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30/04/2024 | FRANCE | N°24/00283

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 30 avril 2024, 24/00283


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU : 30 Avril 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 02 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 30 Avril 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Monsieur [V] [J]
C/ S.A.S.U. EOS FRANCE

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/00283 - N° Portalis DB2H-W-B7I-Y4BX


DEMANDEUR

M. [V] [J]
Né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité

9]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représenté par Maître Jérémy BENSAHKOUN de la SELARL JB AVOCATS, avocats au barreau de LYON



DEFENDERESSE

S.A.S.U...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 30 Avril 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 02 Avril 2024

PRONONCE: jugement rendu le 30 Avril 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Monsieur [V] [J]
C/ S.A.S.U. EOS FRANCE

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 24/00283 - N° Portalis DB2H-W-B7I-Y4BX

DEMANDEUR

M. [V] [J]
Né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 9]
[Adresse 2]
[Localité 5]

Représenté par Maître Jérémy BENSAHKOUN de la SELARL JB AVOCATS, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A.S.U. EOS FRANCE, représentée par son Président en exercice Madame [X] [N] et son Directeur général Monsieur [T] [E]
Immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B 488 825 217
[Adresse 6]
[Localité 7]

Représentée par Maître Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant) et par Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON (avocat postulant)

NOTIFICATION LE :
- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Maître Jérémy BENSAHKOUN de la SELARL JB AVOCATS - 2339, Maître Renaud ROCHE de la SELARL LEVY ROCHE SARDA - 713
- Une copie à l’huissier instrumentaire : SAS HUISSIERS REUNIS (ST-PRIEST)
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Par ordonnance en date du 15 octobre 2009 revêtue de la formule exécutoire le 8 janvier 2010, le président du Tribunal d'instance de LYON a notamment enjoint à Monsieur [V] [J] de payer à la société SA FINAREF la somme de 7000 € en principal, outre les intérêts au taux légal non majoré à compter du 19 février 2009 ainsi que la somme de 10 € au titre de l'indemnité légale majorée des intérêts au taux légal.

L'ordonnance exécutoire a été signifiée à Monsieur [V] [J] les 28 octobre 2009 et 22 avril 2010.

Le 1er décembre 2023, une saisie attribution a été pratiquée entre les mains de la société CREDIT LYONNAIS à l'encontre de Monsieur [V] [J] par la SAS HUISSIERS REUNIS, huissiers de justice associés à [Localité 11] (69), à la requête de la société EOS FRANCE, venant aux droits de la SA CREDIT AGRICOLE CONSUMER FINANCE elle-même venant aux droits de la SA FINAREF (ci-après dénommée la société EOS FRANCE), pour recouvrement de la somme de 8615,09 €.

La saisie a été dénoncée à Monsieur [V] [J] le 08 décembre 2023.

Par acte d'huissier en date du 04 janvier 2024, Monsieur [V] [J] a donné assignation à la société EOS FRANCE d'avoir à comparaître devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
- constater que la société EOS France agit en recouvrement forcé d'une créance en vertu d'un titre exécutoire datant du 15 octobre 2009,
- juger en conséquence que l'action en recouvrement forcé fondée sur le titre exécutoire du 15 octobre 2009 et initiée par la société EOS France est prescrite,
- juger que la saisie-attribution du 1er décembre 2023 dénoncée à Monsieur [V] [J] le 08 décembre 2023 est irrecevable,
- prononcer la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du CREDIT LYONNAIS sis [Adresse 4] à [Localité 10] sur les comptes détenus par Monsieur [L] [J],
- ordonner la restitution de toute somme saisie à Monsieur [V] [J],
- condamner la société EOS FRANCE à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 23 janvier 2024 et renvoyée à plusieurs reprises jusqu'à l'audience du 02 avril 2024, date à laquelle elle a été évoquée.

A cette audience, Monsieur [V] [J], représenté par son conseil, modifie ses demandes, sollicitant désormais de :
-In limine litis, constater l'irrégularité de la signification du 28 octobre 2009 et prononcer en conséquence la nullité de la signification du 28 octobre 2009,
-constater l'irrégularité de la signification du 22 avril 2010 et prononcer en conséquence la nullité de la signification du 22 avril 2010,
-déclarer non avenue l'ordonnance portant injonction de payer rendue 15 octobre 2009 par le Tribunal d'Instance de LYON en raison de la nullité de la signification du 28 octobre 2009 et en l'absence d'une signification régulière de l'ordonnance portant injonction de payer dans les six mois de sa date,
-à titre principal, constater que la formule exécutoire a été apposée prématurément et irrégulièrement le 8 janvier 2010 sur l'ordonnance portant injonction de payer rendue 15 octobre 2009 par le Tribunal d'Instance de LYON et qu'en outre, elle n'a pas été demandée dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai d'opposition,
-déclarer en conséquence avenue l'ordonnance portant injonction de payer rendue 15 octobre 2009 par le Tribunal d'Instance de LYON en vertu des dispositions de l'article 1423 du Code de procédure civile, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2005 au 1er janvier 2020,

