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28/05/2024 | FRANCE | N°23/03188

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 28 mai 2024, 23/03188


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Société J. MORITA EUROPE GMBH
C/
S.C.I. TALLINE

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/03188 - N° Portalis DB2H-W-B7H-X4XE


DEMANDERESSE

Société J. MORITA EUROPE GMBH société de d

roit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
[Localité 4] ALLEMA...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 28 Mai 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 30 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 28 Mai 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Société J. MORITA EUROPE GMBH
C/
S.C.I. TALLINE

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/03188 - N° Portalis DB2H-W-B7H-X4XE

DEMANDERESSE

Société J. MORITA EUROPE GMBH société de droit allemand, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 6]
[Localité 4] ALLEMAGNE

Faisant élection de domicile chez Me Daniel KADAR, Reed Smith, avocat au barreau de Paris, 112 avenue Kléber - 75116 PARIS

Représentée par Maître Daniel KADAR, avocat au barreau de Paris (plaidant) et par Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocats au barreau de LYON (postulant)

DEFENDERESSE

S.C.I. TALLINE, Siren 894 384 361, prise en la personne de sa gérante, Madame [B] [K]
[Adresse 2]
[Localité 9]

Représentée par Maître Etienne ROCHER de la SCP Herald, avocats au barreau de Paris (plaidant) et par Maître Eric DE BERAIL de la SELARL KAIROS AVOCATS, avocats au barreau de LYON (postulant)

NOTIFICATION LE :

- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Maître Eric DE BERAIL de la SELARL KAIROS AVOCATS - 916, Maître Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON - 938
- Une copie à l’huissier instrumentaire :
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Le 14 septembre 2021, la société J.MORITA EUROPE GMBH (J.MORITA) a conclu avec la SCI TALLINE, en qualité de bailleresse, un bail commercial notarié pour une durée de 10 ans portant sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], moyennant un loyer hors taxes de 4638 € par mois et une provision sur charges hors taxes de 400 € par mois, par l'intermédiaire de Maître [R] [W], Notaire Associée de la SAS "Les 2 B", titulaire d'un office notarial à LAXOU (54).

La société J.MORITA EUROPE GMBH a une activité de vente d'appareils, d'instruments, de matériels et d'autres objets dans le domaine de l'odontologie (médecine dentaire). Elle a employé Madame [B] [K] en qualité de commerciale pour assurer la gestion du portefeuille des clients français. Elle a exercé son activité dans des locaux loués à la SAS AT WORK CONCEPT OFFICE.

Les statuts de la SCI TALLINE ont mis en évidence l'existence de deux associés : Madame [B] [K], également gérante, et la société AG2C, ayant comme unique associée Madame [B] [K].

Le 28 février 2022, la société J.MORITA EUROPE GMBH a été autorisée par le Président du Tribunal judiciaire de NANCY à procéder à une mesure d'instruction destinée à déterminer la nature des agissements de Madame [B] [K], soupçonnée de pratiquer une activité parallèle de vente de matériels d'odontologie en utilisant le fichier de son employeur.

Le 25 mars 2022, la société J.MORITA EUROPE GMBH a notifié à Madame [B] [K] son licenciement pour faute lourde, considérant qu'elle avait dissimulé son identité lors de la négociation et de la signature du contrat de bail commercial dans le but d'obtenir à son profit personnel un loyer supérieur aux prix pratiqués sur le marché et des stipulations défavorables aux intérêts du preneur.

Le 22 septembre 2022, une saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la société AULOFEE à la requête de la SCI TALLINE et au préjudice de la société J.MORITA EUROPE GMBH, pour recouvrement de la somme en principal de 16.806,68 €.

La saisie-attribution a été dénoncée à la société J.MORITA EUROPE GMBH le 28 septembre 2022.

Par courrier du 20 octobre 2022, la société J.MORITA EUROPE GMBH a notifié à la SCI TALLINE la résolution avec effet immédiat du bail commercial pour manquements graves du bailleur à ses obligations contractuelles et de bonne foi, visant les manœuvres de Madame [B] [K].

Par jugement du 03 mars 2023, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de NANCY a ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 22 septembre 2022 entre les mains de la société AULOFEE à la requête de la SCI TALLINE au préjudice de la société J.MORITA EUROPE GMBH.

