La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2024 | FRANCE | N°18/09119

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 j, 13 juin 2024, 18/09119


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 18/09119 - N° Portalis DB2H-W-B7C-S6NN

Jugement du 13 Juin 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître Julie BEUGNOT de la SELARL [R] AVOCATS ET ASSOCIES - 2167
Maître Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE - 502






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu,

le 13 Juin 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 21 Novembre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 30 ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 18/09119 - N° Portalis DB2H-W-B7C-S6NN

Jugement du 13 Juin 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Julie BEUGNOT de la SELARL [R] AVOCATS ET ASSOCIES - 2167
Maître Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE - 502

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 13 Juin 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 21 Novembre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 30 Mai 2024 devant :

François LE CLEC’H, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Patricia BRUNON, Greffier,

En présence de Perrine PEREZ, Juriste assistante du magistrat,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Monsieur [S] [Y]
né le 05 Décembre 1981 à [Localité 2] ([Localité 2]),
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

Madame [E] [B] épouse [Y]
née le 02 Avril 1981 à [Localité 4] ([Localité 4]),
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître Julie BEUGNOT de la SELARL BERGER AVOCATS ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A. AST GROUPE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Stéphane BONNET de la SELAS LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

La société AST GROUPE a fait procéder à l’édification d’un ensemble immobilier sis [Adresse 1]).

Par acte authentique en date du 29 mars 2016, Monsieur [S] [Y] et Madame [E] [B] épouse [Y] ont acquis auprès de la société AST GROUPE au sein de cet ensemble immobilier, en l’état futur d’achèvement, le lot n°12 consistant en un appartement ainsi que les lots n°13 et 14 correspondant chacun à un garage couvert.

Ces lots ont été livrés aux acquéreurs le 12 mai 2016 avec réserves.

Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception en date du 10 janvier 2017, les époux [Y] ont mis en demeure la société AST GROUPE de mettre fin aux désordres non traités ainsi qu’à d’autres apparus depuis la livraison des lots.

Par acte d’huissier en date du 24 mai 2017, les époux [Y] ont assigné la société AST GROUPE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins d’expertise judiciaire.

Par ordonnance du 3 octobre 2017, le juge des référés a fait droit à cette demande et a désigné Monsieur [P] [Z] pour procéder à cette expertise.

Par acte d’huissier en date du 25 septembre 2018, les époux [Y] ont assigné la société AST GROUPE devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de :

-à titre principal, prononcer le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire ;
-à titre subsidiaire :
dire et juger que la société AST GROUPE engage sa responsabilité à l’égard des époux [Y] ; condamner la société AST GROUPE à payer aux époux [Y] une somme qui sera fixée ultérieurement, sur la base d’éléments chiffrés ; -en tout état de cause :
condamner la société AST GROUPE à payer aux époux [Y] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, distraits au profit de Me [F] [R], sur son affirmation de droit ; débouter la société AST GROUPE de l’intégralité de ses fins, moyens et prétentions ; prononcer l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par ordonnance du 20 mai 2019, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.

