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28/05/2024 | FRANCE | N°24/00246

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 28 mai 2024, 24/00246


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : L’AUXILIAIRE MUTUELLE D’ASSURANCE SUR LA VIE DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
C/
Monsieur [H] [G], Madame [J] [K]

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/00246 - N° Portalis DB2H

-W-B7I-Y354


DEMANDERESSE

Société L’AUXILIAIRE MUTUELLE D’ASSURANCE SUR LA VIE DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBL...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : L’AUXILIAIRE MUTUELLE D’ASSURANCE SUR LA VIE DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS
C/
Monsieur [H] [G], Madame [J] [K]

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/00246 - N° Portalis DB2H-W-B7I-Y354

DEMANDERESSE

Société L’AUXILIAIRE MUTUELLE D’ASSURANCE SUR LA VIE DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, immatriculée au RCS de LYON sous le n°775 649 056
[Adresse 3]
[Localité 6]

Représentée par Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS

M. [H] [G]
Né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représenté par Me Jean ROUX de ma SARL TRUNO & Associés, avocats au barreau de Cusset-Vichy (plaidant) et par Me Raphaël MALLEVAL, avocat au barreau de LYON (postulant)

Mme [J] [K]
Née le [Date naissance 5] 1973 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 1]

Représentée par Me Jean ROUX de ma SARL TRUNO & Associés, avocats au barreau de Cusset-Vichy (plaidant) et par Me Raphaël MALLEVAL, avocat au barreau de LYON (postulant)

NOTIFICATION LE :

- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT - 42, Me Raphaël MALLEVAL - 1719
- Une copie à l’huissier instrumentaire : SELARL [I] [V], Commissaires de justice à [Localité 8] (69)
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement en date du 16 août 2023, le Tribunal judiciaire de CUSSET a notamment :
-Constaté que la société CONCEPT BOURBONNAIS, la société MIZZI TERRASSEMENT et la société ENES MRB engagent leur responsabilité décennale,
-Condamné in solidum la société CONCEPT BOURBONNAIS, la société MIZZI TERRASSEMENT et la société ENES MRB à payer à Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] le coût des travaux de reprise nécessaires s'élevant à une somme de 240.029,30 € TTC concernant les fondations et principes constructifs,
-Dit que dans leurs rapports, la société CONCEPT BOURBONNAIS devait contribuer pour 70 %, la société ENS MRB pour 20 % et la société MIZZI TERRASSEMENT pour 10 %,
-Condamné in solidum la société CONCEPT BOURBONNAIS et la société ENES MRB à payer à Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] le coût des travaux de reprise nécessaires s'élevant à une somme de 474.446,48 € TTC concernant les murs en élévation,
-Dit que dans leurs rapports, la société CONCEPT BOURBONNAIS devait contribuer pour 60 %, la société ENES MRB pour 40 %,
-Condamné la société L'AUXILIAIRE à garantir la société ENES MRB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en sa qualité d'assureur décennal de celle-ci,
-Condamné in solidum la société CONCEPT BOURBONNAIS et la société ENES MRB, ainsi que leurs assureurs respectifs, la société SMABTP et la société L'AUXILIAIRE aux entiers dépens en ce compris ceux des procédures de référé et de l'expertise judiciaire (19.296,26 € TTC),
-Dit que dans leurs rapports, la société CONCEPT BOURBONNAIS et son assureur la SMABTP devront contribuer pour 60 % et la société ENES MR et son assureur la société L'AUXILIAIRE pour 40 %,
-Condamné in solidum la société CONCEPT BOURBONNAIS et la société ENES MRB, ainsi que leurs assureurs respectifs, la société SMABTP et la société L'AUXILIAIRE à payer et porter à Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-Dit que dans leurs rapports, la société CONCEPT BOURBONNAIS et son assureur la SMABTP devront contribuer pour 60 % et la société ENES MR et son assureur la société L'AUXILIAIRE pour 40 %,
-Condamné in solidum la société CONCEPT BOURBONNAIS, la société MIZZI TERRASSEMENT et la société ENES MRB à payer et porter aux consorts [H] [G]-[J] [K] une somme de 50.000 € à titre de dommages-intérêts au titre de la hausse des coûts des matériaux de construction,
-Condamné in solidum la société CONCEPT BOURBONNAIS, la société MIZZI TERRASSEMENT et la société ENES MRB à payer et porter aux consorts [H] [G]-[J] [K] une somme de 20.000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice de jouissance.

