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22/05/2024 | FRANCE | N°22/01761

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 9 cab 09 f, 22 mai 2024, 22/01761


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 9 cab 09 F

NUMÉRO DE R.G. : N° RG 22/01761 - N° Portalis DB2H-W-B7G-WTCV

N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Jugement du :
22 Mai 2024


Affaire :

M. [Z] [N]
C/
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE









le:

EXECUTOIRE+COPIE

la SELARL LOZEN AVOCATS - 429


















LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audien

ce de la Chambre 9 cab 09 F du 22 Mai 2024, le jugement contradictoire suivant, après que l’instruction eût été clôturée le 15 Juin 2023,

Après rapport de Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente, et après que la ...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 9 cab 09 F

NUMÉRO DE R.G. : N° RG 22/01761 - N° Portalis DB2H-W-B7G-WTCV

N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Jugement du :
22 Mai 2024

Affaire :

M. [Z] [N]
C/
PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE

le:

EXECUTOIRE+COPIE

la SELARL LOZEN AVOCATS - 429

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la Chambre 9 cab 09 F du 22 Mai 2024, le jugement contradictoire suivant, après que l’instruction eût été clôturée le 15 Juin 2023,

Après rapport de Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente, et après que la cause eût été débattue à l’audience publique du 20 Mars 2024, devant :

Président : Axelle LE BOULICAUT, Vice-présidente

Assesseurs :Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente
Joëlle TARRISSE, Juge

Assistés de Christine CARAPITO, greffière

et après qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :

DEMANDEUR

Monsieur [Z] [N]
né le 26 Novembre 1974 à [Localité 4] - ALGERIE, demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître Anne-caroline VIBOUREL de la SELARL LOZEN AVOCATS, avocats au barreau de LYON, vestiaire : 429

DEFENDEUR

Monsieur le PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE,Tribunal Judiciaire de LYON - [Adresse 2]

Représenté par Amandine PELLA, substitut du procureur

EXPOSE DU LITIGE

[Z] [N], se dit né le 26 novembre 1974 à [Localité 4], commune de Bir [O] (ALGÉRIE). Il revendique la nationalité française, soutenant être issu de [I] [N], né le 29 janvier 1934 à [Localité 4] (ALGÉRIE), de nationalité française par décret de naturalisation du 6 décembre 1969.

Par décision du 30 décembre 2020, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire de Valence a refusé la délivrance d’un certificat de nationalité française à [Z] [N] aux motifs suivants : « Attendu que [I] [N], père de l’intéressé, se prétend français en application des dispositions de l’article 44 du code de la nationalité française (ordonnance 45-2441 du 19 octobre1945) pour avoir acquis la nationalité française en raison de la naissance et de la résidence en France ;
Qu’au jour de la naissance de l’intéressé, soit le 26 novembre 1974, le père était de nationalité
algérienne comme suite au décret de naturalisation du 6 décembre 1969, publié au Journal Officiel du 19 décembre 1969 (décret n°20.526/BN) ;
Qu’en vertu des articles 30 et 30-1 du code civil, il appartient à la personne qui se prévaut de la nationalité française de justifier qu’elle possède cette nationalité, c’est-à-dire qu’elle satisfait aux conditions légalement prévues, en l’occurrence qu’elle justifie du lien de filiation entre elle-même et son parent de nationalité française ;
Attendu que, dans l’acte de naissance algérien de l’intéressé, les énonciations relatives à ses parents ne sont pas conformes aux articles 30 et 63 de l’ordonnance 70/20 du 19 février 1970 portant code de l’état civil algérien ;
Qu’en l’état, l’acte de naissance de l’intéressé n’est pas probant au regard de l’article 47 du code civil. L’intéressé, dépourvu de tout état civil fiable, ne présente aucun titre à la nationalité française. ».