Ce rapport a été déposé le 22 juillet 2019.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 juin 2022, les époux [Y] demandent au tribunal de :
dire et juger que la société AST était contractuellement tenue de livrer un appartement conforme à la RT 2012 ; dire et juger que la société AST a intentionnellement trompé les époux [Y] en leur indiquant que le bien acquis était conforme à la RT 2012 ; dire et juger que la société AST engage sa responsabilité vis-à-vis des époux [Y] ; condamner la société AST GROUPE à payer aux époux [Y] : la somme de 605 € TTC au titre des investigations réalisées par la société REVER durant l’expertise judiciaire ; la somme de 3200 € TTC au titre des travaux sur l’ensemble fixe vitré ; la somme de 1760 € TTC s’agissant de la reprise des fissures intérieures en parois, outre indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [Z], soit à compter du 22 juillet 2019, jusqu’à la date de la décision à intervenir et ultérieurement, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ; la somme de 990 € TTC s’agissant de la reprise des fissures intérieures en plafond, outre indexation sur l’indice BT01 du coût de la construction à compter du dépôt du rapport d’expertise judiciaire de Monsieur [Z], soit à compter du 22 juillet 2019, jusqu’à la date de la décision à intervenir et ultérieurement, outre intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ; la somme de 8120 € au titre du préjudice de jouissance subi par les époux [Y] sur la période allant du 12 mai 2016 au 18 octobre 2018 ; la somme de 4410 € au titre de leur préjudice de jouissance entre le mois d’octobre 2018 et le 28 juillet 2020 ; la somme de 30 000 € au titre de la RT 2012 ; condamner la société AST GROUPE à payer aux époux [Y] la somme de 17 400 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens distraits au profit de Me [F] [R], sur son affirmation de droit, comprenant notamment les frais d’expertise judiciaire taxés à la somme de 5227,20 € suivant ordonnance de taxe du 12 septembre 2019 ; débouter la société AST GROUPE de l’intégralité de ses demandes, fins, moyens et prétentions ; prononcer l’exécution provision de la décision à intervenir nonobstant appel ni caution.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 décembre 2021, la société AST GROUPE demande au tribunal de :
sur les désordres ;
dire et juger que les demandeurs ne rapportent pas la preuve du caractère apparent des désordres allégués ; dire et juger que les désordres ne relèvent pas de la garantie décennale du vendeur d’immeuble à construire ; dire et juger que la société AST GROUPE n’a commis, en tant que vendeur, aucune faute personnelle dans la réalisation des désordres ; débouter les époux [Y] de leur demande de condamnation de la société AST GROUPE au titre des désordres allégués et de leur prétendu préjudice de jouissance ; sur la non-conformité ;
dire et juger que le bien livré aux époux [Y] est conforme aux engagements contractuels pris par la société AST GROUPE et, dans le cas contraire, dire et juger que la non-conformité ne leur cause aucun préjudice ;débouter les époux [Y] de leur demande au titre de la non-conformité de leur bien à la norme RT 2012 ; en tout état de cause ;
condamner les époux [Y] au paiement de la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, distraits au profit de la SELARL LEGA-CITE, avocat.
Par ordonnance du 21 novembre 2022, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 16 novembre 2023 et mise en délibéré au 7 mars 2024. Le délibéré a été prorogé au 18 avril 2024, puis au 30 mai 2024, puis au 13 juin 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes indemnitaires des époux [Y] au titre des désordres autres que la non-conformité à la norme RT 2012

Sur les demandes aux fins de condamnation aux différents coûts afférents aux fissures et aux infiltrations

Sur la nature des désordres

En vertu de l’article 1642-1 du code civil, les désordres apparents sont ceux révélés par un examen superficiel ou susceptibles d’être détectés par une personne sans compétence technique particulière procédant à des vérifications élémentaires.

Par ailleurs pour qu’un désordre soit considéré comme apparent, il faut qu’outre ce caractère décelable, il soit apparu avant le plus tardif des deux événements que sont soit la réception des travaux effectués avec ou sans réserves, soit l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession des lieux par l’acquéreur, la dénonciation pouvant en revanche elle intervenir dans le délai annal de l’article 1648 du code civil.

Si un désordre est non apparent, il peut être qualifié de décennal si, en application de l’article 1792 du code civil, il compromet la solidité de l’ouvrage ou, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, il le rend impropre à sa destination.

En l’espèce, à propos en premier lieu des fissures intérieures en parois (situées au droit de l’angle du châssis vitré haut du séjour) et des fissures intérieures en plafond (se trouvant dans l’angle de la trémie) observées par l’expert judiciaire, il n’est pas contesté que ces deux types de fissures correspondent respectivement aux fissures intitulées par les demandeurs fissures au plafond à l’étage 6 et fissures au plafond à l’étage 7.

Or, les époux [Y] ont fait part à la société AST GROUPE de ces fissures pour la première fois dans leur courrier avec demande d’avis de réception en date du 10 juin 2016, soit moins d’un mois après la livraison et la prise de possession des lieux le 12 mai 2016. Ces désordres ne peuvent donc être apparus qu’avant l’expiration du délai d’un mois après ladite prise de possession.

En conséquence, les fissures intérieures en parois et les fissures intérieures en plafond constituent des désordres apparents.