Le 29 novembre 2022, une saisie-attribution a été pratiquée entre les mains de la société DENTALL' PROJECT à l'encontre de la société J.MORITA EUROPE GMBH par la SAS ALEXIS MAS, Commissaire de Justice Associé titulaire d'un office de Commissaire de Justice à CALUIRE-ET-CUIRE (69), à la requête de la SCI TALLINE pour recouvrement de la somme de 14.444,21 € en principal, accessoires et frais, en vertu de l’acte notarié exécutoire en date du 14 septembre 2021 contenant bail commercial reçu par Maître [R] [W], Notaire Associée de la SAS "Les 2 B" titulaire d'un office notarial à LAXOU (54).

La saisie a été dénoncée à la société J.MORITA EUROPE GMBH par acte extrajudiciaire le 10 janvier 2023 conformément à l'article 8 du règlement (UE) 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale.

Par acte d'huissier en date du 07 avril 2023, la société J.MORITA EUROPE GMBH a donné assignation à la SCI TALLINE d'avoir à comparaître devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
- à titre principal, juger nul le contrat de bail commercial signé le 14 septembre 2021 constituant le titre exécutoire sur lequel repose la saisie-attribution du 29 novembre 2022, et annuler et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 29 novembre 2022 entre les mains de la société DENTALL'PROJECT,
- à titre subsidiaire, juger que le bail commercial du 14 septembre 2022 ne revêt pas de caractère authentique, et partant exécutoire et annuler et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 29 novembre 2022 entre les mains de la société DENTALL'PROJECT,
- à titre très subsidiaire, fixer la somme principale de la créance de la SCI TALLINE à 3250,32 € et cantonner la saisie-attribution du 29 novembre 2022 à cette somme,
- en toute hypothèse, condamner la SCI TALLINE à lui verser 10.000 € à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie, 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner aux dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 16 mai 2023, puis successivement renvoyée jusqu'à l'audience du 28 novembre 2023, date à laquelle elle a été évoquée et mise en délibéré au 05 janvier 2024.

Par jugement en date du 05 janvier 2024, le juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de LYON a :
- débouté la SCI TALLINE de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive du débat instauré devant le juge de la rétractation,
- débouté la SCI TALLINE de sa demande d'injonction à la société J.MORITA EUROPE GMBH d'avoir à communiquer à la SCI TALLINE l'intégralité du procès-verbal de constat établi par Maître [L] et [C],
- sursis à statuer sur l'ensemble des contestations soulevées par la société J.MORITA EUROPE GMBH à l'encontre de la saisie-attribution pratiquée le 29 novembre 2022 entre les mains de la société DENTALL'PROJECT qui lui a été signifiée le 10 janvier 2023 à la requête de la société SCI TALLINE et sur les demandes reconventionnelles résiduelles de cette dernière, dans l'attente de la décision rendue par la Cour d'appel de NANCY sur appel du jugement du juge de l'exécution du Tribunal judiciaire de NANCY rendue le 03 mars 2023.

Par conclusions notifiées par la voie du RPVA en date du 22 mars 2024, le conseil de la société J.MORITA EUROPE GMBH a sollicité du juge de l'exécution de :
- ordonner le rétablissement au rôle de l'affaire enregistrée sous le numéro RG 23/03188 et engagée par assignation en date du 7 avril 2023 délivrée à la SCI TALLINE à la requête de J. MORITA,
- juger recevable et bien fondée la demande de sursis à statuer présentée par J.MORITA ;
*A titre principal :
- juger nul le contrat de Bail Commercial signé le 14 septembre 2021, constituant le titre exé-cutoire sur lequel repose la saisie-attribution du 29 novembre 2022 ;
En conséquence :
- annuler et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée le 29 novembre 2022 entre les mains de la société DENTALL'PROJECT ;
*A titre subsidiaire :
- juger que le Bail Commercial du 14 septembre 2022 ne revêt pas de caractère authentique, et partant exécutoire ;
En conséquence :
- annuler et ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 29 novembre 2022 entre les mains de la société DENTALL'PROJECT ;
*A titre très subsidiaire :
- fixer la somme principale de la créance de la SCI TALLINE à 3.250,32 euros,
- cantonner en conséquence la saisie-attribution du 29 novembre 2022 à la somme de 3.250,32 eu-ros ;
*En toute hypothèse :
- débouter la SCI TALLINE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- rejeter les pièces adverses n° 5, n° 6, n° 11, n° 12, n° 14, n° 19, n° 20, n° 21, n° 27 et n°42 et les juger sans valeur probatoire ;
- rejeter et juger sans objet la demande de sursis à statuer et d'injonction à communiquer l'intégralité du procès-verbal de constat, annexes comprises, quels qu'en soient les supports de la SCI TAL-LINE ;
- débouter la SCI TALLINE de sa demande de confirmation du Bail Commercial nul ;
- condamner la SCI TALLINE à verser la somme de 10.000 Euros à la société J. MORITA à titre de dommages-intérêts pour abus de saisie, outre 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'affaire a été réinscrite au rôle de l'audience du 30 avril 2024 à la demande de la société J.MORITA EUROPE GMBH, date à laquelle elle a été évoquée.

