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16/07/2024 | FRANCE | N°19/06628

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 d, 16 juillet 2024, 19/06628


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 19/06628 - N° Portalis DB2H-W-B7D-UCQP

Jugement du 16 Juillet 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître Thierry BONNET de la SELARL ANCEO - 107
Maître Cécile LETANG de la SELARL CVS - 215
Maître Philippe GRATTARD de la SCP GRATTARD & ASSOCIES - 910
Me Laurent PRUDON - 533






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judi

ciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 Juillet 2024, délibéré prorogé du 02 Juillet 2024, devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’in...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 19/06628 - N° Portalis DB2H-W-B7D-UCQP

Jugement du 16 Juillet 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Thierry BONNET de la SELARL ANCEO - 107
Maître Cécile LETANG de la SELARL CVS - 215
Maître Philippe GRATTARD de la SCP GRATTARD & ASSOCIES - 910
Me Laurent PRUDON - 533

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 16 Juillet 2024, délibéré prorogé du 02 Juillet 2024, devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement réputé contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 26 Septembre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 02 Avril 2024 devant :

Delphine SAILLOFEST, Vice-Président,
Marc-Emmanuel GOUNOT, Vice-Président,
Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Patricia BRUNON, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSES

Madame [S] [M] veuve [K]
née le 27 Mars 1969 à [Localité 8],
demeurant [Adresse 5]

représentée par Maître Thierry BONNET de la SELARL ANCEO, avocats au barreau de LYON

PARTIE INTERVENANTE

Madame [O] [W] [P] [K]
née le 25 Janvier 1996 à [Localité 7],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Thierry BONNET de la SELARL ANCEO, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS

S.A.R.L. GRENADE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Me Laurent PRUDON, avocat au barreau de LYON

S.A.S. CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 9]

représentée par Maître Philippe GRATTARD de la SCP GRATTARD & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Compagnie d’assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Me Laurent PRUDON, avocat au barreau de LYON

Monsieur [L] [N],
demeurant [Adresse 3]

défaillant

Société MAAF,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Maître Cécile LETANG de la SELARL CVS, avocats au barreau de LYON

Par contrat du 2 mai 2006, les époux [X] [K] et [S] [M] ont confié à la société GRENADE à l’enseigne STUDIO TOTEM, assurée par la MAF, la maîtrise d’oeuvre du réaménagement de leur appartement sis [Adresse 5], ainsi que des combles en vue de créer un duplex. Les travaux ont été confiés à 8 entreprises différentes.

Aux termes du compte-rendu de chantier du 8 juin 2007, il a été demandé par la maîtrise d’œuvre à Monsieur [L] [N], assuré par la SAGENA devenue SMA, de remédier à la non-conformité de l’isolation sous toiture qu’il avait mise en place.

Le 27 juillet 2007 a eu lieu une réception avec réserves.

Par jugement du 5 mars 2008, le tribunal de commerce a prononcé la clôture pour insuffisance d’actif de la procédure de liquidation judiciaire de Monsieur [N].

Déplorant un défaut d’étanchéité, apparu en 2008 et non résorbé depuis, de la verrière en toiture installée par la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES (CSL), assurée par la société MAAF, les époux [K], par exploits du 7 avril 2015, ont donné assignation à ces dernières, ainsi qu’aux sociétés GRENADE et MAF, à la société FILPROTECTION, installatrice du store motorisé également défectueux et à Monsieur [N], devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon, qui, le 16 juin 2015, a ordonné une expertise judiciaire qu’il a confiée à Monsieur [R].

Sur nouvelle assignation des précédents par les époux [K] le 27 janvier 2016, le juge des référés a ordonné, le 12 avril 2016, un complément de mission relativement à l’isolation sous toiture.

Le 13 août 2018, l’expert a déposé son rapport.

Par actes des 29 et 31 mai, 4 et 17 juin 2019, les époux [K] ont donné assignation aux sociétés GRENADE et CSL et aux sociétés MAF et MAAF, ainsi qu’à Monsieur [L] [N] en vue de la réparation de leur préjudice.

Par ordonnance du 25 janvier 2021, le juge de la mise en état a accordé une provision de 7939,28€ (5949,28€ TTC de reprise outre 1990€ TTC de frais d’embellissement) aux époux [K], mise à la charge des sociétés MAF, GRENADE, CSL et MAAF pour la réparation de la verrière au titre de leur responsabilité décennale.

Par conclusions notifiées le 13 janvier 2022, Mademoiselle [O] [K], fille unique de Monsieur [K], décédé le 16 septembre 2021, est intervenue volontairement à la procédure.

Par ordonnance du 26 septembre 2022, le juge de la mise en état a clôturé la procédure et l’affaire a été fixée à l’audience du 2 avril 2024.

MOYENS ET PRETENTIONS

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 11 mai 2022, Madame [M] veuve [K] et Madame [O] [K] demandent qu’il plaise au tribunal :
Vu les art. 1792 et s. 1134, 1147 anciens du code civil
Vu l’art. 724 du code civil
Vu les art. 325, 329 du code de procédure civile
Recevoir Mlle [O] [K] en son intervention et la déclarer bien fondée ;
Homologuer partiellement le rapport d’expertise judiciaire BOSSE PLATIERE du 13 aout 2018 ;
Condamner in solidum les sociétés GRENADE, CSL, MAF et MAAF au paiement de la somme de 34 032,82 euros au titre des travaux destinés à supprimer les désordres ;
Dire et juger que les sommes allouées au titre des travaux seront indexées sur l’indice national du bâtiment tous corps d’état BT 01 du jour de leur règlement selon l’indice de référence publié à la date de dépôt du rapport ;
Condamner in solidum les sociétés GRENADE, CSL, MAF et MAAF au paiement d’une somme de 22 040,00 euros au titre de la privation de jouissance occasionnée ;
Condamner les défendeurs au paiement d’une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens - comprenant le coût de l’expertise judiciaire - en admettant la Selarl ANCEO, avocats au bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile ;
Assortir le jugement à intervenir de l’exécution provisoire nonobstant appel et sans caution.

