La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/05/2024 | FRANCE | N°21/05544

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 h, 30 mai 2024, 21/05544


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/05544 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V73T

Jugement du 30 Mai 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON - 938
Maître Frédéric PIRAS de la SELARL PIRAS ET ASSOCIES - 704






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Ma

i 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 04 Septembre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 19 Mars 2024 ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/05544 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V73T

Jugement du 30 Mai 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON - 938
Maître Frédéric PIRAS de la SELARL PIRAS ET ASSOCIES - 704

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Mai 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 04 Septembre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 19 Mars 2024 devant :

Julien CASTELBOU, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Patricia BRUNON, Greffier

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSES

S.C. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE DE SAINT-CIERGE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 3]

représentée par Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat postulant du barreau de LYON et par Maître Dominique NICOLAÏ-LOTY de la SELARL NICOLAÏ-LOTY-SALAÜN, avocat plaidant du barreau de PARIS

S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE PALIX,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat postulant du barreau de LYON et par Maître Dominique NICOLAÏ-LOTY de la SELARL NICOLAÏ-LOTY-SALAÜN, avocat plaidant du barreau de PARIS

DEFENDERESSE

Compagnie d’assurance L’AUXILIAIRE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Frédéric PIRAS de la SELARL PVBF, avocat postulant du barreau de LYON et par Maître Henri BERAUD de la SCP BERAUD-LECAT-BOUCHET, avocat plaidant du barreau d’ARDECHE

La SCI SAINT CIERGE et la SCI PALIX, gérées par Madame [O] [Y] ont confié, fin 2014 pour la première et fin 2015 pour la seconde, des travaux de réfection de toiture à la société PETRABAT, assurée auprès de la compagnie L’AUXILIAIRE et gérée par Monsieur [K] [C], filleul de Madame [Y].
Madame [Y] a intégralement réglé les factures de travaux.
Rapidement des désordres sont apparus et Madame [Y] a sollicité l’intervention de Monsieur [C].
Au regard de l’absence de toutes reprises, Madame [Y] a fait constater par Huissier de Justice l’état des toitures et la qualité des travaux réalisés par la société PETRABAT.
La société PETRABAT a fait l’objet d’une liquidation et a été radiée du répertoire des métiers le 27 juillet 2016.
Par exploit du 19 août 2021, la Société civile immobilière et agricole de Saint-Cierge (SCIASC) et la Société civile immobilière et agricole PALIX ont assigné la société L’AUXILIAIRE devant la présente juridiction.
*

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 24 mars 2023, la Société civile immobilière et agricole de Saint-Cierge (SCIASC) et la Société civile immobilière et agricole PALIX sollicitent d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1231-1, 1343-2 et 1792 du Code civil ; L124-3 du Code des assurances :
Condamner la société L’AUXILIAIRE, assureur de la société PETRABAT, à payer :A la SCIASC, la somme de 32.106,25 € TTC au titre des travaux de réfection de la toiture et qui sera actualisée selon l’indice BT01 du coût de la construction au jour du jugement à intervenir, ainsi que la somme de 23.760 € arrêtée au mois de mars 2023 inclus au titre du préjudice de jouissance (soit 240 € par mois), somme qui sera actualisée à la date du jugement à intervenir,A la SCI PALIX, la somme de 3.091 € TTC au titre des travaux de réfection et qui sera actualisée selon l’indice BT01 du coût de la construction au jour du jugement à intervenir, ainsi que la somme de 5.000 € au titre du préjudice de jouissance,Avec intérêts au taux légal à compter de la présente assignation et capitalisation desdits intérêts.

Condamner la société L’AUXILIAIRE à verser à la SCIASC et à la SCI PALIX la somme de 10.000 € en application des dispositions prévues par l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, en ce compris ceux de la procédure de référé et les frais et honoraires d’expertise,Juger n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision.*
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 1er février 2023, la compagnie L’AUXILIAIRE sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1792 et 1792-6 ; 1231-1 du Code civil et L124-3 du Code des assurances :
Débouter la SCIASC et la SCI PALIX de leurs demandes fondées sur la responsabilité contractuelle visée par l’article 1231-1 du Code civil.Sur les demandes présentées par la SCI ASC :
A titre principal,
Débouter la SCI ASC de ses demandes.A titre subsidiaire,
Débouter la SCI ASC de ses demandes.A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger que le coût des travaux de réfection de la toiture sera limité à la somme de 9.449,50 € TTC,Débouter la SCI ASC de sa demande au titre du préjudice de jouissance.
Sur les demandes présentées par la SCI PALIX :
A titre principal,
Débouter la SCI PALIX de ses demandes.