A cette audience, la société J.MORITA EUROPE GMBH, représentée par son conseil, réitère ses demandes.

Au soutien de ses demandes, elle expose que le titre exécutoire fondant la saisie est nul en raison des manœuvres dolosives de Madame [B] [K]. Elle rappelle que le juge de l'exécution doit se prononcer sur la nullité de l'engagement d'un acte notarié exécutoire. Elle considère que son consentement a été vicié en violation des dispositions communes du droit des contrats, rappelant que les circonstances entourant la conclusion du contrat litigieux révèlent que son consentement a été obtenu grâce à des manœuvres dolosives. Elle estime que les agissements de la SCI TALLINE via sa gérante étaient destinés à cacher l'identité du réel bailleur, Madame [K] elle-même employée de J.MORITA au moment des faits. Elle ajoute que Madame [K] a conduit seule des négociations factices dans son intérêt personnel, en dissimulant délibérément le lien qui la liait à la SCI TALLINE jusqu'au 27 juillet 2021 avec l'aide de Madame [G], Notaire et amie de Madame [K]. Elle rappelle que Madame [K] avait délibérément omis d'informer la société J.MORITA de son statut auprès de la SCI TALLINE, d'autant qu'un Monsieur a servi de prête-nom.

Elle conteste toute exécution délibérée du contrat et exclut son intention de réparer sa nullité, rappelant que cette intention ne se présume pas. Elle ajoute avoir engagé une procédure à l'encontre de Madame [K] dès le 25 mars 2022, et avoir tout de suite contesté la validité de l'acte notarié, ce qui exclut toute volonté de réparation du vice initialement constaté.

La SCI TALLINE, représentée par son conseil, conclut au débouté de la demanderesse en l'ensemble de ses prétentions.

Elle sollicite, à titre reconventionnel, de :
- à titre principal, ordonner un sursis à statuer conformément à la demande de J. MORITA, dans l'attente de l'arrêt de la Cour d'Appel de Nancy sur la décision du Juge de d'Exécution de Nancy,
- à titre subsidiaire, juger recevable et bien fondée la demande de sursis à statuer présentée par la SCI Talline, et ordonner un sursis à statuer dans l'attente de l'issue définitive du débat instauré devant le Juge de la rétractation,
- dans l'intervalle, faire injonction à la société J. Morita Europe Gmbh d'avoir à communiquer à la SCI Talline l'intégralité du procès-verbal de constat établi par Maître [L] et [C] sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, annexes comprises, quels qu'en soient les supports,
- subsidiairement sur le fond, débouter J.MORITA EUROPE GMBH de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner J.MORITA EUROPE GMBH à payer à SCI Talline la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et de la condamner aux dépens.

Au soutien de ses conclusions de débouté, elle considère que les annexes du procès-verbal du commissaire de justice auraient dû être versées aux débats de manière intégrale et qu'elles sont essentielles pour statuer sur la validité de la saisie-attribution, ce qui justifie de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de NANCY saisi d'un appel-rétractation.

Au fond, elle reconnaît que Madame [K] a dissimulé sa qualité de bailleur à la société J.MORITA lors de la souscription du contrat notarié. Elle estime toutefois que cette dissimulation n'est pas suffisante pour fonder le consentement donné sur la teneur du bail, le dol devant porter sur un élément déterminant de ce dernier, ce qui n'est pas le cas de l'identité du bailleur. Elle ajoute que la tromperie de Madame [K] et l'abus de confiance de l'employeur ne sont pas constitutifs d'une manœuvre dolosive pouvant être sanctionnée par la nullité du contrat. Elle précise que l'identité du bailleur n'a eu aucun impact sur la teneur des autres clauses du bail, d'autant que la société JMORITA a eu connaissance de l'entier contrat et a approuvé les trois projets préalables. Elle soulève l'absence de caractère intuitu personae du bail commercial, donc le fait que la qualité du bailleur importe peu. A titre subsidiaire, elle estime que le contrat nul a été en tout état de cause confirmé dès lors qu'elle l'a exécuté en connaissance de cause conformément à l'article 1182 du code civil. Elle considère que la société JMORITA savait que Madame [K] l'avait trompée depuis février 2022, et qu'elle a continué à verser les loyers jusqu'au mois d'août 2022.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 28 mai 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'assignation susvisée et les conclusions déposées par les parties à l'audience et reprises oralement lors des débats ;

Sur la recevabilité de la contestation

Aux termes de l'article R211-11 du Code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.

