La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/05/2024 | FRANCE | N°20/07898

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 3 cab 03 d, 02 mai 2024, 20/07898


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 20/07898 - N° Portalis DB2H-W-B7E-VLIJ

Jugement du 02 Mai 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT - 42
Maître Hugues DUCROT de la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA - 709
Maître François CHARPIN de la SELARL QG AVOCATS - 748
Maître Laure-cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA - 2474






REPUBLIQUE FRANCAISE
A

U NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 02 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement contradictoire suivant,

Après que l’ins...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 3 cab 03 D

N° RG 20/07898 - N° Portalis DB2H-W-B7E-VLIJ

Jugement du 02 Mai 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT - 42
Maître Hugues DUCROT de la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA - 709
Maître François CHARPIN de la SELARL QG AVOCATS - 748
Maître Laure-cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA - 2474

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 02 Mai 2024 devant la Chambre 3 cab 03 D le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 23 Octobre 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 20 Février 2024 devant :

Julien CASTELBOU, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Anne BIZOT, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.S.U. EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES - CLEVIA CENTRE EST,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Hugues DUCROT de la SCP DUCROT ASSOCIES - DPA, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSES

S.A. DALKIA,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître François CHARPIN de la SELARL QG AVOCATS, avocats au barreau de LYON

S.A.S. SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Frédérique BARRE de la SELARL BARRE - LE GLEUT, avocats au barreau de LYON (avocat postulant) et par Maître Brice LOMBARDO de la société d’Avocats Interbarreaux SANGUINEDE DI FRENNA & ASSOCIES, avocats au barreau de MONTPELLIER (avocat plaidant)

S.A.S. EUROPEENE D’AUTOMATISME - SEA,
prise en la personne de son représentant légal
dont le siège social est sis [Adresse 5]

représentée par Maître Laure-cécile PACIFICI de la SELARL TACOMA, avocats au barreau de LYON

Un contrat multi-technique et de gestion des énergies, avec garantie forfaitaire des consommations, a été conclu, à effet au 1er janvier 2005, entre le Syndicat des copropriétaires de la TOUR PART DIEU, sise [Adresse 2], et la société DALKIA FACILITIES MANAGEMENT, au terme duquel le premier confiait notamment à la seconde la conduite de la maintenance de l’ensemble des équipements situés dans la Tour du Crédit Lyonnais devenue TOUR PART DIEU.

Dans le cadre de travaux de rénovation, la société AMEC SPIE, aux droits et obligations de laquelle vient la société SPIE INDUSTRIE TERTIAIRE, titulaire du lot électricité a, le 15 mars 2005, passé commande à la société SEA d’armoires électriques. Les travaux ont été réceptionnés suivant procès-verbal en date du 26 juin 2006 en l’absence de la société DALKIA non concernée par lesdits travaux.

Suivant contrat en date du 13 janvier 2014, la société EIFFAGE CONSTRUCTION RHONE ALPES s’est vue confier des travaux de désenfumage, rénovation et amélioration de l’hôtel RADISSON par la société HYBERNA France, propriétaire des locaux dans lesquels l’hôtel RADISSON est exploité et propriétaire du fonds de commerce dudit hôtel donné en location gérance, et la société REZIDOR LYON locataire gérant.

La société EIFFAGE CONSTRUCTION RHONE LOIRE a confié, en sous-traitance, à EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST et à la société EIFFAGE CLEMESSY, le lot électricité.

Outre la société EIFFAGE, entreprise générale, ont notamment été intervenants à l’opération :
- Maître d’ouvrage délégué : SNC LAVALIN
- Maîtrise d’œuvre : Un groupement constitué de :
ABAC INGENIERIE, mandataire du groupement BET fluides, EconomisteSOHO, architecteEGIS BATIMENTS, BET structure, BET désenfumage, sprinkler, maître d’œuvre d’exécutionCSD-FACES, Coordonateur SSI- Maîtrise d’œuvre amiante : [T] [P]
- Contrôle technique : SOCOTEC
- Coordination SPS : BUREAU VERITAS
- LOT CVC :
EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST EIFFAGE ENERGIE SYSTEME CLEMMESSY
Le planning initial des travaux prévoyait une date d’achèvement au 29 décembre 2014, le CCAP stipulant à ce titre des pénalités de retard de 1/1000ème du montant du marché de travaux hors taxes par jour calendaire pour chacune des phases définies dans le planning.

Fin février 2014, les travaux ont été suspendus suite à la découverte d’amiante. La date de réception a été décalée au 26 septembre 2016 par avenant n°1.

Le 23 octobre 2015, un incendie s’est déclaré dans le local électrique des services généraux situé au niveau -1 de la tour et a été circonscrit au local TGBT. Les occupants de la tour ont été évacués et les travaux interrompus.

L’ensemble des installations concernées avait fait l’objet d’une inspection annuelle par la société SOCOTEC du 16 septembre au 05 octobre 2015, la dernière thermographie ayant quant à elle été réalisée entre décembre 2014 à septembre 2015.

La tour a été fermée par arrêté municipal du 23 octobre 2015 avant d’être réouverte au public le 26 octobre 2015 sans toutefois que la reprise des travaux ne soit permise avant le 9 novembre 2015 bien qu’encore perturbée jusqu’au 12 novembre 2015 pour une reprise partielle de l’activité de désamiantage et au 16 novembre 2015 pour une reprise normale.

Par ordonnance du 04 novembre 2015, le juge des référés près la présente juridiction a autorisé la société EIFFAGE CONSTRUCTION RHONE-LOIRE à assigner d’heure à heure aux fins d’organisation d’une expertise.

Par ordonnance du 18 novembre 2015, le juge des référés près la présente juridiction, sur saisine de la société EIFFAGE CONSTRUCTION RHONE LOIRE et au contradictoire du Syndicat des copropriétaires, de la compagnie AGCS et des sociétés HYBERNA France et REZIDOR LYON, a ordonné une expertise aux fins de voir déterminer l’origine et les causes de l’incendie. Monsieur [E] a été désigné ès qualités d’expert.

Par ordonnance du 1er février 2016, les opérations d’expertise ont été étendues notamment à la société DALKIA, venant aux droits et obligations de la société DALKIA FACILITIES MANAGEMENT.

Monsieur [E], expert, a déposé son rapport le 22 novembre 2019.

Aucune solution amiable n’a pu être trouvée suite au dépôt du rapport d’expertise.

Par exploit d’huissier du 30 octobre 2020, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST a assigné la société DALKIA devant la présente juridiction (RG 20/7898).

Par exploits d’huissier des 14 et 17 décembre 2020, la société DALKIA a assigné aux fins d’appel en cause la société SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE et la SOCIETE EUROPEENNE D’AUTOMATISME (RG 21/185).

Les procédures ont été jointes par ordonnance du 21 janvier 2021.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 mai 2022, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST sollicite d’entendre le Tribunal, au visa de l’article 1240 du Code civil :

- Condamner la SA DALKIA à lui payer la somme de 16.100,77 euros HT en réparation de son préjudice immatériel,
- Condamner la SA DALKIA à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la SA DALKIA aux entiers dépens de l’instance en ce compris ceux de la procédure de référé ainsi que les frais d’expertise judiciaire,
- Ordonner l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 25 janvier 2023, la société DALKIA sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1103, 1231-1 et 1240 du Code civil et 367 et suivants du Code de procédure civile :

- Prononcer la jonction des instances principales et sur appels en cause,
- Débouter les sociétés demanderesses de l’ensemble de leurs demandes,
- Les condamner, chacune, à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Les condamner, chacune, à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que les préjudices seront arrêtés à la somme de 589.280,05 € HT, correspondant à un arrêt du chantier de six jours, consécutifs au sinistre.

A titre subsidiaire,
1.Vu les dispositions des articles 1382 ancien et 1240 nouveau du Code civil,
- Les condamner, in solidum, à relever et garantir la société DALKIA de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre dans la mesure où elles ont commis une faute génératrice du préjudice.
2. Vu les dispositions de l’article 1103 et suivants du Code civil,
- Condamner le Syndicat des copropriétaires de la TOUR de la PART DIEU, représenté par son syndic professionnel, la société NEXITY PROPERTY MANAGEMENT, qui a commis une faute, à relever et garantir la société DALKIA de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.

- Les condamner, in solidum, à lui payer la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Les condamner, in solidum, à payer à la société DALKIA la somme de 15.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Les condamner aux entiers dépens.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 février 2023, la société SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1380 ancien, 1240 nouveau et 1231-1 du Code civil :

Au principal,
- Débouter la société DALKIA ou toute autre partie de l’intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,

- Condamner la société DALKIA au paiement d’une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Subsidiairement,
Si par impossible, une quelconque condamnation était prononcée à l’encontre de la société SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE,
- Condamner la société SEA à la relever et garantir intégralement, tant en principal qu’intérêts et frais.
- La condamner, dans cette hypothèse, au paiement d’une somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la société DALKIA, ou tout autre succombant, aux entiers dépens.
- Réserver les dépens.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 novembre 2021, la société SEA – SOCIETE EUROPENNE D’AUTOMATISME sollicite d’entendre le Tribunal, au visa des articles 1382 ancien et 1353 du Code civil et 700 du Code de procédure civile :

- Débouter la société DALKIA, et toute autre partie, de l’intégralité de ses demandes dirigées à l’encontre de la société SEA,
- Condamner la société DALKIA à payer à la société SEA la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner la même, ou qui mieux le devra, aux entiers dépens de l’instance.

*

En application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé exhaustif de leurs prétentions et moyens.

La clôture de la procédure a été prononcée au 23 octobre 2023.

*

MOTIFS

A titre liminaire, en réponse à une prétention de la société DALKIA, il convient de relever qu’aucune jonction ne peut être prononcée en l’espèce en l’absence de procédures distinctes qui n’auraient pas déjà été l’objet d’une telle décision d’administration judiciaire. La demande en donc sans objet.

I. Sur la demande d’indemnisation formée par la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES

Au soutien de sa demande, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES rappelle qu’un tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

A ce titre, elle fait valoir que le syndicat des copropriétaires et la société DALKIA avaient conclu un contrat de maintenance des installations électriques objet du sinistre incendie à l’origine de l’interruption de chantier dont elle a souffert les conséquences.

Elle soutient que dans le cadre de l’exécution de ce contrat, la société DALKIA a manqué à ses obligations contractuelles au regard, d’une part, du défaut d’entretien des batteries de condensateurs et contacteurs présents dans les armoires n°4 et 5 situées dans le local TGBT qui lui incombait et, d’autre part, du manquement à son obligation de conseil vis-à-vis du syndicat des copropriétaires en n’alertant pas ce dernier de la nécessité de procéder au changement de certains éléments des installations électriques dont elle était chargée.

Dans ce cadre, elle sollicite une indemnisation à hauteur de 16.100,77 € représentant les frais liés au renforcement en personnel de chantier à raison de 8.855,77 € et ceux liés au renforcement de l’effectif des sous-traitants à raison de 7.245,00 €, ces évaluations étant tirées de l’expertise judiciaire.

En réponse, la société DALKIA soutient que sa responsabilité dans la survenance de l’incendie n’est pas établie au regard du caractère incertain des hypothèses arrêtées par l’expert judiciaire qui ne fait état que de suppositions sans jamais constater formellement l’existence des éléments qu’il estime être à l’origine même du sinistre.

Elle souligne que les affirmations techniques de l’expert quant aux batteries de condensateurs ne sont nullement documentées alors qu’elles entrent en contradiction avec la notice constructeur qui ne soulignait nullement un quelconque risque d’incendie, pas plus que ne le sont les normes sur lesquelles il fait reposer ses analyses ou les règles de l’art auxquelles il aurait été manqué.

