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22/05/2024 | FRANCE | N°19/11994

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 9 cab 09 f, 22 mai 2024, 19/11994


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 9 cab 09 F

NUMÉRO DE R.G. : N° RG 19/11994 - N° Portalis DB2H-W-B7D-UREO

N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Jugement du :
22 Mai 2024


Affaire :

Mme [R] [F], agissant en sa qualité de représentante légale de [F] [C], née le 27 juillet 2010 à [Localité 3] (Algérie)
C/
MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE (E9-19/2782)






le:

EXECUTOIRE+COPIE

Me Fabienne CAYUELA - 159











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LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la Chambre 9 cab 09 F du 22 Mai 2024, le jugement contradictoire suivant, apr...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 9 cab 09 F

NUMÉRO DE R.G. : N° RG 19/11994 - N° Portalis DB2H-W-B7D-UREO

N° de minute :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Jugement du :
22 Mai 2024

Affaire :

Mme [R] [F], agissant en sa qualité de représentante légale de [F] [C], née le 27 juillet 2010 à [Localité 3] (Algérie)
C/
MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE (E9-19/2782)

le:

EXECUTOIRE+COPIE

Me Fabienne CAYUELA - 159

LE TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, en son audience de la Chambre 9 cab 09 F du 22 Mai 2024, le jugement contradictoire suivant, après que l’instruction eût été clôturée le 06 Avril 2023,

Après rapport de Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente, et après que la cause eût été débattue à l’audience publique du 20 Mars 2024, devant :

Président : Axelle LE BOULICAUT, Vice-présidente

Assesseurs :Lise-Marie MILLIERE, Vice-présidente
Joëlle TARRISSE, Juge

Assistés de Christine CARAPITO, greffière

et après qu’il en eût été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats, dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

Madame [R] [F], agissant en sa qualité de représentante légale de [F] [C], née le 27 juillet 2010 à [Localité 3] (Algérie)
née le 22 Octobre 1966 à [Localité 5], demeurant [Adresse 1]

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/020979 du 04/09/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)
représentée par Me Fabienne CAYUELA, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 159

DEFENDEUR

MONSIEUR LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE (E9-19/2782), Tribunal judiciaire de Lyon - [Adresse 2]

représenté par Amandine PELLA, substitut du procureur

EXPOSE DU LITIGE

[C] [P], née le 27 juillet 2010 à [Localité 3] (ALGERIE), dit être devenue [C] [F] par ordonnance d’attribution de nom patronymique rendue par le tribunal de [Localité 3] le 30 mars 2011.

Elle dit avoir été confiée à [R] [F], de nationalité française et résidant en France, par acte de recueil légal délivré par le tribunal de [Localité 3] le 22 décembre 2012.

[R] [F], en qualité de représentante légale de [C] [F], a souscrit une déclaration de nationalité française en son nom devant le greffe du tribunal de Lyon le 10 janvier 2019, sur le fondement de l’article 21-12 du code civil.

Par une décision du 29 mai 2019, le directeur des services de greffe judiciaires a refusé d’enregistrer la déclaration de nationalité au motif que : « Il existe des discordances entre l’acte de naissance et l’ordonnance d’attribution de nom patronymique, que dès lors l’acte de naissance ne peut se voir reconnaitre la valeur probante prévue par l’article 47 du code civil. ».

Par acte d’huissier de justice du 3 décembre 2019, [R] [F], en qualité de représentante légale de [C] [F] a fait assigner le Procureur de la République devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins, principalement, de contester le refus d’enregistrement.

Aux termes de ses dernières conclusions récapitulatives et complémentaires notifiées par voie électronique le 5 avril 2023, [R] [F], en qualité de représentante légale de [C] [F], demande au tribunal de :

- déclarer recevable sa déclaration de nationalité,

- déclarer nul le refus d’enregistrement de la déclaration de nationalité de sa fille [C] [F],

- dire et juger, en conséquence, que [C] [F] est de nationalité française,

- statuer ce que droit sur les dépens.

A l’appui de ses demandes, [R] [F] conteste les motifs de la décision de refus d’enregistrement de la déclaration à la lecture des documents qu’elle produit. Elle prétend communiquer l’ensemble des pièces attestant de l’identité de sa fille [C] à savoir, l’acte de naissance, la copie du passeport, la pièce d’identité, les photos d’identité et la fiche d’état civil de cette dernière, outre l’acte de naissance de [F] [S], l’acte de naissance de [D] [I], son propre extrait d’acte de naissance, l’acte de recueil légal, l’ordonnance d’attribution de nom patronymique, deux attestations du directeur de l’action sociale, les attestations de paiement caisse d’allocations familiales, l’attestation de quotient familial, les fiches de paiement de droits allocations, l’attestation de frais de garde, les certificats de scolarité, les factures centre social LAENNEC, et la lettre de relance pour la restauration scolaire.

Elle répond au ministère public que, s’agissant de la condition du recueil fondée sur une décision de justice, elle produit l’original ainsi que la traduction par un traducteur assermenté d’une décision de [T] rendue le 22 décembre 2010 par le tribunal de [Localité 3] la désignant tutrice de l’enfant [C] [P], outre une ordonnance d’attribution du nom patronymique [F] à [C] en date du 30 mars 2011, relevant qu’en conséquence, l’acte de naissance est enregistré sous le nom de [F] [C].
Elle fait valoir qu’elle produit également l’original et sa traduction par un traducteur assermenté d’une ordonnance de refus de délivrance du certificat de non-appel de l’acte de recueil légal du 22 décembre 2010, en date du 9 février 2023.
Elle prétend que de la sorte, elle s’appuie sur des décisions ayant autorité de force jugée puisque non-susceptibles d’appel.