-à titre subsidiaire, constater que la société EOS FRANCE a mis plus de 10 ans à conférer force de chose jugée à l'ordonnance rendue le 15 octobre 2009 et revêtue de la formule exécutoire le 8 janvier 2010 et juger en conséquence que l'action en recouvrement forcé fondée sur le titre exécutoire du 15 octobre 2009 et revêtu de la formule exécutoire le 8 janvier 2010, initiée par la société EOS FRANCE, est prescrite,
-juger que l'action en recouvrement de la société EOS FRANCE et que la saisie-attribution du 1er décembre 2023 dénoncée à Monsieur [V] [J] le 8 décembre 2023 sont irrecevables,
-en tout état de cause, déclarer recevables et bien-fondées les contestations émises par Monsieur [V] [J],
-juger que la société EOS FRANCE est irrecevable pour défaut de qualité à agir,
-juger que la cession de créance intervenue le 31 janvier 2017 n'est pas opposable à Monsieur [V] [J] et en conséquence, juger que la société EOS FRANCE et que la saisie-attribution du 1er décembre 2023 dénoncée à Monsieur [V] [J] le 8 décembre 2023 sont irrecevables,
-prononcer la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée entre les mains du Crédit Lyonnais sis [Adresse 4] à [Localité 10] sur les comptes détenus par Monsieur [V] [J],
-débouter la société EOS France de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
-ordonner la restitution de toute somme saisie à Monsieur [V] [J],
-condamner la société EOS FRANCE à une indemnité de 5 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [V] [J] estime que les significations du titre exécutoire sont irrégulières en raison de l'insuffisance des diligences effectuées par l'huissier de l'époque, dès lors qu'il n'habitait pas à l'adresse visée dans les actes de signification, et que l'inscription de son nom sur la boîte aux lettres n'est corroborée par aucun autre élément. Il ajoute que les vérifications que l'huissier aurait dû effectuer l'auraient nécessairement conduit à constater que l'adresse était erronée. Il précise que le grief est bien établi dès lors qu'il n'a pas pu contester l'ordonnance d'injonction de payer. Il estime ensuite que la formule exécutoire a été apposée prématurément, en violation des dispositions des articles 1416 et 1423 du Code civil alors applicables. Il précise que le délai d'un mois suivant l'expiration du délai d'opposition n'a expiré que le 13 octobre 2021. A titre subsidiaire, il soulève la prescription de l'action en recouvrement de la société défenderesse, sur le fondement de l'article L111-4 du Code des procédures civiles d'exécution. Il estime que l'ordonnance d'injonction de payer n'a acquis force de chose jugée qu'à compter du 13 octobre 2021, les mesures d'exécution forcée antérieures n'ayant pas eu pour effet de faire courir le délai d'opposition. Il en déduit que le créancier n'a pas conféré force de chose jugée à l'ordonnance dans le délai de 10 ans, de sorte que son action est prescrite. En tout état de cause, il soulève le défaut de qualité à agir de la société EOS France, dès lors que l'acte de cession avec la société CA CONSUMER FINANCE ne porte pas mention de sa créance de manière individualisée, rappelant que la cession de créance ne lui est pas opposable dès lors qu'elle n'a pas respecté les dispositions de l'article 1324 du Code civil. Il ajoute que la cession de créance qui lui aurait été notifiée le 14 mai 2020 ne lui est pas opposable car il n'habitait pas à l'adresse visée.

La société EOS FRANCE, représentée par son conseil, sollicite du juge de l'exécution de débouter Monsieur [V] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner aux entiers dépens, et à payer à la société EOS FRANCE la somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Au soutien de ses demandes, elle conteste tout défaut de qualité à agir, rappelant venir régulièrement aux droits du créancier d'origine conformément à l'article 1324 du Code civil, considérant qu'elle n'était pas soumise à l'obligation de transmettre les annexes du contrat de cession à Monsieur [V] [J] dans leur intégralité, ni le prix de cession, ni la nature et le montant de la créance. Elle conteste toute prescription de son action en recouvrement, justifiant que plusieurs actes ont été entrepris qui ont interrompu valablement la prescription du titre exécutoire conformément à l'article 2244 du Code civil. Elle rappelle avoir fait signifier un précédent procès-verbal de saisie-attribution qui n'a pas été contesté par Monsieur [V] [J].

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 30 avril 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'assignation susvisée et les conclusions déposées par les parties à l'audience et reprises oralement lors des débats ;

Sur la recevabilité de la contestation

Aux termes de l'article R211-11 du Code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.

En l'espèce, la saisie-attribution pratiquée le 1er décembre 2023 a été dénoncée le 08 décembre 2023 à Monsieur [V] [J], de sorte que la contestation, élevée par acte d'huissier en date du 04 janvier 2024, dont il n'est pas contesté qu'il a été dénoncé le jour même ou le premier jour ouvrable, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'huissier instrumentaire, est recevable.

Monsieur [V] [J] est donc recevable en sa contestation.

Monsieur [V] [J] émet deux principaux moyens au soutien de sa demande d'annulation de la saisie-attribution litigieuse, tirée d'une part du défaut de titre exécutoire et d'autre part du défaut de qualité à agir de la partie poursuivante. Il convient de les examiner successivement.

Sur la demande d'annulation de la saisie-attribution tirée du défaut de titre exécutoire

Sur la demande tendant à voir déclarer l'ordonnance du 15 octobre 2009 de non-avenue

Aux termes de l'article 503 du Code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

Aux termes de l'ancien article 1411 du Code de procédure civile applicable au cas d'espèce, une copie certifiée conforme de la requête et de l'ordonnance est signifiée, à l'initiative du créancier, à chacun des débiteurs.

L'ordonnance portant injonction de payer est non avenue si elle n'a pas été signifiée dans les six mois de sa date.

Aux termes de l'ancien article 1422 du Code de procédure civile applicable au cas d'espèce, en l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 à 405.

L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement.

Aux termes de l'ancien article 1423 du Code de procédure civile applicable au cas d'espèce, la demande tendant à l'apposition de la formule exécutoire est formée au greffe, soit par déclaration, soit par lettre simple.

L'ordonnance est non avenue si la demande du créancier n'a pas été présentée dans le délai d'un mois suivant l'expiration du délai d'opposition ou le désistement du débiteur.

En application de l'article 654 alinéa 1er du Code civil, la signification doit être faite à personne. L'article 655 du même code dispose, en son alinéa 1er, que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. Ce même texte mentionne que l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification.

L'article 656 du Code de procédure civile prévoit par ailleurs que, si personne ne peut ou ne veut recevoir la copie de l'acte et s'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. Dans ce cas, l'huissier de justice laisse au domicile ou à la résidence de celui-ci un avis de passage conforme aux prescriptions du dernier alinéa de l'article 655. Cet avis mentionne, en outre, que la copie de l'acte doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier de justice, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée.

Il résulte de ces dispositions une hiérarchisation des modes de signification des actes par huissier de justice qui impose au requérant de ne faire procéder par l'huissier de justice requis à la signification à domicile qu'à la condition que toutes les diligences aient été faites pour que l'acte puisse être signifié à personne et qu'elles soient demeurées infructueuses, l'huissier devant préciser les diligences accomplies, ainsi que les circonstances ayant rendu impossible la signification à la personne du destinataire de l'acte. Dans le même sens, l'huissier doit avoir vérifié la réalité du domicile ou de la résidence du destinataire de l'acte.

En l'espèce, Monsieur [V] [J] soulève la nullité de l'acte de signification de l'ordonnance d'injonction du payer en date du 28 octobre 2009 et celle de la signification du 22 avril 2010.

Il n'est pas contesté que cette signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 15 octobre 2009 a été réalisée antérieurement à l'apposition de la formule exécutoire sur ladite ordonnance par le greffier en chef, en date du 8 janvier 2010.

Il ressort des pièces produites que l'ordonnance d'injonction de payer puis celle revêtue de la formule exécutoire ont été toutes deux signifiées par acte d'huissier respectivement établis les 28 octobre 2009 et 22 avril 2010 par remise de l'acte au [Adresse 1] à [Localité 8] avec dépôt à son étude.

L'huissier y mentionne sur chacun des deux procès-verbaux que la certitude du domicile du destinataire est établie par le nom sur la boîte aux lettres. Il mentionne que l'acte n'a pu être remis à personne en raison de l'absence du destinataire sans préciser les démarches effectuées pour la joindre.

L'adresse à laquelle s'est rendu l'huissier de justice est certes celle mentionnée dans l'ordonnance d'injonction de payer délivrée le 15 octobre 2009, soit quelques mois plus tôt.