Le jugement a été signifié le 08 septembre 2023 à la société L'AUXILIAIRE.

Le 20 novembre 2023, une saisie attribution a été pratiquée entre les mains du CREDIT LYONNAIS AG CAE ABI GD [Localité 7] à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE par la SELARL [I] [V], Commissaires de justice à [Localité 8] (69), à la requête de Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K], pour recouvrement de la somme de 1.018.531,65 € en principal, accessoires et frais.

La saisie a été dénoncée à la société L'AUXILIAIRE le 24 novembre 2023.

Le 21 novembre 2023, une saisie attribution a été pratiquée entre les mains de la LYONNAISE DE BANQUE à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE par la SELARL [I] [V], Commissaires de justice à [Localité 8] (69), à la requête de Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K], pour recouvrement de la somme de 1.018.531,65 € en principal, accessoires et frais.

La saisie a été dénoncée à la société L'AUXILIAIRE le 24 novembre 2023.

Le 21 novembre 2023, une saisie attribution a été pratiquée entre les mains de ARKEA BANQUE à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE par la SELARL [I] [V], Commissaires de justice à [Localité 8] (69), à la requête de Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K], pour recouvrement de la somme de 1.018.531,65 € en principal, accessoires et frais.

La saisie a été dénoncée à la société L'AUXILIAIRE le 29 novembre 2023.

Par acte d'huissier en date du 13 décembre 2023, la société L'AUXILIAIRE MUTUELLE D'ASSURANCE SUR LA VIE DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (“L’AUXILIAIRE”) a donné assignation à Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] d'avoir à comparaître devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
-Prononcer la nullité de la saisie-attribution signifiée le 21 novembre 2023 au tiers saisi la société LYONNAISE DE BANQUE et dénoncée le 24 novembre 2023 sans titre exécutoire,
-A défaut, donner mainlevée de la saisie-attribution signifiée le 21 novembre 2023 au tiers saisi de l'ensemble des causes résultant des condamnations non prononcées contre l'AUXILIAIRE,
-Condamner solidairement Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] à porter et payer à la compagnie L'AUXILIAIRE la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts, outre 7000 € d'article 700 du Code de procédure civile, et les condamner solidairement aux dépens et frais de saisie pratiquée avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SELARL BARRE LE GLEUT prise en la personne de Maître Frédérique BARRE, avocat sur son affirmation de droit.

La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 24/00246.

Par acte d'huissier en date du 13 décembre 2023, la société L'AUXILIAIRE MUTUELLE D'ASSURANCE SUR LA VIE DES PROFESSIONNELS DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS a donné assignation à Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] d'avoir à comparaître devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
-Prononcer la nullité de la saisie-attribution signifiée le 21 novembre 2023 au tiers saisi la société ARKEA BANQUE et dénoncée le 24 novembre 2023 sans titre exécutoire,
-A défaut, donner mainlevée de la saisie-attribution signifiée le 21 novembre 2023 au tiers saisi de l'ensemble des causes résultant des condamnations non prononcées contre l'AUXILIAIRE,
-Condamner solidairement Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] à porter et payer à la compagnie L'AUXILIAIRE la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts, outre 7000 € d'article 700 du Code de procédure civile, et les condamner solidairement aux dépens et frais de saisie pratiquée avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SELARL BARRE LE GLEUT prise en la personne de Maître Frédérique BARRE, avocat sur son affirmation de droit.

La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 24/00247.

Par acte d'huissier en date du 20 décembre 2023, la société L'AUXILIAIRE a donné assignation à Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] d'avoir à comparaître devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
-Prononcer la nullité de la saisie-attribution signifiée le 21 novembre 2023 au tiers saisi la société CREDIT LYONNAIS AG CAE ABI GD [Localité 7] et dénoncée le 24 novembre 2023 sans titre exécutoire,
-A défaut, donner mainlevée de la saisie-attribution signifiée le 21 novembre 2023 au tiers saisi de l'ensemble des causes résultant des condamnations non prononcées contre l'AUXILIAIRE,
-Condamner solidairement Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K] à porter et payer à la compagnie L'AUXILIAIRE la somme de 25.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre 7000 € d'article 700 du Code de procédure civile, et les condamner solidairement aux dépens et frais de saisie pratiquée avec application de l'article 699 du Code de procédure civile au profit de la SELARL BARRE LE GLEUT prise en la personne de Maître Frédérique BARRE, avocat sur son affirmation de droit.

La procédure a été enregistrée sous le numéro RG 24/00248.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 janvier 2024, renvoyée à l'audience du 12 mars 2024 puis à l'audience du 30 avril 2024, date à laquelle elle a été évoquée.

Les parties ont indiqué ne pas s'opposer à la jonction des trois procédures sous le numéro RG 24/00246, qui a été prononcée à l'audience du 12 mars 2024.

A l'audience du 30 avril 2024, la compagnie L'AUXILIAIRE, représentée par son conseil, réitère ses demandes. Elle sollicite également de juger recevable ses contestations et de cantonner la saisie-attribution à la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, elle conteste toute irrecevabilité de l'assignation délivrée en contestation des saisies pratiquées entre les mains d'ARKEA BANQUE et de la LYONNAISE DE BANQUE sur le fondement de l'article R211-11 du Code des procédures civiles d'exécution, rappelant que l'assignation ayant été délivrée le 13 décembre 2023, le commissaire de justice en charge de sa délivrance pouvait dénoncer l'acte soit le 13 soit le 14 décembre.

Au fond, elle fait valoir que les défendeurs ne disposent pas d'un titre exécutoire portant créance liquide et exigible conformément à l'article L112-2 du Code des procédures civiles d'exécution. Elle précise n'avoir pas été condamnée au principal visé dans les procès-verbaux de saisie contestés, les consorts [H] [G] [J] [K] n'ayant pas qualité à agir pour la saisir directement, n'étant condamnée que vis-à-vis de la société ENES MRB. Elle ajoute que l'action oblique n'est pas fondée non plus, les conditions n'étant pas réunies conformément à l'article 1341-1 du Code civil dès lors que la carence du débiteur n'est pas rapportée et que la société ENES MRB était en liquidation judiciaire.

Monsieur [H] [G] et Madame [J] [K], représentés par leur conseil, sollicitent du juge de l'exécution de :
-A titre principal, déclarer irrecevable les contestations des trois saisies-attributions des 20 et 21 novembre 2023 et débouter la société L'AUXILIAIRE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
-Subsidiairement, débouter la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE de sa demande de nullité de la saisie- attribution du 20 novembre 2023 pratiquée entre les mains du CRÉDIT LYONNAIS AG CAE ABI GD [Localité 7], de ARKEA BANQUE et de la LYONNAISE DE BANQUE par la SELARL [I] [V],
-Débouter la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution du 20 novembre 2023 pratiquée entre les mains du CRÉDIT LYONNAIS AG CAE ABI GD [Localité 7], de ARKEA BANQUE et de la LYONNAISE DE BANQUE par la SELARL [I] [V],
-Débouter la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE de sa demande indemnitaire pour mesures excessives,
-Condamner reconventionnellement la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE à payer et porter aux consorts [G]-[K] une somme de 25.000 € à titre de dommages intérêts pour procédure abusive,
En toute hypothèse,
-donner effet à la saisie-attribution du 20 novembre 2023 pratiquée entre les mains du CRÉDIT LYONNAIS AG CAE ABI GD [Localité 7], de ARKEA BANQUE et de la LYONNAISE DE BANQUE par la SELARL [I] [V] pour un montant de 1.018.531,65 €,
-Débouter la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
-Condamner la compagnie d'assurances L'AUXILIAIRE à payer et porter aux consorts [G]-[K] une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de leurs conclusions d'irrecevabilité, ils considèrent que la compagnie L'AUXILIAIRE n'a pas respecté le délai de dénonciation de l'assignation devant le juge de l'exécution qui devait être faite, s'agissant de sa réception, soit le 13 décembre soit le 14 décembre. Elle en conclut que l'assignation est irrecevable faute d'avoir respecté le délai légal de l'article R211-11 du Code des procédures civiles d'exécution. Elle affirme que c'est le cachet de la poste apposé sur le courrier recommandé de l'huissier de justice qui vaut preuve de dépôt et détermine la date de dénonciation faite à l'huissier saisissant.

Au soutien de leurs conclusions de débouté, ils exposent être bien munis d'un titre exécutoire dès lors que le jugement rendu le 16 août 2023 était exécutoire à titre provisoire. Ils rappellent que ce dernier porte condamnation de la société L'AUXILIAIRE à garantir la société ENES MRB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, en sa qualité d'assureur décennal, sans limite. Ils ajoutent n'avoir diligenté aucune action en garantie, de sorte que les moyens de contestation tirés de l'absence d'action oblique sont inopérants. Ils ajoutent avoir agi au fond sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil.

Au cours des débats, le juge de l'exécution a mis dans les débats l'éventuelle application de l'article L124-3 du Code des assurances.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'assignation susvisée et les conclusions déposées par les parties à l'audience et reprises oralement lors des débats ;

Sur la recevabilité des contestations

Aux termes de l'article R211-11 du Code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.

Il est constant que cet article impose seulement l'envoi de la lettre recommandée au commissaire de justice instrumentaire au plus tard le premier jour ouvrable suivant (Cass, Civ 2., 3 novembre 2005, n°04-11.756), de sorte qu'il est acquis en jurisprudence qu'il n'y a pas lieu, pour le juge de l'exécution, d'avoir égard à la date de réception de la lettre recommandée.

En l'espèce, les saisies-attributions pratiquées les 20 et 21 novembre 2023 entre les mains d'ARKEA BANQUE de la LYONNAISE DE BANQUE ont été dénoncées le 24 novembre 2023 à la compagnie L'AUXILIAIRE, de sorte que les contestations, élevées par acte d'huissier en date du 13 décembre 2023, ont été soulevées dans les délais prévus par la loi.

S'agissant de la dénonciation au commissaire de justice saisissant, il résulte des trois pièces produites aux débats (courrier de LRAR, courrier du Commissaire de justice, courrier du directeur de la Poste [T] [S]) que le commissaire de justice ayant procédé à l'assignation en contestation de saisie, entre les mains d'ARKEA BANQUE et de la LYONNAISE DE BANQUE, a envoyé le courrier au commissaire de justice saisissant dès le 14 décembre 2023, soit le premier jour ouvrable suivant la contestation.

D'une part le courrier portant dénonciation de contestation avec la date du 14 décembre 2023 est produit aux débats, ce qui permet de certifier la date de dénonciation s'agissant d'un courrier établi par un officier ministériel dont les déclarations valent jusqu'à inscription de faux. D’autre part et en tout état de cause, la pièce 27 produite en défense est inopérante, dès lors que seule la date d'envoi doit être prise en compte, et non la date de réception par le commissaire de justice saisissant.

La compagnie L'AUXILIAIRE est donc recevable en ses contestations.

Sur la demande principale d'annulation de la saisie attribution

L'article L211-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

L'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution stipule que le juge de l'exécution ne peut ni modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution.

