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28/05/2024 | FRANCE | N°24/00595

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 28 mai 2024, 24/00595


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Monsieur [Z] [E] [N] [B]
C/
S.A.S. CABOT FINANCIAL FRANCE,
S.A.S. HUISSIERS REUNIS TITULAIRE D’OFFICES PUBLICS ET MINISTERIELS D’HUISSIER DE JUSTICE

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/00595 -

N° Portalis DB2H-W-B7I-Y5L4


DEMANDEUR

M. [Z] [E] [N] [B]
Né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 9] (VIETNAM)
[Adresse 2]
[Loca...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Monsieur [Z] [E] [N] [B]
C/
S.A.S. CABOT FINANCIAL FRANCE,
S.A.S. HUISSIERS REUNIS TITULAIRE D’OFFICES PUBLICS ET MINISTERIELS D’HUISSIER DE JUSTICE

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/00595 - N° Portalis DB2H-W-B7I-Y5L4

DEMANDEUR

M. [Z] [E] [N] [B]
Né le [Date naissance 3] 1962 à [Localité 9] (VIETNAM)
[Adresse 2]
[Localité 5]

Bénéficiaire d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/011630 du 05/12/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON

Représenté par Maître Anne PORTIER de l’AARPI VAM AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSES

S.A.S. CABOT FINANCIAL FRANCE, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 488 862 277, venant aux droits de la société ONEY BANQUE
[Adresse 4]
[Localité 6]

S.A.S. HUISSIERS REUNIS TITULAIRE D’OFFICES PUBLICS ET MINISTERIELS D’HUISSIER DE JUSTICE, immatriculée au RCS de LYON sous le n° 838 915 320
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représentées toutes deux par Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON, Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de VERSAILLES
NOTIFICATION LE :

- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA - 713, Maître [P] [X] de l’AARPI VAM AVOCATS - 699
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance en date du 15 février 2016 revêtue de la formule exécutoire le 10 août 2016, le Tribunal d'instance de VILLEURBANNE a enjoint à Monsieur [B] [Z] [E] [S] de payer à la société SA BANQUE ACCORD la somme de 795,44 €, en principal, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision.

La décision a été signifiée à Monsieur [B] [Z] [E] [S] le 30 juin 2016, et celle revêtue de la formule exécutoire le 02 novembre 2016.

Le 26 octobre 2023, un procès-verbal d'immobilisation de véhicule avec enlèvement a été dressé à l'encontre de Monsieur [B] [Z] [E] [S] à la requête de la société CABOT FINANCIAL France.

Le 30 octobre 2023, un commandement de payer après immobilisation d'un véhicule terrestre à moteur a été adressé à Monsieur [B] [Z] [E] [S] à la requête de la société CABOT FINANCIAL France, par la SAS HUISSIERS REUNIS, titulaire d'un office de Commissaires de justice Associés à [Localité 7] (RHONE), pour recouvrement de la somme de 2.204,81 €.

Le 21 décembre 2023, la SAS HUISSIERS REUNIS a fait signifier à Monsieur [B] [Z] [E] [S] la vente du véhicule aux enchères publiques du 06 janvier 2024.

Par acte d'huissier en date du 8 janvier 2024, Monsieur [B] [Z] [E] [S] a donné assignation à la société CABOT FINANCIAL France et la SAS HUISSIERS REUNIS d'avoir à comparaître devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir :
* à titre principal,
- condamner la société CABOT FINANCIAL France à restituer à Monsieur [B] [Z] [E] [S] sans frais son véhicule à son domicile sous 15 jours à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 100 € par jour de retard,
- à défaut de restitution possible, condamner la société CABOT FINANCIAL France à régler à Monsieur [B] [Z] [E] [S] la somme de 8.000 €,
- condamner la société CABOT FINANCIAL France à régler à Monsieur [B] [Z] [E] [S] la somme de 800 € au titre de son préjudice de jouissance,

* à titre subsidiaire,
- cantonner la créance de Monsieur [B] [Z] [E] [S] en excluant la somme de 809,06 €,

* à titre très subsidiaire,
- accorder des délais de paiement à Monsieur [B] [Z] [E] [S] à hauteur de 30 € mensuels sur 23 mois, le solde devant être réglé à la dernière mensualité, les paiements s'imputant en priorité sur le capital et le tout portant intérêts au taux légal réduit, sans majoration,
- condamner les huissiers réunis à régler à Monsieur [B] [Z] [E] [S] la somme de 5.000 €,
- condamner solidairement les HUISSIERS REUNIS et CABOT FINANCIAL France à régler la somme de 4.000 € à titre d'indemnité qualifiée de frais et honoraires auprès de Maître [X] qui pourra directement les recouvrer ainsi que la somme de 200 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l'instance.