Au soutien de leurs prétentions, les consorts [K] font valoir :
- que Madame [O] [K], unique héritière de feu [X] [K], est saisie de plein droit de son action et qu’elle et sa mère ne forment qu’une seule demande
- que la prescription décennale est interrompue par l’action en référé
- que les éléments d’équipement ajoutés ou adjoints à un ouvrage existant relèvent de la garantie décennale par application de l’article 1792 du code civil quand une atteinte est apportée à leur destination ou celle de l’ouvrage
- que l’isolation et la verrière constituent par ailleurs une réhabilitation lourde qui relève de la qualification d’ouvrage
- que l’expert a stigmatisé l’erreur de conception d’une verrière métallique trop lourde, de sorte que son système d’ouverture s’est cassé, et sans isolation thermique, ainsi qu’une mauvaise mise en œuvre de la toiture par l’entreprise et une surveillance défectueuse du chantier
- que le maître d’oeuvre est également responsable d’avoir recommandé un isolant différent de celui qui était prévu et moins performant, de sorte à rendre une pièce à usage de chambre à coucher impropre à destination
- que la remise à l’identique de la verrière et la prévention de tout nouveau désordre ne sont pas réalisées par le devis minimal de 5639,13€ HT retenu par l’expert, mais s’élèvent à 12.779,40€ TTC
- qu’en sus du devis de réfection de l’isolation thermique retenu par l’expert à hauteur de 14.962,20 € HT doivent être prévus des frais d’assurance de 2995 € et de maîtrise d’oeuvre de 1500€ HT
- que le préjudice de jouissance causé par le désordre de verrière évalué par l’expert à 1050€ de valeur locative x 0,2 de surface x 1,5 mois x 6 ans sur la période 2012-2018 doit être réévalué à 1450€ (valeur locative réévaluée) x 0,2 x 19,5 mois sur la période 2008-2022
- que le préjudice de jouissance causé par le désordre d’isolation thermique évalué à 850 x 0,4 x 22 doit être réévalué à 1450 x 0,4 x 28.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 23 mars 2022, la société GRENADE et la MAF demandent qu’il plaise :
Vu les articles 31, 514 et suivants, 699 et 700 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1792 et suivants, 1792.4.1 du Code Civil,
Vu les articles 1147 et suivants du Code Civil dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2016 applicable au litige,
Vu les articles 1240 et suivants du Code Civil,
Vu les dispositions du Code des Assurances, notamment en ses articles L 112-6 et L 124-3,
1°/ A TITRE LIMINAIRE
Sauf à justifier de leurs droits indivis, REJETER les demandes cumulées formées par conclusions distinctes de Madame [M] Veuve [K] et de Madame [O] [K]
LIMITER EN TOUT CAS sauf à REJETER les demandes comme irrecevables en présence d’une double demande pour les mêmes préjudices, les sommes allouées aux travaux de reprise et aux préjudices de jouissance subis en tenant compte au niveau de la recevabilité du décès de Monsieur [X] [K] et du fait que Madame [O] [K] n’occupe pas le bien immobilier depuis le décès de Monsieur [X] [K]
2°/ AU PRINCIPAL
2.1. REJETER les demandes de Mesdames [K] comme prescrites en leur action concernant des désordres autres que les infiltrations s’agissant de la verrière, seul désordre dénoncé dans le cadre de la procédure d’expertise judiciaire et dans le délai de 10 ans de la réception des travaux.
2.2. DIRE ET JUGER que les désordres de la verrière ne sont pas imputables à la société GRENADE.
DIRE ET JUGER que les désordres thermiques liés à l’isolant mis en œuvre ne sont pas démontrés et ne rendent pas l’ouvrage impropre à destination ou sont prescrits.
REJETER les demandes dirigées contre la société GRENADE et la MAF et LES METTRE hors de cause.
3°/ SUBSIDIAIREMENT
3.1. Sur les responsabilités finales et les appels en garantie
3.1.1. DIRE ET JUGER que s’agissant de la verrière, aucune imputabilité finale à la société GRENADE n’est établie au regard de ses obligations contractuelles limitées de moyens, et alors que l’ouvrage a été modifié après réception par des interventions de la société CSL.
REJETER les demandes contre la société GRENADE
A tout le moins, si le Tribunal devait retenir que la société GRENADE a engagé sa responsabilité décennale ou contractuelle,
DIRE ET JUGER que l’imputabilité finale retenue à charge de la société GRENADE ne saurait excéder 20% au maximum au titre de la direction des travaux.
REJETER les demandes de condamnations in solidum contre la société GRENADE et la MAF
A tout le moins, en cas de condamnations in solidum de la société GRENADE et de la MAF à payer les préjudices en relation avec la verrière :
JUGER que la MAAF ne justifie pas de ses limites de garantie dans le cadre des pièces communiquées, ni de la résiliation, non plus que de l’existence d’un autre assureur susceptible de prendre en charge les préjudices immatériels à la date de la 1ère réclamation contre la société CSL
CONDAMNER in solidum la société CSL et son assureur la MAAF à relever et garantir la société GRENADE et la MAF à hauteur des responsabilités finales retenues pour :
Les travaux de reprise
Les préjudices de jouissance.
L’article 700 et les dépens, comprenant la part des frais d’expertise judiciaire payée par la MAF.
A tout le moins, si le Tribunal jugeait que la MAAF ne doit pas ses garanties pour les préjudices immatériels :
CONDAMNER la société CSL à communiquer sous astreinte définitive de 200 Euros par jour de retard passé le délai d’un mois de la notification des présentes conclusions, sa police d’assurance à la date de la 1ère réclamation (assignation en référé d’avril 2015)
A défaut, la CONDAMNER à payer à titre de dommages intérêts à la société GRENADE et à la MAF
des dommages intérêts complémentaires à hauteur de la somme de 10.000,00 Euros de dommages intérêts. 3.1.2. DIRE ET JUGER que Mesdames [K] sont prescrites en leur action concernant des désordres autres que les défauts d’isolation sous toiture dans la chambre et le bureau, en particulier s’agissant de combles perdus pour lesquels aucun désordre n’était dénoncé dans le cadre de la procédure d’expertise judiciaire.
REJETER les demandes au titre des désordres thermiques allégués liés à l’isolant sous toiture mis en œuvre.
DIRE ET JUGER que le seul désordre pour lequel Mesdames [K] ont interrompu le délai décennal concerne la non conformité dans la pose de l’isolant mince mais en aucun cas pour des désordres thermiques, réclamation non visée dans l’assignation en extension des opérations d’expertise judiciaire.
En tout état de cause,
DIRE ET JUGER que Mesdames [K] ne démontrent pas l’existence ni d’une non-conformité dans la pose de l’isolant, ni que cette non-conformité est à l’origine d’un désordre, ni de désordres thermiques avérés en lien avec la pose de l’isolant.
DEBOUTER Mesdames [K] de l’ensemble de leurs demandes en lien avec l’isolation des anciennes mansardes.
3.2. Sur le quantum des préjudices allégués
3.2.1. LIMITER le quantum de l’indemnisation allouée pour ce qui concerne la verrière aux sommes suivantes :
5 949,28 Euros TTC pour le remplacement de la verrière, outre indexation sur l’indice BT01 entre la date de dépôt du rapport d’expertise judiciaire et le jugement.
1 560 Euros TTC pour les embellissements en relation, outre indexation sur l’indice BT01 entre la date du devis et le jugement.
3.2.2. DIRE ET JUGER que l’indemnisation à allouer à Mesdames [K] doit se limiter à la réfection de l’isolant sous toiture, à l’exclusion des cloisons séparatives avec les combles et la cage d’escalier, ces cloisons étant isolées avec de la laine de verre qui n’est affecté d’aucun désordre.
DIRE ET JUGER que Mesdames [K] ne justifient pas d’un préjudice pour l’isolation des combles pour lesquels aucune isolation n’est due et du bureau qui est en réalité un dégagement.
En conséquence,
LIMITER le quantum de l’indemnisation allouée pour ce qui concerne l’isolation à la somme de 5 778,94 Euros TTC, après déduction de la somme de 1 560 Euros TTC correspondant aux embellissements propres à la verrière (7 338,94 Euros TTC – 1 560 Euros TTC) outre indexation sur l’indice BT01 entre la date du devis et le jugement.
REJETER le surplus des demandes, notamment au titre des honoraires de maîtrise d’œuvre et de frais de souscription d’une assurance Dommages Ouvrage.
A TOUT LE MOINS, LIMITER l’indemnisation allouée au titre des travaux à la somme de 7.939,28 Euros TTC.
3.2.3. DEDUIRE les sommes allouées par le juge de la mise en état dans le cadre de la provision accordée le 25.01.2021
3.2.4. REJETER les demandes au titre des préjudices de jouissance dont la réalité n’est pas démontrée par Mesdames [K] quant aux désordres indemnisés, le préjudice n’étant ni certain ni avéré dans le quantum réclamé.
A tout le moins,
LIMITER l’indemnisation allouée à la somme de 2 000 Euros maximum.
3.2.4. REJETER les autres demandes.
3.3. CONDAMNER la MAF dans les limites de ses garanties, sous déduction des franchise et plafonds contractuels.
3.4. REJETER la demande d’exécution provisoire de la décision à intervenir.
A tout le moins,
LIMITER l’exécution provisoire au coût des seuls travaux de reprise
SUBORDONNER l’exécution provisoire à la consignation des sommes dues jusqu’à l’obtention du certificat de non appel et en cas d’appel jusqu’à la signification de l’l’arrêt d’appel, sauf à fournir une caution bancaire équivalente aux sommes allouées
- PRONONCER également de l’exécution provisoire les demandes de la société GRENADE et de la MAF, notamment sur les appels en garanties.
4°/ CONDAMNER in solidum Mesdames [K], la société CSL et son assureur la MAAF à payer à la société GRENADE et à la MAF les sommes suivantes :
La somme de 3 000 Euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile
Les entiers dépens distraits au profit de Maître Laurent PRUDON, Avocat au barreau de LYON, qui sera admis au bénéficie de l’article 699 du Code Civil, comprenant les 1 500 Euros réglés par la MAF au titre des frais d’expertise judiciaire.
REJETER et à tout le moins REDUIRE à de plus justes proportions les demandes de Mesdames [K] au titre des frais irrépétibles.
5°/ REJETER toutes autres demandes et toute argumentation contraire dirigées contre la société GRENADE.

