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28/05/2024 | FRANCE | N°24/01301

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 28 mai 2024, 24/01301


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Madame [F] [K]
C/
S.A.S. TEO INVESTISSEMENT

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/01301 - N° Portalis DB2H-W-B7I-ZBAJ


DEMANDERESSE

Mme [F] [K]
[Adresse 4]
[Localité 1]

R

eprésentée par Me Maud BARBEAU de la SCP CGCB avocat au barreau de MARSEILLE (avocat plaidant) et par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au b...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Madame [F] [K]
C/
S.A.S. TEO INVESTISSEMENT

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/01301 - N° Portalis DB2H-W-B7I-ZBAJ

DEMANDERESSE

Mme [F] [K]
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Me Maud BARBEAU de la SCP CGCB avocat au barreau de MARSEILLE (avocat plaidant) et par Me Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS, avocat au barreau de LYON (avocat postulant)

DEFENDERESSE

S.A.S. TEO INVESTISSEMENT, immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 523 646 800
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représentée par Me Alexandre MEYRONET, avocat plaidant au barreau de GRASSE et par Me Aurélie DAMEVIN, avocat postulant au barreau de LYON

NOTIFICATION LE :
- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Maître Thomas KAEMPF de la SELARL BK AVOCATS - 438, Me Aurélie DAMEVIN - 1124
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance en date du 03 août 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de CANNES a enjoint à la société TEO INVESTISSEMENT de respecter les horaires applicables aux travaux de chantier sur la commune de [Localité 6] sous astreinte de 1000 € par infraction constatée à compter de l'ordonnance à intervenir.

L'ordonnance a été signifiée à la société TEO INVESTISSEMENT le 18 septembre 2023.

Par acte d'huissier en date du 8 février 2024, Madame [F] [K] a donné assignation à la société TEO INVESTISSEMENT à comparaître devant le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de Lyon afin de voir liquider l'astreinte de 1000 € par infraction constatée aux horaires applicables aux travaux de chantier sur la commune de [Localité 6] prononcée à l'encontre de la société TEO INVESTISSEMENT par l'ordonnance rendue le 03 août 2023 par le tribunal de commerce de CANNES et la condamner à lui verser 50.000 € correspondant à 50 infractions constatées depuis le 03 août 2023, outre 3000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner aux dépens comprenant notamment les deux procès-verbaux de constat dressés par commissaire de justice les 12 décembre 2023 et 4 janvier 2024 pour un montant de 1002,40 €.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 mars 2024 et renvoyée à l'audience du 30 avril 2024, date à laquelle elle a été évoquée.

A cette audience, Madame [F] [K], représentée par son conseil, actualise sa demande de liquidation de l'astreinte à la somme de 66.000 € sur la période du 18 septembre 2023 au 15 avril 2024, soit 66 infractions. Elle sollicite également de condamner la société TEO INVESTISSEMENT à lui verser la somme de 7093,60 € correspondant au coût d'établissement des procès-verbaux de constat dressés par Commissaire de justice les 12 décembre 2023, 04 janvier 2024, 08-09-11 et 12 janvier 2024, 27 janvier 2024, 07 février 2024, 19 février 2024, 12-13-14-15-19 et 20 mars 2024, 29 mars et 02-03-05 avril 2024.

Elle fait valoir que la société TEO INVESTISSEMENT n'a pas respecté les horaires applicables imposés par l'arrêté du 3 juillet 2014, procès-verbaux de commissaire de justice à l'appui. Elle ajoute que sur un plan probatoire, il lui incombe uniquement de rapporter la preuve que des outils ou appareils susceptibles de causer une gêne pour le voisinage ont été employés à des heures ou des jours proscrits, non que ces troubles ont été intenses. Elle considère que les procès-verbaux qu'elle produit établissent parfaitement de l'emploi en dehors des heures autorisées de marteaux-piqueurs, marteaux ou disqueuses susceptibles de causer un fort bruit et partant une gêne en raison de leur intensité sonore.

La société TEO INVESTISSEMENT, représentée par son conseil, conclut au débouté de la demanderesse en l'ensemble de ses prétentions.