L'affaire a été appelée à l'audience du 06 février 2024, date à laquelle elle a été renvoyée au 12 mars 2024 puis au 30 avril 2024 pour y être évoquée.

A cette audience, Monsieur [B] [Z] [E] [S], représenté par son conseil, réitère ses demandes. Il fait valoir à l'appui de sa demande que la cession de créance au profit de la société défenderesse n'est pas établie et qu'elle ne justifie donc pas d'un intérêt à agir. Il ajoute conformément à l'article L211-2 du Code des procédures civiles d'exécution que le principe de subsidiarité n'a pas été respecté.

Il estime que la mauvaise foi du créancier pour recouvrer sa dette a conduit au doublement de la dette, de sorte qu'il doit bénéficier de délais de paiement, soulevant en tout état de cause le caractère abusif de la saisie pratiquée et la violation du principe de subsidiarité. A titre subsidiaire, il considère que les frais de signification de l'ordonnance d'injonction de payer sont prescrits, et que les frais "vente" sous réserve de la facture du commissaire-priseur à hauteur de 700 € sont injustifiés.

S'agissant de la SAS HUISSIERS REUNIS, il considère qu'elle a commis une faute en diligentant une saisie qui a engagé des frais disproportionnés eu égard au montant initial de la créance, de son caractère ancien, à l'origine d'un préjudice matériel et moral.

La société CABOT FINANCIAL France et la SAS HUISSIERS REUNIS, représentées par leur conseil, sollicitent du juge de l'exécution de :
- Débouter Monsieur [B] [Z] [E] [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner Monsieur [B] [Z] [E] [S] à payer aux sociétés CABOT FINANCIAL France et HUISSIERS REUNIS la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner le même aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, il est exposé que Monsieur [B] [Z] [E] [S] n'a jamais été diligent et ne s'est pas exécuté pour payer la condamnation initiale. Il est ajouté que la créance a été régulièrement cédée de sorte que la qualité à agir de la société CABOT ne pose pas difficulté. Il est précisé que la cession de créance peut être dénoncée concomitamment à la délivrance de la mesure d'exécution pratiquée.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024, date à laquelle elle a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'assignation susvisée, les conclusions déposées à l'audience du 30 avril 2024 par la partie défenderesse, reprises oralement lors des débats ;

A la lecture des demandes contenues dans l'assignation, reprises intégralement lors des débats, il apparaît que le juge de l'exécution n'est pas saisi dans le dispositif d'une demande de mainlevée ou de nullité du procès-verbal d'immobilisation ou de la saisie-vente. Celle-ci étant toutefois expressément visée dans les motifs de l'assignation, il convient de statuer sur cette demande principale.

Sur la demande principale de nullité de la saisie vente et du procès-verbal d'immobilisation du véhicule avec enlèvement

En application de l'article L221-1 du Code des procédures civiles d'exécution, tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, après signification d'un commandement, faire procéder à la saisie et à la vente des biens meubles corporels appartenant à son débiteur, qu'ils soient ou non détenus par ce dernier.

L'article L223-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que l'huissier de justice chargé de l'exécution d'un titre exécutoire peut faire une déclaration aux fins de saisie d'un véhicule terrestre à moteur auprès de l'autorité administrative compétente et que la notification de cette déclaration au débiteur produit tous les effets d'une saisie.

