La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2024 | FRANCE | N°21/02999

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 d, 16 juillet 2024, 21/02999


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 21/02999 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V2TT

Jugement du 16 Juillet 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
la SELARL CABINET BENOIT FAVRE - 2192
Me Assia GHEZALI - 636






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 Juillet 2024, délibéré prorogé du 02 Juillet

2024, devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 26 Juin 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 02 Avril 224 ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 21/02999 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V2TT

Jugement du 16 Juillet 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
la SELARL CABINET BENOIT FAVRE - 2192
Me Assia GHEZALI - 636

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 Juillet 2024, délibéré prorogé du 02 Juillet 2024, devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 26 Juin 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 02 Avril 224 devant :

Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Patricia BRUNON, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [I]
né le 18 Juillet 1974 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Benoit FAVRE de la SELARL CABINET BENOIT FAVRE, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS

S.E.L.A.R.L. MJ SYNERGIE MANDATAIRE JUDICIAIRES, ès qualtiés de liquidateur judiciaire de la SASU RH ENERGIE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

défaillant

S.A.S.U. RH ENERGIE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Assia GHEZALI, avocat au barreau de LYON

S.A.S.U. GROUPE RH CONSTRUCTION,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Assia GHEZALI, avocat au barreau de LYON

Monsieur [R] [Y]
né le 15 Octobre 1983 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Assia GHEZALI, avocat au barreau de LYON

Selon devis accepté le 22 juin 2018, Monsieur [Z] [I] a fait rénover sa maison sise à [Localité 6] (69), [Adresse 2] ou [Adresse 9], par la société RENOV HABITATS, dirigée par Monsieur [R] [Y], moyennant un prix de 178.531,50€ TTC, payable en deux tranches de 71.412,60€, une tranche de 23.804,20€ et un solde en fin de chantier de 11.902,10€.

Le 1er acompte de 40% a été payé en trois virements de 23.804,20 € les 28 septembre et 4 et 5 octobre 2018.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 5 février 2019, la société RENOV HABITATS a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL JEROME ALLAIS a été désignée comme liquidateur.

Deux paiements de 23.804,20€ sont intervenus encore les 25 et 28 mai 2019 vers un compte bancaire ouvert en Grande-Bretagne au nom d'une société GROUPE RH CONSTRUCTION, sur la foi d'une facture pour le 2ème acompte de 71.412,60€, en date du 16 mai 2019 et établie au nom de la société RENOV HABITATS.

Les 15 juillet 2019, la société RENOV HABITATS a réclamé une somme de 23.804,20 € au titre du 3ème versement du 2ème acompte.

Un paiement de 6000€ a été effectué le 17 juillet 2019.

Le 16 septembre 2019, une société RH ENERGIE dont l'objet social est le commerce d'énergie et qui est dirigée également par Monsieur [R] [Y], a réclamé le paiement de la même somme de 23.804,20€, diminuée du montant de 6000€.

Les paiements de 11.500€ et 6304€ sont intervenus les 20 et 25 septembre 2019, totalisant ainsi 23.804,20€ avec celui du 17 juillet.

Le 13 mars 2020, c’est une nouvelle société, GROUPE RH CONSTRUCTION, qui a émis une facture de 23.804,20€ correspondant au 3ème acompte.

Le 5 mai 2020, Monsieur [I] a fait constater par un commissaire de justice l’état d'avancement du chantier et les malfaçons observées.

Par courriel du 7 août 2020, la société GROUPE RH CONSTRUCTION s’est déclarée prête à reprendre le chantier dès le paiement du 3ème acompte.

Par courrier recommandé du 24 septembre 2020, dont la copie a été remise par huissier le 27 octobre, Monsieur [I] a mis en demeure la société RH ENERGIE de finir le chantier dans le délai d'un mois, faisant notamment valoir un devis de reprise des malfaçons et d’achèvement du chantier d'un montant de 175.531,39€ TTC.

Par courrier recommandé du 7 décembre 2020 et signification du 23 décembre 2020, Monsieur [I] a fait connaître à la société RH ENERGIE sa décision de résiliation du marché.

