans le sol, une telle vérification aurait impliqué de démolir une partie du sol de l’appartement, ce qui aurait été en l’occurrence disproportionné tant au regard de l’atteinte causée au studio que du coût de cette atteinte (démolition du sol pour mettre à nu l’ensemble des canalisations encastrées puis réfection du sol). L’expert a également précisé qu’il n’a pas pu recourir à une caméra endoscopique eu égard au faible diamètre des canalisations de raccordement empêchant l’inspection par caméra.
L’expert a néanmoins pu établir un schéma du cheminement supposé des canalisations afin de montrer le principe d’évacuation. Il a pu aussi déterminer que la pente du réseau d’évacuation enterrée est d’une valeur inférieure à 1 cm/m.
A propos de cette pente, l’expert n’avait pas à vérifier l’existence d’une évacuation rectiligne puisque, s’il indique qu’une pente d’une valeur de 1 cm/m est acceptable en cas de parcours parfaitement rectiligne, il précise clairement que cela n’est possible que pour un réseau aérien, mais que cela est complètement inenvisageable pour un réseau encastré, ce qui est le cas du réseau litigieux.
Sur le caractère décennal des désordres, celui-ci n’est pas contesté par la défenderesse (page 4 des dernières conclusions de la SCI WALDORF), et il ne saurait l’être dès lors que lesdits désordres, de par leur nature, empêchent l’utilisation des appareils sanitaires ainsi que, par voie de conséquence, l’usage du bien immobilier conformément à sa destination, à savoir l’habitation, ce qui constitue une impropriété à destination.
Sur la responsabilité, les travaux de rénovation et de division de l’appartement initial ont été confiés par la SCI WALDORF à la société BOUKHARI, qui a en particulier réalisé des travaux de plomberie. Postérieurement à ces travaux, le lot n° 28 issu de la division de l’appartement d’origine a été vendu par la SCI WALDORF à Madame [R].
Suivant la facture de cette société du 20 juin 2011, ces travaux de plomberie incluaient les « raccords de plomberie ».
Ainsi, les causes des désordres explicitées plus haut sont imputables aux travaux de la société BOUKHARI engagée par la société WALDORF.
Il est à préciser qu’au sujet du raccordement des canalisations d’évacuation à la descente d’eaux pluviales, ainsi que le relève à juste titre l’expert judiciaire dans sa réponse au dire de la SCI WALDORF, quand bien même la société BOUKHARI se serait servie d’un raccordement déjà existant sur la colonne d’eaux pluviales, il n’en demeure pas moins que maintenir une non-conformité engage, au même titre que la création de ladite non-conformité, la responsabilité du ou des constructeurs de l’ouvrage.
A cet égard, s’il est constant que la société BOUKHARI a été liquidée judiciairement, il n’en reste pas moins que la responsabilité décennale de la SCI WALDORF est engagée en ce qu’en vertu de l’article 1792-1 précité, elle est un constructeur pour avoir vendu à Madame [R], après son achèvement, le lot n° 28 issu des travaux de rénovation et de division qu’elle a fait réalisés.
Par conséquent, au regard de ce qui précède, la responsabilité décennale de la société WALDORF est engagée au titre des désordres ayant affecté l’appartement appartenant à Madame [R].
Sur les préjudices, si les raccordements et la pente avaient été correctement exécutés, il n’y aurait pas eu de canalisations obstruées ni de dysfonctionnements du sanibroyeur et donc pas de désordres.
Par conséquent, Madame [R] est fondée à solliciter l’indemnisation par la SCI WALDORF des frais de réfection qu’elle a engagées depuis 2012, y compris ceux relatifs au remplacement du sanibroyeur en 2017, soit une somme totale de 1871,34 euros TTC.
Concernant les travaux de reprise préconisés par l’expert, il est question de travaux sur les parties privatives de Madame [R] qui vont affecter les parties communes de l’immeuble. Il s’agit donc de travaux en totalité aux frais de cette dernière pour lesquels il lui appartient de demander l’autorisation à l’assemblée générale des copropriétaires (article 25, b), de la loi du 10 juillet 1965).
Le moyen de la SCI WALDORF suivant lequel la partie des travaux de reprise relative aux parties communes relève de la seule compétence du syndicat des copropriétaires est donc à écarter.
Pour le changement du sanibroyeur inclus dans les travaux de reprise, l’expert judiciaire a mentionné, dans sa réponse au dire de la SCI WALDORF, les raisons pour lesquelles le remplacement du sanibroyeur s’impose, à savoir :
« - Il y a un important doute sur sa fiabilité compte tenu des contraintes subies lors des différentes séquences d’obturation des réseaux.
- La solution technique retenue avec passage en plafond impose d’avoir un sanibroyeur avec une capacité de relevage plus importante que celle de celui qui est en place. »
Il s’agit là de raisons valables justifiant le remplacement du sanibroyeur. Il y a donc lieu de procéder à son remplacement contrairement à ce que soutient la SCI WALDORF.