S'agissant de la saisie par immobilisation, elle peut avoir lieu soit à l'occasion d'une saisie vente et est alors régie par les dispositions de l'article R. 223-7 du Code des procédures civiles d'exécution, le commandement de payer aux fins de saisie vente visé aux articles L. 221-1 et R. 221-1 et suivants du même code ayant déjà été délivré, soit être préalable à une saisie vente, l'article R. 223-10 alinéa 1er du Code des procédures civiles d'exécution exigeant dans ce cas que, si le véhicule a été immobilisé pour obtenir le paiement d'une somme d'argent, l'huissier de justice signifie au débiteur, huit jours au plus tard, après l'immobilisation du véhicule, un commandement de payer.

Monsieur [B] [Z] [E] [S] sollicite mainlevée des mesures d'exécution diligentées, au premier motif de l'absence de qualité de créancier de la société CABOT FINANCIAL France.

1/ Tirée du défaut de qualité à agir du créancier saisissant

En l'espèce, est produit aux débats l'injonction de payer en date du 15 février 2016 enjoignant à Monsieur [B] [Z] [E] [S] de payer à la SA BANQUE ACCORD la somme de 795,44 € en principal avec intérêts au taux légal à compter de la signification. Cette ordonnance d'injonction de payer devenue exécutoire le 10 août 2016 a été signifiée au débiteur le 02 novembre 2016, ce qui n'est pas contesté. La société BANQUE ACCORD disposait donc d'un titre exécutoire portant condamnation à payer une créance liquide et exigible à l'encontre de Monsieur [B] [Z] [E] [S].

Il résulte du changement de dénomination sociale de la société BANQUE ACCORD devenue la société ONEY BANK en conservant l'adresse de son siège social (pièce 2) en juillet 2016, puis du contrat de cession de créance du 26 mars 2019 intervenu entre la société ONEY BANK et la société CABOT FINANCIAL FRANCE, que la créance portée par l'injonction de payer du 15 février 2016 a été cédée à la société CABOT FINANCIAL FRANCE. La cession du 26 mars 2019 vise ainsi la créance relative à Monsieur [B] [Z] [E] [S] portant la référence de la créance du 2020244052734100, le solde dû en principal ainsi que le nom du débiteur (pièce 7).

La réalité de la cession de créance à la société CABOT FINANCIAL FRANCE est suffisamment établie.

Aux termes de l'article 1324 du Code civil applicable au cas d'espèce, la cession n'est opposable au débiteur, s'il n'y a déjà consenti, que si elle lui a été notifiée ou s'il en a pris acte.

Il est constant que la notification peut résulter de tout acte de procédure informant le débiteur cédé de manière précise de la cession, tels qu'un commandement aux fins de saisie vente, une assignation ou des conclusions à la condition de contenir les éléments suffisants à l'exacte information du débiteur quant au transfert de la créance et à son identification.

Dans le cas présent, il résulte des pièces produites que dans le procès-verbal d'immobilisation signifié à Monsieur [B] [Z] [E] [S] le 26 octobre 2023, ce dernier a été informé de la cession par la société ONEY BANK (anciennement dénommée BANQUE ACCORD) à la société CABOT FINANCIAL FRANCE de la créance intervenue suivant bordereau de cession de créance en date du 26 mars 2019. La notification de la cession de créance mentionne le bordereau de cession de créance, puis dans le commandement de payer après immobilisation du véhicule signifié à Monsieur [B] [Z] [E] [S] le 30 octobre 2023, il est à nouveau fait mention du bordereau de cession de créance du 26 mars 2019, avec le décompte détaillé de la créance reprenant la somme due en principal en application de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire du 10 août 2016.

En outre, il résulte suffisamment des conclusions et pièces produites par le cessionnaire que la cession de créance est établie dans la mesure des éléments déjà relevés quant au moyen précédent. Ainsi, la cession a été à tout le moins valablement notifiée au débiteur par les dernières conclusions et pièces du défendeur.

En conséquence, le moyen tiré du défaut de notification valable de la cession de créance doit être écarté.

2/ Tirée de l'absence de respect du principe de subsidiarité

L'article L. 221-2 du Code des procédures civiles d'exécution prévoit qu'une créance non alimentaire et d'un montant inférieur actuellement à 535 € (art R. 221-2) ne peut faire l'objet d'un recouvrement par voie de saisie vente au domicile du débiteur que s'il est impossible de pratiquer une saisie attribution sur compte de dépôt ou une saisie des rémunérations, ou sur autorisation du juge de l'exécution.


Le seuil de 535 € doit s'apprécier non au vu du montant initial de la créance, mais au vu du montant de la créance restant à recouvrer (Cass. 2° civ., 18 juin 2009, pourvoi n°08-18379). La Cour de cassation estime que le simple silence du débiteur, suite à la demande qui lui est faite de communiquer au créancier l'identité de son employeur et les coordonnées de son compte bancaire, ne suffit pas à caractériser l'impossibilité qu'il y aurait à saisir son salaire ou son compte.

Aux termes de l'article R223-7 du Code des procédures civiles d'exécution, si le véhicule est immobilisé à l'occasion des opérations d'une saisie-vente pratiquée dans les locaux occupés par le débiteur ou entre les mains d'un tiers qui le détient pour le compte de ce dernier, il est procédé comme en matière de saisie-vente.

En l'espèce, il résulte du procès-verbal d'immobilisation du véhicule et du commandement de payer que la créance à recouvrer dépasse le montant réglementaire fixé pour application du principe de subsidiarité par le créancier saisissant et son commissaire de justice instrumentaire. Ce dernier n'est donc pas applicable en l'espèce.

En tout état de cause, dans le cadre des débats, la société CABOT FINANCIAL FRANCE justifie avoir fait pratiquer plusieurs saisies-attributions infructueuses sur les comptes bancaires du débiteur.

Enfin s'agissant du lieu d'enlèvement du véhicule, il résulte du procès-verbal d'immobilisation avec enlèvement du véhicule dressé le 26 octobre 2023 que Monsieur [B] [Z] [E] [S] était présent et que le véhicule a pu être enlevé immédiatement, sans autre précision de la part du commissaire de justice instrumentaire.

En l'état, il n'est donc pas prouvé que le commissaire de justice aurait pénétrer dans la résidence du débiteur comme ce dernier l'allègue, étant en tout état de cause rappelé que cela ne constitue pas une cause de nullité, l'article L223-2 du Code des procédures civiles d'exécution rappelant que l'huissier de justice chargé de l'exécution muni d'un titre exécutoire peut saisir le véhicule du débiteur en l'immobilisant, en quelque lieu qu'il se trouve, par tout moyen n'entraînant aucune détérioration du véhicule.

L'ensemble des moyens tirés du non-respect du principe de subsidiarité doit être écarté.

L'ensemble des moyens de nullité étant écartés, il convient de débouter Monsieur [B] [Z] [E] [S] de sa d'annulation du procès-verbal d'immobilisation du véhicule du 26 octobre 2023 et du commandement de payer subséquent du 30 octobre 2023.

En conséquence, la demande de restitution du véhicule sera également rejetée.

Sur les demandes subséquentes

Aux termes de l'article L213-6 du Code de l'organisation judiciaire, le Juge de l'exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s'élèvent à l'occasion de l'exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu'elles n'échappent à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire.

Il est constant que le Juge de l'exécution ne peut être saisi de difficultés relatives à un titre exécutoire qu'à l'occasion des contestations portant sur les mesures d'exécution forcées engagées ou opérées sur le fondement de ce titre.

En outre, en application de l'article R121-1 du Code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.

En l'espèce, le juge de l'exécution ne peut imposer une nouvelle obligation, condamnation ou restitution qui n'est pas en lien avec une mesure d'exécution forcée.

La demande de condamnation de la société défenderesse à régler à Monsieur [B] [Z] [E] [S] la somme de 8.000 € correspondant à la valeur de son véhicule n'est pas en lien avec la mesure d'exécution forcée.

Elle excède en conséquence les pouvoir du juge de l'exécution.

En conséquence, il convient de la déclarer irrecevable devant le juge de l'exécution en raison de son absence de pouvoirs à ce titre.

Sur la demande de cantonnement du commandement de payer après immobilisation

Aux termes de l'article R211-1 du Code des procédures civiles d'exécution, le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers et cet acte contient à peine de nullité notamment : […] 3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation.

L'acte de saisie comporte le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts, tel qu'exigé par la loi.

En outre, il est constant que l'erreur éventuelle dans le montant de la créance n'affecte pas la validité de la saisie pratiquée, puisqu'elle n'est pas une cause de nullité prévue par la loi, mais en affecte uniquement sa portée.

Il appartient au juge de l'exécution de cantonner éventuellement la mesure d'exécution contestée si celle-ci comporte des sommes qui ne sont pas dues ou exigibles en vertu d'un titre exécutoire.

Aux termes de l'article L111-8 du Code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés.

S'agissant des frais contestés : sont visés dans le commandement litigieux les frais suivants :
- Frais de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 30 juin 2016 : 54,53 €,
- Frais de signification de l'ordonnance d'injonction de payer exécutoire du 02 novembre 2016 : 54,53 €.

Ces frais de signification sont des dépens dont la liste est limitativement énumérée par l'article 695 du Code de procédure civile, auxquels Monsieur [B] [Z] [E] [S] a été condamné dans l'ordonnance d'injonction de payer.

Cependant, sans qu'il soit nécessaire d'examiner leur éventuelle prescription, il convient de rappeler que si le titre servant de fondement aux poursuites permet le recouvrement des frais de l'exécution forcée qui sont à la charge du débiteur, une partie ne peut poursuivre, par voie d'exécution forcée, le recouvrement des dépens d'instance par elle avancés qu'au vu d'un certificat de vérification ou d'une ordonnance de taxe exécutoire.

Or, la société défenderesse ne justifie pas d'un titre exécutoire sous la forme d'un certificat de vérification dans les formes prévues par les articles 704 et suivants du Code de procédure civile, de sorte qu'elle ne pouvait procéder au recouvrement de ces frais sans celui-ci. En conséquence, ces sommes (54,53 € x 2) doivent être exclues des sommes visées au décompte du commissaire de justice instrumentaire.

S'agissant des " frais de vente sous réserve de la facture du commissaire-priseur ", il s'agit sans contestation de frais provisionnels, la vente n'étant pas justifiée à ce jour par la société créancière. Ces frais ne sont donc ni justifiés, ni avérés. Contrairement à ce qu'allègue la société défenderesse, la réalité de la vente du véhicule n'est rapportée par aucun élément probant.

Ces frais doivent être en conséquence exclus du décompte à hauteur de 700 €.

Le cantonnement du commandement de payer après immobilisation doit être entrepris, et le décompte du commissaire de justice instrumentaire doit être actualisé pour exclure la somme de 809,06 € (54,53 € + 54,53 € + 700 €).

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l'article 510 alinéas 3 et 4 du Code de procédure civile et de l'article R121-1 du Code des procédures civiles d'exécution, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie ou à compter de l'audience prévue par l'article R. 3252-17 du Code du travail, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.

L'article 1343-5 du Code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues et que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Ce texte précise que le juge peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette et que la décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l'espèce, le décompte actualisé du commissaire de justice instrumentaire produit par les défendeurs met en évidence une créance au 05 février 2024 à 2.410,49 €, soit 1.601,43 € après le cantonnement prononcé.

Force est de constater que la dette réclamée est particulièrement ancienne puisque fondée sur un titre exécutoire de 2016. Il n'est justifié depuis cette date d'aucune proposition spontanée de règlement malgré les 8 années écoulées, alors que le principal de la créance était inférieur à 1.000 €.

Par ailleurs, Monsieur Monsieur [B] [Z] [E] [S] justifie d'un revenu annuel imposable en 2022 de 12.679 €. Il est marié et le couple perçoit des prestations sociales et familiales mensuelles pour un montant global de 2.084,43 € (APL inclue) pour le mois de novembre 2023. Il ne justifie pas de ses charges ni de ses ressources actuelles (activité professionnelle ou non). Aucun relevé de comptes bancaires ou épargne n'est produit pour établir la réalité de son indigence.

Il résulte de l'ensemble de ces considérations, notamment du délai écoulé, de l'absence de tout règlement spontané depuis 2016 et des seuls éléments financiers communiqués que la bonne foi de Monsieur [B] [Z] [E] [S] n'est pas établie.

Dans ces conditions, Monsieur [B] [Z] [E] [S] doit être débouté de sa demande de délais de paiement.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'article L121-2 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que le Juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Il est constant que l'exercice d'un droit ne dégénère en abus qu'en cas d'attitude fautive génératrice d'un dommage.

