MINUTE N° :
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
JUGEMENT DU : 16 Juillet 2024
MAGISTRAT : Daphné BOULOC
GREFFIER : Léa FAURITE
DÉBATS : tenus en audience publique le 25 Juin 2024
PRONONCE : jugement rendu le 16 Juillet 2024 par le même magistrat
AFFAIRE : Madame [B] [M] épouse [P]
C/ S.A.S. EOS CREDIREC
NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 19/00960 - N° Portalis DB2H-W-B7D-TTBB
DEMANDERESSE
Mme [B] [M] divorcée [P]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Maître Jeanne COURQUIN de l’AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
DEFENDERESSE
S.A.S. EOS FRANCE (anciennement dénommée EOS CREDIREC et venant aux droits de la société SOFINCO), inscrite au RCS de PARIS sous le n°B 488 825 217
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON et par Maître BOHBOT Eric, avocat au barreau de VERSAILLES
NOTIFICATION LE :
- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Maître Jeanne COURQUIN de l’AARPI B&C AVOCATS ASSOCIES - 796, Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA - 713
- Une copie à l’huissier instrumentaire : SELAS PARISOT TIVAN BETTREMIEUX RABATEL
- Une copie au dossier
EXPOSE DU LITIGE
Par ordonnance d’injonction de payer du 10 avril 2002, le président du Tribunal d’instance de LYON a enjoint à Madame [B] [M] divorcée [P] de payer à la SA BANQUE SOFINCO la somme de 15.226,20 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 25 juillet 2001.
Par une seconde ordonnance d’injonction de payer du 10 avril 2002, le président du Tribunal d’instance de LYON a enjoint à Madame [B] [M] divorcée [P] de payer à la SA BANQUE SOFINCO la somme de 5129,09 € en principal avec intérêts au taux légal à compter du 03 juillet 2001.
Par acte de commissaire de justice du 4 décembre 2018, la société EOS CREDIREC, venant aux droits de la SA CA CONSUMER FINANCE, a fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires détenus par Madame [B] [M] divorcée [P] entre les mains du CREDIT LYONNAIS, pour recouvrement de la somme de 20.137,76 € en principal, intérêts et frais.
Par acte de commissaire de justice du 4 janvier 2019, Madame [B] [M] divorcée [P] a fait assigner la société EOS CREDIREC, venant aux droits de la société SA CONSUMER FINANCE, devant le juge de l’exécution du Tribunal judiciaire de LYON aux fins d’obtenir la mainlevée de la saisie-attribution du 3 décembre 2018, outre la condamnation de la société EOS CREDIREC à lui verser 1500 € au titre de dommages-intérêts et 1500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon jugement rendu le 4 juin 2019, le Juge de l’Exécution de la présente juridiction a sursis à statuer sur les demandes de Madame [B] [P] dans l’attente des décisions du Tribunal Judiciaire de LYON sur les deux oppositions aux ordonnances d’injonction de payer fondant la saisie attribution contestée.
Selon Jugement rendu le 6 novembre 2023, le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de LYON a :
déclaré irrecevable l’opposition à injonction de payer formée le 3 janvier 2019 par Madame [B] [P] contre l’ordonnance d’injonction de payer n° 2001/5496 rendue le 10 avril 2002 ; constaté que l’ordonnance d’injonction de payer n° 2001/5496 rendue le 10 avril 2002 par le Président du Tribunal d’Instance de LYON conservait son plein effet ; condamné Madame [B] [P] à payer à la société EOS France la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Ledit Jugement a été signifié à Madame [B] [P] le 29 décembre 2023 selon acte remis à personne.
Selon Jugement rendu le 6 novembre 2023, le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal Judiciaire de LYON a :
déclaré recevable l’opposition de Madame [B] [P] concernant l’ordonnance d’injonction de payer n° 2001/5497 rendue le 10 avril 2002 ; constaté que l’ordonnance d’injonction de payer n° 2001/5497 n’était ni nulle, ni caduque ; condamné Madame [B] [M] divorcée [P] à payer à la société EOS France la somme de 3396,15 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision, écarté l’application de l’article L313-3 du code monétaire et financier ; condamné Madame [B] [M] divorcée [P] à payer à la société EOS France la somme de 800 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
Ledit jugement a été signifié à de Madame [B] [M] divorcée [P] le 15 février 2024 selon acte déposé en Etude.
Par courrier adressé aux conseils des parties le 28 décembre 2022, le juge de l’exécution a sollicité un retour sur l’état de la procédure.
Par courrier reçu au greffe du juge de l’exécution le 28 mars 2024, le conseil de Madame [B] [M] divorcée [P] a sollicité la réinscription de l’affaire au rôle.
L’affaire a été réinscrite à l’audience du 28 mai 2024, puis renvoyée au 25 juin 2024, date à laquelle elle a été évoquée.
A cette audience, Madame [B] [M] divorcée [P], représentée par son conseil, sollicite désormais de juger irrecevables les demandes de la société EOS FRANCE en raison de la prescription de l’ordonnance n°IP 2001/5496.
Elle sollicite également de rejeter les demandes reconventionnelles, de condamner la société EOS FRANCE à lui régler 8000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison des pratiques commerciales déloyales dont elle a fait usage à son encontre, et subsidiairement de condamner la société EOS FRANCE à la somme de 5000 € à titre de dommages et intérêts en raison du préjudice moral que lui cause la procédure de recouvrement forcé. Elle sollicite également de juger qu’aucun intérêt antérieur à deux années ne peut s’appliquer à la créance principale en application de l’article L137-2 du Code de la consommation et de lui octroyer 24 mois pour régler les sommes qui seraient mis à sa charge aux termes de la décision.
En toute hypothèse, elle sollicite de condamner la société EOS FRANCE à lui verser 5000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et de la condamner aux dépens.
Au soutien de ses demandes, elle soulève la prescription de l’ordonnance du 10 avril 2002 n°2001/5496 sur le fondement de l’article L111-4 du Code des procédures civiles d’exécution faute de cause d’interruption valable établie par la société défenderesse. Elle conteste toute reconnaissance non équivoque de la dette de sa part. Elle soulève également la prescription biennale des intérêts conformément aux articles L137-2 ancien et L218-2 nouveau du Code de la consommation. Elle rappelle que ses ressources ne lui permettent pas de faire face aux sommes réclamées.
La société EOS FRANCE, représentée par son conseil, conclut au débouté de la demanderesse en l’ensemble de ses prétentions. A titre reconventionnel, elle sollicite l’allocation de la somme de 1.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile, et la condamnation de Madame [B] [M] divorcée [P] aux dépens. Elle fait valoir qu'elle dispose d'un titre exécutoire portant créance liquide et exigible qui ne souffre d’aucune prescription. Elle conteste tout caractère abusif tiré de la mesure d’exécution forcée pratiquée.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 16 juillet 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Vu l’assignation susvisée, les conclusions déposées à l’audience du 25 juin 2024 par les parties, reprises oralement à l’occasion des débats ;
Sur la recevabilité des demandes
Aux termes de l’article R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que la saisie-attribution a été pratiquée le 4 décembre 2018 à l’encontre de Madame [B] [M] divorcée [P], entre les mains du CREDIT LYONNAIS (LCL), à la requête de la société EOS CREDIREC, venant aux droits de la société CA CONSUMER FINANCE, pour recouvrement de la somme de 20.137,76 € en principal, intérêts et frais (pièce 11 en défense).
Il est par ailleurs établi que la saisie-attribution du 3 décembre 2018 a fait l’objet d’une mainlevée par acte de commissaire de justice du 11 décembre 2018 (pièce 14 en défense).
Aux termes de l’article 510 alinéas 3 et 4 du Code de procédure civile et de l’article R121-1 du Code des procédures civiles d'exécution, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie ou à compter de l'audience prévue par l'article R. 3252-17 du Code du travail, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.
De plus, aux termes de l’article L213-6 du Code de l’organisation judiciaire, le juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.
Si, aux termes de l’article R211-11 du Code des procédures civiles d’exécution, la contestation de cette mesure de saisie n'est plus recevable, le délai d'un mois ayant été dépassé, il demeure que les conditions d'application de l'article 510 précité sont remplies. Une mesure d'exécution a été délivrée pour recouvrement de la créance portée par le titre exécutoire, de sorte que le juge de l'exécution apparaît compétent pour octroyer un délai de grâce, que la mesure soit encore en cours ou non, le texte ne distinguant pas sur ce point.
Madame [B] [M] divorcée [P] est donc recevable en sa demande de délais de paiement.
Cependant, elle formule également une demande de restitution de sommes tirée de la prescription de l’action en recouvrement de la créance intentée par la société défenderesse à l’occasion de la saisie-attribution litigieuse.
La saisie litigieuse ayant fait l’objet d’une mainlevée le 11 décembre 2018, la question du défaut de pouvoir du juge de l’exécution pour statuer sur l’éventuelle prescription du titre exécutoire sollicitée par la partie demanderesse sur le fondement duquel a été diligentée la saisie-attribution du 3 décembre 2018 se pose, dès lors que la saisie a été levée. Il en est de même s’agissant de la question de la prescription biennale des intérêts dont est saisi le juge de l’exécution alors même que ladite saisie a été levée.
Aucune des parties n’ayant soulevé ce point, la réouverture des débats s’impose afin de soumettre contradictoirement aux parties le moyen soulevé d’office tiré de l’éventuel défaut de pouvoir du juge de l’exécution pour statuer sur la prescription du titre exécutoire et celle des intérêts retenus dans la créance litigieuse en raison de la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 4 décembre 2018.
Il convient de réserver les dépens.
PAR CES MOTIFS
LE JUGE DE L'EXÉCUTION, statuant publiquement, contradictoirement et avant dire droit,
Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 08 octobre 2024 à 15 heures aux fins de soumission au débat contradictoire du moyen soulevé d’office par le juge de l’exécution tiré de son éventuel défaut de pouvoir pour statuer sur la prescription du titre exécutoire et sur celle des intérêts retenus dans la créance litigieuse en raison de la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 4 décembre 2018 ;
Dit que la partie demanderesse devra transmettre ses conclusions avant le 31 août 2024 et la partie défenderesse les siennes avant le 30 septembre 2024, le dossier pouvant être retenu à l’audience du 08 octobre 2024 ;
Réserve les dépens.
En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.
La greffière La juge de l’exécution