En second lieu, sur les infiltrations dans l’angle Sud-Ouest de la baie vitrée située au-dessus du salon, le débat ne concerne pas le délai annal de forclusion de l’article 1648 du code civil. Celui-ci a bien été respecté et ce point n’est pas contesté par la défenderesse, qui écrit d’ailleurs même que les époux [Y] ont bien assigné dans le délai d’un an.

De manière plus générale, le délai de l’article 1648 précité correspond uniquement à la durée pendant laquelle l’action en garantie des désordres apparents peut être introduite.

En revanche, l’apparition des désordres avant la réception ou avant l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession des lieux constitue l’un des critères à caractériser pour que la qualification de désordres apparents soit retenue, la dénonciation des désordres pouvant toutefois intervenir postérieurement dans le délai d’un an de l’article 1648 susvisé.

L’interrogation porte ainsi sur le moment d’apparition des infiltrations. Il est à établir qu’elles sont apparues avant la réception des travaux ou dans le délai d’un mois suivant la prise de possession des lieux.

A cet égard, ces infiltrations sont évoquées pour la première fois par les demandeurs dans leur dire n°1 à l’expert en date du 14 décembre 2017. Et, dans ce dire, il est écrit : « je vous indique que des infiltrations d’eau sont apparues ce week-end au niveau de la baie vitrée située au-dessus du séjour ».

En outre, les époux [Y] mentionnent même dans leurs dernières conclusions que les « infiltrations au droit de la baie vitrée [sont] apparues suite à la première réunion d’expertise [qui a eu lieu le 22 novembre 2017] ».

Par conséquent, au regard de ces éléments, les infiltrations ne sont pas apparues avant l’expiration du délai d’un mois après la prise de possession des lieux, mais le week-end du 9 et 10 décembre 2017, soit plus d’un an et demi après cette prise de possession.

Quant au moyen des demandeurs selon lequel les infiltrations sont des désordres apparents parce qu’elles sont la cause des fissures intérieures en parois dénoncées et constatées dans le délai des vices apparents, il ne peut qu’être écarté puisque l’expert expose que ces fissures proviennent du raccord non armé et non entoilé des plaques de plâtre. Les infiltrations ont seulement, suivant le rapport d’expertise, amplifié les fissures en raison de l’humidification des plaques de plâtre qu’elles ont entraînée. Au demeurant, si les infiltrations avaient été la cause des fissures intérieures en parois, il est à rappeler que des désordres décelables aisément mais dont la cause, l’ampleur ou les conséquences ne sont révélées qu’ultérieurement ne peuvent être qualifiés de désordres apparents. Ainsi, dans l’hypothèse où les infiltrations auraient été la véritable cause des fissures, celles-ci n’auraient pu être qualifiées de désordres apparents car leur cause n’aurait été révélée que postérieurement.

Les infiltrations ne peuvent donc constituer des désordres apparents, mais sont des désordres cachés.

Il convient dès lors d’examiner si ces désordres présentent un caractère décennal.

A ce sujet, en réponse au dire récapitulatif des époux [Y] en date du 22 mars 2019, l’expert mentionne que « lors de certaines pluies, il y a une légère infiltration d’eau qui se traduit par des gouttes et qui a endommagé le parement en plaques de plâtre, mais qui n’a jamais entraîné un sinistre, un dégât des eaux », qu’« ainsi, […], il y a une gêne mais elle ne constitue pas une atteinte grave à l’usage », et que « cette situation ne rend pas la partie du logement concerné inhabitable ».

Toutefois, l’existence de ces infiltrations, qui, suivant le rapport d’expertise, ont pour origine un défaut affectant une menuiserie et plus précisément une défectuosité du profil bas du châssis de la baie vitrée empêchant celui-ci de remplir son rôle de drainage pour évacuer les petites infiltrations, cette défectuosité consistant en une traverse horizontale cassée et dessoudée à sa jonction avec le montant vertical du châssis, implique que l’étanchéité à l’eau de l’appartement n’est pas totalement assurée, ce alors qu’un ouvrage construit pour l’habitation doit être complètement hors d’eau.

Il en résulte donc que ces infiltrations rendent l’ouvrage impropre à sa destination, quand bien même elle se manifeste par des gouttes.