A titre subsidiaire,
Débouter la SCI PALIX de sa demande de bénéfice de l’action directe à l’encontre de la société L’AUXILIAIRE,A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger que les travaux de réfection seront limités à la somme de 3.091,00 € TTC,Débouter la SCI PALIX de sa demande au titre du préjudice de jouissance.
En tout état de cause :
Condamner solidairement la SCI PALIX et la SCI ASC à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.*
En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé exhaustif de leurs prétentions et moyens.
*
La clôture de la procédure a été prononcée au 04 septembre 2023.
*
MOTIFS
A titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirment les sociétés demanderesses, il ressort du contrat d’assurance souscrit par la société PETRABAT auprès de la compagnie L’AUXILIAIRE que celle-ci n’est couverte au titre de la « responsabilité civile construction » qu’au titre des garanties légales de parfait achèvement et décennale, pour les dommages affectant les ouvrages auxquels elle a participé et ce, après réception.
De même, il apparait à la lecture des pièces 1 et 2 produites par la compagnie L’AUXILIAIRE, que la responsabilité civile hors construction est destinée à couvrir la responsabilité de la société PETRABAT en cas de dommage extérieur aux ouvrages qu’elle a réalisés.
Dès lors, relevant que les préjudices dont la SCIASC et la SCI PALIX sollicitent l’indemnisation résultent tous des constructions réalisées par la société PETRABAT, il s’en déduit que seule la garantie « responsabilité civile construction » peut être mise en œuvre, excluant toute possibilité de condamnation de la compagnie L’AUXILIAIRE sur un fondement autre que ceux de la garantie décennale ou de la garantie de parfait achèvement.
A ce titre, et contrairement à la lecture à tout le moins erronée de l’article L124-3 du Code des assurances faite par la compagnie L’AUXILIAIRE, les SCIASC et SCI PALIX disposent à son encontre d’une action directe.

Sur les travaux de réfection du bien de la SCIASCAu soutien de sa demande d’indemnisation, la SCIASC soutient que la responsabilité de la société PETRABAT est engagée au titre de la garantie décennale au regard du défaut d’étanchéité à l’eau ou à l’air de la toiture, soulignant que l’absence actuelle d’infiltration d’eau ne résulte que de réparations de fortunes réalisées après réception de l’ouvrage et en dehors de tout respect des règles de l’art. En outre, elle souligne que l’absence d’étanchéité à l’air, due au fait que l’écran sous toiture n’a pas été posé avec un double litage, rend également impropre l’habitation à sa destination. Enfin, elle fait valoir que les malfaçons dans la mise en œuvre des tuiles sont susceptibles de porter atteinte à la sécurité des personnes ce qui rend également l’ouvrage impropre à sa destination.

En réponse, la compagnie L’AUXILIAIRE fait valoir qu’il ne ressort nullement du rapport d’expertise l’existence d’une impropriété de l’ouvrage à sa destination. Elle soutient à ce titre que les manquements aux règles de l’art que reproche la SCIASC à la société PETRABAT n’ont aucune incidence sur la conformité de l’ouvrage à sa destination, aucun problème d’étanchéité à l’eau n’ayant été relevé et moins encore s’agissant de l’étanchéité à l’air, en ce que le manque d’étanchéité à l’air sous la couverture ne peut être reproché à la société PETRABAT, dans la mesure où l’objectif de la réfection de la toiture n’est pas d’assurer une étanchéité à l’air mais uniquement une étanchéité à l’eau. Enfin, elle relève que l’atteinte à la sécurité des personnes n’est nullement démontrée.
Réponse du Tribunal,
En application de l’article 1792 du Code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement le rendent impropre à sa destination.
En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise que la réalité des malfaçons et non-conformités dont l’ouvrage de la société PETRABAT souffre n’est nullement contestable.
Pour autant, ainsi que le relève l’expert, aucun désordre en lien direct avec ceux-ci n’a été constaté et aucune impropriété à destination n’en est résultée, pas plus qu’une atteinte à la solidité de l’ouvrage au sens de l’article susmentionné.
Sur ce point, il doit être précisé que les réparations et autres ajouts réalisés sur la toiture par la société PETRABAT doivent s’entendre comme faisant partie de l’ouvrage. Dès lors, l’atteinte à la destination de l’ouvrage ne peut être envisagée abstraction faite de ces réparations et ajouts qui ne caractérisent qu’un manquement aux règles de l’art.
En outre, l’ensemble des désordres et malfaçons constatées n’ayant fait l’objet d’aucune réserve lors de la réception ou dans les délais imposés au titre de la garantie de parfait achèvement, il ne saurait être fait application des dispositions relatives à cette dernière.
En conséquence, la demande de condamnation de la compagnie L’AUXILIAIRE formée par la SCI ASC sera rejetée.