S’agissant du consentement de la mère biologique et de la justification que l’enfant soit un enfant abandonné, elle prétend ne pas avoir à apporter cette justification contrairement à ce que soutient le ministère public.
Sur le fondement de l’article 117 du code de la famille algérien, elle fait valoir qu’il est constant qu’en droit algérien, le recours à la kafala est impossible si l’enfant n’a pas été abandonné ou si le consentement des parents n’a pas été recueilli.
Elle considère que, dès lors, en produisant l’original de la décision de kafala, elle démontre le consentement de la mère biologique ou l’abandon de l’enfant.

Concernant sa nationalité française pendant les trois années de recueil à la date de la souscription de la déclaration, elle revendique la production tant d’une déclaration de nationalité, justifiant sa nationalité française depuis sa naissance en raison de la nationalité française de sa mère, que de sa carte nationale d’identité, établissant son lieu de naissance à [Localité 4] ainsi que sa nationalité française, de sorte que l’établissement de sa nationalité française est dépourvu d’obstructions ou de difficultés.

Elle prétend dès lors que, contrairement à ce que soutient le Procureur de la République, les conditions de l’article 21-12 3-1° du code civil sont réunies.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mai 2022, le Procureur de la République demande au tribunal de :

- constater que le récépissé prévu par l’article 1043 du code de procédure civile a été délivré,
- débouter [C] [F], née le 27 juillet 2010 à [Localité 3] (Algérie), de ses demandes,
- dire qu’elle n’est pas française,
- ordonner la mention prévue par l'article 28 du code civil.

A l’appui de ses demandes, le ministère public fait valoir qu’aucune des deux décisions, s’agissant de l’ordonnance de changement de nom du 30 mars 2011 et de la décision de kafala du 22 décembre 2012, n’est accompagnée d’un certificat de non recours permettant de s’assurer qu’elles ont acquis l’autorité de la chose jugée.
Il relève, par ailleurs, que la date de la décision de kafala est probablement une erreur de traduction, l’original faisant clairement apparaître la date du 22 décembre 2010.

Il fait surtout remarquer qu’il n’est pas justifié que le consentement de la mère, en tant que condition nécessaire à la reconnaissance de la régularité internationale de la décision de recueil légal, ait été recueilli. Il prétend qu’il n’est pas davantage justifié que l’enfant soit un enfant abandonné. Il en conclut que la décision de recueil de l’enfant est inopposable en France en vertu de l’article 1er d) de la Convention franco-algérienne du 27 août 1964.

Il observe par ailleurs que l’acte de naissance de [R] [F] n’est pas produit, pas plus qu’il n’est justifié de sa nationalité française.

Il considère qu’en l’état, les conditions d’application de l’article 21-12 alinéa 3-1° du code civil ne sont pas réunies.

L’ordonnance de clôture de mise en état a été prononcée le 6 avril 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience de plaidoirie du 20 mars 2024.

Les parties en ayant été avisées, le jugement a été mis en délibéré au 22 mai 2024 par mise à disposition au greffe de la juridiction.

MOTIVATION

Sur la demande de déclaration de nationalité de [C] [F] :

Aux termes de l’article 21-12 1° du code civil, peut réclamer la nationalité française, l’enfant qui, depuis au moins trois années, est recueilli sur décision de justice et élevé par une personne de nationalité française ou est confié au service de l'aide sociale à l'enfance.

En l’espèce, malgré le fait que le ministère public ait constaté l’absence de preuve de la nationalité française de [R] [F], alléguée comme étant la personne accueillant [C] [F], l’intéressée se contente de verser à la procédure sa carte nationale d’identité française délivrée le 16 juillet 2015 par la Préfecture du Rhône qui, en tout état de cause, a été établie sur la base d’éléments purement déclaratifs nécessairement insuffisants pour démontrer sa nationalité française.

Ainsi, [C] [F] ne remplit pas les conditions d’acquisition de la nationalité française sur le fondement de l’article 21-12 1° du code civil, et, sans qu’il soit nécessaire de statuer sur les motifs surabondants, il convient de rejeter les demandes de [R] [F], en qualité de représentante légale de [C] [F], et de constater l’extranéité de [C] [F].

Le présent jugement ayant trait à la nationalité française, il convient d’ordonner qu’il soit procédé à la mention de l’article 28 du code civil.

En application de l’article 696 alinéa 1 code de procédure civile et de l'article R93 II 2° du code de procédure pénale, il convient de laisser à [R] [F], en qualité de représentante légale de [C] [F], la charge de ses dépens et à l’Etat la charge des frais exposés par le ministère public.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, après débats, par jugement contradictoire,

DIT que [C] [P], née le 27 juillet 2010 à [Localité 3] (ALGERIE) et disant être devenue [C] [F], n’est pas Française,

ORDONNE que la mention prévue à l'article 28 du code civil soit apposée,

DIT que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens,

En foi de quoi, le président et le greffier ont signé le présent jugement,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 9 cab 09 f
Numéro d'arrêt : 19/11994
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;19.11994 ?
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