Au soutien de leur prétention, la société GRENADE et la MAF font valoir :
- que les deux demanderesses doivent s’expliquer sur la recevabilité de leurs demandes pour chacun des postes de préjudice dont réparation est demandée
- que les désordres thermiques sont prescrits pour ne pas avoir été dénoncés dans le cadre de l’expertise judiciaire et dans le délai de 10 ans après la réception
- que la mise en cause soudaine de la société GRENADE par le rapport d’expertise final n’est pas assortie d’explication sur sa faute au titre du suivi des travaux ou de l’évocation d’une faute de conception et que la matérialité du désordre n’est pas suffisamment démontrée par la seule présence de taches 8 ans après réception
- que le désordre de verrière était invisible pour l’architecte généraliste dans le cadre de ses visites hebdomadaires
- que la conception de détail de la verrière relevait de la société CSL
- que le grief de non-conformité de l’isolation ne s’est accompagné d’aucun constat de la matérialité d’un désordre thermique, l’isolation étant correctement posée et conforme à la réglementation applicable et les prises de températures ambiantes réalisées par l’expert n’étant pas probantes
- que les consorts [K] ont déjà été indemnisés par provision, ce qui les mettait en mesure de réaliser les travaux de reprise de la verrière
- que la reprise de l’isolation se limitera à celle de l’isolation sous toiture au dessus d’une chambre, excluant l’autre pièce qui est une dépendance et les cloisons, ainsi que les frais d’assurance et de maîtrise d’ouvrage
- que le préjudice de jouissance ne saurait excéder 2000€ et l’exécution provisoire sera écartée.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 25 septembre 2019, la société CSL demande qu’il plaise :
Vu les articles 1792 et suivant du Code Civil et vu les articles 1134 ancien et 1145 ancien du Code Civil, applicables aux faits au jour de la conclusion du contrat,
1. Dire et juger qu’en l’état de deux préjudices distincts, l’un concernant la verrière, l’autre l’isolation thermique, et de responsables différents, les époux [K] ne sont pas fondés à solliciter une condamnation in solidum de l’ensemble des parties tous postes de préjudices confondus,
2. Rejeter la demande des consorts [K] des demandes de condamnation ainsi formulées in solidum,