En conséquence, pour les travaux de reprise, la SCI WALDORF doit à Madame [R] la somme de 15 871,08 euros TTC.
Au sujet de la perte de loyer pendant les travaux évaluée à 560 euros par l’expert, la demanderesse réclamant par ailleurs une indemnisation distincte au titre du préjudice locatif, dans lequel est incluse la période de réalisation des travaux, cette perte de loyer ne peut, contrairement à ce que réclame la demanderesse, être comprise dans l’indemnisation des frais de réparation antérieurement engagés et du coût des travaux de reprise, ce puisqu’un même préjudice ne peut être indemnisé deux fois.
Par conséquent, compte tenu de ces développements, la SCI WALDORF devra la somme de 1871,34 euros TTC au titre des frais de réparation antérieurement engagés par Madame [R] et celle de 15 871,08 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise, soit la somme totale de 17 742,42 euros TTC.
La SCI WALDORF sera condamnée au versement de ces sommes.
Par voie de conséquence, il sera ordonné le versement à Madame [R] de la somme de 12 800 euros mise actuellement sous séquestre en l’étude ARMANET-GAMBIEZ, somme qui a été prélevée sur le prix de vente d’un bien de la SCI WALDORF sur lequel la demanderesse bénéficiait d’une hypothèque judiciaire provisoire, qu’elle a acceptée de lever pour que la défenderesse puisse vendre ce bien avec placement sous séquestre de 12 800 euros issu du prix de vente correspondant au montant que la sûreté garantissait.
Cette somme de 12 800 euros viendra s’imputer sur celle de 17 742,42 euros TTC due par la SCI WALDORF et cette dernière sera condamnée à payer le solde, soit la somme de 4942,42 euros TTC.
Par ailleurs, s’agissant du préjudice locatif, il a été exposé que les désordres, de par leur nature, empêchent l’utilisation des appareils sanitaires ainsi que, partant, l’usage du bien immobilier conformément à sa destination, à savoir l’habitation.
Il en résulte que Madame [R] a subi un préjudice locatif.
Pour la période pendant laquelle ce préjudice a été subi, il convient de retenir celle invoquée par la demanderesse, à savoir du départ de sa dernière locataire le 10 octobre 2021 jusqu’à l’achèvement des travaux de reprise qu’elle indique avoir finalement fait réaliser. Madame [R] mentionne que la date d’achèvement est le 30 juin 2022. Elle ne fournit pas de facture, mais le préjudice est indéniable et la période d’indemnisation est limitée, ce qui est favorable à la défenderesse.
En conséquence, la SCI WALDORF sera condamnée à verser à Madame [R] la somme de 560 euros (le montant du loyer, charges incluses, auquel le studio a été loué à la dernière locataire (pièce 21 demanderesse)) x 8,66 = 4849,60 euros.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La SCI WALDORF, qui succombe, sera condamnée aux dépens, distraits au profit de Maître Baptiste BEAUCOURT de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS.
La SCI WALDORF, tenue des dépens, sera également condamnée à verser à Madame [R] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La SCI WALDORF sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur l’exécution provisoire
En vertu de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019 et applicable à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.
L’article 514-1 du même code énonce :
« Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. »
En l’espèce, aucun élément du dossier ne justifie d’écarter l’exécution provisoire de droit.
Elle ne sera donc pas écartée.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant à juge unique, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DEBOUTE la SCI WALDORF de sa demande de nullité du rapport d’expertise judiciaire ;
CONDAMNE la SCI WALDORF à verser à Madame [P] [R] la somme de 1871,34 euros TTC au titre des frais de réparation antérieurement engagés par la demanderesse et la somme de 15 871,08 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise, soit une somme totale de 17 742,42 euros TTC ;
ORDONNE le versement à Madame [P] [R] de la somme de 12 800 euros mise actuellement sous séquestre en l’étude ARMANET-GAMBIEZ, notaires à [Localité 5] ;
DIT que cette somme viendra s’imputer sur celle de 17 742,42 euros TTC que la SCI WALDORF doit verser à Madame [P] [R] ;
CONDAMNE la SCI WALDORF à verser à Madame [P] [R] la somme de 4942,42 euros TTC au titre du solde restant dû après imputation ;
CONDAMNE la SCI WALDORF à verser à Madame [P] [R] la somme de 4849,60 euros au titre du préjudice locatif ;
CONDAMNE la SCI WALDORF aux dépens, distraits au profit de Maître Baptiste BEAUCOURT de la SELARL SAINT-EXUPERY AVOCATS ;
CONDAMNE la SCI WALDORF à verser à Madame [P] [R] la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la SCI WALDORF de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
DIT n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit assortissant le présent jugement.
En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, François LE CLEC’H, et le Greffier, Jessica BOSCO BUFFART.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT