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27/06/2024 | FRANCE | N°20/02150

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 h, 27 juin 2024, 20/02150


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 20/02150 - N° Portalis DB2H-W-B7E-U4QY

Jugement du 27 juin 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :

Maître Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de l’AARPI JAKUBOWICZ ET ASSOCIÉS - 350
Maître Claude DE VILLARD de la SELAS PERSEA - 1582
Maître Nicolas BOIS de la SELARL RACINE LYON - 366





REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judicia

ire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 27 juin 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 02 octobre 2023, et...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 20/02150 - N° Portalis DB2H-W-B7E-U4QY

Jugement du 27 juin 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Maître Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de l’AARPI JAKUBOWICZ ET ASSOCIÉS - 350
Maître Claude DE VILLARD de la SELAS PERSEA - 1582
Maître Nicolas BOIS de la SELARL RACINE LYON - 366

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 27 juin 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 02 octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 04 avril 2024 devant :

Julien CASTELBOU, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Monsieur [X] [E]
né le 23 septembre 1983 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 4]

représenté par Maître Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Madame [U] [J]
née le 26 mars 1984 à [Localité 5]
demeurant [Adresse 4]

représentée par Maître Vanessa JAKUBOWICZ-AMBIAUX de la SCP JAKUBOWICZ & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSES

S.N.C. DU [Adresse 3]
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Claude DE VILLARD de la SELAS PERSEA, avocats au barreau de LYON

S.A.S. KORELL - ECONOMIE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’AMENAGEMENT URBAIN
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Nicolas BOIS de la SELARL RACINE LYON, avocats au barreau de LYON

S.A.S. EQUINOX
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Claude DE VILLARD de la SELAS PERSEA, avocats au barreau de LYON

Au cours de l’année 2016, la SNC du [Adresse 3] a entrepris la construction d’un programme immobilier au [Adresse 3].

Par contrat du 08 février 2017, la SNC du [Adresse 3] a confié une mission de maîtrise d’œuvre d’exécution et d’ordonnancement, pilotage et coordination à la société KORELL – ECONOMIE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’AMENAGEMENT URBAIN, deux avenants, respectivement des 20 novembre 2017 et 22 décembre 2017, sont venus étendre les missions confiées au maître d’œuvre.

Par acte authentique du 08 juin 2018, faisant suite à un acte sous seing privé du 03 mars 2018, Madame [J] et Monsieur [E] ont acquis auprès de la société SNC [Adresse 3] les lots C01 et C02, correspondant à des appartements devant faire l’objet d’une réunion et deux box de stationnement en sous-sol, en l’état futur d’achèvement.

La date prévisionnelle de livraison a été fixée audit acte au 31 mars 2019 sous réserve de causes légitimes de suspension.

Les travaux ont été réceptionnés le 30 juillet 2019 avec l’assistance de la société KORELL.

La livraison a eu lieu le 16 septembre 2019, avec réserves.

Par courrier du 15 octobre 2019, Madame [J] et Monsieur [E] ont fait état à la société SNC du [Adresse 3] de réserves complémentaires, un procès-verbal étant en outre établi par la suite le 23 décembre 2019.

Par courrier LRAR des 21 janvier 2020 et 23 juin 2020, la SNC [Adresse 3] a été mise en demeure d’assurer la reprise des désordres et malfaçons.

Par exploit d’huissier du 17 février 2020, Madame [J] et Monsieur [E] ont assigné la SNC du [Adresse 3] devant la présente juridiction, aux fins d’indemnisation du retard de livraison et de l’ensemble de ses conséquences (Procédure RG 20/2150).

Par exploits d’huissier du 14 octobre 2020, Madame [J] et Monsieur [E] ont assigné la SNC du [Adresse 3] et la société EQUINOX devant la présente juridiction, aux fins d’indemnisation au titre des désordres et malfaçons et de l’ensemble des préjudices liés (Procédure RG 20/7599). La procédure a été jointe à la RG 20/2150 par ordonnance du juge de la mise en état du 12 janvier 2021.

Par exploit d’huissier du 05 janvier 2022, la SNC du [Adresse 3] et la société EQUINOX ont assigné la SAS KORELL – ECONOMIE DE LA CONSTRUCTION ET DE L’AMENAGEMENT URBAIN en intervention forcée et appel en garantie (Procédure RG 22/229). La procédure a été jointe à la RG 20/2150 par ordonnance du juge de la mise en état du 07 février 2022.

*

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 08 septembre 2023, Madame [U] [J] et Monsieur [X] [E] sollicitent d’entendre le Tribunal,

Sur le retard de livraison
Au visa des articles 1601-1 et 1611 du Code civil et 1231-1 du même Code,

Condamner la SNC du [Adresse 3] à leur verser les sommes de :15.708,16 € au titre des préjudices subis du fait des frais de logement et garde-meubles,4.154,00 € au titre des préjudices subis du fait du paiement des intérêts intercalaires antérieures à la livraison de leurs biens,5.000,00 € au titre des préjudices subis du fait de la perte de salaires résultant du report de la prise de poste de Madame [J], des frais de nourrice et des frais de rhabillement,5.000,00 € au titre du préjudice moral,4.080,65 € au titre du remboursement du meuble de salle de bain.
Sur les désordres, non-conformités, vices apparents
Au visa des articles 1642-1 et 1648 ; 1103 et 1231-1 ; 1646-1 ; 1792 et suivants du Code civil et 367 du Code de procédure civile,

Sur les réserves, vices apparents et non-conformitésCondamner solidairement la SNC du [Adresse 3] et la société EQUINOX à procéder aux travaux de reprise afin de lever les réserves, vices de construction et non-conformités apparentes, dans un délai maximal de trois (3) mois suivant la signification de la décision à intervenir, le tout sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé ce délai, jusqu’à complet achèvement des travaux. 2.2 Sur le préjudice de jouissance
Condamner solidairement les mêmes à leur verser la somme de 5.000 €, 2.3Sur le préjudice moral
Condamner solidairement les mêmes à leur verser la somme de 5.000 €.
En tout état de cause,

Condamner solidairement les mêmes à leur verser la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens, lesquels comprendront le remboursement des frais d’établissement du procès-verbal de constat du 23 décembre 2019, distraits au profit de la SC JAKUBOWICZ & Associés en la personne de Maître Vanessa JAKUBOWICZ AMBIAUX.
*

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, La SNC du [Adresse 3] et la société EQUINOX sollicitent d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1218, 1231-1, 1353, 1642-1 et 1792 et suivants du Code civil ; L261-11 du Code de la construction et de l’habitation et 9 et 700 du Code de procédure civile,

Sur le retard de livraison
A titre principalDébouter Madame [J] et Monsieur [E] de leurs demandes.
B. A titre subsidiaire
Condamner la société KORELL à les relever et garantir des condamnations prononcées à leur encontre de ce chef.
C. A titre subsidiaire
Débouter Madame [J] et Monsieur [E] de leurs prétentions indemnitaires au titre des frais de logement et de garde-meubles ; des frais intercalaires ; de la perte de salaire, des frais de rhabillement et des frais de nourrice ; du préjudice moral ; du remboursement du meuble de salle de bain.
II. Sur les réserves, vices de construction et non-conformités apparentes

Débouter Madame [J] et Monsieur [E] de l’ensemble de leurs demandes.
A titre subsidiaire,

Condamner la société KORELL à les relever et garantir de toutes condamnations prononcées à leur encontre.Débouter Madame [J] et Monsieur [E] de leurs demandes formées à l’encontre de la société EQUINOX.
En tout état de cause,

Condamner in solidum Madame [J] et Monsieur [E] et la société KORELL à verser à la société SNC [Adresse 3] la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,Condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens, distraits au profit de la SELARL PERSEA.
*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2022, la société KORELL sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1231-1, 1642-1 et 1792 du Code civil,

Pour le retard de livraison,

Rejeter la demande de Madame [J] et Monsieur [E] formée à l’encontre de la SNC [Adresse 3] et de la société EQUINOX.Subsidiairement,

Rejeter la demande de la SNC [Adresse 3] d’être relevée et garantie par elle au titre du retard de livraison et du préjudice moral de Madame [J] et Monsieur [E].
Pour les vices et défauts de conformité apparents,

Rejeter la demande principale de Madame [J] et Monsieur [E] à l’encontre de la SNC [Adresse 3] et de la société EQUINOX.
Subsidiairement,

Rejeter la demande de la SNC du [Adresse 3] d’être relevée et garantie par elle au titre du retard de livraison et des préjudices allégués par Madame [J] et Monsieur [E], y compris le préjudice moral.
En tout état de cause,

Rejeter toute demande à l’encontre de la société KORELL,Ecarter l’exécution provisoire,Condamner la SNC [Adresse 3] et la société EQUINOX à la somme de 4.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,Condamner tout succombant aux entiers dépens, dont distraction à la SELARL RACINE LYON.
*

En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé exhaustif de leurs prétentions et moyens.

*

La clôture de la procédure a été prononcée au 02 octobre 2023.

*

MOTIFS

Sur l’application de la théorie du mandat apparent
Aux termes de l’article 1998 du Code civil, le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.

En l’espèce, les consorts [E]-[J] sollicitent la condamnation « solidaire » de la SNC et de la société EQUINOX sur le fondement de la théorie du mandat apparent en ce que cette dernière doit voir sa responsabilité engagée motifs pris que l’ensemble des échanges concernant le projet immobilier se sont fait avec elle et outre le fait qu’elle a été créée par la SNC elle-même.

Or, il est constant qu’en application de ce texte, comme le soutiennent les consorts [E]-[J], la responsabilité du mandant peut être engagée sur le fondement du mandat apparent, même en l’absence d’une faute susceptible de lui être reprochée, si la croyance du tiers à l’étendue des pouvoirs du mandataire est légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient le tiers à ne pas vérifier les limites exactes de ces pouvoirs.

Partant, il convient de relever qu’en l’espèce les consorts [E]-[J] recherchent la responsabilité de la société EQUINOX en application de ces dispositions. Or, la société EQUINOX ne pourrait être ici considérée que comme mandataire et non mandant ce dont il résulte une application inversée et non pertinente du texte susmentionné dès lors au surplus que la SNC, à la considérer comme mandant, ne conteste aucunement être engagée en sa qualité de venderesse.

En conséquence, il n’y a pas lieu à condamnation « solidaire » de la société EQUINOX, aucun développements articulés à un fondement particulier autre que l’article 1642-1 du Code civil ne ressortant des conclusions des demandeurs.

Sur le retard de livraison
Selon l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Aux termes de l’article 1601-1 du Code civil, la vente d’immeubles à construire est celle par laquelle le vendeur s’oblige à édifier un immeuble dans un délai déterminé par le contrat. Elle peut être conclue à terme ou en l’état futur d’achèvement.

Sur la caractérisation du retard de livraison
En l’espèce, il ressort du contrat de réservation qu’il était prévu que « les ouvrages pourront être utilisés conformément à leur destination au plus tard le 31 mars 2019 » et, de l’acte authentique contenant vente en l’état futur d’achèvement, que « l’achèvement des biens objets des présentes est prévu au plus tard le 31 mars 2019, sauf survenance d’un cas de force majeure, ou d’une cause légale de suspension de délai, ainsi qu’il est stipulé dans le cahier des charges ci-dessus visé ».

Relevant qu’aux termes du procès-verbal de livraison avec réserves, signé par les parties, le bien n’a été livré qu’avec avec effet au 16 septembre 2019, il apparait un retard de livraison de 171 jours, dont 146 jours ouvrables ou 116 jours ouvrés, desquels il n’est pas permis d’opérer une déduction quelconque au motif d’un cas de force majeure allégués par la société [Adresse 3].

En effet, l’absence de libération de la parcelle devant permettre l’édification d’une rampe d’accès aux parking pour le programme immobilier ne peut être considérée comme un cas de force majeure dès lors que cette absence de libération n’était absolument pas quelque chose d’imprévisible, au moment de la signature des actes de ventes la parcelle étant encore occupée par une association d’intérêt général hébergeant des jeunes en difficulté. En outre, ces faits ne sauraient pas plus constituer une impossibilité technique dès lors qu’il était possible à la société SNC [Adresse 3] de tenir compte de cette contrainte dans l’édification d’un planning de livraison pertinent et, à tout le moins, de ne pas faire reposer le bon déroulement du projet immobilier sur une tierce personne.

S’agissant du dégât des eaux survenu dans la nuit du 18 au 19 juillet 2019 que la SNC considère comme un accident de chantier constitutif d’une cause légitime de suspension ou d’un cas de force majeure, il convient de relever qu’en l’absence d’éléments permettant d’apprécier l’origine même du dégât des eaux il ne saurait être considéré que celui-ci résulte d’un accident de chantier et non pas, plus raisonnablement, d’une malfaçon imputable à l’intervention des entreprises et de la SNC elle-même qui était placée dans une situation inconfortable en ce que le chantier accusait d’ores et déjà plusieurs mois de retard. En conséquence, il n’y a lieu à aucune suspension du délai de livraison à ce titre.

S’agissant de la question de l’hygrométrie, il ressort de l’acte authentique portant vente en l’état futur d’achèvement que la date de livraison pouvait être reportée du double de la durée d’une cause légitime de suspension, incluant les « retards entraînés par les conditions de températures et d’hygrométrie rendant impossible la pose, le cas échéant, de parquet collé ou traditionnel, dans les biens vendus », dont « la justification de la survenance (…) sera apportée par le vendeur à l’acquéreur par une lettre du Maître d’œuvre ayant lors de la survenance quelconque de ces évènements, la direction des travaux, et sous sa propre responsabilité ».

A ce titre, il est produit par la SNC copie d’une attestation de la société KORELL, maître d’œuvre, de laquelle il ressort un retard de 38 jours ouvrés dus au fait que « lors de l’édification du bâtiment C, il a été constaté une forte hygrométrie ambiante, permettant de couler des chapes anhydrides le 31/01/2019, mais bloquant la mise en œuvre des revêtements de sol jusqu’au 16/04/2019. Afin de respecter les règlementations en vigueur (humidité inférieur à 2%), un arrêt de tâche a de fait été nécessaire ».

Il en résulte, selon le mode probatoire accepté par les parties et sans qu’il ne soit nécessaire de démontrer l’origine même du problème d’hygrométrie, que le retard de livraison est à ce titre justifié et qu’en application des termes de l’acte de vente prévoyant que « ces différentes circonstances auraient pour effet de retarder la livraison du bien vendu d’un temps égal au double de celui effectivement enregistré, en raison de leur répercussion sur l’organisation générale du chantier », il convienne de déduire 76 jours ouvrés du nombre total de jours ouvrés de retard.

*

En conséquence, il résulte de ces éléments que la SNC a manqué au respect de son obligation de livrer le bien à la date prévue et que le retard, déduction faite des causes légitimes de suspension dûment justifiées, s’établit à : 116 – 76 = 40 jours ouvrés, décalant ainsi la date de livraison du 31 mars 2019 au 30 mai 2019.

Sur les préjudices liés au retard de livraison
En application de l’article 1611 du Code civil, dans tous les cas, le vendeur doit être condamné aux dommages et intérêts, s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur, du défaut de délivrance au terme convenu.

En l’espèce, rappelant que la livraison du bien des consorts [E]-[J], après avoir tenu compte des délais de suspension légitimes, doit s’apprécier à la date du 30 mai 2019, il apparait que l’ensemble des sommes engagées et justifiées par les consorts [E]-[J] du fait même de ce retard doit être supporté par la SNC.

S’agissant d’un bien destiné à leur habitation personnelle, il est manifeste que les coûts liés à la conservation d’un logement ou au recours à un logement provisoire dans l’attente de la livraison effective de leur bien doivent être supportés par la SNC à raison des montants par eux sollicités et dûment justifiés, aucun élément produit par la SNC ne permettant de caractériser un quelconque abus à ce titre.

Ainsi, les coûts de logement et frais de garde meubles dont il est produit justification seront à prendre en compte à compter de la période à laquelle le bien aurait dû être livré et celle où il l’a été effectivement soit entre le 1er juin 2019 et le 16 septembre 2019. A cette fin il appartenait aux consorts [E]-[J] de produire les pièces nécessaires à l’appréciation de la réalité et de l’importance de leur préjudice.

Au regard des pièces produites il apparait que les consorts [E]-[J] ne justifient que d’une quittance de loyer pour le mois de janvier 2019 à partir de laquelle, sans production logique et simple de leur bail d’habitation à défaut des factures dont ils sollicitent le remboursement pour un montant de près de 10.000 euros, il n’est pas permis au tribunal d’extrapoler les sommes payées au titre des mois d’avril à juillet 2019.

S’agissant des frais de relogement et de garde meuble pour la période postérieure au 1er juillet 2019, il ressort des pièces produites, notamment des relevés de comptes et des factures de garde-meubles que le préjudice des consorts [E]-[J] s’établi à la somme de 1263,15 + 2526,31 + 174,83 + 283,20 = 4.247,49 €, au paiement de laquelle la SNC sera condamnée.
Il ressort également des faits mêmes que ceux-ci ont causé un préjudice moral aux consorts [E]-[J], au regard notamment des désagréments liés à la recherche d’un logement provisoire et à l’impact sur leur vie personnelle et professionnelle, qu’il est équitable de fixer à la somme de 5.000 euros au paiement de laquelle la SNC sera condamnée.

A l’inverse, s’agissant des frais intercalaires, le Tribunal relève qu’à la lecture de la pièce 15 des demandeurs et en l’absence de production de leur contrat de prêt, il n’est pas possible d’apprécier la réelle justification contractuelle des paiement réalisés et conséquemment de juger que ceux-ci n’ont été dus qu’à raison des retards dans la livraison du logement et non pas également de la volonté des consorts [E]-[J] de n’assurer le remboursement de leur prêt qu’à compter d’une date postérieure à la livraison de leur bien. En conséquence de quoi cette demande sera rejetée.

Il en sera de même s’agissant des frais de rhabillement qui ne sont nullement justifiés, le seul fait que des vêtements aient été conservés plus longuement en garde meuble n’est pas de nature à expliquer en quoi les consorts [E]-[J] étaient dans l’incapacité de récupérer des vêtements dans le garde-meubles en lieu et place du renouvellement de leur garde-robe.

Il n’est pas plus justifié de l’incidence sur le mode de garde en l’absence d’éléments permettant d’apprécier ne serait-ce que la situation géographique de la famille proche qui aurait été susceptible d’accueillir et de s’occuper de l’enfant et partant la réalité de cet accueil.

S’agissant de la perte de salaire, il ne résulte ni de la promesse d’embauche, ni du contrat de travail l’existence d’une date d’embauche précise ayant dû être retardée du fait même de la livraison tardive du logement et alors même que les consorts [E]-[J] ont été en mesure de trouver un logement provisoire (AIRBNB, …) pour quitter celui qu’ils occupaient.

Enfin, le remboursement du meuble de salle de bain sollicité par les consorts [E]-[J] n’est en rien en lien avec le retard de livraison sur lequel ils fondent cette demande, justifiant dès lors que celle-ci soit rejetée.

Sur l’appel en garantie de la société KORELL
Au soutien de son appel en garantie, la SNC fait valoir qu’elle avait conclu un contrat de maîtrise d’œuvre avec la société KORELL aux termes duquel cette dernière se devait notamment d’assurer le suivi de la réalisation des travaux et le pilotage du chantier. Elle relève que dans ce cadre la société KORELL a commis de nombreux manquements à ses obligations, outre qu’elle a été l’objet d’une désorganisation interne, ayant affectés le bon déroulement du chantier.

En réponse, la société KORELL fait valoir qu’aucune faute de sa part n’est démontrée dans l’exécution de ses missions en ce que les éléments justifiant des retards ne sont pas liés à des manquements qu’elle aurait pu commettre.

Réponse du Tribunal,

En application de l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, il ressort du contrat de maîtrise d’œuvre conclu entre la SNC et la société KORELL que cette dernière s’est vue confier une mission d’ordonnancement, pilotage et conduite du chantier selon laquelle elle se devait, notamment, au titre de l’article 3 « DETAIL DES MISSIONS » d’assurer le suivi de la réalisation des travaux, le respect des CCTP et plans, le respect des règlementations et normes de construction en vigueur, le respect des règles de l’art.

Or, il convient de rappeler que les retards de livraisons ont été imputés, d’une part, à l’absence de libération de la parcelle contiguë ce qui ne saurait être lié à un quelconque manquement de la société KORELL dans l’exécution de ses missions et, d’autre part, à des problèmes d’hygrométrie qui, eux aussi, ne sauraient être imputés à des manquements de la société KORELL dès lors qu’il n’est pas démontré qu’elle n’aurait pas mis en œuvre les moyens nécessaires pour réduire au plus l’impact de ces évènements.

Enfin, s’il n’est pas contestable que le dégât des eaux résulte d’un manquement des entreprises intervenues sur le chantier, aucune démonstration n’est faite par la SNC de ce que ces manquements ont été permis par une faute de la société KORELL dans l’exercice de ses missions.

En conséquence, il n’y a lieu de faire droit à l’appel en garantie de la SNC.

III.Sur les vices et défauts de conformité apparents

Sur la reprise des désordres et non-conformités apparents
Aux termes de l’article 1642-1 du Code civil, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur, des vices de construction ou des défaut de conformité alors apparents.

En application de l’article 1648 alinéa 2 du Code civil, dans le cas prévu par l’article 1642-1, l’action doit être introduite, à peine de forclusion, dans l’année qui suit la date à laquelle le vendeur peut être déchargé des vices ou des défauts de conformité apparents.

A titre liminaire, il doit être relevé que la clause de décharge stipulée à l’acte de vente doit être réputée non-écrite en ce que, si cette clause ne déroge pas aux dispositions d’ordre public de l’article 1642-1 du Code civil et apparait donc valable dans son principe, elle ne pouvait intervenir que postérieurement à la naissance du droit dont elle restreint l’étendu, aucune renonciation anticipée ne pouvant être valablement opérée.

En outre, la clause énoncée au procès-verbal de livraison dont la SNC se prévaut ne peut être quant à elle considérée comme valant renonciation, d’une part, en l’absence de toute mention expresse sur ce point seul et, d’autre part, même à considérer comme telle le renvoi au contrat de vente, la clause a laquelle il est renvoyé n’ayant aucune existence étant réputée non écrite, ce renvoi est inopérant.

Ainsi, bien que les consorts [E]-[J] sont recevables à agir à l’encontre de la SNC relativement à des vices et désordres apparents non dénoncés dans le délai d’un mois suivant la prise de possession de leur bien, mais dans celui d’un an prévu à l’alinéa 2 de l’article 1648 du Code civil, il convient cependant que lesdits vices et désordres aient été apparents à la livraison ou dans ledit délai d’un mois.

En l’espèce, s’il n’est pas contestable que les réserves formulées au procès-verbal de livraison du 16 septembre 2019 renvoient à des vices et désordres apparents, au même titre que ceux dont il est fait état dans le courrier des consorts [E]-[J] daté du 15 octobre 2019, il n’en est pas de même de l’ensemble des non-conformités et vices nouveaux résultants des constatations réalisées par huissier de Justice au terme d’un procès-verbal du 23 décembre 2019 reprises dans les courriers et mises en demeure postérieurs, rien ne permettant d’affirmer que ces non-conformités et vices nouveaux aient été apparents au jour de la livraison ou dans le délai d’un mois suivant celle-ci et que les consorts [E]-[J] n’aient légitimement pas pu en prendre la mesure au cours de cette période.

Partant, et relevant que les rapports de réserves produit en pièces 16 et 19 par la SNC ne font nullement état des conditions de leur établissement, alors même qu’il y est fait mention de nombreuses réserves levées à la date du 16 septembre 2019, date à laquelle les mêmes réserves apparaissent « non levées » au procès-verbal de livraison établi contradictoirement, il convient de faire droit à la demande des consorts [E]-[J] dans la limite des désordres et non-conformités apparents ressortant du procès-verbal de livraison et du courrier du 15 octobre 2019.

A l’inverse, en l’absence de toute expertise tendant à définir l’origine même des désordres par ailleurs allégués au visa de l’article 1646-1 du Code civil par les consorts [E]-[J], ceux-ci ne sauraient être pris en compte à ce titre.

En conséquence, la SNC du [Adresse 3] sera condamnée à procéder aux travaux de reprise des désordres et non-conformités ayant fait l’objet de réserves au procès-verbal de livraison et au courrier du 15 octobre 2019, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard et dans la limite d’une période de 6 mois, passé le délai de TROIS MOIS suivant la signification de la présente décision.

Sur le préjudice de jouissance
En application de l’article 1231-1 du Code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

En l’espèce, il est manifeste que les travaux de reprise des vices et non-conformités, alors que les consorts [E]-[J] sont installés depuis plusieurs années dans leur logement, et le fait qu’ils aient eu à supporter, notamment, des extérieurs dégradés depuis leur installation, sont des éléments caractérisant une atteinte à la jouissance de leur bien justifiant que leur soit attribuée une réparation équitablement fixée à la somme de 5.000 euros.

En conséquence, la SNC du [Adresse 3] sera condamnée à payer aux consorts [E]-[J] la somme de 5.000 euros au titre de leur préjudice de jouissance.

Sur le préjudice moral
Vu l’article 1231-1 du Code civil ;

En l’espèce, il convient de relever que le logement dont les consorts [E]-[J] ont fait l’acquisition s’insérait dans un programme de standing dont il était légitime d’attendre des prestations et des finitions de qualité.

Or, il est manifeste au regard des nombreux vices et non-conformités ci-avant abordés et leur persistance dans le temps malgré de nombreuses relances restées sans effet, outre la nécessité de recourir à une procédure judiciaire chronophage, que les consorts [E]-[J] se sont retrouvés placés dans une situation génératrice de désagréments financiers mais également moraux.

Par suite, s’agissant de ces derniers et sans que la critique visant à disqualifier une demande formée forfaitairement ne soit justifiée, il y a lieu de faire droit à celle-ci à hauteur d’une somme qu’il est équitable de fixer à 3.000 euros.

En conséquence, la SNC du [Adresse 3] sera condamnée à payer aux consorts [E]-[J] la somme de 3.000 euros au titre de leur préjudice moral.

Sur l’appel en garantie de la société KORELL
Au soutien de son appel en garantie, la SNC fait valoir que la société KORELL a manqué à ses obligations contractuelles relatives au pilotage du chantier se dont il est résulté de nombreux manquements de la part des sociétés intervenues.
En réponse, la société KORELL fait valoir qu’aucune faute dans la survenance des désordres et autres réserves ne lui est imputable, la SNC ne démontrant pas précisément en quoi elle aurait failli à sa mission de suivi des travaux ou de levée des réserves.

Réponse du Tribunal,

Vu l’article 1231-1 du Code civil,

En l’espèce, il ressort du contrat de maîtrise d’œuvre que la société KORELL avait pour mission de s’assurer du respect des normes de construction en vigueur et du respect des règles de l’art par les entreprises, outre de s’assurer de la coordination des travaux de levée des réserves et de contrôle de leur bonne exécution.

Or, s’il n’est pas possible en l’absence d’expertise de considérer comme manifeste le fait que les désordres et vices apparents relèvent du non-respect par les entreprises des règles de l’art, il est permis au tribunal de juger que l’absence de bonne reprise des réserves formées au jour de la réception et dans le mois suivant celle-ci caractérise un manquement de la société KORELL à ses obligations contractuelles vis-à-vis de la SNC.

En conséquence, la société KORELL sera condamnée à garantir la SNC des condamnations pécuniaires prononcées à son encontre au titre des vices et défauts de conformité apparents.

IV.Sur les demandes de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la SNC du [Adresse 3], supportera les entiers dépens de l’instance, en ce non compris les frais de constat d’huissier non nécessaire à la procédure.

Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.

Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le Juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à ces condamnations.

En l’espèce, la SNC du [Adresse 3] sera condamnée à payer aux consorts [E]-[J] la somme qu’il est équitable de fixer à 5.000 euros, à défaut de production de justificatifs, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

La société KORELL sera condamnée à payer à la SNC du [Adresse 3] la somme qu’il est équitable de fixer à 2.000 euros, à défaut de production de justificatifs, au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

En l’espèce, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

Sur le retard de livraison
CONDAMNE la SNC [Adresse 3] à payer à Monsieur [X] [E] et Madame [U] [J] la somme de 4.247,49 € au titre des frais de relogement et garde-meubles ;

CONDAMNE la SNC [Adresse 3] à payer à Monsieur [X] [E] et Madame [U] [J] la somme de 5.000 € au titre du préjudice moral ;

DEBOUTE Monsieur [X] [E] et Madame [U] [J] de leurs autres demandes indemnitaires formées à ce titre ;

DEBOUTE la SNC [Adresse 3] de sa demande de condamnation de la société KORELL à la garantir à ce titre.

Sur les vices et défauts de conformité apparents
CONDAMNE la SNC [Adresse 3] à procéder ou faire procéder aux travaux de reprise des désordres et non-conformités ayant fait l’objet de réserves au procès-verbal de livraison et au courrier du 15 octobre 2019, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard et dans la limite d’une période de 6 mois, passé le délai de TROIS MOIS suivant la signification de la présente décision ;

CONDAMNE la SNC [Adresse 3] à payer à Monsieur [X] [E] et Madame [U] [J] la somme de 5.000 € au titre du préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la SNC [Adresse 3] à payer à Monsieur [X] [E] et Madame [U] [J] la somme de 3.000 € au titre du préjudice moral ;

CONDAMNE la société KORELL à garantir la SNC [Adresse 3] des condamnations au paiement des sommes susmentionnées de 5.000 € et 3.000 € ;

Sur les demandes de fin de jugement
CONDAMNE la SNC [Adresse 3] à payer à Monsieur [X] [E] et Madame [U] [J] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société KORELL à payer à la SNC [Adresse 3] la somme de 2.000 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SNC [Adresse 3] aux entiers dépens de l’instance ;

AUTORISE le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, Julien CASTELBOU, et le Greffier, Jessica BOSCO BUFFART.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 h
Numéro d'arrêt : 20/02150
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;20.02150 ?
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