Le 10 mars 2021, Monsieur [I] a fait dresser un nouveau constat de commissaire de justice sur l'état du chantier pour montrer qu'il n'avait pas évolué.

Par exploit du 7 mai 2021, Monsieur [I] a donné assignation à Monsieur [R] [Y], à la société RH ENERGIE et à la société GROUPE RH CONSTRUCTION, représentée également par Monsieur [R] [Y] en vue de l'indemnisation de ses préjudices.

Par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 22 juin 2022, la société RH ENERGIE a été placée en liquidation judiciaire et la SELARL MJ SYNERGIE a été nommée comme liquidateur.

Le 9 août 2022, Monsieur [I] a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la société RH ENERGIE pour la somme de 54.523 € au titre de sa perte financière, 15.000€ de dommages et intérêts, 10.000€ de préjudice moral, 10.000 € de frais de procédure et 1500€ euros de dépens.

Par ordonnance du 29 août 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les prétentions dirigées contre la société GROUPE RH CONSTRUCTION qui n'a été constituée que le 21 octobre 2020, postérieurement aux faits.

Par exploit du 16 mars 2023, Monsieur [I] a appelé en cause la SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de liquidateur de la société RH ENERGIE, et, par ordonnance du 24 avril 2023, la procédure a été jointe à la première.

Par ordonnance du 26 juin 2023, le juge de la mise en état a clôturé la procédure et l'affaire a été fixée à l'audience du 2 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Aux termes de ses conclusions notifiées le 23 novembre 2022, Monsieur [I] demande qu’il plaise au tribunal :
Vu les articles 1217, 1224 et 1226 du Code civil ;
Vu l'article 1240 du Code civil à l'égard de M [Y] ;
Vu l'article L 132-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
DEBOUTER les défendeurs de l'intégralité de leurs demandes
FIXER la créance de Monsieur [I] au passif de la société RH ENERGIE placée en liquidation judiciaire depuis le 1er juillet 2022 pour une somme de 133.859 euros
CONDAMNER in solidum RH ENERGIE et Monsieur [R] [Y] à payer à monsieur [I] la somme de 59.859 euros au titre du préjudice financier subi
CONDAMNER in solidum RH ENERGIE et Monsieur [R] [Y] à payer à monsieur [I] la somme de 54.000 euros arrêtée au 11 mai 2022 au titre du préjudice de jouissance subi
CONDAMNER in solidum RH ENERGIE et Monsieur [R] [Y] à payer à monsieur [I] la somme de 20.000 euros pour résistance abusive
DIRE que ces condamnations à paiement le seront sous astreinte de la somme de 100 euros par jour de retard commençant à courir 1 mois après signification de la décision à intervenir
CONDAMNER in solidum RH ENERGIE et Monsieur [R] [Y] à payer à monsieur [I] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles de l'instance au fond, en ce compris les frais d'huissier pour établir les constats et notifier les mises en demeure non réclamées ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance distraits au profit du cabinet Benoit Favre suivant application de l'article 699 du code de procédure civile
DIRE ET JUGER n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [I] fait valoir :
que l'inexécution contractuelle découle de l'arrêt d'un chantier inachevé et des malfaçonsqu'il a dû vendre le 11 mai 2022 sa maison qu'il ne pouvait pas habiter pour financer le prêt en cours, le conduisant à subir une perte financière nette de 59.859€, représentant la différence entre l’investissement dans la maison et le prix de revente, outre les loyers payés entre le 15 janvier 2020 et le 11 mai 2022qu’il existe en sus un préjudice de jouissance de sa maison à hauteur de 2000€ par mois à compter du 15 janvier 2020 au 11 mai 2022que les manoeuvres et fautes personnelles de Monsieur [Y] justifient une demande d'indemnité de 20.000 € pour résistance abusiveque le caractère volontaire et grave de la faute commise par ce dernier dans l'inexécution du chantier, ainsi que la confusion des patrimoines et des activités des sociétés dont il était le gérant justifient qu'il soit personnellement condamné aux sommes précédentes.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 juin 2023, la société RH ENERGIE, « prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège », et Monsieur [Y] demandent qu’il plaise :
Vu l’article 1226 du code civil,
Vu l’article et 700 du code de procédure civile,
Dire et juger que la société RH ENERGIE n’a pas failli à son obligation contractuelle
Par conséquent :
• constater que la résolution unilatérale du contrat n’est pas fondée ;
• débouter Monsieur [I] de l’ensemble de ses demandes.
A TITRE RECONVENTIONNEL
• Dire et juger que le contrat qui lie les société RH ENERGIE à Monsieur [I] fera l’objet d’une exécution forcée ;
• Condamner Monsieur [I] au paiement de la somme de 20000 euros aux sociétés défenderesses au titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral subi
CONDAMNER Monsieur [I] au paiement de la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER Monsieur [I] aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, la société RH ENERGIE et Monsieur [Y] font valoir :
que le confinement national a justifié une cessation d'activité le 17 mars 2020, notifiée par courriel du 19 mars que c’est le comportement de Monsieur [I] en mars et avril 2020 qui a contribué à l’arrêt de chantierque les travaux ont été suspendus le 24 avril 2020 faute de paiement de la dernière facture malgré un courriel d'avertissement du 17 avrilque l’absence de manquement de la société RH ENERGIE à ses obligations justifie l'exécution forcée du contrat et l'octroi de 20.000€ de dommages et intérêts.
La SELARL MJ SYNERGIE, ès qualités de liquidateur de la société RH ENERGIE, n'a pas constitué avocat.