En conséquence, ces désordres revêtent un caractère décennal.

Sur la responsabilité

L’article 1642-1 du code civil énonce :
« Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer. »

L’article 1646-1 du même code dispose :
« Le vendeur d'un immeuble à construire est tenu, à compter de la réception des travaux, des obligations dont les architectes, entrepreneurs et autres personnes liées au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage sont eux-mêmes tenus en application des articles 1792, 1792-1, 1792-2 et 1792-3 du présent code.
Ces garanties bénéficient aux propriétaires successifs de l'immeuble.
Il n'y aura pas lieu à résolution de la vente ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer les dommages définis aux articles 1792, 1792-1 et 1792-2 du présent code et à assumer la garantie prévue à l'article 1792-3. »

L’article 1792 prévoit :
« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

En l’espèce, concernant les fissures intérieures en parois et les fissures intérieures en plafond, puisqu’il s’agit de désordres apparents, ils sont soumis à la garantie de l’article 1642-1 précité due par la société AST GROUPE, vendeur de l’immeuble à construire.

A propos des infiltrations, ces désordres étant de nature décennale, la société AST GROUPE, en tant que vendeur d’immeuble à construire, doit, en application de l’article 1646-1 susvisé, la garantie décennale aux époux [Y].

Sur les préjudices

-Sur les coûts relatifs aux infiltrations

L’expert a chiffré le coût des investigations afférentes aux infiltrations à hauteur de 605 euros TTC, qui sera assumé par la société AST GROUPE.

L’expert a également chiffré le coût des travaux destinés à mettre fin aux infiltrations, consistant en la dépose et le changement de l’ensemble fixé vitré, à la somme de 2999,37 euros TTC.

Les époux [Y] ont finalement fait réaliser ces travaux pour un coût de 3200 euros TTC (pièce 30 demandeurs : facture STOREMA du 28 juillet 2020).

Cependant, rien, parmi les pièces communiquées par les demandeurs, ne permet de justifier ce coût supérieur par rapport à celui arrêté par l’expert.

Dès lors, la défenderesse supportera le coût évalué par l’expert, soit la somme de 2999,37 euros TTC.

Ainsi, la société AST GROUPE sera, sur le fondement de la garantie décennale, condamnée à verser aux époux [Y] ensemble la somme de 605 euros TTC au titre du coût des investigations afférentes aux infiltrations et celle de 2999,37 euros TTC au titre du coût des travaux relatifs à l’ensemble fixe vitré destinés à mettre fin aux infiltrations.

Les époux [Y] seront déboutés du surplus de leur demande au titre du coût des travaux visant à mettre fin aux infiltrations.

-Sur le coût des travaux de reprise des fissures

Les travaux de reprise des fissures intérieures en parois ont été évalués à la somme de 1760 euros TTC, et ceux des fissures intérieures en plafond à la somme de 990 euros TTC.

La société AST GROUPE sera, en application de la garantie de l’article 1642-1 du code civil, condamnée à verser ces sommes aux époux [Y] ensemble.

Sur la demande de condamnation au titre du préjudice de jouissance

Les époux [Y] sollicitent en premier lieu l’indemnisation d’un préjudice de jouissance pour la période allant du 12 mai 2016 au 18 octobre 2018.

Ils invoquent à ce titre les désordres suivants, qui étaient résolus au 18 octobre 2018 :
fuite dans le box B2 ; fuite dans le box B1 ; impacts et rayures sur les vitrages de l’appartement ; l’absence des bavettes basses sur deux fenêtres ; dysfonctionnement du store du séjour et pas de finition en sous face du coffre du volet ; remontées d’odeur dans les toilettes au R+7 ; fissures extérieures en façade nord ; fissure verticale extérieure en façade sud.
Suivant leurs dernières conclusions, ils y ajoutent les fissures intérieures en parois et au plafond auxquelles il n’a pas encore été mis fin.

Si un préjudice de jouissance ne serait susceptible de résulter d’aucun de ces désordres pris seul, en revanche, compte tenu de leur accumulation et du fait que plusieurs endroits de l’appartement ont été touchés ainsi que les deux boxs, il y a lieu de considérer que ces désordres ont affecté la jouissance des époux [Y].