En l'espèce, il n'est pas établi que la société CABOT FINANCIAL FRANCE ait fait preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable, dans la mesure où elle a engagé des mesures d'exécution forcée sur le fondement d'un titre exécutoire valablement signifié. Le faible montant de créance initiale ne prive pas pour autant le créancier saisissant des voies d'exécution forcée dès lors que le débiteur ne règle pas celle-ci.

Aucun élément ne démontre que le créancier saisissant ait commis une faute dans le cadre des voies d'exécution pratiquées, les saisies préalables s'étant révélées infructueuses.

S'agissant du commissaire de justice instrumentaire, c'est précisément en raison du caractère ancien de la créance et de l'absence d'exécution spontanée de Monsieur [B] [Z] [E] [S] que des frais ont dû être valablement engagés. Aucun abus n'apparaît démontré de ce chef. De plus, le commissaire de justice instrumentaire n'est lié par aucune exigence de tentative d'accord amiable préalable, et aucun abus n'apparaît caractérisé sur ce fondement. Plus encore, l'absence de dénonciation d'une précédente saisie-attribution ne saurait revêtir un caractère fautif dès lors qu'aucun frais n'a été imputé à Monsieur [B] [Z] [E] [S] de ce chef, étant au surplus rappelé qu'aucun délai n'est imposé entre la délivrance de deux mesures d'exécution forcée. Plus encore, aucun préjudice, notamment de jouissance, n'apparaît rapporté par les pièces versées aux débats, ni circonstanciées ni probantes.

En conséquence, aucun abus de saisie n'apparaît démontré, pouvant justifier l'allocation de dommages et intérêts en dehors des frais occasionnés par la présente procédure pouvant être compensés au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Monsieur [B] [Z] [E] [S] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive et préjudice de jouissance tant à l'égard de la société créancière que de la SAS HUISSIERS REUNIS.

Sur les autres demandes

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Monsieur [B] [Z] [E] [S] , qui succombe au principal, supportera les dépens de l'instance et sera débouté de ses demandes de condamnation solidaire des défendeurs au titre d'une indemnité au profit de Maître [X] et au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité et les situations économiques des parties commandent de rejeter la demande d'indemnité de procédure des sociétés défenderesses.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L'EXÉCUTION, statuant en audience publique, contradictoirement et en premier ressort,

Déboute Monsieur [B] [Z] [E] [S] de sa demande d'annulation du procès-verbal d'immobilisation avec enlèvement du véhicule OPEL immatriculé [Immatriculation 8] du 26 octobre 2023 et du commandement de payer après immobilisation du 30 octobre 2023 diligentés à la requête de la société CABOT FINANCIAL FRANCE ;

Déboute Monsieur [B] [Z] [E] [S] de sa demande subséquente de restitution du véhicule OPEL immatriculé [Immatriculation 8] à son domicile sous 15 jours à compter de la signification de la présente décision et sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [B] [Z] [E] [S] tendant à la condamnation de la société CABOT FINANCIAL FRANCE à lui régler la somme de 8.000 € correspondant à la valeur du véhicule ;

Cantonne le commandement de payer après immobilisation du véhicule délivré le 30 octobre 2023 à Monsieur [B] [Z] [E] [S] à la requête de la société CABOT FINANCIAL FRANCE au recouvrement de la somme visée au décompte en excluant la somme de 809,06 € ;

Déboute Monsieur [B] [Z] [E] [S] de sa demande de délais de paiement ;

Déboute Monsieur [B] [Z] [E] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour mesure d'exécution forcée abusive à l'encontre des défendeurs ;

Déboute Monsieur [B] [Z] [E] [S] de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance ;

Condamne Monsieur [B] [Z] [E] [S] aux dépens ;

Déboute Monsieur [B] [Z] [E] [S] de ses demandes formées au titre de l'indemnité de procédure au profit d'un recouvrement par Maître [X] et de de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la société CABOT FINANCIAL FRANCE de sa demande formée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la SAS HUISSIERS REUNIS de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.

La greffièreLa juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 24/00595
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;24.00595 ?
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