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30/04/2024 | FRANCE | N°21/04480

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 h, 30 avril 2024, 21/04480


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/04480 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V7CX

Jugement du 30 Avril 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître François BOURRAT de la SELARL ELITYS AVOCAT - 759
Maître Cédric GREFFET de la SELAS LEGA-CITE - 502






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30

Avril 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 05 Juin 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 13 Février 202...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/04480 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V7CX

Jugement du 30 Avril 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître François BOURRAT de la SELARL ELITYS AVOCAT - 759
Maître Cédric GREFFET de la SELAS LEGA-CITE - 502

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 05 Juin 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 13 Février 2024 devant :

Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Marlène DOUIBI, Juge,
François LE CLEC’H, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Patricia BRUNON, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.R.L. NJ ET ASSOCIES,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître François BOURRAT de la SELARL ELITYS AVOCAT, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

Société VILLEURBANNAISE D’URBANISME Représentée par le président de son conseil Madame [U] [R] domiciliée en cette qualité audit siège,
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Cédric GREFFET de la SELAS LEGA-CITE, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Exposé des faits et de la procédure

Suivant contrat en date du 17 janvier 2012, la société NJ ET ASSOCIES a pris à bail auprès de la société anonyme d’économie mixte SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME (SVU), un local commercial sis [Adresse 1] à [Localité 4], à usage exclusif de vente de porcelaine, verrerie, faïence, objets d’art et décoration, luminaires, cadeaux divers et petits mobiliers.
Ce local exploité sous l’enseigne HOME SWEET HOME jouxtait un autre local commercial appartenant à la SVU, donné à bail à la société TRICOTS MAURICE et exploité sous l’enseigne KARBOON.

La société YAAFA FALAFEL COMPANY a souhaité acquérir les droits au bail de ces deux locaux en vue de les réunir et d’exploiter une activité de restauration.
La société YAAFA FALAFEL COMPANY a régularisé avec respectivement la société TRICOTS MAURICE et la société NJ ET ASSOCIES des promesses de cession de droit au bail par actes des 19 février 2018 et 9 mai 2018.

Par courrier en date du 30 juillet 2018, la SVU a informé les parties intéressées de son refus d’autoriser les cessions de droit au bail.

Par courrier du 7 septembre 2018, la société NJ ET ASSOCIES a mis en demeure la SVU de l’indemniser de ses préjudices résultant de son refus abusif d’autoriser la cession de son droit au bail au profit de la société YAAFA FALAFEL COMPANY.

La société NJ ET ASSOCIES a finalement cédé son droit au bail à la société CHANGEMAVITRE.COM par acte du 18 avril 2019.

Les parties n’étant pas parvenues à un accord amiable, la société NJ ET ASSOCIES a, suivant exploit d’huissier en date du 8 juillet 2021, fait assigner la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME (SVU) devant le Tribunal judiciaire de Lyon.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 05 juin 2023 et l’affaire a été fixée à plaider à l’audience du 13 février 2024. L’affaire a été mise en délibéré au 30 avril 2024.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses conclusions responsives et récapitulatives notifiées le 31 janvier 2023, la société NJ ET ASSOCIES demande au tribunal de :
vu l’article L 145-16 du Code de commerce,
vu les articles 1217, 1231-1 du Code civil,
vu les articles 32-1, 700 et 808 (en vigueur au moment des faits) du Code de procédure civile,
- prononcer que la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME a commis une faute en la laissant croire légitimement qu’elle céderait son droit au bail pour la somme de 125 000 € avant de faire unilatéralement avorter la cession en refusant la déspécialisation du bail et l’agrément du cessionnaire,
- prononcer que le refus de déspécialisation et subséquemment le refus d’agrément du cessionnaire initial présenté par la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME, elle-même, ayant entraîné l’échec de la cession du droit au bail est dépourvu de motifs légitimes et est abusif,
- condamner la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME à lui payer la somme de 203 338,91 € se décomposant comme suit :
- 50 000 € au titre de la différence du prix de cession entre la cession avortée avec la société YAAFA FALAFEL COMPANY et la cession intervenue le 18 avril 2019 avec la société CHANGEMAVITRE.COM,
- 6 000 euros au titre du mandat ad hoc,
- 9 797,91 euros au titre des loyers du mois du 1 er août 2018 jusqu’au 18 avril 2019,
- 20 900 euros au titre de la perte de marge suite à la liquidation anticipée du stock en juillet 2018,
- 92 450 euros au titre de la perte d’exploitation pour la période d’août 2018 à avril 2019,
- 14 191 euros au titre des charges diverses depuis la cession avortée en juillet 2018 et jusqu’à ce jour (CFE, honoraires comptables etc.) ;
- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouter la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME de ses demandes reconventionnelles relatives à sa condamnation à une amende civile de 5 000 euros et à payer à la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME, la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- procéder à l’affichage de la décision à intervenir dans l’espace réservé à cet usage dans la Mairie de [Localité 4],
- faire procéder à la publication de la décision à intervenir, aux frais de la SVU, dans le journal « LE PROGRES »,
- ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
- condamner la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- condamner la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME aux entiers dépens de l’instance.