MOTIFS

Il n’est pas contesté que la société RH ENERGIE, immatriculée le 3 novembre 2017, vient, dans cette affaire, aux droits de la société RENOV HABITATS, immatriculée le 2 juillet 2015 et placée en liquidation judiciaire le 5 février 2019.

La résolution du contrat par Monsieur [I]
Il ressort de l’article 1224 du code civil que la résolution résulte, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur.

Il résulte de l’article 1226 du code civil que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

L’article 1229 du code civil dispose que la résolution est qualifiée de résiliation quand les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l’exécution réciproque du contrat et qu’il n’y a alors pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n’ayant pas reçu sa contrepartie.

L’article 1217 du code civil permet à la partie envers laquelle un engagement a été imparfaitement exécuté de refuser d’exécuter ou de suspendre l’exécution de sa propre obligation.

Le marché du 22 juin 2018 prévoit une date de démarrage de travaux le 10 septembre 2018 et une estimation de durée des travaux de 6 à 8 mois. Monsieur [I] se réclame d’un courriel de RENOV HABITAT en date du 8 novembre 2019, dont l’auteur « espère finir le chantier fin décembre maximum le 15 janvier », en y voyant un engagement de la société pour un achèvement le 15 janvier 2020. Par courrier recommandé du 24 septembre 2020, Monsieur [I] a mis en demeure la société RH ENERGIE de finir le chantier dans le délai d’un mois, à peine de résiliation et de paiement d’une somme de 163.629,40€ TTC (coût devisé de la reprise et de l’achèvement du chantier de 175.531,39€, diminué du solde du prix de 11.902,10€). Le courrier recommandé envoyé par Monsieur [I] le 7 décembre 2020 constitue la notification de la « résiliation du marché, avec effet immédiat » et une « demande d’indemnisation de son entier préjudice » de 163.629,40€ TTC, augmenté d’un préjudice de jouissance de 50.000€. Il convient d’examiner si cette résiliation du contrat était légalement justifiée au regard de la gravité de l’inexécution par RH ENERGIE de ses obligations.