[Z] [N] a fait assigner le Procureur de la République devant le Tribunal judiciaire de LYON, par acte d’huissier de justice du 24 février 2022 aux fins, principalement, de déclarer sa nationalité française sur le fondement de l’article 18 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 28 avril 2023, [Z] [N] demande au tribunal de :

- le recevoir en la présente assignation et l’y déclarer bien fondé,

- constater que les formalités prévues par l’article 1043 du code de procédure civile ont été respectées,

- dire et juger, en conséquence, qu’en vertu de l’article 18 du code civil, qu’il est Français comme étant né d’un père Français,

- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil,

- condamner l’Etat aux dépens et lui verser une indemnité de mille cinq cents euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

- condamner le défendeur aux entiers dépens,

- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Au soutien de ses prétentions, [Z] [N] fait valoir que [I] [N], son père, s’est marié le 9 décembre 1953 avec [A] [M], née en 1937 à [Localité 3] (ALGÉRIE), de nationalité algérienne et qu’il ressort de l’amplification du décret de naturalisation de ce dernier du 6 décembre 1969 que ses frères et sœurs ont bénéficié de l’effet collectif de l’acquisition de la nationalité française, confirmé par jugements des tribunaux judiciaires de Paris et Lyon. Il ajoute qu’il s’est marié le 27 octobre 2001 à [Localité 5] avec [B] [D], née le 31 juillet 1977 à [Localité 6], de nationalité française, que de leur union sont nés trois enfants, de nationalité française, et qu’il réside en France au jour des présentes écritures. Il en déduit qu’il est fondé à solliciter la reconnaissance de sa nationalité française au titre de l’article 18 du code civil.

Il prétend démontrer son lien de filiation à l’égard de son père, [I] [N], par la production de l’original de la copie intégrale de son acte de naissance délivré le 22 novembre 2021 par l’officier d’état civil de [L] [P]. Il relève que, par ailleurs, c’est sur la base de l’acte d’état civil produit que l’administration française lui a délivré un titre de séjour, sans que l’authenticité du document et la réalité de son état civil ne soient remises en cause.
Il fait valoir qu’il produit également la copie intégrale de l’acte de naissance de son père duquel il ressort que ce dernier s’est marié le 9 décembre 1953 avec [A] [M], que le mariage entre son père et sa mère, bien avant sa naissance, présume de son lien de filiation à l’égard de [I] [N].
Il considère ainsi que la force probante des actes produits, lesquels établissent de manière univoque son lien de filiation, ne saurait être sérieusement remise en cause.

Concernant l’application des articles 30 et 63 de l’ordonnance 70/20 du 19 février 1970 portant code de l’état civil algérien, il relève qu’en premier lieu, la copie intégrale d’acte de naissance délivrée le 22 novembre 2021 indique les prénoms, noms, âge, profession et domicile des père et mère conformément à ces dispositions.
Il fait valoir qu’en second lieu, sur le fondement des articles 11 de ladite ordonnance, 47 du code civil et 1er du décret n° 2 015-1740 du 2015 relatif aux modalités de vérification d’un acte d’état civil, en l’absence d’inscription de faux ou de toute diligence visant à une telle vérification, auprès des autorités algériennes, le caractère authentique des actes d’état civil produits ne saurait être sérieusement remis en cause.
Il relève qu’en troisième lieu, son acte de naissance a été dressé en 1934, soit avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance 70/20 du 19 février 1970 de sorte qu’il ne saurait être visé par l’obligation de comporter les mentions exigées au titre des articles 30 et 63 de l’ordonnance précitée.
S’agissant de la mention relative au nom de l’officier d’état civil, le demandeur considère que le ministère public ne démontre pas que cet article 30 concerne bien le nom de l’officier d’état civil ayant dressé l’acte et non pas de celui ayant délivré sa copie intégrale suivant formulaire EC7, ladite ordonnance ne précisant pas que le document d’état civil algérien doit obligatoirement faire mention du nom de l’officier d’état civil ayant dressé l’acte. Il considère que, puisqu’une copie intégrale établie suivant formulaire EC7 est incontestablement un acte d’état civil, les dispositions invoquées par le ministère public se réfèrent en priorité aux nom, prénom et à la qualité de l’officier d’état civil ayant délivré l’acte. Or, il relève que la copie intégrale d’acte de naissance a été délivrée par l’officier d’état civil [P] [L], agissant en qualité d’agent de l’administration territoriale de la commune de Bir [O], de sorte que sont bien mentionnés les nom, prénom et la qualité de l’officier d’état civil ayant délivré l’acte.
Toutefois, s’agissant de la mention relative à l’heure, le demandeur considère que l’acte de naissance est parfaitement conforme aux dispositions de l’article 30 de l’ordonnance en ce qu’il mentionne l’heure à laquelle il a été dressé.
Le demandeur fait valoir que, dans l’hypothèse où ces mentions seraient absentes, cette seule circonstance ne suffirait pas à renverser la présomption d’authenticité rattachée à l’acte d’état civil.

Sur le fondement de l’article 30 de ladite ordonnance et de l’article 175 du code civil guinéen, il conclut que l’acte d’état civil est conforme aux exigences essentielles prévues par le droit algérien, de sorte que les prétendues irrégularités ne sauraient en aucun cas suffire pour écarter l’authenticité de la copie intégrale de l’acte de naissance et donc la réalité de l’état civil du demandeur.
Il prétend ainsi rapporter la preuve d’un état civil certain et de la réalité de sa filiation à l’égard de [I] [N], dont le bénéfice de la nationalité n’est pas contesté.

Concernant sa propre nationalité, il prétend démontrer sur le fondement des articles 18 et 20 du code civil qu’il entre incontestablement dans le cadre légal de la délivrance d’un certificat de nationalité dès lors qu’il produit les éléments attestant de la nationalité française de son ascendant, dont le lien de filiation ne saurait être contesté. Il indique être le fils de [I] [N], devenu Français à sa majorité par application de l’article 44 du code de la nationalité française, confirmé par décret du 6 décembre 1969, bien avant sa propre naissance le 26 novembre 1974.
Il relève que, par ailleurs, le bénéfice de la nationalité française de son père, ainsi que de ses enfants, a été confirmée à trois reprises par les tribunaux judiciaires de Lyon et Paris.
Il fait valoir que si la production des jugements définitifs reconnaissant la nationalité française de ses frères ne suffit pas à justifier de sa propre nationalité française, elle permet toutefois de démontrer l’acquisition et la conservation de la nationalité française de son père, dont les circonstances sont corroborées par la production de la copie intégrale de l’acte de naissance, l’amplification du décret de naturalisation du 6 décembre 1969, la carte nationale d’identité française et le récépissé tenant lieu d’autorisation provisoire de séjour en Algérie de son père, la copie intégrale de l’acte de naissance, la requête aux fins de rectification d’acte d’état civil et l’attestation de concordance concernant sa mère, le livret de famille, son propre extrait d’acte de mariage, la carte d’identité française de son épouse et les cartes nationales d’identité de leurs trois enfants.
Il revendique, de surcroît, la production de nouveaux documents démontrant que son père résidait en France entre ses 16 et 21 ans, soit du 29 janvier 1950 au 29 janvier 1955, et qu’il considère probants, à savoir des attestations, de contrat d’apprentissage, de la caisse nationale des assurances maladies et du CNAS d’Oran, le livret individuel délivré par le ministère de la guerre, la carte d’attributaire de la caisse algérienne de compensation de bâtiment et des travaux publics et les actes de naissance des trois filles de son père.
Il fait également valoir la production de nouveaux éléments confirmant, si besoin l’était, que son grand-père était de nationalité marocaine dont le certificat de nationalité française de son frère, les actes de mariage et de décès de ses grands-parents paternels. Il rappelle sur ce point que le Consulat Général du Royaume du Maroc a par ailleurs reconnu la nationalité marocaine de son père et que la République algérienne lui a délivré une autorisation provisoire de séjour en tant que ressortissant marocain le 15 novembre 1968. Il prétend ainsi qu’il ne fait aucun doute que son père est né de parents étrangers.
Il estime qu’il résulte de ces documents que son père a acquis la nationalité française le 29 janvier 1955 en application de l’article 44 du code de la nationalité française, ce qui a été rappelé par les tribunaux judiciaires de Lyon et de Paris.
Quant à la conservation de la nationalité française de ce dernier, sur le fondement de l’article 32-3 du code civil, le demandeur prétend que son père ne s’est vu conférer aucune autre nationalité selon la loi algérienne à la date d’indépendance de l’Algérie. Il fait valoir que c’est ce qu’à retenu le tribunal judiciaire de Paris le 20 mai 2020.
Il rappelle produire l’acte de mariage de ses parents à titre complémentaire pour justifier de sa filiation à l’égard de son père.

Il prétend ainsi remplir l’ensemble des conditions pour bénéficier de la délivrance d’un certificat de nationalité française en vertu de l’article 18 du code civil.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, le Procureur de la République demande au tribunal de :

- dire la procédure régulière au regard des dispositions de l’article 1040 du code de procédure civile,

- débouter [Z] [N] de l’intégralité de ses demandes,

- dire que [Z] [N], se disant né le 26 novembre 1974 à [Localité 4], commune de Bir [O] (ALGÉRIE), n’est pas de nationalité française,

- ordonner la mention prévue par l’article 28 du code civil,

- statuer ce que droit quant aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, le ministère public fait valoir que l’article 17 du code de la nationalité française, dans sa rédaction issue de la loi n°73-42, du 9 janvier 1973 est applicable au regard la naissance du demandeur. Il fait également remarquer que [Z] [N] n’est pas titulaire d’un certificat de nationalité française, de sorte qu’il lui appartient de justifier d’un lien de filiation à l’égard d’un père français, établi au temps de sa minorité, par la production d’actes d’état civil probants au sens de l’article 47 du code civil.