3. Dire et juger que la société GRENADE TOTEM maître d’œuvre est responsable de plusieurs manquements concernant la conception d’une verrière trop lourde et inadaptée car impossible à manœuvrer et concernant l’isolation thermique insuffisante des montants, comme de l’absence de suivi utile du chantier s’agissant de la vérification de la pose à l’occasion des travaux et lors de la réception des travaux,
4. Dire et juger à l’inverse que la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES ne peut être tenue que d’avoir mal posé la verrière, laquelle était en tout état de cause non adaptée et n’aurait pu correctement fonctionner,
5. Dire et juger que la responsabilité substantielle principale du désordre affectant la verrière incombe au maître d’œuvre et fixer en conséquence le partage de responsabilité au titre des désordres concernant la verrière à 70 % pour la société GRENADE TOTEM et à 30 % pour la société CONSTRUCTION SOUDEES LYONNAISES, sauf meilleure appréciation de répartition par le tribunal,
6. Dire et juger que le préjudice matériel des consorts [K] doit être fixé à la somme de 3 630 € H.T. soit 4 356 € TTC correspondant au remboursement aux époux [K] du prix payé pour l’installation de la verrière litigieuse,
7. Dire et juger que la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES ne sera tenue qu’à hauteur de 30 % de cette somme, soit la somme de 1 306,80 € TTC, sauf meilleure appréciation de répartition par le tribunal,
8. Dire et juger que le préjudice de jouissance des consorts [K], lié aux défauts de la verrière, ne saurait excéder la somme de 840 €, soit à la charge de la société CSL une somme de 252 €, sauf meilleure appréciation de répartition par le tribunal,
9. Dire et juger opposable à la MAAF, assureur de la société CSL au moment des faits, le jugement à intervenir,
10. Dire et juger que l’éventuelle part incombant au titre des frais d’expertise à la société CSL et à son assureur la MAAF assurance ne saurait excéder la somme de 948,53 €, soit une somme de 284,56 € au titre du partage de responsabilité précité, sauf meilleure appréciation de répartition par le tribunal,
11. Condamner la société GRENADE TOTEM à verser à la concluante la somme de 5 000 € en application des dispositions de l’article 700 du CPC,
12. Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.
13. Condamner la même aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise,

Au soutien de ses prétentions, la société CSL fait valoir :
Qu’elle a résolu les premiers problèmes d’infiltrations dont se sont plaints les époux [K] en avril 2008, puis en juillet 2012, jusqu’à de nouvelles infiltrations suivies d’interventions en novembre 2012, le 9 juillet 2013, puis en juillet et octobre 2014Qu’elle n’est pas concernée par le préjudice matériel et le préjudice de jouissance propres à l’isolation thermiqueQue s’agissant de la verrière, il ne peut lui être reproché qu’une erreur sur les trois retenues par l’expert, les autres étant de la responsabilité du maître d’œuvreQue le préjudice ne peut être supérieur au coût originel de la verrière et ne saurait en tout cas comprendre la mise en place d’un store intérieur auquel elle n’avait pas participéQue le préjudice de jouissance doit être ramené à l’évaluation de l’expertQu’elle n’est concernée que par le tiers des opérations d’expertise et donc de son coût.
Aux termes de ses conclusions notifiées le 21 juin 2022, la société MAAF demande qu’il plaise :
Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil,
Vu les articles 1134 et 1147 du Code Civil, en vigueur au jour de la conclusion du contrat,
JUGER qu’il existe en l’espèce deux préjudices distincts, l’un afférent à la verrière, et l’autre à l’isolation thermique, avec des responsables différents, de sorte que les consorts [K] ne peuvent solliciter une condamnation solidum entre l’ensemble des parties, tout poste de préjudice confondu.
REJETER en conséquence la demande de Mademoiselle [O] [W] [P] [K] et Madame [S] [K], de voir condamner in solidum la société GRENADE, et son assureur la MAF, ainsi que la compagnie MAAF ASSURANCES, à les indemniser de leurs préjudices matériels et de jouissance, toute cause de préjudices confondue, comme infondée.
JUGER que le Maître d’œuvre, la société GRENADE, a commis deux manquements, soit la conception d’une verrière trop lourde, et inadaptée car impossible à manœuvrer et sans isolation thermique suffisante des montants métalliques, et l’absence de suivi du chantier, et notamment de vérification de la pose à l’occasion des travaux, et lors de la réception de l’ouvrage.

