MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU : 02 Août 2024
MAGISTRAT : Sidonie DESSART
GREFFIER : Anastasia FEDIOUN
DÉBATS : tenus en audience publique le 02 Juillet 2024
PRONONCE : jugement rendu le 02 Août 2024 par le même magistrat
AFFAIRE : Monsieur [F] [T] [V]
C/ S.A. ERILIA
NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/02914 - N° Portalis DB2H-W-B7I-ZHOX
DEMANDEUR
M. [F] [T] [V]
[Adresse 7]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Mehdi CHEBEL, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro N-69123-2024-001824 du 09/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
DEFENDERESSE
S.A. ERILIA (R.C.S. Marseille 058 811 670)
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Fabienne DE FILIPPIS, avocat au barreau de LYON
NOTIFICATION LE :
- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Me Mehdi CHEBEL - 1509, Me Fabienne DE FILIPPIS - 218
- Une copie à l’huissier poursuivant : SARL MVD LYON ([Localité 6])
- Une copie au dossier
EXPOSE DU LITIGE
Par jugement contradictoire en date du 4 février 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON a notamment :
- condamné solidairement [D] [Z] et [F] [T] [V] à payer à la SA ERILIA la somme de 2.912,80 € correspondant au montant des loyers et charges dus jusqu'au mois de novembre 2021 inclus selon état de créance du 16 décembre 2021, et les intérêts au taux légal à compter de la décision ;
- constaté qu'est encourue la résiliation du bail conclu entre les parties sur les locaux à usage d'habitation sis [Adresse 2] à [Localité 8] ;
- autorisé d'office [D] [Z] et [F] [T] [V] à s'acquitter de la dette locative par mensualités de 80 €, la première mensualité étant exigible au plus tard le dernier jour du mois suivant celui de la notification du jugement, les échéances ultérieures au plus tard le dernier jour de chaque mois suivant, et la 36ème mensualité correspondant au solde de la dette ;
- dit que, pendant ces délais ainsi accordés, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus ;
- dit que si [D] [Z] et [F] [T] [V] règlent leur dette conformément aux délais accordés et s'acquittent du loyer courant pendant le cours de ces délais, la clause de résiliation de plein droit sera réputée ne pas avoir joué et le bail se poursuivra ;
- en revanche, si [D] [Z] et [F] [T] [V] ne règlent pas leur dette conformément aux délais accordés ou ne paient pas le loyer pendant le cours de ces délais ;
dit que la clause résolutoire reprendra son plein effet et que le bail sera résilié à compter du 23 mai 2021 huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée de mise en demeure restée infructueuse ;autorisé la SA ERILIA à faire procéder à l'expulsion de [D] [Z] et [F] [T] [V], tant de leur personne que de leurs biens, ainsi que de celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec l'assistance de la force publique, deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux ;condamné solidairement [F] [T] [V] à payer à la SA ERILIA à compter de la date de résiliation jusqu'à la libération effective des lieux, une indemnité d'occupation équivalente au montant du loyer et des charges qui auraient été dus en l'absence de cessation du bail.
Cette décision a été signifiée le 18 février 2022 à [F] [T] [V] et [D] [Z].
Le 6 octobre 2023, un commandement de quitter les lieux a été délivré à [D] [Z] et [F] [T] [V] à la requête de la SA ERILIA.
Par requête datée du mois d’octobre 2023 reçue au greffe le 13 octobre 2023, [F] [T] [V] a saisi le juge de l'exécution de LYON d'une demande de délai pour quitter le logement occupé au [Adresse 2] à [Localité 8]. L'affaire, audiencée sous le n° RG 23/08178 et appelée aux audiences des 19 décembre 2023, 30 janvier et 13 février 2024, a été radiée le 13 février 2024.
Le 3 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a fait droit à la demande d'aide juridictionnelle totale de [F] [T] [V].
A la demande de [F] [T] [V], l'affaire a été rétablie sous le n° RG 24/02914 et a été évoquée à l'audience du 2 juillet 2024.
A l'audience, chacune des parties, représentées par un conseil, a exposé oralement ses demandes sur le fondement de ses dernières conclusions visées à l'audience auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample rappel de ses demandes et moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 2 août 2024, date à laquelle elle a été rendue par mise à disposition au greffe.
EXPOSE DES MOTIFS
Au préalable, il convient de rappeler qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes tendant à une constatation, même lorsqu'elles sont libellées sous la forme d'une demande tendant à voir notamment " dire que " ou " juger que " ou " dire et juger que ", formées dans les écritures des parties, dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4 et 5 du code de procédure civile mais recèlent en réalité les moyens des parties.
Sur la demande de nullité du commandement de quitter les lieux
Aux termes de l'article L 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, sauf disposition spéciale, l'expulsion ou l'évacuation d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux.