Concernant l’acte de naissance du demandeur, le Procureur de la République relève qu’il n’est pas fait mention de l’officier d’état civil ayant dressé l’acte et de l’heure à laquelle cet acte a été dressé et ce, en violation de l’article 30 de l’ordonnance algérienne n°70/20 du 19 février 1970 relative à l’état civil. Il en déduit que l’acte de naissance est irrégulier au regard de la loi algérienne. Il ajoute que la question de l’origine de l’irrégularité de l’acte est sans portée dès lors qu’un acte irrégulier ne peut, en tout état de cause, profiter à son titulaire. Il prétend ainsi que cet acte irrégulier au regard de la loi algérienne n’est pas rédigé dans les formes usitées dans ce pays et, en conséquence, n’est pas probant au sens de l’article 47 du code civil.
En outre, il fait valoir que, quand bien même ces mentions ne seraient pas imposées par la loi algérienne, elles sont substantielles au regard du droit français et, qu’en l’absence de certaines d’entre elles, le document ne peut même pas recevoir la qualification d’acte d’état civil. Il explique que le nom de l’officier d’état civil qui a dressé l’acte constitue une mention substantielle de l’acte en application de l’article 47 du code civil, tous éléments extrinsèques ou intrinsèques à l’acte permettant une remise en cause de la valeur probante du document d’état civil lorsqu’ils révèlent une simple irrégularité. Il ajoute qu’indépendamment même des règles prescrites par la loi du pays de son établissement, un document d’état civil ne mentionnant pas l’identité et la qualité de l’officier d’état civil qui l’a dressé ne peut être considéré comme un acte de l’état civil, de telles mentions substantielles conditionnant la qualification même d’acte d’état civil puisqu’elles authentifient les déclarations contenues dans l’acte.
Il en conclut que le demandeur ne justifie pas de façon certaine de son état civil.

Concernant le lien de filiation entre [Z] [N] et [I] [N], le ministère public fait également observer que le demandeur omet de produire l’acte de mariage de ses parents de sorte qu’il ne justifie pas de sa filiation à l’égard de son prétendu père.

S’agissant de la nationalité française de son père allégué avant l’indépendance de l’Algérie, le Procureur de la République relève, d’une part, que le demandeur ne rapporte pas la preuve de la naissance de [I] [N] de parents étrangers en l’absence de production des actes de naissance de ses grands-parents paternels, ainsi que de leur acte de mariage. Il constate, d’autre part, qu’il ne produit aucune pièce de nature à justifier que son père allégué résidait en France avant sa majorité, soit 21 ans le 29 janvier 1955, et qu’il y résidait habituellement depuis l’âge de 16 ans. Le ministère public considère ainsi que le demandeur ne rapporte pas la preuve, en l’état, que son père a acquis la nationalité française en application de l’article 44 du code de la nationalité française dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 19 octobre 1945.
Il précise, à cet égard, que la copie de la carte nationale d’identité française de son père n’est pas suffisante à démontrer la nationalité française de celui-ci, relevant qu’il ne s’agit que d’un simple élément de possession d’état de Français.
Il constate également que le demandeur produit en réalité, à l’examen de la pièce, un décret de naturalisation dans la nationalité algérienne et non dans la nationalité française.

Il relève enfin que le demandeur n’apporte aucune explication sur la manière dont son père aurait conservé la nationalité française à l’indépendance de l’Algérie.

La clôture de la procédure est intervenue le 15 juin 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie du 20 mars 2024.

Les parties en ayant été avisées, le jugement a été mis en délibéré au 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

MOTIVATION

Sur la demande de déclaration de nationalité de [Z] [N] :

En vertu de l'article 17-1 du code civil, les lois nouvelles relatives à l'attribution de la nationalité d'origine s'appliquent aux personnes encore mineures à la date de leur entrée en vigueur, sans préjudicier aux droits acquis par des tiers et sans que la validité des actes passés antérieurement puisse être contestée pour cause de nationalité.