JUGER que la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES, n’est responsable que d’avoir mal posé la verrière, qui était en tout état de cause, non adaptée.
JUGER que la responsabilité principale du désordre affectant la verrière incombe au Maître d’œuvre.
FIXER en conséquence le partage de responsabilité au titre des désordres concernant la verrière, à 70% pour la société GRENADE, et de 30% pour la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES.
REJETER la demande de la société GRENADE et de son assureur la MAF, de voir condamner la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES et son assureur la compagnie MAAF, à les relever et garantir.
JUGER qu’au titre du remplacement de la verrière, il convient de retenir le devis de la société JEAN FAURE, préconisé par l’expert, excepté pour le store intérieur, dans la mesure où la société FILPROTECTION n’avait mis en place qu’un store motorisé extérieur.
FIXER le préjudice matériel des consorts [K] au titre du remplacement de la verrière, à la somme de 5 356,41 euros TTC.
JUGER que le préjudice matériel lié à la verrière a été fixé par ordonnance du Juge de la mise en état du 25 janvier 2021 à 7 939,28 euros.
JUGER que Mademoiselle [O] [W] [P] [K] et Madame [S] [K] ont été désintéressés de leur préjudice matériel lié aux défauts de la verrière.
REJETER toute demande de Mademoiselle [O] [W] [P] [K] et Madame [S] [K] au titre de leur préjudice matériel lié aux défauts de la verrière.
JUGER que le préjudice de jouissance des consorts [K], lié aux défauts de la verrière, ne saurait être fixé à plus de 840 euros.
JUGER que le 31 décembre 2012, le contrat d’assurance de la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES a été résilié, ne laissant subsister que la garantie obligatoire.
JUGER que la compagnie MAAF ne peut en conséquence pas être tenue de garantir un quelconque préjudice immatériel.
REJETER en conséquence la demande de Mademoiselle [O] [W] [P] [K] et Madame [S] [K] dirigée à l’encontre de la compagnie MAAF ASSURANCES au titre de leur préjudice de jouissance du fait des défauts de la verrière, sera en conséquence rejeté.
FIXER la part incombant à la compagnie MAAF ASSURANCES, assureur de la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES, au titre des frais d’expertise, à la somme de 948,53 euros.
JUGER que le contrat d’assurance décennale souscrit par la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES auprès de la compagnie MAAF ASSURANCES, comporte une franchise de 10% applicable au montant des dommages, avec un minimum de 1 266 euros, et un maximum de 3 177 euros.
CONDAMNER en conséquence la société CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES à payer à la compagnie MAAF ASSURANCES la franchise contractuelle de 10% des dommages qui seront retenus par le Tribunal comme lui étant imputables, avec un minimum de 1 266 euros, et un maximum de 3 177 euros.

Au soutien de ses prétentions, la MAAF, assureur de la société CSL, fait valoir :
- qu’elle ne peut être condamnée qu’au titre du désordre de verrière
- que l’expert a relevé que la conception de la verrière n’était pas adaptée et que le défaut d’exécution était bien visible par l’architecte dans le cadre de son rôle de direction des travaux
- que le devis à retenir doit être le moins-disant, que l’expert a lui-même accepté, sans store
- qu’elle ne couvre, depuis le 31 décembre 2012, date de résiliation de sa police, que la responsabilité décennale sans les dommages immatériels
- que sa part de responsabilité ne justifie pas de prise en charge des frais d’expertise supérieure à 30 %.

Monsieur [L] [N] n’a pas constitué avocat.

MOTIFS

A. Sur la recevabilité

Il résulte des articles 370 et 373 du code de procédure civile que l’instance est interrompue par le décès d’une partie et qu’elle peut être volontairement reprise dans les formes prévues pour la présentation des moyens de défense.

Selon attestation notariée du 7 octobre 2021, Madame [O] [K] est héritière légale de feu [X] [K] comme étant sa fille unique, pour la nue-propriété de ses biens selon sa volonté testamentaire ; l’acceptation tacite ou expresse de la succession entraîne son entrée en possession. Intervenante volontaire par voie de conclusions régulièrement notifiées, elle manifeste ainsi son acceptation de la succession dont elle est recevable à défendre les droits pour la poursuite de l’action en justice diligentée conjointement avec sa mère Madame [S] [M] veuve [K], bénéficiaire légale du quart en toute propriété et usufruitière testamentaire de la totalité de la succession.

Dès lors que la qualité d’héritières de la fille et l’épouse du de cujus est établie, la répartition de leurs droits au titre de la succession est sans incidence sur la recevabilité de leur action dans le cadre de laquelle la preuve d’un préjudice n’est pas exigée, l’existence du préjudice étant une condition du succès de l’action en responsabilité et non de sa recevabilité. La fin de non-recevoir soulevée par les sociétés GRENADE et MAF sera rejetée.

Il résulte de l’article 2241 du code civil que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

La société GRENADE et la MAF considèrent que le sous-désordre relatif à l’isolation des combles est prescrit faute d’être concerné par l’ordonnance d’extension de mission d’expertise rendue par le juge des référés le 12 avril 2016.

Il résulte du rapport d’expertise que la mission de l’expert a été étendue par ordonnance de référé du 12 avril 2016 à l’« isolation thermique mise en œuvre sur les plafonds des deux chambres en étage », sur assignation par les consorts [K] le 27 janvier 2016 des défendeurs dans le cadre de la présente affaire sur la foi d’une note expertale du 21 décembre 2015. Dans la mesure où la qualité de l’isolation des combles est a priori de nature à avoir une incidence sur l’isolation des chambres du même étage, le moyen tenant au caractère limitatif du dispositif de l’ordonnance de référé du 12 avril 2016 ne saurait être retenu.

Le délai décennal de forclusion prévu par les articles 2270-2 ancien et 1792-4-1, ainsi que par l’article 1792-4-3 du code civil, courant à compter de la réception du 22 juillet 2007, a été interrompu par l’action en justice du 27 janvier 2016. Les nouveaux délais décennaux ont été interrompus à leur tour avant forclusion ou prescription par l’assignation au fond des mois de mai et juin 2019. La fin de non-recevoir soulevée par les sociétés GRENADE et MAF sera en conséquence rejetée.

B. Au fond

1) Les infiltrations près de la verrière

Il résulte de l’article 1792 du code civil que tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à destination.

- sur la responsabilité

L’expert a constaté que l’eau passait entre la verrière et le faîtage du toit auquel elle était mal raccordée. De plus le système d’ouverture s’est cassé sous l’effet du poids de la verrière après quelques mois d’utilisation. Il met en cause la société CSL, quoique intervenue en 2008, 2012, 2013 et 2014 pour tenter de remédier au problème. L’expert ne critique pas immédiatement la société GRENADE qui en a vérifié la pose, mais, en réponse à deux dires, il impute à celle-ci 15 % de responsabilité au titre de la conception en raison de l’excessive lourdeur de l’équipement et de son emplacement trop près du faîtage où n’a été laissée qu’une rangée de demi-tuiles.