[F] [T] [V] conclut à la nullité du commandement de quitter les lieux en faisant valoir l'annulation de la mise en demeure préalable en raison :
- du plan de surendettement
- de l'irrégularité de cette mise en demeure, pour être insuffisamment précise, et de l'absence d'un titre ayant force exécutoire.
Ces moyens, pour contester la validité du commandement de quitter les lieux délivré et par là-même la procédure d'expulsion, ne constitue pas une fin de non-recevoir au sens de l'article 112 du code de procédure civile mais un moyen au fond. Il s'ensuit qu'il y a lieu de rejeter la demande de la SA ERILIA aux fins de voir déclarer irrecevable la nullité tirée du commandement de quitter les lieux, pour ne pas avoir été soulevée in limine litis, et d'examiner successivement les deux moyens excipés par [F] [T] [V].
En l'espèce, il résulte du jugement du 4 février 2022 rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON :
- que, faute pour [F] [T] [V] et [D] [Z] de payer une des mensualités fixées par la décision à hauteur de 80 € par mois ou les loyers courants à leur date d'exigibilité pendant les délais impartis tels que rappelés ci-dessus, la clause résolutoire serait acquise à compter du 23 mai 2021 huit jours après l'envoi d'une lettre recommandée de mise en demeure restée infructueuse ;
- et qu'il pourrait être procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef avec l'aide, si nécessaire, de la force publique.
Ainsi, le jugement précité ne constitue un titre exécutoire pouvant fonder une mesure d'expulsion de [F] [T] [V] et [D] [Z] et de tous occupants de leur chef qu'à la condition que les délais de paiement tels que fixés n'aient pas été respectés.
Or il ressort de l'analyse des pièces versées aux débats que :
- par décision du 27 mai 2022, la commission de surendettement des particuliers du RHONE a validé les mesures imposées - non contestées - à l'égard de [F] [T] [V] intégrant la dette du bailleur de 2.912,80 € (telle que visée dans le jugement contradictoire du 4 février 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON) et a fixé la mensualité de remboursement à hauteur de 290 €, dont la somme de 264,80 € au bénéfice du bailleur due au titre du 1er palier sur 11 mois ;
- cette décision précise d'une part que ces mesures " entrent en application le 27 mai 2022 et à défaut, au plus tard, le dernier jour du mois suivant le 27 mai 2022 " et d'autre part
que " si les mesures consistent en un report de l'ensemble des dettes, elles ne suspendent en aucun cas le paiement du loyer et des charges. Dans un délai maximum de 3 mois après la fin du report, le locataire doit de nouveau saisir la commission pour que ce report soit prolongé jusqu'à ce que la commission impose une mesure définitive. A défaut, le bail est automatiquement résilié et le bailleur peut reprendre l'exécution de la procédure d'expulsion " ;
- par courrier du 18 septembre 2023 reçu le 26 septembre 2023, la SA ERILIA a mis en demeure [F] [T] [V], visant le jugement du 4 février 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON signifié le 18 février 2022, de payer " l'ensemble des mensualités dues dans un délai de huit jours ", en se référant au décompte joint du 5 septembre 2023 indiquant un solde débiteur de 6.021,28 € dû sur la période du 14 août 2028 (date d'entrée dans les lieux) au 5 septembre 2023 ;
- sur la période du 30 mai 2022 au 30 avril 2023 sur laquelle les mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers du RHONE couraient pour apurer la dette locative, au vu du décompte locatif au 5 septembre 2023, [F] [T] [V] a réglé les sommes de 4.062,32 €, alors qu'il était tenu au règlement d'une part des loyers et charges sur cette période à hauteur de 5.911,51 € et d'autre part des mensualités de remboursement à hauteur de 2.912,80 € ;
- sur cette période [F] [T] [V], n'a donc pas honoré le règlement des loyers et charges ainsi que des mensualités de remboursement imposées, et ce pour une somme globale de 4.761,99 €.
Il s'ensuit que c'est à bon droit, alors que les mesures édictées par la commission de surendettement des particuliers du RHONE concernant la dette locative vis-à-vis du bailleur arrivaient à échéance le 30 avril 2023, que la SA ERILIA a adressé la mise en demeure du 18 septembre 2023. Cette mise en demeure, pour indiquer " selon le décompte joint à ce courrier en date du 05.09.2023 et communiqué par votre bailleur, la SA ERILIA, inscrite au registre du commerce et des sociétés de MARSEILLE sous le numéro 058 811 670 dont le siège social est situé [Adresse 4]), il s'avère que les délais de paiement prévus par le jugement susvisé ne sont pas respectés ", et être accompagnée du relevé de compte locatif clair et détaillé au 5 septembre 2023, constitue une interpellation ferme et précise suffisante de régler les sommes dues dont elle rappelait le détail.