En l'espèce, la compagnie L'AUXILIAIRE sollicite l'annulation des saisies-attributions litigieuses au motif de l'absence de titre exécutoire et partant de l'absence de qualité à agir des défendeurs à son encontre. Elle estime que le fait qu'elle soit tenue de garantir les condamnations de la société ENES MRB ne signifie pas que les tiers pouvaient directement saisir auprès d'elle les sommes qu'elle est par ailleurs tenue de garantir. Elle estime également que les conditions de l'article 1341-1 du Code civil ne sont pas réunies.

Il résulte du jugement rendu par le Tribunal judiciaire de CUSSET du 16 août 2023 que la société L'AUXILIAIRE a été condamnée à garantir la société ENES MRB de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre en sa qualité d'assureur décennal de celle-ci.

Il convient de savoir si les condamnations prononcées contre la société ENES MRB au profit des consorts [J] [K] et [H] [G] sont opposables à la société L'AUXILIAIRE et si un lien juridique direct existe entre eux issu du titre exécutoire.

En vertu des dispositions de l'article L124-3 du Code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable et l'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré.

Il est constant que cet article s'applique à l'action directe du maître de l'ouvrage contre l'assureur de la garantie/responsabilité décennale.

En l'espèce, le jugement du 16 août 2023 ne prononce pas condamnation à paiement de la société L'AUXILIAIRE au profit des consorts [G] [K], mais une condamnation de celle-ci à garantir la société ENES MRB de ses condamnations.

Toutefois, il ressort expressément de l'exposé du litige du jugement du 16 août 2023, auquel il convient de se référer pour interpréter la décision, que ce sont les consorts [G] [K] qui ont exclusivement sollicité cette condamnation à garantie, ayant fait assigner la société L'AUXILIAIRE au fond et en garantie par exploit du 16 décembre 2020, en sa qualité d'assureur décennal de la société ENES MRB.

De ces éléments, il peut donc être conclu que cette condamnation est bien prononcée au profit des consorts [G] [K], dès lors qu'ils peuvent être, sans contestation possible, considérés comme ayant exercé contre l'assureur décennal l'action directe du tiers lésé prévue par l'article L124-3 du Code des assurances.

En cela, la condamnation de la société L'AUXILIAIRE à garantir la société ENES MRB de ses condamnations, telle que prononcée au dispositif du jugement du 16 août 2023 vaut titre exécutoire au profit des consorts [G] [K] qui bénéficient d'une créance liquide, exigible et certaine tirée de l'obligation à la dette prononcée par le Tribunal judiciaire de CUSSET. Les consorts [G] [K] étaient donc fondés à procéder à l'exécution forcée de la condamnation, aussi bien auprès de la société ENES MRB que de la société L'AUXILIAIRE.

Les moyens invoqués par la société L'AUXILIAIRE sur le fondement de l'article 1341-1 du Code civil sont inopérants en l'espèce, dès lors que les saisies-attributions litigieuses se fondent sur l'action directe du tiers lésé à l'encontre de l'assureur. Conformément à l'article L124-3 du Code des assurances, l'assurance de responsabilité étant destinée à prémunir le tiers lésé du risque d'insolvabilité du responsable du dommage, elle fonde le mécanisme de l'action directe intentée en l'espèce par les consorts [G]-[K], sans qu'il n'eût été nécessaire de viser directement ce fondement juridique, qui se déduit aisément du titre exécutoire et de l'appel en garantie réalisé dans ce cadre par leurs soins, au fond, à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les consorts [G] [K] disposaient bien d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE lors de la délivrance des trois saisies-attributions litigieuses.

Les demandes tendant à l'annulation et à la mainlevée des saisies-attributions pratiquées les 20 et 21 novembre 2023 seront donc rejetées. La demande subséquente de cantonnement des saisies-attributions devient par conséquent sans objet.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'article L121-2 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que le Juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Il est constant que l'exercice d'un droit ne dégénère en abus qu'en cas d'attitude fautive génératrice d'un dommage.