Le procès-verbal de constat du 5 mai 2020 réalisé sur demande de Monsieur [I] fait état d’un rez-de-chaussée sans finition, encombré d’étais et de débris, de cloisons en placoplatre non jointées, de la laine de verre apparente sans plafond, d’une chambre pourvue d’un sol en dalle de béton et dépourvue d’aménagement électrique, d’un bas de cloison laissant apparaître sa structure métallique dans la deuxième chambre, d’un couloir dépourvu de plafond et pourvu d’un sol d’origine, d’un plancher haut de la troisième chambre réduit à deux poutrelles, d’un escalier intérieur en parois d’origine ou en béton apparent, au 1er étage, d’une découpe dans le doublage de la toiture et le mur de la cuisine sans pose de fenêtre, d’une isolation incomplète du salon, d’un espace apparaissant à usage de terrasse, prolongeant le séjour et la cuisine sans séparation, entouré de surfaces très irrégulières, surmonté du toit ancien infiltré et garni d’un stock de moellons et ouvert sur la rue, d’une ouverture de fenêtre partiellement réalisée, d’une salle de bains dépourvue d’huisserie de fenêtre, au 2ème étage dépourvu d’escalier, de deux chambres partiellement cloisonnées et dépourvues d’huisserie de fenêtre, dont l’une est pourvue d’une porte s’ouvrant vers le dégagement dont elle heurte une autre porte.

Ce procès-verbal traduit un inachèvement patent des tâches de second œuvre, mais aussi de gros oeuvre, alors que le règlement du prix total a déjà été effectué à hauteur de 80%. Monsieur [Y] et la société RH ENERGIE ne le contestent pas dans son ampleur, pas plus qu’ils ne soutiennent que le chantier a repris après le 5 mai. Ils ne critiquent pas non plus la durée du délai qui leur avait été imparti le 24 septembre 2020 pour terminer le chantier le 7 décembre 2020. Pour justifier leur passivité, ils mettent en cause tout à la fois, d’une part, le confinement sanitaire de 2 mois au printemps 2020 et, d’autre part, l’attitude de Monsieur [I] pour avoir manqué d’honorer un rendez-vous en avril 2020, fourni des plans inutilisables et ne pas avoir réglé le dernier appel de fonds du 13 mars.

La période de confinement ou le manquement d’un rendez-vous ne sauraient contribuer que très partiellement à expliquer le retard de plus d’un an sur la durée estimative des travaux, tandis que le caractère « inutilisable » des plans ne fait l’objet d’aucun développement circonstancié de la part des défenderesses. D’un montant correspondant à 1/7è du prix et aux commandes des trois dernières pages d’un devis qui en comporte 7, à savoir le chauffage, l’électricité, les sanitaires et les portes intérieures, alors que les tâches de plancher, de couverture, de fermeture et de plâtrerie n’étaient pas achevées, le paiement du 3ème acompte intitulé « finition » a été légitimement refusé par Monsieur [I] en application de l’article 1217 du précité.

Il convient en conséquence de juger qu’il existe une inexécution de chantier qui n’est pas imputable à Monsieur [I] et qu’elle est suffisamment grave en raison de sa durée et de son ampleur, au sens de l’article 1224 précité, pour justifier la résiliation du contrat. Les conditions d’une résiliation par la volonté de Monsieur [I] étant ainsi légalement remplies, les défenderesses seront déboutées de leurs prétentions tendant à déclarer la « résolution » infondée et à réclamer l’exécution forcée du contrat.

L’indemnisation de l’achèvement du chantier et de la reprise des malfaçons
Le préjudice matériel de Monsieur [I] réside dans le trop payé eu égard à l’état d’avancement du chantier, ce qui revient à estimer le coût d’achèvement du chantier diminué de la somme retenue sur le devis de la société RH ENERGIE. Faute de recueil par ses soins de l’avis extérieur d’un homme de l’art, le préjudice peut être évalué à partir de deux approches exploitant les données communiquées par ses soins: le montant des devis des entreprises recueillis par ses soins pour terminer le chantier, diminué du prix non versé à l’entreprise défaillante ; le prix payé à l’entreprise défaillante diminué du bénéfice tiré de la revente de la maison intégrant les travaux en cours de réalisation.