Toutefois, les demandeurs ne démontrant pas qu’ils n’ont pas pu continuer à habiter dans une ou plusieurs pièces du logement ou que les conditions de vie ont été nettement dégradées pour une ou plusieurs de ces pièces, et n’établissant également pas qu’ils n’ont plus eu l’usage de leurs boxs, il convient d’évaluer ce préjudice de jouissance à 5% de la valeur locative, soit un montant mensuel de 70 euros.

En conséquence, la société AST GROUPE sera condamnée à verser aux époux [Y] ensemble la somme de 2030 euros (70 euros x 29 mois) au titre du préjudice de jouissance subi pour la période allant du 12 mai 2016 au 18 octobre 2018.

En second lieu, les époux [Y] demandent à ce que la défenderesse soit condamnée à des dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance subi pour la période allant du mois d’octobre 2018 au mois de juillet 2020.

Ils invoquent pour ce préjudice uniquement les infiltrations au droit de la baie vitrée, qu’ils ont traités à leurs frais avancés, avec une facture finale en date du 28 juillet 2020.

Cependant, ces infiltrations ne s’étant manifestées que par des gouttes lors de certaines pluies et n’ayant eu pour seule conséquence qu’une amplification des fissures de l’angle du châssis vitré haut du séjour avec in fine un trou dans le plâtre au niveau de cet angle, il ne peut être retenu qu’elles ont impacté la jouissance par les époux [Y] de leur bien.

Dès lors, ils seront déboutés de leur demande à ce titre.

Sur la demande indemnitaire des époux [Y] au titre de la non-conformité à la norme RT 2012

L’article 1134, alinéa 1er, ancien du code civil prévoit que « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ».

En application des articles 1603 et 1604 du même code, le vendeur en l’état futur d’achèvement est tenu de réaliser un immeuble conforme aux prévisions du contrat.

Il a été retenu par la jurisprudence que les documents annexés à l’acte de vente d’un immeuble en l’état futur d’achèvement, en particulier les plans de masse, ont valeur contractuelle.

Par ailleurs, l’article 1642-1 du code civil énonce :
« Le vendeur d'un immeuble à construire ne peut être déchargé, ni avant la réception des travaux, ni avant l'expiration d'un délai d'un mois après la prise de possession par l'acquéreur, des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents.
Il n'y aura pas lieu à résolution du contrat ou à diminution du prix si le vendeur s'oblige à réparer. »

En l’espèce, ainsi que l’expert le relève, la réglementation applicable à l’opération de construction était la RT 2005 et non la RT 2012.

Ainsi, la société AST GROUPE ne devait pas sur le plan du respect des normes se soumettre à la RT 2012.

Néanmoins, il reste à déterminer si la conformité du bien à la norme RT 2012 entrait dans le champ du contrat passé entre les époux [Y] et la société AST GROUPE. En effet, dans cette hypothèse, la seconde était alors contractuellement tenue de délivrer aux premiers un bien conforme à cette norme.

A cet égard, est annexé à l’acte de vente du 29 mars 2016 le plan de masse du bien immobilier sur lequel est mentionné la RT 2012.

Or, le plan de masse a valeur contractuelle puisqu’il est annexé à l’acte de vente.

Par conséquent, la conformité à la RT 2012 fait partie du champ contractuel, et cette prévision contractuelle devait donc être respectée par la société AST GROUPE, ce qui n’a pas été le cas car le vendeur d’immeuble à construire s’est référé à la norme RT 2005.

Il y a donc un défaut de conformité contractuelle.

Etant donné que ce défaut a été mis en évidence par procès-verbal de constat d’huissier en date du 17 mai 2016, soit quelques jours après la prise de possession des lieux le 12 mai 2016, il s’agit d’un désordre apparent relevant de la garantie de l’article 1642-1 précité, garantie incombant au vendeur d’immeuble à construire.

Toutefois, la preuve d’un préjudice doit être rapportée pour qu’une indemnisation puisse être obtenue.