S'il n'est pas contesté que ce relevé de compte locatif au 5 septembre 2023 n'intègre pas à tort le règlement effectué par [F] [T] [V] de 995 € versée en mars 2022, lequel a été pris en compte le 1er janvier 2024 par le bailleur dans ses décomptes, et devrait donc indiquer un solde débiteur d'un montant de 5.026,28 €, et non de 6.021,28 €, cette seule erreur, alors que [F] [T] [X] était en mesure de la rectifier et de connaitre le montant de la somme ainsi due après déduction de ce versement, ne saurait suffire à entacher la régularité de cette mise en demeure.
En outre, alors que la décision du 27 mai 2022 de la commission de surendettement des particuliers du RHONE ayant validé les mesures imposées rappelle bien d'une part que " ces nouveaux délais et modalités de paiement remplacent ceux précédemment accordés par le juge " et d'autre part que " si les mesures consistent en un report de l'ensemble des dettes, elles ne suspendent en aucun cas le paiement du loyer et des charges. Dans un délai maximum de 3 mois après la fin du report, le locataire doit de nouveau saisir la commission pour que ce report soit prolongé jusqu'à ce que la commission impose une mesure définitive. A défaut, le bail est automatiquement résilié et le bailleur peut reprendre l'exécution de la procédure d'expulsion ", le moyen soulevé par [F] [T] [V] pour contester le titre exécutoire tiré du fait que les délais de grâce octroyés par le jugement du 4 février 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON " sont toujours en vigueur et (…) n'ont pas été régulièrement dénoncés " est inopérant.
En revanche, sans que le bailleur ne fournisse d'explications plausibles et de justificatifs probants sur ce point, le décompte locatif du 5 septembre 2023 joint à la mise en demeure vise
une dette locative due au 15 décembre 2021 de 3.900,69 €, mois de novembre 2021 inclus, alors que le jugement du 4 février 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON a condamné au paiement la somme de 2.912,80 € correspondant au montant des loyers et charges dus jusqu'au mois de novembre 2021 inclus selon état de créance du 16 décembre 2021, sans que le règlement de 955 € de mars 2022 ne soit pris en compte tant dans le décompte joint à la mise en demeure que dans le jugement. Force est de constater que le décompte locatif du 5 septembre 2023 joint à la mise en demeure ne comporte aucune écriture postérieure au 15 décembre 2021 permettant de régulariser et d'expliquer cette différence de 987,89 € avec la créance retenue dans le titre exécutoire, mois de novembre 2021 inclus, selon état de créance du 16 décembre 2021. Cette incohérence du montant de la dette locative due au 5 septembre 2023, en discordance avec le montant de la créance retenue mois de novembre 2021 dans le titre exécutoire, pour priver [F] [T] [V] de la possibilité de connaitre le montant exact de la dette locative restant à payer qu'il est mis en demeure de régler sous 8 jours, lui cause grief.
Dès lors, force est de constater que la SA ERILIA, faute de justifier de l'envoi d'une lettre recommandée de mise en demeure valable restée infructueuse, ne pouvait pas faire délivrer un commandement de quitter les lieux le 6 octobre 2023.
En conséquence, il convient de prononcer la nullité du commandement de quitter les lieux délivré le 6 octobre 2023.
Sur les demandes accessoires
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
La SA ERILIA, qui succombe, sera condamnée à supporter les dépens.
Aux termes des deux premiers alinéas de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou qui perd son procès, et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à payer à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, partielle ou totale, une somme qu'il détermine et qui ne saurait être inférieure à la part contributive de l'Etat majorée de 50 %, au titre des honoraires et frais non compris dans les dépens que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. Si l'avocat du bénéficiaire de l'aide recouvre cette somme, il renonce à percevoir la part contributive de l'Etat. S'il n'en recouvre qu'une partie, la fraction recouvrée vient en déduction de la part contributive de l'Etat.
Supportant les dépens, la SA ERILIA sera condamnée à payer à Maître Mehdi CHEBEL, avocat du défendeur bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 800 € au titre de l'article 37 précité. Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l'exécution, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
Prononce la nullité du commandement de quitter les lieux du 6 octobre 2023 délivré à l'encontre de [D] [Z] et [F] [T] [V] à la requête de la SA ERILIA ;
Rejette la demande formée par la SA ERILIA au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamne la SA ERILIA à payer à Maître Mehdi CHEBEL, avocat de [F] [T] [V] bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, la somme de 800 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Condamne la SA ERILIA aux dépens de l'instance ;
Rappelle le caractère exécutoire par provision de plein droit de la présente décision, par application des dispositions de l'article R 121-21 du code des procédures civiles d'exécution ;
En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.
La greffière, La juge de l’exécution,