Monsieur [I] produit un devis d’électricité en date du 10 juin 2020 pour une somme de 10.529€ et un devis de plomberie en date du 28 août 2020 pour une somme de 16.148€ TTC susceptibles de correspondre, par leur nature et leur montant, aux travaux de finition faisant l’objet du 3ème acompte réclamé par la société RH ENERGIE, mais cet acompte n’a pas été réglé, de sorte qu’il n’en ressort pas de préjudice. Le devis de reprise de la maçonnerie en date du 31 août 2020 pour un montant de 98.111,20€, le devis de reprise de la plâtrerie en date du 17 juin 2020 pour un total de 37.204,97€ et le devis de fenêtres en date du 11 juillet 2020 pour une somme de 13.538,22 € TTC constituent implicitement un chiffrage pour une réfection complète de l’ensemble des travaux, même s’il y manque la couverture. Leur montant total 148.854,39 € TTC est en effet supérieur à la somme des deux acomptes de 71.412,60 € versés à la société RH ENERGIE, soit 142.825,20€, somme dont on sait qu’elle est supérieure à celle des travaux de maçonnerie, plâtrerie et menuiserie réalisés. Dès lors que Monsieur [I] n’explique pas en quoi tous les travaux devraient être refaits en conséquence d’une rupture du marché, cette somme ne saurait être retenue.

Selon la seconde approche, Monsieur [I], en annonçant un prix de revente le 11 mai 2022 de 192.000€ du « tènement immobilier à usage d’habitation à rénover », contre un prix d’acquisition le 20 septembre 2018 de 93.198€ du « tènement immobilier à usage d’habitation », convient que les travaux réalisés ont apporté une plus-value à la maison de 192.000 – 93.198 = 98.802 €. Même si cette somme est à modérer par l’évolution des prix de l’immobilier sur cette période de 4 ans et par une décote du coût des travaux réalisé du fait de leur inachèvement, le préjudice financier à la revente, estimé de cette façon à 142.825,20 – 98.802 = 44.023,20€, apparaît comme étant en adéquation avec le préjudice matériel effectif. C’est la somme qui sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la société RH ENERGIE au titre de l’achèvement des travaux.

L’indemnisation du préjudice financier
Monsieur [I] demande l’indemnisation du préjudice consécutif au retard de chantier, découlant de la nécessité de se loger entretemps selon deux périodes de location, soit 3944 + 1392 €. Il ne fournit cependant aucune pièce au sujet des loyers de 5336€ dont il avance le paiement entre une date de livraison annoncée du 15 janvier 2020 et la date de la vente de son bien le 11 mai 2022. Faute de préjudice démontré, il ne pourra lui être donné satisfaction de ce chef.

Monsieur [I] demande le remboursement de la différence entre le prix d’achat de la maison augmenté du coût des travaux réalisés et du prix de revente, qui est de 54.423 €, perte financière résultant selon lui de l’obligation dans laquelle il s’est trouvé de revendre à cause du retard de chantier, faute de pouvoir financer son achèvement. Selon lui, ses revenus salariaux se limitant à 16.958 € en 2019 lui avaient permis de conclure à l’origine un prêt de 75.823€, mais ne le permettent pas pour le nouveau prêt offert le 2 avril 2021 à hauteur de 169.021€. L’indemnisation de l’achèvement du chantier a déjà constitué toutefois un dédommagement de la perte financière de Monsieur [I]. Le montant du nouveau prêt excède largement le quantum de préjudice retenu à ce titre de 44.023,20€, pour lequel il n’est pas établi que Monsieur [I] n’aurait pas pu accéder à un nouveau prêt, de sorte qu’il n’est pas démontré que la décision de revendre résulte directement de la carence de son constructeur ou d’une faute quelconque de Monsieur [Y]. Aucune indemnité de perte financière ne sera versée à ce titre.

L’indemnisation du préjudice de jouissance
Monsieur [I] estime n’avoir pu jouir normalement de sa maison entre la date d’achèvement annoncée du 15 janvier 2020 et la date de sa revente le 11 mai 2022. Il demande donc la somme de 27 mois x 2000€ à la société RH ENERGIE et à son dirigeant. La partie adverse ne répond pas à la demande.