A titre reconventionnel, elle sollicite de condamner Madame [F] [K] à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et 4000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle estime que la preuve des violations des horaires de travaux fixés par la commune de [Localité 6] par arrêté du 3 juillet 2014 est insuffisamment établie pour les 47 infractions listées dans une seule attestation qu'elle considère comme non suffisamment probante, celle de Monsieur [S], gardien de Madame [F] [K], nécessairement sujette à caution selon elle.

Elle estime que sur les 3 infractions pouvant être retenues, à savoir celles constatées par Maître [J] les 12 décembre 2023 et 4 janvier 2024, l'intensité des troubles n'est pas suffisamment démontrée, le commissaire de justice se contentant de généralités considérées comme non suffisamment probantes. Elle ajoute que la villa de Madame [F] [K] est entourée de propriétés qui sont également en cours de travaux, de sorte que l'imputabilité des constatations du commissaire de justice à l'encontre de la société TEO INVESTISSEMENT n'est pas rapportée, constat à l'appui.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024, date à laquelle elle a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'assignation précitée et les conclusions déposées par les parties à l'audience et reprises oralement lors des débats ;

Sur la demande de liquidation de l'astreinte

En application de l'article L131-4 du Code des procédures civiles d'exécution, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

Ainsi, l'astreinte est une menace de condamnation pécuniaire virtuelle qui ne se concrétise qu'en cas d'inexécution ou d'exécution tardive d'une décision de justice exécutoire puisque sa finalité est précisément d'obtenir l'exécution de cette décision.

Par définition dissuasive et comminatoire, l'astreinte n'est pas fonction du préjudice subi par le créancier mais de la capacité de résistance du débiteur.

La liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant, qui nécessite une nouvelle saisine du juge, ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

En l'espèce, par décision en date du 03 août 2023, le juge des référés du Tribunal de commerce de CANNES a enjoint à la société TEO INVESTISSEMENT de respecter les horaires applicables aux travaux de chantier sur la commune de [Localité 6] sous astreinte de 1000 € par infraction constatée à compter de l'ordonnance à intervenir.

La décision a été signifiée le 18 septembre 2023.

L'astreinte a donc commencé à courir le 19 septembre 2023.

Il résulte de l'ordonnance de référé rendue le 03 août 2023 par le Tribunal de commerce de CANNES que le juge a visé l'arrêté municipal du 3 juillet 2014 fixant les horaires des chantiers sur le territoire de la commune de [Localité 6]. D'après cet arrêté municipal, " toute personne utilisant dans le cadre de ses activités professionnelles, à l'intérieur de locaux ou en plein air, sur la voie publique ou dans des propriétés privées des outils ou appareils susceptibles de causer une gêne pour le voisinage en raison de leur intensité sonore ou des vibrations transmises, ne peut effectuer ces travaux que de 8 heures à 12 heures et de 14 heures à 19 heures les jours ouvrables. Ils sont interdits les dimanches et jours fériés " (pièce 4 en demande).

Il convient de rappeler qu'il appartient au débiteur de l'obligation prescrite par la juridiction de fond de rapporter la preuve de l'exécution de ladite obligation ou de démontrer qu'il s'est heurté à des difficultés dans l'exécution de ladite obligation. A l'inverse, il appartient au créancier de l'obligation de ne pas faire de rapporter la preuve de l'infraction constatée.

A ce titre, il est exact, comme le soutient la partie défenderesse, que l'attestation de Monsieur [B] [S] ne présente qu'une valeur probante réduite, et en tout état de cause insuffisante à elle-seule à établir de la réalité des infractions constatées. Il n'est en effet pas contesté que Monsieur [B] est le gardien de Madame [F] [K], de sorte que l'impartialité et l'objectivité de son témoignage peuvent être questionnées. Les pièces 5,6 et 7 sont donc de valeur probante relative.