Elle indique n’avoir jamais eu transmission, dans le dossier des ouvrages exécutés, des documents relatifs à la maintenance des matériels installés, notamment au regard du fait que les armoires neuves avec les batteries de condensateurs ont été installées postérieurement à la conclusion du contrat d’entretien, et outre le fait qu’en toutes hypothèses ces derniers ne présentaient aucun risque d’incendie eu égard aux documents produits à l’instance.

Elle relève que l’expert a conclu en se fondant sur une analyse erronée de ses obligations contractuelles qui n’incluaient nullement une obligation (P3) d’entretien courant et de maintenance propre aux batteries de condensateurs, soulignant que d’autres entreprises intervenaient sur les installations électriques, notamment la société SOCOTEC pour la thermographie de ces dernières.

Enfin, elle défend qu’aucune obligation de conseil ne reposait sur elle relativement à une maintenance systématique des équipements supposément à l’origine du sinistre.

Réponse du Tribunal,

Selon l’article 1382 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application de ces dispositions, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.

En l’espèce, il résulte du rapport d’expertise que l’incendie s’est déclaré dans le local TGBT au sein duquel se trouvaient plusieurs armoires électriques, l’expert précisant que seules deux d’entre-elles avaient été sérieusement affectées par les flammes et pouvaient être considérées comme le point de départ du sinistre.

A ce titre, l’expert a pu affirmer dans sa réponse au dire de Maître [W] du 28 août 2019 que l’incendie avait débuté au niveau de l’armoire, qu’il identifiait sous le numéro 4, contenant les batteries de condensateurs et les contacteurs, eu égard au fait qu’elle avait été entièrement détruite, puis que le feu s’était propagé à l’armoire contigüe qu’il identifiait sous le numéro 5 en ce qu’elle n’avait été affectée qu’en partie haute en raison du développement des flammes vers le haut avec un angle de 60°.

Partant de ce constat, l’expert a pu envisager plusieurs hypothèses pour finalement n’en retenir que deux comme étant les plus probables dès lors qu’était retenu comme point initial de l’incendie l’armoire numéro 4.

Ainsi l’expert analyse, d’une part, un sinistre au niveau du jeu de barres aval du disjoncteur, soulignant toutefois que cela était peu probable au regard notamment de la destruction jusqu’au sol des batteries de condensateurs et, d’autre part, un sinistre au niveau des batteries de condensateurs dont la sensibilité nécessite un entretien ou un changement en raison de leur vieillissement pour éviter tout risque de défectuosité et d’inflammation.

Sur cette dernière hypothèse, qui retient les faveurs de l’expert, ce dernier relève que dans le cas présent, les batteries de condensateurs sont associés à des contacteurs fixes et mobiles qui s’ouvrent et se ferment en fonction des besoins, créant des arcs électriques qui usent petit à petit les contacts des contacteurs, justifiant leur changement tous les cinq ans selon les « prescriptions usuelles », au risque d’aboutir à terme à un collage des contacts qui engendrerait alors un échauffement anormal pouvant initier un incendie à ce niveau, d’où il concluait à un défaut d’entretien comme source potentielle du sinistre.

Pour autant, en réponse à un dire de Maître [L] du 10 octobre 2019, l’expert reconnaissait qu’il existait deux causes possibles entre lesquelles il ne pouvait trancher, à savoir, soit une inflammation des batteries de condensateurs, soit un collage des contacteurs en raison d’une usure anormale, étant précisé que si ses constatations avaient permis d’établir l’existence d’une usure des contacts, aucun de ceux retrouvés ne permet d’affirmer qu’ils seraient à l’origine de l’incendie.

Ainsi, en réponse au dire de Maître [B] du 11 octobre 2019, l’expert confirmait ne pas être en capacité de démontrer si l’incendie avait pris naissance au niveau des batteries de condensateurs ou des contacteurs bien que « pensant » qu’il y ait eu un défaut d’entretien, d’une part, au niveau des contacteurs qui auraient dû être changés tous les cinq ans et, d’autre part, au niveau des condensateurs qui auraient dû être testés individuellement pour connaître leur état, bien que la société DALKIA pouvait estimer n’avoir pas de raison de les changer ni d’en recommander le changement au regard des relevés d’EDF ne démontrant aucune dérive du Cosinus.