Mais il est constant que la seule indication du nom du destinataire de l'acte sur la boîte aux lettres, n'est pas de nature à établir, en l'absence d'autres diligences, la réalité du domicile du destinataire (Cass., Civ. 2e, 20 avr. 2017, n° 16-12.393 ; Cass., Civ 2e, 4 mars 2021, n°19-25.291).

Il résulte des deux procès-verbaux que l'huissier instrumentaire n'a pas visé d'autres diligences, et n'a procédé qu'à la vérification du destinataire sur la boîte aux lettres, et ce à deux reprises.

Monsieur [V] [J] a pourtant pu indiquer de façon constante que cette adresse était celle de ses parents et non la sienne. S'il est exact que cette adresse est celle visée dans le contrat de crédit souscrit auprès de la société FINAREF le 05 juin 2008, il n'en demeure pas moins que la signification de l'ordonnance est intervenue près de deux ans plus tard et qu'il appartenait à l'huissier d'a minima doubler l'unique diligence effectuée d'une seconde pour certifier le domicile du destinataire.

Le fait qu'en mai 2010, le même huissier instrumentaire relève cette fois que l'intéressé était domicilié chez ses parents et non chez lui vient établir qu'il a pu établir des diligences complémentaires peu de temps après la seconde signification litigieuse intervenue le 22 avril 2010.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'en définitive, tant le 28 octobre 2009 que le 22 avril 2010, soit dans le délai des 06 mois pour signifier l'ordonnance à peine de la voir déclarer non avenue, l'huissier aurait dû amplifier ses diligences pour certifier le domicile du débiteur, a fortiori dans le cadre procédural spécifique de signification d'une ordonnance d'injonction de payer, qui exclut par nature le débat contradictoire préalable et ne permettait donc pas à Monsieur [V] [J] de comparaître ou d'être représenté, et partant à l'huissier de vérifier l'adresse déclarée par le débiteur dans ce cadre.

Les significations du 28 octobre 2009 et du 22 avril 2010 sont donc nulles pour défaut de diligences suffisantes de l'huissier instrumentaire, nonobstant les actes établis postérieurement à celles-ci.

Aucun autre acte de signification intervenu dans les 6 mois de la date de l'ordonnance d'injonction de payer n'est produit aux débats par la société créancière.

Dès lors, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la preuve d'un grief établi au préjudice de Monsieur [V] [J], l'ordonnance d'injonction de payer du 15 octobre 2009 revêtue de la formule exécutoire le 8 janvier 2010 doit être déclarée non avenue, conformément aux dispositions de l'article 1411 du Code de procédure civile précité.

En conséquence du caractère non avenu de l'ordonnance d'injonction de payer du 15 octobre 2009, aucun titre exécutoire ne fonde donc plus l'action en recouvrement.

L'article L211-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Il résulte des motifs précités que la saisie-attribution n'était pas fondée sur un titre exécutoire régulièrement signifié. Elle est donc atteinte d'une cause de nullité.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité de la saisie-attribution du 01er décembre 2023 qui constitue la sanction adaptée à l'absence de titre exécutoire la fondant et mainlevée subséquente.

Les autres demandes de Monsieur [V] [J] deviennent sans objet.

Sur les autres demandes

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

La société EOS FRANCE, qui succombe, supportera les dépens de l'instance et sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure fondée sur l'article 700 du Code de procédure civile.

Supportant les dépens, la société EOS FRANCE sera condamnée à payer à Monsieur [V] [J] la somme de 800 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L'EXÉCUTION, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort,

Déclare Monsieur [V] [J] recevable en sa contestation de la saisie-attribution du 1er décembre 2023 qui lui a été dénoncée le 08 décembre 2023 ;

Prononce la nullité des actes de signification de l'ordonnance d'injonction de payer du 15 octobre 2009 en date des 28 octobre 2009 et 22 avril 2010 ;

Déclare non avenue l'ordonnance d'injonction de payer du 15 octobre 2009 rendue par le Président du Tribunal d'instance de LYON entre la société EOS FRANCE et Monsieur [V] [J] ;

Prononce en conséquence la nullité de la saisie attribution pratiquée le 1er décembre 2023 entre les mains du CREDIT LYONNAIS au préjudice de Monsieur [V] [J] à la requête de la société EOS FRANCE ;

Déboute la société EOS FRANCE de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société EOS FRANCE à payer à Monsieur [V] [J] la somme de 800 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la société EOS FRANCE aux dépens ;

Rappelle que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l'exécution.

La greffièreLa juge de l'exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 24/00283
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;24.00283 ?
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