Dès lors qu’il n’existe pas de date contractuelle ferme d’achèvement, la privation de l’usage de la maison ne saurait compter qu’à partir de la date de résiliation du marché le 7 décembre 2020 pour inexécution, jusqu’à la date où l’achèvement a pu se réaliser. La date de revente le 11 mai 2022 étant antérieure à la date d’achèvement, le préjudice de jouissance a cessé avec la revente qui marque donc le terme de la période de calcul. Faute d’élément particulier produit à l’appui de la réclamation, le préjudice de jouissance sera apprécié à 1000€ par mois pendant 17 mois, soit 17.000€.

L’action dirigée contre Monsieur [Y] n’a pas été interrompue par la mise en liquidation judiciaire de la société dont il était le représentant légal dès lors qu’il n’apparaît pas que la procédure lui a été étendue. L’obstination de Monsieur [Y] à faire dépendre la reprise d’un chantier du paiement d’un acompte qui n’est manifestement pas dû, sans s’en justifier précisément, est un moyen de pression illégitime qui constitue une faute détachable de sa qualité de gérant de société, de nature à justifier sa condamnation personnelle à la somme précédente avec la précision qu’il est tenu in solidum avec la société RH ENERGIE dont la dette sera fixée au passif de la liquidation.

L’indemnisation pour résistance abusive
Monsieur [I] demande la somme de 20.000€ pour résistance abusive de la société RH ENERGIE.

Aucun élément ne laisse penser que celle-ci ou Monsieur [Y] aient fait preuve, dans cette procédure, d’une résistance excédant l’exercice normal des droits de la défense à la suite de l’assignation délivrée le 7 mai 2021. La demande sera rejetée.

La condamnation sous astreinte
Il résulte de l’article L 131-1 du code des procédures civiles d’exécution que tout juge peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision.

Monsieur [I] demande que la condamnation prononcée contre Monsieur [Y] soit assortie d’une astreinte sans pour autant s’en justifier spécialement.

Monsieur [Y] a ouvert successivement trois sociétés dont deux ont fait l’objet d’une liquidation judiciaire. Les deux dernières factures ont été émises au nom d’une société RH CONSTRUCTION disposant d’un compte bancaire ouvert au Royaume Uni, sur lequel Monsieur [I] a effectué deux virements. Monsieur [Y] étant susceptible de disposer d’un compte bancaire dans le même pays, sur lequel les voies de recouvrement forcée d’une condamnation prononcée en France peuvent revêtir une certaine complexité, il convient, pour en garantir l’exécution, d’assortir celle-ci d’une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant après l’expiration du premier mois suivant la signification de la présente décision et ce pendant 4 mois.

Les mesures accessoires
Monsieur [Y] et la société RH ENERGIE qui succombent supporteront les dépens de la procédure, Me Fabre, avocat, étant autorisé à recouvrer directement ceux dont il a fait l’avance.

Ils devront payer in solidum la somme de 3000 € à Monsieur [I] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il n’y a pas de demande tendant à écarter l’exécution provisoire qui est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort :

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société RH ENERGIE la créance de Monsieur [Z] [I] d’un montant de 44.023,20€ au titre de la reprise de l’inexécution partielle de la rénovation de sa maison,

CONDAMNE Monsieur [R] [Y] à payer à Monsieur [I] la somme de 17.000 € en réparation de son préjudice de jouissance de la maison, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard courant après l’expiration du premier mois suivant la signification de la présente décision et ce pendant 4 mois, et la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la société RH ENERGIE la créance de Monsieur [Z] [I] d’un montant de 17.000 € au titre de la réparation de son préjudice de jouissance de la maison et sa créance d’un montant de 3000€ au titre de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, et DIT que ces sommes sont dues in solidum avec Monsieur [R] [Y],

CONDAMNE Monsieur [Y] aux dépens de la procédure, FIXE les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société RH ENERGIE et DIT qu’ils sont dus in solidum avec Monsieur [Y],

REJETTE toute autre demande.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
Patricia BRUNON Delphine SAILLOFEST


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 d
Numéro d'arrêt : 21/02999
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;21.02999 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award