L’aménagement des combles par la création de deux pièces avec percement du toit pour la mise en place d’une verrière de 200 x 120 cm constitue un ouvrage, du fait de l’ampleur des travaux réalisés, ce qu’aucune partie ne discute. Les infiltrations par la verrière, dont la matérialité est suffisamment établie par les interventions successives, finalement vaines, reconnues par la société CSL, dont il n’est pas vraisemblable qu’elles étaient d’ampleur suffisante pour avoir entraîné un déplacement de la verrière par rapport à sa position d’origine, de nature à fausser les constatations de l’expert, sont apparues après la réception, à l’occasion d’intempéries. Elles rendent l’ouvrage impropre à destination dans la mesure où elles ne garantissent plus la mise hors d’eau des pièces de l’étage, qu’elles sont de nature à endommager et à en rendre humide l’air ambiant. La responsabilité décennale de l’architecte et du menuisier ayant concouru à l’installation de la verrière est donc simultanément engagée.

- sur la réparation des préjudices

Il est préconisé par l’expert un changement de la verrière pour un coût de 5639,13€ HT, qui s’effectuera à l’identique hormis la substitution d’un store intérieur au store extérieur, outre 300 € de maîtrise d’œuvre, en conformité avec le prix du marché. Il ne chiffre pas de travaux spécifiques de reprise de la plâtrerie-peinture et ne se prononce pas sur un devis que les demanderesses ont fait établir le 10 octobre 2017 pour un montant de 9826,73€ avec un taux de TVA de 10%, soit 10.809,40€ TTC et qui intègre la pose d’un volet roulant extérieur pour un montant de 2444,99€ HT, outre la manivelle pour 227,76 € HT, mais également un store plissé pour 680,50€ HT.

Le coût de la construction et de la pose de la verrière par la société CSL était de 3829,65€ selon facture du 17 octobre 2007. La société FIL PROTECTION avait posé le store extérieur pour un coût de 2547,48€. Le devis de reprise de 5639,13€ HT en date du 7 mars 2016 comprend un store intérieur, mais pas les travaux d’embellissement en plâtrerie-peinture, ni la maîtrise d’oeuvre. Même si le menuisier CSL n’est pas l’installateur du store, une réparation intégrale du préjudice exige néanmoins la mise en place d’une nouvelle occultation extérieure, si bien qu’il sera fait droit à la demande de réparation à hauteur du devis établi en ce sens pour ce poste comme le sollicitent les demanderesses, diminué toutefois du coût du store plissé faisant double emploi. Il en résulte un coût de reprise de 9826,73 – 680,50 = 9146,23 € HT, soit 10.060,85 € TTC.

Le recours à une maîtrise d’oeuvre et la garantie d’une assurance dommages ouvrage en raison de l’ampleur des travaux seront réservés à l’examen du deuxième désordre d’isolation thermique. Il en est de même des travaux subséquents d’embellissement dont la réparation est demandée à hauteur de 1990€ et dont le principe n’a pas été retenu par l’expert pour ce désordre, mais qui sont susceptibles d’être compris dans la reprise de l’isolation.

L’expert estime en outre le trouble de jouissance subi à 4 mois au total de 2012 à 2018, soit pendant 6 ans, applicable à 20 % de la surface d’un logement d’une valeur locative de 1050€, soit 840 €.

Les consorts [K] sollicitent une réévaluation de la valeur locative à 1450€ charges incluses et la prise en compte d’un préjudice courant depuis mai 2008 jusqu’à mai 2022. Il importe certes peu que la chambre sous la verrière soit effectivement occupée, dès lors que les travaux visaient à donner aux époux [K], puis à Madame [K] et à sa fille, la disposition de cette chambre supplémentaire. Les autres parties contestant cependant le mode calcul de la réévaluation, il convient d’examiner l’attestation des demanderesses portant sur la valeur locative fournie par une agence immobilière le 11 mai 2019, offrant une mise en location pour une somme de 1300 à 1450 € hors charges de copropriété pour un appartement de 89 m² loi Carrez, situé au 4ème étage sans ascenseur. Peu pertinente au regard d’une période courant dès 2008 et non confirmée par quelque autre pièce, elle ne peut servir d’élément d’évaluation du préjudice.

Les sociétés GRENADE et MAF contestent la privation de jouissance de la chambre sous verrière en raison de la faible gravité des infiltrations. L’estimation d’une durée de 4 mois sur 6 ans à hauteur de 20% du logement prenant néanmoins en compte, selon une approche concrète, les seuls jours de pluie, ainsi que la taille et la position de la verrière au dessus de la chambre propre à neutraliser l’ usage de son ensemble, cette estimation sera retenue.

La manifestation du désordre dès avril et juillet 2008 ressort des courriers produits par les demandeurs et des aveux d’intervention de la société CSL. L’origine des premières infiltrations reste inconnue et il y a été remédié jusqu’en juillet 2012, date de manifestation des dommages, alors non résorbés jusqu’à l’assignation en référé du 7 avril 2015. Un délai de 16 mois à compter de l’octroi d’une provision par ordonnance du 21 janvier 2021, soit jusqu’à mai 2022, ne paraît pas excessif eu égard à la technicité des travaux, d’autant que si les sociétés GRENADE et MAF produisent la preuve du versement de leur part de provision en avril 2021, il n’en est pas de même des sociétés CSL et MAAF. Le préjudice de jouissance sera donc bien indemnisé sur une durée de 10 ans, courant de 2012 à 2022, à hauteur de 1050 x 0,2 x 4 x 10/6 = 1575€.

La MAF, assureur décennal de la société GRENADE, ne conteste pas sa garantie. Les consorts [K] sont donc recevables à exercer contre elle leur action directe dans la limite de la franchise contractuelle s’agissant des dommages immatériels. Il en sera de même de la MAAF, assureur de la société CSL, qui allègue sans en fournir le preuve une résiliation de sa police « assurance construction » au 31 décembre 2012, ne laissant subsister que la garantie obligatoire. Les sociétés GRENADE, MAF, CSL et MAAF seront donc condamnées in solidum à payer aux consorts [K] la somme de 10.060,85 € TTC en reprise de la verrière, avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du 13 août 2018 dans la mesure où la provision accordée n’était pas à la hauteur du coût des travaux, ainsi que la somme de 1575 € en indemnisation du préjudice de jouissance. La provision de 7939,28€ viendra en déduction de ces sommes.