Madame [F] [K] verse ensuite :
-Un procès-verbal de constat établi par la SCI ELITAZUR, Commissaires de Justice Associés à [Localité 6] (06) en date du 12 décembre 2023, qui a relevé, à partir de 13h30 jusqu'à 14h40, des bruits de marteau-piqueur en provenance de la parcelle mitoyenne située au numéro [Adresse 3], désignée comme la propriété de la société TEO INVESTISSEMENT, précisant qu'à 13h31 les nuisances sonores sont importantes, et qu'à 13h39, les bruits de marteau-piqueur se poursuivent sans discontinuer, avec des bruits de masse perceptibles (pièce 8 en demande),
-Un procès-verbal de constat établi par la SCI ELITAZUR, Commissaires de Justice Associés à [Localité 6] (06), en date du 04 janvier 2024, qui a relevé, à partir de 13h20, avoir entendu très distinctement depuis le jardin, côté propriété voisine désignée comme étant celle de la société TEO INVESTISSEMENT, des bruits de masse et de marteau piqueur provenant de la maison en travaux ; le commissaire de justice instrumentaire a également pris des clichés de la propriété voisine qui constatent que le mur de façade au dernier étage est partiellement démoli et qu'un étayage est installé ; les photographies mettent en évidence la présence de deux ouvriers, qui à chaque angle de la maison démolissent le mur au moyen d'une masse avec la projection visible de gravats ; il précise ensuite entendre distinctement des bruits de masse et de marteau piqueur depuis l'entrée de la maison, et indique que depuis la cuisine, baie vitrée fermée, les bruits de travaux en cours, masse et marteau piqueur provenant de la propriété voisine sont audibles ; il constate également que les bruits des travaux sont perceptibles depuis l'intérieur de la maison, en entendant très clairement les bruits de masse et de marteau piqueur ; il a constaté, clichés à l'appui, les travaux de démolition en cours sur le pignon de la maison voisine et la présence d'un ouvrier détruisant le mur avec une masse (pièce 9 en demande) ;
-Les autres procès-verbaux de constat établis par la SCI ELITAZUR procèdent aux mêmes constatations sonores et visuelles provenant de la propriété voisine TEO INVESTISSEMENT sur les périodes suivantes : le 8 janvier 2024 à 13h30 (coups de marteau depuis le jardin, pelles manipulant des gravats, coups de disqueuse provenant de l'intérieur de la maison voisine), le 9 janvier 2024 à 13h10 (bruits de marteau et de marteau piqueur), le 11 janvier 2024 à 13h05 (bruits de percussions sur pièces métalliques, bruits de disqueuse, grue en cours d'utilisation), le 12 janvier 2024 à 13 h (bruits de masse, de marteau piqueur et de disqueuse à 13h11) - pièce 11),
-A nouveau le 27 janvier 2024 à 13h22, le commissaire de justice instrumentaire constate des bruits de ferraille provenant de la maison voisine, avec des bruits de marteau et de perceuse (pièce 12),
-Le 7 février 2024 à 13h, des constatations identiques ont été réalisées par le commissaire de justice instrumentaire (depuis la cuisine de Madame [F] [K], bruits de marteau piqueur audibles provenant de la maison voisine désignée comme la propriété de TEO INVESTISSEMENT) ; depuis la terrasse de la cuisine, des bruits de marteau piqueur et de percussion de marteau sur pièce métallique provenant de la maison voisine sont constatés ; les nuisances sonores sont audibles depuis l'intérieur de la maison baies vitrées et volets fermés (pièce 13) ;
-Le 19 février 2024, à 13h, des constatations identiques sont émises par le commissaire de justice instrumentaire (bruits de marteau, perceuse ou visseuse depuis la propriété voisine à partir de 13h15) - pièce 14),
-Des constatations identiques ont été réalisées par le commissaire de justice les 12 mars 2024 à 13h05, 13 mars 2024 à 13h10, 14 mars 2024 à 13h10, 15 mars 2024 à 13h20, 19 mars 2024 à 12h30, et 24 mars 2024 à 13 h (coups de marteau, percussions sur des pièces métalliques, bruits de disqueuse) - pièce 15 ;
-Des constatations identiques ont été réalisées par le commissaire de justice les 29 mars 2024 à 12h40, 02 avril 2024 à 12h55, 3 avril 2024 à 12h20 et 5 avril 2024 à 13h10 (bruits de marteau, de percussion, utilisation du chariot de poulie de la grue élévatrice) - pièce 16.

De ces éléments, établis par procès-verbaux de commissaire de justice qui valent foi jusqu'à inscription de faux, il est parfaitement caractérisé le non-respect des horaires de chantier par la société TEO INVESTISSEMENT ; non seulement les constatations sont systématiquement effectuées entre 12 heures et 14 heures, créneau horaire excluant la poursuite de travaux de chantiers à nuisances sonores selon l'arrêté municipal du 3 juillet 2014, mais il ne fait également aucun doute que les nuisances sonores importantes constatées proviennent de la propriété voisine de celle de Madame [F] [K], appartenant à la société TEO INVESTISSEMENT. Les nombreux clichés photographiques témoignent en effet, si besoin était, de l'ampleur des travaux engagés sur la propriété de la société TEO INVESTISSEMENT, de la présence constante d'ouvriers, d'engins de chantiers, de bennes, de camions, et d'une grue, soit autant d'outils de travaux à qui l'imputabilité des nuisances sonores peut être rattachée sans aucun doute.

De son côté, la société défenderesse verse plusieurs pièces. Les premières sont antérieures à la période litigieuse durant laquelle l'astreinte a commencé à courir, soit antérieures au 19 septembre 2023, et donc inopérantes en l'espèce.

Elle produit un procès-verbal de constat du 2 novembre 2023 de la SCP NICOLAS et DELTEL, Commissaires de justice associés à [Localité 6] (06), dont le commissaire instrumentaire a relevé à l9h10 l'arrêt du brise-roche métallique sur le chantier, avec l'absence de bruit gênant de percussion. Le maître d'œuvre a pu indiquer au commissaire de justice instrumentaire que les travaux de terrassement étaient achevés et que la phase de reconstruction avait débuté (pièce 12 bis) ; elle verse une attestation de la société ELITE CONSTRUCTIONS en charge du lot terrassement / maçonnerie / gros œuvre du chantier [Adresse 11], confirmant que son équipe est présente sur le chantier du lundi au vendredi chaque semaine depuis plusieurs mois (attestation du 17 avril 2024, pièce 13).

Elle produit un nouveau procès-verbal de constat en date des 19 avril et 22 avril 2024 de la part de la SCP NICOLAS ET DELTEL, Commissaires de justice associés à [Localité 6] (06). Le commissaire de justice instrumentaire expose s’être rendu sur le toit de la Villa [9] et avoir constaté la présence de différents chantiers de travaux dans le quartier aux alentours, dont un chantier de ravalement, un immeuble en construction, des travaux à l'entrée de la résidence [10], un ravalement de façades Résidence Villa [8], des travaux de reprise d'étanchéité sur la terrasse de la piscine durant 1 semaine depuis la résidence [7], située en face de la Villa [9] (pièce 17). Elle complète cette pièce par un nouveau procès-verbal de constat du même commissaire de justice instrumentaire dressé les 22, 25 et 29 avril 2024, confirmant la présence de travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse de la piscine au sein de la copropriété située en face de la Villa [9] (pièce 18), avec la présence d'ouvriers qui " s'affairent " sur le chantier au sein de la copropriété voisine [7] entre 12h20 et 13h20, témoignant que " présent devant la clôture de la propriété du [Adresse 4], la grande proximité des chantiers rend difficile la localisation exacte de la provenance des bruits de chantier " (pièce 20).

L'attestation du maître d'œuvre d'exécution du projet de rénovation de la Villa [9] ne présente, pour les mêmes raisons que celles relevées à l'encontre de l'attestation du gardien de Madame [F] [K], qu'une valeur probante réduite (pièce 21).

Ces éléments apportés en défense, s'ils viennent établir de l'existence de travaux proches des lieux litigieux, ne sont toutefois pas suffisamment précis pour réduire la force probante des éléments apportés en demande : non seulement ils sont tous postérieurs à la période litigieuse visée par Madame [F] [K] (entre le 19 septembre 2023 et le 5 avril 2024), de sorte qu'ils ne remettent pas en cause les constatations effectuées sur cette période, mais encore ne viennent-ils pas établir en tout état de cause de la même nature de travaux et de nuisances sonores constatées par la SCP ELITAZUR.

Aucune difficulté d'exécution ou force étrangère n'apparaît donc caractérisée par la société défenderesse. Il convient à ce titre d'indiquer que les bruits de travaux, par leurs caractéristiques spécifiques, peuvent être objectivement considérés comme facilement reconnaissables et identifiables même par une personne novice, d'autant qu'il est légitimement et objectivement attendu d'un commissaire de justice d'arbitrer sur la teneur du bruit entendu et son origine, où à tout le moins d'indiquer si un doute subsiste dans le cadre de l'établissement de son procès-verbal, ce qu'il n'est pas le cas. La prise de clichés photographiques concomitante aux bruits constatés vient confirmer l'imputabilité de ceux-ci aux travaux engagés par la société TEO INVESTISSEMENT.

Cela signifie que les constatations judiciaires relevées caractérisent bien des infractions à l'obligation judiciaire du 03 août 2023 imputables à la société TEO INVESTISSEMENT, soit 19 infractions objectives (12 décembre 2023, 4 janvier 2024, 8, 9,11,12 janvier 2024, 27 janvier 2024, 7 février 2024, 19 février 2024, 12 mars 2024, 13 mars 2024,14 mars 2024, 15 mars 2024, 19 mars 2024, 24 mars 2024, 29 mars 2024, 02 avril 2024, 3 avril 2024, 5 avril 2024).

En définitive, le seul élément susceptible de venir minorer le montant de l'astreinte tient de la succession d'infractions constatées à peu d'intervalles : il aurait pu être légitimement attendu de la part de Madame [F] [K], entre deux procès-verbaux de constat d'infractions, notamment ceux effectués à un jour d'intervalle, qu’elle délivre une ultime nouvelle sommation judiciaire à la société TEO INVESTISSEMENT pour stopper toute nuisance sonore entre 12 heures et 14 heures.

Il convient cependant de préciser que la liquidation de l'astreinte, c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débiteur récalcitrant, ne consiste pas à simplement procéder à un calcul mathématique en multipliant son taux par le nombre d'infractions constatées ou de jours sans exécution mais à apprécier les circonstances qui ont entouré l'inexécution, notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.

Dans ces conditions, il convient de liquider l'astreinte à la somme de 17.000 €.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Aux termes de l'article L121-3 du Code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Aux termes de l'article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 € sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

L'article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il n'est pas démontré que la saisine du Juge de l'exécution procède d'une intention de nuire ou d'une quelconque légèreté blâmable, et ce d'autant qu'il est fait droit partiellement droit aux demandes de Madame [F] [K].

En conséquence, en l'absence de démonstration d'une faute, la société TEO INVESTISSEMENT sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société TEO INVESTISSEMENT, qui succombe, supportera les dépens de l'instance.

Les frais engagés pour mandater un commissaire de justice hors désignation judiciaire ne sont pas intégrés par les dépens limitativement énumérés par l'article 695 du Code de procédure civile. La demande de Madame [F] [K] sera rejetée de ce chef.

Supportant les dépens, la société TEO INVESTISSEMENT sera condamnée à payer à Madame [F] [K] la somme 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le Juge de l'exécution, statuant publiquement, en premier ressort et par jugement contradictoire,

Condamne la société TEO INVESTISSEMENT à payer à Madame [F] [K] la somme de 17.000 € représentant la liquidation pour la période du 19 septembre 2023 au 15 avril 2024 de l'astreinte fixée par l'ordonnance de référés du Tribunal de commerce de CANNES le 03 août 2023 ;

Déboute la société TEO INVESTISSEMENT de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Déboute Madame [F] [K] de sa demande de condamnation de la société TEO INVESTISSEMENT à la somme de 7093,60 € correspondant au coût d'établissement des procès-verbaux de constat dressés par Commissaire de justice les 12 décembre 2023, 04 janvier 2024, 08-09-11 et 12 janvier 2024, 27 janvier 2024, 07 février 2024, 19 février 2024, 12-13-14-15-19 et 20 mars 2024, 29 mars et 02-03-05 avril 2024 ;

Condamne la société TEO INVESTISSEMENT aux dépens ;

Déboute la société TEO INVESTISSEMENT de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société TEO INVESTISSEMENT à payer à Madame [F] [K] la somme de 1500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.

La greffièreLa juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 24/01301
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;24.01301 ?
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