Aux termes de l'article 643 du Code de procédure civile, lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de tierce opposition dans l'hypothèse prévue à l'article 586 alinéa 3, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :
(…) 2. Deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger.

En l'espèce, la saisie-attribution pratiquée le 29 novembre 2022 a été dénoncée le 10 janvier 2023 à la société J.MORITA EUROPE GMBH selon les modalités conformes à l'article 8 du règlement (UE) 2020/1784 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relatif à la signification et à la notification dans les Etats membres des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, de sorte que la contestation, élevée par acte de commissaire de justice en date du 07 avril 2023, dont il n'est pas contesté qu'il a été dénoncé le jour même ou le premier jour ouvrable, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'huissier instrumentaire, est recevable.

La société J.MORITA EUROPE GMBH est recevable en sa contestation.

Sur les demandes de sursis à statuer

Les demandes de sursis à statuer ont déjà été tranchées dans la décision du 04 janvier 2023, qui a désormais autorité de chose jugée. Elles sont irrecevables.

Sur la demande de faire injonction à la société J. Morita Europe Gmbh d'avoir à communiquer à la SCI Talline l'intégralité du procès-verbal de constat établi par Maître [L] et [C]

L'article 15 du Code de procédure civile dispose que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du Code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l'espèce, la SCI TALLINE expose que la société demanderesse a produit le procès-verbal de constat du 8 mars 2022 sans l'intégralité de ses annexes.

Il est constant qu'est produit aux débats le procès-verbal de constat du 8 mars 2022. La demande principale de mainlevée de la saisie-attribution fondée sur la nullité de l'acte notarié n'exige pas du juge de l'exécution d'apprécier le caractère fautif ou non des correspondances échangées par Madame [K] avec des tiers.

Il y a donc lieu de rejeter la demande formulée de ce chef.

Sur la demande de rejet les pièces en défense n° 5, n° 6, n° 11, n° 12, n° 14, n° 19, n° 20, n° 21, n° 27 et n°42

L'article 15 du Code de procédure civile dispose que parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.

L'article 16 du Code de procédure civile dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire ob-server et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou pro-duits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.

Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.

En l'espèce, au soutien de sa demande de rejet de pièces adverses, la société demanderesse ne fait valoir aucune atteinte au principe de la contradiction ou à celui de la loyauté des preuves.

Ces pièces seront donc admises et la demande formulée de ce chef sera rejetée.

Sur la demande principale de mainlevée de la saisie attribution

L'article L211-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Il est constant qu'il relève des attributions du juge de l'exécution d'apprécier la portée et la validité des actes authentiques formalisant un titre exécutoire si la difficulté est survenue à l'occasion d'une mesure d'exécution forcée.

En l'espèce, la saisie-attribution pratiquée est fondée sur l'acte notarié authentique conclu le 14 septembre 2021 entre les parties devant Maître [R] [W], Notaire associée à [Localité 8].

L'acte notarié dont le caractère exécutoire résulte de la formule exécutoire qui le revêt, produit aux débats (pièce 9 en demande), constitue un bail commercial comportant, au titre des déclarations sur la capacité, l'engagement de la SCI TALLINE quant à l'exactitude des indications portées à l'acte concernant son identité.

Il est ajouté que la société TALLINE est représentée à l'acte par Madame [X] [F], clerc de notaire, en vertu des pouvoirs qui lui ont été conférés par Monsieur [Y] [V], gérant de la société, suivant procuration sous seing privé en date du 8 septembre 2021, Monsieur [Y] [V] ayant été nommé à cette fonction aux termes d'une décision des associés en date du 27 juillet 2021 (pièce 9).

L'acte notarié comporte engagement de la SCI TALLINE à consentir à la société J.MORITA un bail commercial à compter du 16 août 2021 pour une durée de 10 ans, sans possibilité de sortie anticipée, sur les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 9], dont l'activité commerciale en France demeurait confiée à Madame [B] [K], en sa qualité de salariée, et ce moyennant un loyer annuel de 55.656 € augmenté de 400 € hors taxes de provision mensuelle sur charges et taxes (pièce 9).

Il résulte des pièces produites que la SCI TALLINE a déposé ses statuts le 23 février 2021, désignant deux associés, Madame [B] [K], également gérante, et la société AG2C, ayant aux termes de ses statuts (pièce 2 en défense) comme unique associée et présidente Madame [B] [K] (pièces 3 et 4 en demande). Au moment du dépôt des statuts, la SCI TALLINE avait son siège social fixé au [Adresse 5] à [Localité 9].

L'identité de la partie bailleresse est visée en première page de l'acte notarié : le caractère prioritaire de cet élément dans le consentement de la partie preneuse est donc déjà rapporté par son importance dans l'acte litigieux, dans la mesure où dépend directement et exclusivement de la partie bailleresse le montant du loyer commercial et les conditions de négociation du bail.

Oter à l'identité de la partie bailleresse son caractère déterminant du consentement de la partie preneuse reviendrait à considérer que la conclusion d'un bail commercial dans ses conditions essentielles (loyer, indemnité de résiliation, durée du bail notamment) ne dépend pas de l'identité du bailleur, de sa forme sociale, de ses spécificités, ce qui n'est ni cohérent ni crédible. En effet, le type et le profil du bailleur influent nécessairement sur les négociations antérieures à la conclusion du bail, et partant sur ses conditions essentielles.

Or, s'agissant du lien contractuel entre Madame [K] et la société J.MORITA, les pièces produites permettent de mettre en évidence que :
- Madame [K] a été embauchée par la société DIMTEC en CDI à compter du 1er février 2016 pour exercer la fonction de commerciale destinée à participer à la mise en place de la stratégie commerciale et au développement de la société, à l'organisation de la politique d'action commerciale, et à assurer le développement commercial de la société (pièce 5) ; dans le cadre de cette activité de commerciale, Madame [K] était soumise à une obligation de fidélité, consistant à ne participer sous quelque forme que ce soit à aucune activité concurrente de la société qui l'employait ;
- Madame [K] a vu son contrat de travail transféré à la société J.MORITA en vertu de la cession du fonds de commerce de la société DIMTEC au profit de J.MORITA ; dans le cadre de cet avenant au contrat de travail signé le 17 novembre 2017 entre les parties, Madame [K] a vu son lieu de travail désormais fixé à [Localité 9], dans les locaux situés au [Adresse 3] ; (pièce 6) ;
- La société J.MORITA s'est vue notifier le 13 mars 2021 par l'intermédiaire de Madame [K] la résiliation du contrat de prestation de services comprenant la mise à disposition d'un espace de travail meublé au [Adresse 3], à la requête de son bailleur, la société AT WORK CONCEPT OFFICE (pièce 8), nécessitant la recherche d'un nouveau local commercial pour accueillir son activité en FRANCE ;
- La société J.MORITA a signé le bail commercial litigieux le 14 septembre 2021 (pièce 9).

La chronologie des faits ainsi établie permet d'établir d'une part l'historique du lien contractuel qui a lié la société J.MORITA et Madame [B] [K] dès avant le bail commercial litigieux, soit depuis le 17 novembre 2017 ; elle permet d'autre part de relever que si l'acte notarié litigieux ne porte aucune indication quant à l'existence du lien entre la SCI TALLINE, bailleresse et propriétaire des locaux, et Madame [B] [K], pourtant salariée du preneur, il est constant que la SCI TALLINE disposait bien d'un lien contractuel direct avec celle-ci depuis sa création le 23 février 2021.

Il n'est pas contesté par la société défenderesse que Madame [B] [K] n'avait pas informé la société J.MORITA, son employeur, de sa qualité de gérante et associée de la SCI TALLINE, qui est pourtant l'unique bailleresse dans l'acte notarié litigieux.

Il n’est pas davantage contesté que Madame [B] [K] n’a pas informé son employeur, en sa qualité de preneur du bail commercial, du changement de statuts de la société bailleresse, intervenu très peu de temps avant la signature de l'acte notarié, destiné sans autre explication apportée en défense, à modifier l'identité du gérant et donc à exclure Madame [B] [K] des coordonnées sociales de la SCI TALLINE, partie à l'acte litigieux.

De plus, le 27 juillet 2021, la démission de Madame [B] [K] en sa qualité de gérante et la nomination de Monsieur [Y] [V] en ses lieu et place pour une durée d'un an s'est faite concomitamment au choix de transfert du siège social de la SCI TALLINE à l'adresse des lieux loués (pièce 24), l'adresse initiale désormais dissimulée étant celle du domicile personnel de Madame [B] [K].

La dissimulation délibérée par la SCI TALLINE, lors de la conclusion de l'acte notarié litigieux du 14 septembre 2021, du lien contractuel la reliant directement à Madame [B] [K], salariée de la société preneuse, jusqu'au 27 juillet 2021 et dans laquelle elle restait en tout état de cause associée majoritaire, n'est pas contestée, et bien établie.

Or, il résulte du rapport d'extraction produit par le commissaire de justice instrumentaire mandaté le 28 février 2022 par le Président du tribunal judiciaire de NANCY que :
- Madame [B] [K] s'est montrée particulièrement investie et motrice dans le projet de déménagement des locaux de la société J.MORITA (pièce 19) ; à cet effet, c'est elle qui a présenté le projet de déménagement à l'entreprise de manière détaillée et chiffrée, avec photographies des lieux, dès le 21 janvier 2021, en mettant en avant l'attractivité des locaux situés [Adresse 2] (pièce 21) ; dès cette date, Madame [B] [K] a soumis à la société J.MORITA des perspectives d'estimations financières des installations et travaux à réaliser en négociant un contrat de 10 ans (pièce 21) ; en parallèle de ses échanges avec la direction de J.MORITA à propos de leurs futurs locaux, elle échangeait à titre personnel sur l'avancée de ses négociations et sa satisfaction à conduire la société J.MORITA à contracter avec elle (pièces 15-17, pièce 35) ;
- La société J.MORITA a précisément été informée de la résiliation du contrat de bail commercial portant sur les locaux qu'elle louait à effet au 17 avril 2021 par Madame [B] [K] (pièce 7), qui l'a su, elle, dès le mois de mars 2021 (pièce 18 en défense) ; cette information ne lui a pourtant été transmise que le 18 avril 2021, par mail de Madame [B] [K], ce qui aggravait l'urgence à trouver sans délai de nouveaux locaux ; l'un des membres de la direction de la société J.MORITA a d'ailleurs exprimé son mécontentement dès le 19 avril 2021 face au fait accompli, rappelant à Madame [B] [K] n'avoir été destinataire d'aucune information ou discussion préalables, et relevant les incidences préjudiciables d'un changement d'adresse dans l'urgence pour les partenaires de la boîte et sa clientèle, outre les coûts engagés ; dans les échanges, la société J.MORITA demande à Madame [B] [K] de lui transmettre sans délai les coordonnées du preneur des lieux loués pour échanger avec lui (pièce 7) ;
- Ce n'est que le 5 mai 2021 que Madame [B] [K] indiquait à la société J.MORITA qu'elle avait reçu le courrier de résiliation adressé par la société AT-WORK " à la mi-mars " (pièce 7) ; dans ce même mail, elle abordait à nouveau le projet de déménagement dans les locaux situés [Adresse 10] ;
- A partir du mois de mai 2021, Madame [B] [K] a continuellement abordé le projet de déménagement des locaux [Adresse 10] en indiquant aux membres de la direction de J.MORITA qu'elle était en contact avec " le propriétaire des lieux " (pièce 19) ; elle a indiqué par la suite aux membres de la direction de la société J.MORITA qu'elle avait négocié avec " le propriétaire " plus d'espace pour le même loyer, qu'elle devait le rencontrer pour poursuivre les négociations et que les locaux étaient parfaitement adaptés à l'activité de la société (pièces 34, 36 et 37).

Ces éléments établissent sans contestation possible la situation d'urgence dans laquelle s'est retrouvée la société J.MORITA le 18 avril 2021 lorsqu'elle a appris, par l'intermédiaire de Madame [B] [K], qu'elle devait quitter les locaux occupés [Adresse 11] à [Localité 9] sans délai. L'impératif de poursuite de son activité commerciale l'a soumis à la contrainte de trouver dans l'urgence un nouveau local commercial.

Or, Madame [B] [K] a dès le début de l'urgence pris l'initiative de lui présenter le projet rue des Glacis, dont elle était en réalité la propriétaire. L'absence de délai offert à la société J.MORITA pour trouver de nouveaux locaux du fait du retard de notification de la résiliation du bail imputable à Madame [B] [K] concorde parfaitement avec le projet de Madame [B] [K], répété à ses proches, de louer à celle-ci les locaux lui appartenant [Adresse 10] (pièce 15 à 17, pièce 35).

Par ailleurs, le lien de proximité qui unit Madame [B] [K] à la notaire instrumentaire de l'acte litigieux du 14 septembre 2021 est établi par les rapports d'extraction des communications SMS de Madame [B] [K], qui font précisément état de Maître [R] [W] comme d'une " copine " (pièces 16 et 17), les échanges entre elles étant familiers et nombreux ; il est également établi qu'elle a été l'interlocutrice principale de celle-ci dans la perspective de la signature de l'acte litigieux, y compris lorsqu'elle l'a interrogée sur les incidences juridiques d'un changement de gérant pour la SCI TALLINE à l'approche de la signature (pièces 16 et 17).

Les échanges préalables à la conclusion du bail litigieux mettent également en évidence un vice supplémentaire dans l'établissement de celui-ci au préjudice de la société J.MORITA, en ce que :
- Les 26 mai et 9 juin 2021 (pièce 19), le représentant de la société J.MORITA indiquait que la société validait, dans l'optique de la signature du bail commercial portant sur les locaux [Adresse 10], une indemnité de résiliation de 12 mois de loyer en cas de résiliation anticipée avant 10 ans, et un partage par moitié des frais de notaire ;
- Le 16 septembre 2021, Madame [B] [K] transmettait copie du bail commercial signé par procuration le 14 septembre 2021, qui contenait contrairement à l'accord préalable des parties une durée fixe de dix ans à compter du 16 août 2021, sans clause de sortie anticipée, avec à la charge exclusive de la société J.MORITA les frais, droits et honoraires du bail (pièce 25 en défense) ;
- Ce différentiel de versions de bail ne saurait être imputable à la société J.MORITA dès lors que Madame [B] [K] elle-même a insisté auprès d'elle pour recourir à une procuration donnée au clerc de l'étude au regard de la barrière de la langue et de la distance (pièce 19) ; plus encore, si la société TALLINE estime que la société J.MORITA était en capacité de vérifier l'identité de la société bailleresse par les pièces produites au soutien de l'acte litigieux, elle ne justifie pas avoir transmis les annexes avant le 5 octobre 2022 (pièce 23 en demande), étant au surplus indiqué que le notaire instrumentaire étant officier ministériel, il n'était pas attendu de la société J.MORITA de procéder à des vérifications supplémentaires sur l'identité de la société bailleresse.

C'est dans ces conditions que la société J.MORITA a conclu le bail pour une durée ferme de 10 années, avec exclusion de l'application des dispositions de l'article L145-34 du Code de commerce relatives au plafonnement du loyer lors du renouvellement du bail et frais à sa charge. Elle a accepté la fixation du loyer à 4638 € par mois (outre une provision sur charges de 400 € par mois) pour une superficie de 204 m2 (hors cellier au sous-sol), soit un prix de 22,7 € le m2/mois (hors charges).

Elle verse des estimations moyennes établies issues du site BUREAUX LOCAUX sur la période litigieuse, qui mettent en évidence un prix moyen de location des bureaux à 133 € le m2/an, soit 11 € le m2/mois, et une tranche haute des prix à 16 € le m2/mois (pièce 20).

Pour rappel, le loyer initial des locaux sis [Adresse 11] à [Localité 9] était de 1680 € / an.

Ces estimations établissent d'un prix conclu dans le bail commercial bien supérieur au prix moyen du marché.

Il est donc établi que la conclusion du contrat de bail commercial dans les conditions ci-dessus exposées, ont objectivement desservi les intérêts de la société J.MORITA, qui dans l'urgence, en qualité de preneuse, a contracté par l'intermédiaire exclusive de Madame [B] [K], un bail au loyer plus élevé que le prix du marché en vigueur, sans bénéficier de conditions de résiliation et de répartition des frais favorables.

Cela signifie que l'identité du bailleur délibérément dissimulée par Madame [B] [K] en changeant l'identité du gérant de la société bailleresse et l'adresse de son siège social quelques semaines avant la signature de l'acte litigieux et en dissimulant son statut d'associée de la SCI TALLINE revêt nécessairement un caractère déterminant du consentement pour la société J.MORITA, qui a donc été vicié et l'a conduit à une erreur excusable, dans la mesure où si la société preneuse avait eu connaissance du lien de droit existant entre la société bailleresse et son employée, Madame [K], et de son impact sur les termes du bail commercial, il est évident qu'elle ne l'aurait pas conclu, ou à tout le moins, pas aux mêmes conditions, étant donné le conflit d'intérêt majeur qu'elle aurait constaté (Madame [B] [K] ne pouvant être à la fois la représentante légale du bailleur et l'interlocutrice principale du preneur sans conflit d'intérêt manifeste et désintérêt vis-à-vis des intérêts du preneur, ce qui a pourtant bien été le cas).

En cela, les agissements de Madame [B] [K] constituent bien des manœuvres dolosives qui ont déterminé la société J.MORITA à conclure un contrat négocié à son détriment par son employée, alors qu'elle pensait conclure avec une société civile de bonne foi.

En conséquence, l'engagement donné de la société J.MORITA le 14 septembre 2021 dans l'acte notarié est nul, son consentement ayant été vicié par les manœuvres dolosives imputables à Madame [B] [K].

Selon l'article 1182 du Code civil, la confirmation d'un acte nul suppose que le contractant ait eu connaissance des vices affectant l'acte litigieux et qu'il ait entendu, sans équivoque, les réparer.