A ce sujet, il est exposé dans le rapport d’expertise que l’étude thermique, l’expert soulignant que les études thermiques sont bien plus complètes, précises et détaillées que les diagnostics de performance énergétique, met en exergue un Cep de 66,25 kWep/m2.an et de 59,16 kWep/m2.an en mode calcul de BBC, le Cep exigé par la RT 2012 pour Lyon étant de 69 kWep/m2.an (le Cep prévu par la RT 2012 est en principe de 57,5 kWep/m2.an, mais il doit être incrémenté avec le coefficient géographique de la région, soit pour Lyon 69 kWep/m2.an), et que le rapport de mesure de perméabilité à l’air mentionne une perméabilité de 0,699 m3/(h.m2), la RT 2012 ayant sur ce point une exigence de 1 m3/(h.m2).

Ainsi, le Cep et la perméabilité à l’air mesurés sont meilleurs que ce qui est exigé par la norme RT 2012.

Il en résulte que le défaut de conformité contractuelle relatif à la RT 2012 ne cause pas de préjudice aux époux [Y].

Au demeurant, il est à indiquer que les demandeurs n’établissent pas en quoi cette non-conformité a rendu nécessaire l’installation d’une climatisation, et qu’ils se contentent de procéder par voie d’affirmations sur le fait qu’ils auraient acquis le bien à un prix moindre s’ils avaient eu connaissance de cette non-conformité et sur l’évaluation du montant de la diminution du prix de vente qu’ils auraient sollicités.

En conséquence, les époux [Y] seront déboutés de leur demande de condamnation au titre du défaut de conformité contractuelle relatif à la RT 2012.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société AST GROUPE sera condamnée aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire taxés à la somme de 5227,30 euros. Les dépens seront recouvrés directement par Me [F] [R].

La société AST GROUPE, tenue des dépens, sera condamnée à verser aux époux [Y] ensemble la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

En vertu des articles 514 et 515 du code de procédure civile dans leur version antérieure au 1er janvier 2020, eu égard à l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire et sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant à juge unique, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE la société AST GROUPE à verser à Madame [E] [B] épouse [Y] et à Monsieur [S] [Y] ensemble :
la somme de 605 euros TTC au titre du coût des investigations afférentes aux infiltrations ; la somme de 2999,37 euros TTC au titre du coût des travaux relatifs à l’ensemble fixe vitré destinés à mettre fin aux infiltrations ; la somme de 1760 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des fissures intérieures en parois, avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, soit le 22 juillet 2019 ; la somme de 990 euros TTC au titre du coût des travaux de reprise des fissures intérieures en plafond, avec indexation en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction BT01 à compter de la date du dépôt du rapport d’expertise judiciaire, soit le 22 juillet 2019  ;

DIT que ces sommes seront assorties des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement en application de l’article 1231-7 du code civil ;

DEBOUTE Madame [E] [B] épouse [Y] et Monsieur [S] [Y] du surplus de leur demande au titre des travaux relatifs à l’ensemble fixe vitré destinés à mettre fin aux infiltrations ;

CONDAMNE la société AST GROUPE à verser à Madame [E] [B] épouse [Y] et à Monsieur [S] [Y] ensemble la somme de 2030 euros au titre du préjudice de jouissance subi pour la période allant du 12 mai 2016 au 18 octobre 2018, somme qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement en application de l’article 1231-7 du code civil ;

DEBOUTE Madame [E] [B] épouse [Y] et Monsieur [S] [Y] de leur demande de condamnation au titre du préjudice de jouissance qu’ils auraient subi pour la période allant du mois d’octobre 2018 au 28 juillet 2020 ;

DEBOUTE Madame [E] [B] épouse [Y] et Monsieur [S] [Y] de leur demande de condamnation au titre du défaut de conformité contractuelle relatif à la RT 2012 ;

CONDAMNE la société AST GROUPE aux dépens, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire taxés à la somme de 5227,30 euros, dépens qui seront recouvrés directement par Me [F] [R] ;

CONDAMNE la société AST GROUPE à verser à Madame [E] [B] épouse [Y] et à Monsieur [S] [Y] ensemble la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;  

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT
Patricia BRUNONFrançois LE CLEC’H


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 j
Numéro d'arrêt : 18/09119
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;18.09119 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award