Aux termes de l’article 17 du code de la nationalité française, applicable au litige, est Français l'enfant, légitime ou naturel, dont l'un des parents au moins est français.

L’article 31-2 du code civil dispose que le certificat de nationalité indique, en se référant aux chapitres II, III, IV et VII du présent titre, la disposition légale en vertu de laquelle l'intéressé a la qualité de Français, ainsi que les documents qui ont permis de l'établir. Il fait foi jusqu'à preuve du contraire.

Pour l'établissement d'un certificat de nationalité, le directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire pourra présumer, à défaut d'autres éléments, que les actes d'état civil dressés à l'étranger et qui sont produits devant lui emportent les effets que la loi française y aurait attachés.

En application de l’article 47 du code civil, « tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ». Cet article pose une présomption de validité des actes d’état civil établis par une autorité étrangère. Il incombe dès lors au Ministère public de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question.

L’article 30 de l’ordonnance n° 70-20 du 19 février 1970 relative à l’Etat civil en ALGÉRIE prévoit que « les actes d’état civil énoncent l’année, le jour et l’heure où ils sont reçus, les prénoms, nom et qualité de l’officier de l’état civil, les prénoms, noms, professions et domicile de tous ceux qui y sont dénommés, les dates et lieux de naissance des père et mère dans les actes de naissance, des époux dans les actes de mariage, du décédé, dans les actes de décès, sont indiqués lorsqu’ils sont connus ; dans le cas contraire, l’âge desdites personnes est désigné par leur nombre d’années comme l’est, dans tous les cas, l’âge des déclarants. En ce qui concerne les témoins, leur qualité de majeur est seule indiquée. Peuvent aussi être indiqués, les surnoms ou sobriquets, si une confusion est à craindre entre plusieurs homonymes ; ils doivent alors être précédés de l’adjectif « dit » ».

En l’espèce, pour justifier de son état civil, [Z] [N] verse à la procédure la copie intégrale de l’acte de naissance délivrée par l’officier d’état civil de Bir [O] le 22 novembre 2021, en vertu de laquelle l’intéressé est né 26 novembre 1974 à Bir [O] en ALGÉRIE (pièce 1).

Or, il convient de relever que cette copie est dépourvue du nom de l’officier d’état civil (Cadi), signataire de l’acte de naissance, et de l’heure à laquelle a été dressé l’acte, alors qu’il s’agit de mentions substantielles du droit algérien en application de l’article 60 de l’ordonnance n° 70-20 du 19 février 1970 relative à l’Etat civil en Algérie qui prévoit que “l’acte de naissance énonce l’an, le mois, le jour, l’heure, le lieu de naissance, le sexe de l’enfant et les prénoms qui lui sont donnés, les prénoms, nom, âge, profession, et domicile des parents et, s’il y a lieu, ceux du déclarant, sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article 64 ci-dessous”.
Partant, la copie de l’acte de naissance de [Z] [N] n’est pas rédigée selon les formes usitées en Algérie.
Il en résulte que l’état civil de [Z] [N] n’est pas fiable.

En l’absence d’état civil certain, [Z] [N] ne peut acquérir la nationalité française, à quelque titre que ce soit, et, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les motifs surabondants, il convient de rejeter ses demandes et de constater son extranéité.

Le présent jugement ayant trait à la nationalité française, il convient d’ordonner qu’il soit procédé à la mention de l’article 28 du code civil.

Sur les demandes accessoires :

En application de l’article 696 alinéa 1 code de procédure civile et de l'article R93 II 2° du code de procédure pénale, il convient de laisser à [Z] [N] la charge de ses dépens et à l’Etat la charge des frais exposés par le ministère public.
Il convient de débouter [Z] [N], partie perdante, de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 1041 du code de procédure civile, il convient de rejeter la demande d’exécution provisoire de la décision formulée par [Z] [N].

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, après débats, par jugement contradictoire,

DIT que [Z] [N], se disant né le 26 novembre 1974 à [Localité 4], commune de Bir [O] (ALGÉRIE), n’est pas Français,

ORDONNE que la mention prévue à l'article 28 du code civil soit apposée,

DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens,

DEBOUTE [Z] [N] de sa demande indemnitaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande d’exécution provisoire de la présente décision,

En foi de quoi, le président et le greffier ont signé le présent jugement,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 9 cab 09 f
Numéro d'arrêt : 22/01761
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;22.01761 ?
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