Sur les travaux de réfection du bien de la SCI PALIXLa SCI PALIX soutient qu’il existe de graves malfaçons dans l’ouvrage réalisé par la société PETRABAT et que ces désordres relèvent de la garantie décennale, la réception des travaux devant être considérée comme tacitement intervenue en 2016, après livraison et paiement des ouvrages.
En réponse, la compagnie L’AUXILIAIRE soutient que la garantie décennale ne peut être mobilisée en l’absence de réception de l’ouvrage, la SCI PALIX ayant certes procédé au paiement intégral des travaux mais n’ayant jamais pris possession de l’immeuble.
Réponse du Tribunal,
Vu l’article 1792 du Code civil ;
En application de l’article 1792-6 du Code civil, la réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l’amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement.
En l’espèce, si le paiement intégral des travaux n’est pas contesté, il ressort du rapport d’expertise qu’aucune démarche particulière de la SCI PALIX ne permet de caractériser une prise de possession effective de l’ouvrage, nécessaire à caractériser une réception tacite et à en permettre la fixation dans le temps. A ce titre, il convient de rappeler que la livraison et la réception sont deux notions distinctes sur un plan juridique.
Or, si l’ouvrage a sans contestation possible été livré à la SCI PALIX, cette dernière n’a exprimé aucune volonté manifeste et non équivoque de réceptionner les ouvrages alors même, sachant que la maison ne serait pas habitée dans l’immédiat, que s’imposait à elle de prendre les mesures propres à pallier cette absence de prise de possession effective.
En outre, ainsi que le relève l’expert, l’absence de réalisation des travaux d’aménagement de l’habitation traduisent, non pas une absence de moyens telle qu’alléguée par Madame [Y], mais une impossibilité au regard des graves malfaçons affectant les ouvrages réalisés par la société PETRABAT qui ne pouvaient être réceptionnés en l’état et qui avaient au surplus donné lieu à l’intervention d’ouvriers au cours du mois de juin 2016, soit postérieurement au paiement des travaux.
Il en résulte qu’en l’absence de réception, la garantie décennale ne peut être engagée.
En conséquence, les demandes de la SCI PALIX formées à l’encontre de la compagnie L’AUXILIAIRE seront rejetées.

Sur les demandes de fin de jugementAux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, les SCI ASC et PALIX, supporteront les entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire qui les concerne respectivement.
Le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile est accordé aux avocats en ayant fait la demande et pouvant y prétendre.
Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le Juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à ces condamnations.
En l’espèce, les SCI ASC et PALIX seront condamnées in solidum à payer à la compagnie L’AUXILIAIRE la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
En l’espèce, il n’y a lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;
DEBOUTE la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE de ST CIERGE et la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE PALIX de leurs demandes ;
CONDAMNE la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE de ST CIERGE et la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE PALIX aux entiers dépens de l’instance en ce compris les frais de l’expertise judiciaire qui les concerne respectivement ;
CONDAMNE in solidum la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE de ST CIERGE et la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE ET AGRICOLE PALIX à payer à la compagnie L’AUXILIAIRE la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit en application des dispositions de l’article 514 du Code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
En foi de quoi le Président et le greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT
Patricia BRUNONJulien CASTELBOU


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 h
Numéro d'arrêt : 21/05544
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;21.05544 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award