En l'espèce, il ne peut être reproché aux consorts [G] [K] une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable, ceux-ci ayant pratiqué une mesure d'exécution fondée sur un titre exécutoire valable portant créance liquide et exigible à l'encontre de la société L'AUXILIAIRE. Il n'est pas plus établi que le recouvrement de la créance par la voie de la saisie-attribution constituerait une mesure disproportionnée, notamment eu égard au montant de celle-ci et à l'inertie de la société débitrice initiale.

Aucun abus de saisie n'apparaît en l'état démontré, de sorte que la demande de dommages et intérêts ne saurait aboutir.

En conséquence, la société L'AUXILIAIRE sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts

Aux termes de l'article L121-3 du Code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Aux termes de l'article 32-1 du Code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 3.000 € sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

L'article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, il n'est pas démontré que la saisine du Juge de l'exécution procède d'une intention de nuire ou d'une quelconque légèreté blâmable, dans la mesure où l'erreur qu'une partie peut commettre dans l'appréciation de ses droits ne suffit pas, à elle-seule, à qualifier son attitude de fautive, et partant la saisine du juge de l'exécution d'abusive, a fortiori dans une affaire où les enjeux financiers sont significatifs.

En conséquence, en l'absence de démonstration d'une faute, les consorts [G] [K] seront déboutés de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les autres demandes

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société L'AUXILIAIRE, qui succombe, supportera les dépens de l'instance et sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Supportant les dépens, la société L'AUXILIAIRE sera condamnée à payer aux consorts [G] [K] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L'EXÉCUTION, statuant publiquement mis à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Déclare la société L'AUXILIAIRE recevable en ses contestations des trois saisies attributions des 20 et 21 novembre 2023 pratiquées entre les mains d'ARKEA BANQUE, de la LYONNAISE DE BANQUE et du CREDIT LYONNAIS et qui lui ont été dénoncées les 24 et 29 novembre 2023, à la requête de Madame [J] [K] et de Monsieur [H] [G] ;

Déboute en conséquence Madame [J] [K] et Monsieur [H] [G] de leurs fins de non-recevoir tirées du non-respect du délai de contestation ;

Déboute la société L'AUXILIAIRE de sa demande d'annulation des trois saisies attributions des 20 et 21 novembre 2023 pratiquées entre les mains d'ARKEA BANQUE, de la LYONNAISE DE BANQUE et du CREDIT LYONNAIS et qui lui ont été dénoncées les 24 et 29 novembre 2023, à la requête de Madame [J] [K] et de Monsieur [H] [G] ;

Déboute la société L'AUXILIAIRE de sa demande de mainlevée des trois saisies attributions des 20 et 21 novembre 2023 pratiquées entre les mains d'ARKEA BANQUE, de la LYONNAISE DE BANQUE et du CREDIT LYONNAIS et qui lui ont été dénoncées les 24 et 29 novembre 2023, à la requête de Madame [J] [K] et de Monsieur [H] [G] ;

Déclare valables les trois saisies attributions des 20 et 21 novembre 2023 pratiquées entre les mains d'ARKEA BANQUE, de la LYONNAISE DE BANQUE et du CREDIT LYONNAIS et qui lui ont été dénoncées les 24 et 29 novembre 2023, à la requête de Madame [J] [K] et de Monsieur [H] [G], pour recouvrement de la somme de 1.018.531,65 € en principal, accessoires et frais. ;

Déboute la société L'AUXILIAIRE de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive ;

Déboute Madame [J] [K] et Monsieur [H] [G] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne la société L'AUXILIAIRE aux dépens de la présente instance ;

Déboute la société L'AUXILIAIRE de sa demande d'indemnité de procédure formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société L'AUXILIAIRE à payer à Madame [J] [K] et Monsieur [H] [G] la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.

La greffièreLa juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 24/00246
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;24.00246 ?
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