En l'espèce, aucun élément des courriers transmis par la société J.MORITA à l'égard de la SCI TALLINE, notamment celui produit du 20 octobre 2022 ne permet de caractériser une volonté non équivoque de renoncer à invoquer une quelconque nullité du contrat au motif qu'elle demandait la résolution du bail commercial. Celle-ci était en effet uniquement motivée, au vu des termes employés, par le souhait légitime d'arrêter le cours des loyers et d'obtenir la résolution du bail, sans volonté explicite de renoncer à invoquer la nullité, qui pouvait être sollicitée dans un second temps. Le fait que les loyers aient été payés jusqu'en août 2022 ne caractérise aucune volonté tacite de la société preneuse, mais seulement un acte d'exécution du bail notarié qui à lui-seul ne suffit pas à caractériser une volonté non équivoque de réparation, d'autant que toute la chronologie procédurale rappelée caractérise bien la volonté de la société preneuse d'identifier puis de dénoncer les manœuvres dolosives de son employée. Aucune confirmation de la nullité du bail notarié n'est donc susceptible d'être reprochée à la société demanderesse. Ce moyen ne saurait prospérer de ce chef.

Dans ces conditions, la saisie-attribution du 29 novembre 2022 pratiquée par la société TALLINE à l'encontre de la société J.MORITA doit être levée, étant fondée sur un acte authentique vicié.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'article L121-2 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que le Juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Il est constant que l'exercice d'un droit ne dégénère en abus qu'en cas d'attitude fautive génératrice d'un dommage.

En l'espèce, l'attitude fautive de la société ayant pratiqué la saisie est établie par les pièces produites, l'examen de la situation contractuelle ayant conduit le juge de l'exécution à retenir l'emploi délibéré de manœuvres dolosives de la part de Madame [B] [K], associée majoritaire de la société créancière saisissante qui a diligenté une mesure d'exécution forcée à l'encontre de la société J.MORITA.

Il est constant que lorsque la SCI TALLINE a délivré la saisie-attribution, elle savait nécessairement par l'intermédiaire de son associée majoritaire du sort qui lui a été personnellement réservé par la société J.MORITA, à savoir un licenciement pour faute lourde dès le 25 mars 2022 et le fait qu'elle fait l'objet d'une mise en demeure de lui payer une indemnité destiné à réparer les préjudices subis dès le 14 juin 2022.

L'attitude fautive de la société TALLINE, consciente des contestations émises quant à la validité de l'acte notarié depuis mars 2022, qui a fait délivrer une saisie-attribution malgré ce contexte, est donc établie. Le préjudice qui en est issu est caractérisé pour la société J.MORITA, que ce soit en termes d'atteinte à sa réputation professionnelle, ou de crédibilité vis-à-vis des sociétés concurrentes.

En conséquence, il sera alloué à la société J.MORITA la somme de 3000 € en réparation du préjudice subi. La SCI TALLINE sera condamnée à lui verser cette somme.

Sur les autres demandes

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La SCI TALLINE, qui succombe, supportera les dépens de l'instance et sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Supportant les dépens, la SCI TALLINE sera condamnée à payer à la société J.MORITA EUROPE GMBH la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L'EXÉCUTION, statuant en publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Déclare irrecevables les demandes de sursis à statuer formées par la société TALLINE ;

Déboute la société J.MORITA EUROPE GMBH de sa demande de rejet les pièces en défense n° 5, n° 6, n° 11, n° 12, n° 14, n° 19, n° 20, n° 21, n° 27 et n°42 ;

Déboute la SCI TALLINE de sa demande d'injonction à la partie demanderesse d'avoir à communiquer à la SCI Talline l'intégralité du procès-verbal de constat établi par Maître [L] et [C] ;

Déclare la société J.MORITA EUROPE GMBH recevable en sa contestation de la saisie-attribution du 29 novembre 2022 qui lui a été dénoncée le 10 janvier 2023 ;

Ordonne la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée à l'initiative de la SCI TALLINE le 29 novembre 2022, au préjudice de la société J.MORITA EUROPE GMBH, entre les mains de la société DENTALL'PROJECT ;

Condamne la SCI TALLINE à payer à la société J.MORITA EUROPE GMBH la somme de 3000 € à titre de dommages-intérêts pour saisie abusive ;

Condamne la SCI TALLINE aux dépens de la présente instance ;

Condamne la SCI TALLINE à payer à la société J.MORITA EUROPE GMBH la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute la SCI TALLINE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Rappelle que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.

La greffièreLa juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 23/03188
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;23.03188 ?
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