- sur les recours en garantie

La position de la verrière par rapport au faîtage, dénoncée par l’expert comme étant à l’origine du désordre, apparaît sur le plan d’architecte EXE « détail verrière coupe C » avec une cote de 150 par rapport au mur, « données à titre indicatif et relevées sur place après mise en place du chevêtre », mais sans cote par rapport à la ligne de faîte ou bien par rapport aux tuiles. Sur le plan EXE « détail verrière coupe A » apparaît un détail de l’étanchéité en zinc. Il s’ensuit qu’il dépendait principalement de l’exécution par l’entreprise le positionnement exact de la verrière avec l’obligation de permettre une étanchéité, mais que, dans sa tâche de direction de l’exécution, l’architecte devait compléter ses plans après vérification d’un positionnement garantissant l’étanchéité. Si par ailleurs la lourdeur de l’équipement a participé à la dégradation du système d’ouverture, ce désordre, dont le lien avec les infiltrations n’est pas retenu par l’expert et dont il n’est pas demandé spécifiquement réparation, sera de toute façon repris par le changement de la verrière. Il en résulte que les fautes de réalisation de la verrière seront réparties entre les sociétés CSL à hauteur de 70 % et GRENADE à hauteur de 30 %.

Les sociétés GRENADE et MAF sont en conséquence autorisées à exercer un recours délictuel contre les sociétés CSL et MAAF à hauteur de 70 % de la somme. La société CSL et la MAAF ne demandent aucune garantie aux sociétés GRENADE et MAF.

La société CSL ne demande pas la garantie de sa compagnie d’assurance MAAF, mais la seconde demande à la première la garantie de la franchise de 10 % du dommage avec un minimum de 1266€ et un maximum de 3177€. La MAAF sera satisfaite en sa demande, sans toutefois qu’il y ait lieu à précision chiffrée au sujet de la franchise, les documents produits ne le permettant pas.

2) Le défaut d’isolation thermique sous toiture

Il résulte de l’article 1147 ancien du code civil que l’inexécution d’une obligation contractuelle se résout pour le débiteur par le paiement de dommages et intérêts.

- sur la responsabilité

Outre la conduction de la chaleur et du froid par les montants métalliques de la verrière, l’expert a observé que l’isolant mince Airflex mis en place sous toiture était insuffisant car il ne peut être utilisé qu’entre deux couches d’air confiné, ce que n’est pas la couche d’air extérieur placée entre l’isolant et la volige non jointive supportant les tuiles. « Un isolant mince mal mis en place équivaut à zéro isolation », selon l’expert. En outre l’isolant n’a pas été posé sur toute la surface du plafond, notamment les comble couvrant une partie du salon et une chambre du rez-de-chaussée, malgré l’indication contraire de la facture.
Il s’ensuit des températures à l’étage descendant à 17° C l’hiver et montant à 32°C l’été, « constatées par l’ensemble des parties », qui ne correspondent pas aux normes de confort après des travaux d’isolation thermique.

L’expert met en cause le prestataire Monsieur [N] qui a manqué à son devoir de conseil en acceptant de poser un isolant pour lequel il n’avait pas de formation adéquate et qu’il n’est pas parvenu à doter d’une couche extérieure d’air confiné, ainsi que la société GRENADE qui avait prévu un isolant classique sur ses plans EXE de 2007 avant d’opter pour un isolant mince plus compliqué à poser. Par ailleurs, selon l’expert, la société GRENADE a manqué de réaliser les vérifications qui s’imposaient au sujet de Monsieur [N] qui a fourni une fausse attestation d’assurance grossière et a déposé le bilan quelques semaines après le chantier ; elle aurait également dû proposer aux époux [K] une assurance dommages ouvrage. Les parts de responsabilité ne sont pas précisées par l’expert.

La facture de Monsieur [N] en date du 19 juin 2007, visée par l’architecte, mentionne un forfait « plâtrerie placo-cloisonnement » de 8920 € globalisant un détail de prix figurant au devis du 8 juin 2006 où il était prévu « en niveau combles en plafond sous rampant l’incorporation d’un isolant mince de 2 cm d’épaisseur à poser sur la totalité de la surface ». L’objection soulevée par la société GRENADE et la MAF selon laquelle la couche d’air extérieur ne peut être confinée dès lors qu’elle doit être ventilée est contestable et n’infirme pas les conclusions de l’expert selon lesquelles le matériau épais de 2 cm ne permettait pas une isolation convenable. S’il est vrai que les prises de température réalisées par l’expert ne rendent pas compte scientifiquement des incidences en matière de température dans les deux pièces de l’étage, le choix d’un isolant trop mince par les maîtres de l’ouvrage traduit un manquement du plâtrier et de l’architecte à leur devoir de conseil envers eux.

Quant à l’isolation incomplète des combles au dessus du séjour, si elle constitue à l’évidence un manquement aux règles de l’art, l’expert n’en précise pas le retentissement sur la température des pièces habitées, de sorte qu’il ne saurait y avoir de désordre caractérisé.

- la réparation des préjudices

Sur la base d’un devis du 10 octobre 2010 sur lequel il ne se livre à aucun commentaire particulier, l’expert retient un coût de remplacement des plafonds sous toiture avec pose de laine de verre de 200 mm et peinture blanche pour un montant de 14.962,20 € HT et 1200€ HT de maîtrise d’oeuvre (1500€ avec la reprise du désordre de verrière). Il estime le préjudice de jouissance à 2 mois de l’année depuis la construction, applicable à une surface de 40 % de celle de la maison d’une valeur locative de 1050€.

Les consorts [K] approuvent les travaux recommandés par l’expert et demandent une indemnité de 16.458,42€ TTC selon leur propre devis du 10 octobre 2017, outre une somme de 1800€ TTC pour la maîtrise d’oeuvre au titre de ce désordre et du précédent, et, sur devis du 9 octobre 2019, le coût de 2995 € de l’assurance dommages ouvrage qu’ils font grief à l’architecte de ne pas leur avoir conseillée à l’origine. Ils demandent aux défendeurs hormis Monsieur [N] l’indemnisation de leur préjudice de jouissance à hauteur de 1450 € de valeur locative x 40 % x 2 mois x 14 ans de mai 2008 à mai 2022.