En outre, dans le corps même de son rapport, l’expert relevait que les normes d’essais de sécurité électrique acceptent que les batteries de condensateurs tombent en panne avec l’usure du temps, tout comme les contacteurs, exposant que compte tenu de la disparition de la totalité des batteries de condensateurs dans l’armoire il n’était pas possible d’exclure une anomalie qui pourrait incomber au fabricant, ces éléments étant normalement conçus pour ne pas prendre feu en fin de vie.

De l’ensemble de ces éléments, il n’apparait pas que les constatations et analyses de l’expert ont pu de manière certaine définir l’origine du sinistre en ce qu’il demeure une incertitude entre l’incidence d’un défaut d’entretien et celle d’un défaut intrinsèque aux matériels composant l’installation et dont la société DALKIA ne pouvait anticiper l’apparition.

Ainsi, relevant que si « les prescriptions usuelles » retenues par l’expert invitaient à réaliser le changement de certains éléments des armoires électriques, à tout le moins alerter sur cette nécessité, il n’est pas possible de considérer que ces points, à supposer qu’ils constituent un manquement de la société DALKIA à ses obligations contractuelles, ce que l’expert n’estime être le cas qu’au titre du défaut de conseil, soient en lien direct et certain avec la survenance de l’incendie dès lors que les éléments litigieux sont normalement conçus pour éviter tous sinistres de ce type dans les cas où ils viendraient à disfonctionner du fait d’une usure avancée.

Il s’en infère qu’aucune faute imputable à la société DALKIA dans l’accomplissement de ses missions contractuelles ne peut justifier en l’espèce que sa responsabilité soit retenue, alors même qu’il n’est par ailleurs pas contesté que d’autres entreprises intervenaient sur les installations électriques et qu’aucune anomalie n’avait été détectée antérieurement.

En conséquence, la demande d’indemnisation de la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES sera rejetée au même titre que toutes demandes en garantie qui pouvaient en résulter, celles-ci étant devenues sans objet.

II. Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société DALKIA

En application de l’article 768 du Code de procédure civile, les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n’auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

En l’espèce, si la société DALKIA formule bien une prétention, dans son dispositif, tendant à voir condamner les sociétés demanderesses à lui payer une somme de 30.000 € de dommages et intérêts pour procédure abusive, il apparait que celle-ci n’est nullement articulée à un quelconque moyen dans le corps de ses conclusions dont le Tribunal pourrait apprécier la légitimité et la justesse.

En conséquence, la société DALKIA n’apportant pas la démonstration du caractère abusif de la présente procédure, sa demande sera rejetée.

III. Sur les demandes de fin de jugement

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, les parties perdantes sont condamnées aux dépens, à moins que le Juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En l’espèce, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES, partie perdante, supportera les entiers dépens de l’instance.

Aux termes de l’article 700 du Code de procédure civile, le Juge condamne les parties tenues aux dépens ou qui perdent leur procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le Juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à ces condamnations.

En l’espèce, la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES sera condamnée à payer à la société DALKIA la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, toutes autres demandes formées à ce titre étant rejetées.

En l’espèce, en application de l’article 515, applicable en l’espèce dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, compatible avec la nature du litige et au regard de l’ancienneté de celui-ci, il y a lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ;

DEBOUTE la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST de ses demandes ;

DEBOUTE la société DALKIA de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST à payer à la société DALKIA la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

REJETTE toutes autres demandes formées au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la société EIFFAGE ENERGIE SYSTEMES – CLEVIA CENTRE EST aux entiers dépens de l’instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Remis au greffe en vue de sa mise à la disposition des parties, le présent jugement a été signé par le Président, M. CASTELBOU, et le Greffier, Mme BIZOT.

Le GreffierLe Président,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 3 cab 03 d
Numéro d'arrêt : 20/07898
Date de la décision : 02/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-02;20.07898 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award