La société GRENADE et la MAF considèrent que le devis du 10 octobre 2017 s’étend indûment à l’isolation des combles, qui n’est pas affectée d’un désordre, ce qui réduit le coût des travaux à 10.165,81€ TTC selon un autre devis du 13 octobre 2017. Ils voient le local aménagé à côté de la chambre à l’étage comme n’étant pas une pièce, mais une « réserve » selon le permis de construire, de sorte que l’isolation installée y est suffisante, ce qui réduit encore le coût des travaux à 7338,94 € TTC selon un devis du 18 octobre 2017. Ils estiment que les consorts [K] ne peuvent réclamer le financement d’une garantie dommages ouvrage qu’ils avaient refusée à l’origine alors que l’autorisation d’urbanisme prévoyait une telle obligation, le clos et le couvert n’étant pas affectés par les travaux de reprise, ni de frais de maîtrise d’oeuvre en l’absence de coordination d’entreprises. Ils excluent toute privation de jouissance pour un désordre qui n’a fait l’objet d’aucune réclamation jusqu’à sa découverte par l’expert. Ils contestent la surface de 40 % de la surface de l’appartement retenue par l’expert, la « réserve » ne mesurant que 6m² sous une hauteur supérieure à 1,80 m. La MAF demande l’application de sa franchise et de son plafond contractuels.

La deuxième pièce de l’étage doit être normalement isolée dès lors qu’elle résulte de travaux d’aménagement, qu’elle présente une surface globale de 15 m² et est éclairée par une fenêtre en toiture, mais il n’y a pas lieu de retenir la reprise de l’isolation des combles. Il en résulte que sera retenu le devis du 13 octobre 2017 à hauteur de 10.165,81€ TTC, en ce inclus la plâtrerie-peinture autour de la verrière. Il convient d’y ajouter les frais de maîtrise d’oeuvre de 1800€ TTC pour la coordination avec les travaux de verrière qui concernent les mêmes pièces, mais pas la prime d’assurance dommages ouvrage, non prévue par l’expert, qui constitue une garantie personnelle du maître de l’ouvrage. La société GRENADE, dont la faute a été retenue, sera donc condamnée, avec sa compagnie d’assurance dans la limite de la franchise applicable, au paiement de la somme de 11.965,81 € TTC aux consorts [K].

Sur le fondement d’une valeur locative mensuelle de 1050€ précédemment retenue, d’une surface de 35% de l’appartement, d’un préjudice subi sur 2 mois annuels pendant 14 ans, manifesté depuis 2008 quoique l’origine n’en soit pas connue à l’époque, avec cependant l’application d’un coefficient de 0,5 dans la mesure où le grand-froid ou la canicule ne rendent pas les deux pièces inhabitables mais empreintes d’inconfort, l’indemnisation du défaut d’isolation retenue sera de 5145 €. Les sociétés GRENADE et MAF seront donc condamnées au paiement de cette somme aux consorts [K].

Les sociétés GRENADE et MAF ne demandent pas la garantie de Monsieur [N].

4) Les mesures accessoires

Les sociétés GRENADE, MAF et CSL et MAAF qui succombent seront condamnées aux dépens de la procédure, y compris les frais de l’expertise ordonnée en référé, la somme étant répartie, proportionnellement aux condamnations principales, à hauteur de 35 % pour les sociétés CSL et MAAF in solidum et de 65 % pour les sociétés GRENADE et MAF in solidum, la SELARL ANCEO, avocats, étant autorisée à recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance.

Les mêmes seront condamnées dans les mêmes proportions à s’acquitter de la somme de 4000€ envers les consorts [K] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’exécution provisoire sera ordonnée pour l’ensemble des dispositions du jugement nonobstant appel et sans caution en raison de l’ancienneté de la procédure et de l’absence d’insolvabilité apparente des demanderesses.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, par jugement réputé contradictoire, rendu publiquement et en premier ressort :

RECOIT l’intervention volontaire de Madame [O] [K] venant aux droits de feu son père [X] [K], ;

DECLARE recevable les demandes formées au titre de l’isolation des combles, ;

CONDAMNE in solidum les sociétés GRENADE, MAF, CONSTRUCTIONS SOUDEES LYONNAISES (CSL) et MAAF ASSURANCES à payer aux consorts [S] [M] veuve [K] et [O] [K] la somme de 10.060,85 € TTC en reprise de la verrière, avec indexation sur l’indice BT 01 du coût de la construction à compter du 13 août 2018, et la somme de 1575 € en indemnisation du préjudice de jouissance dans les limites des franchises contractuelles de la MAF et de la MAAF, la provision de 7939,28€ venant le cas échéant en déduction de ces sommes, ;

CONDAMNE les sociétés CSL et MAAF à garantir les sociétés GRENADE et MAF à hauteur de 70 % de ces sommes,

CONDAMNE la société CSL à garantir la MAAF de sa franchise,

CONDAMNE in solidum les sociétés GRENADE et MAF à payer aux consorts [K] la somme de 10.165,81€ TTC en reprise du désordre d’isolation, outre 1800€ TTC au titre de la maîtrise d’oeuvre et 5145 € au titre du préjudice de jouissance, la MAF étant autorisée à opposer son plafond et sa franchises contractuels,

CONDAMNE in solidum les sociétés GRENADE, MAF, CSL et MAAF à payer aux consorts [S] [M] veuve [K] et [O] [K] la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme étant répartie entre elles à hauteur de 35% pour les sociétés CSL et MAAF in solidum et de 65 % pour les sociétés GRENADE et MAF in solidum,

CONDAMNE les sociétés GRENADE, MAF et CSL et MAAF aux dépens de la procédure, y compris les frais de l’expertise ordonnée en référé, la somme étant répartie entre elles à hauteur de 35% pour les sociétés CSL et MAAF in solidum et de 65 % pour les sociétés GRENADE et MAF in solidum,, la SELARL ANCEO, avocats, étant autorisée à recouvrer directement ceux dont elle a fait l’avance,

REJETTE toute autre demande,

ORDONNE l’exécution provisoire.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIER LE PRESIDENT
Patricia BRUNON Delphine SAILLOFEST


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 d
Numéro d'arrêt : 19/06628
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;19.06628 ?
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