Elle expose que les projets de cession ont été initiés par la SVU, qui lui a présenté la société YAAFA FALAFEL COMPANY en vue de la cession de local qui était nécessaire à la faisabilité technique du projet de cession entre le repreneur et la société TRICOTS MAURICE, que ce projet s’inscrivait dans un projet plus global de développement de la commune par la réunion de petites cellules commerciales, et que c’est dans ce contexte qu’elle s’est laissée convaincre par son bailleur de céder son droit au bail au prix de 125 000 €. Elle précise qu’elle a liquidé son stock avant la date prévue de cession définitive, pensant inévitablement que l’opération irait à son terme, mais que la SVU a finalement refusé d’agréer les cessions, arguant de la non conformité de l’activité du cessionnaire avec un plan de merchandising de 2013, et de l’absence de formalisation d’un accord sur le montant du nouveau loyer et le programme de travaux envisagé. Elle estime que les motifs invoqués par la bailleresse ne sont pas légitimes et que le refus opposé est donc abusif et doit donner lieu au versement de dommages et intérêts.
S’agissant du premier motif invoqué, elle indique que le comportement de la bailleresse en amont du projet montre qu’elle connaissait l’activité de restauration projetée, que le plan de merchandising de 2013 a été invoqué de façon tardive, que ce plan n’avait pas de valeur juridique et ne lui était pas opposable, que l’activité du cessionnaire finalement agréé ne correspond pas plus à ses préconisations, et que l’activité de la société YAAFA FALAFEL COMPANY était conforme au PLU.
S’agissant du second motif invoqué, elle soutient que la société YAAFA FALAFEL COMPANY a transmis à la bailleresse un dossier complet dès le 24 mai 2018, et que cette dernière ne lui a demandé aucun document complémentaire concernant les travaux envisagés, mais lui a au contraire adressé un modèle de bail commercial, et qu’en tout état de cause la réalisation d’une gaine d’extraction ne posait aucune difficulté technique.
S’agissant de son préjudice, elle considère que la liquidation de son stock deux semaines avant la date prévue pour la réitération de la cession ne relevait aucunement d’une erreur de gestion, et que la SVU a reconnu sa responsabilité en tentant de lui imposer une clause de renonciation à recours dans le cadre de la cession du droit au bail à la société CHANGEMAVITRE.COM. Elle souligne que l’attitude de la bailleresse l’a placée en grande difficulté puisqu’elle ne pouvait plus exploiter son local et a dû contracter des prêts pour faire face à ses charges courantes et solliciter la nomination d’un mandataire ad hoc.
Elle estime qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir saisi le juge des référés d’une demande d’autorisation judiciaire de la cession, dès lors qu’il est patent que la SVU aurait opposé une contestation sérieuse, et précise que la SVU s’était engagée à trouver un repreneur dans le cadre de négociations amiables, ce qu’elle n’a pas fait. Elle ajoute que son préjudice a été aggravé par l’attitude de la bailleresse qui a retardé l’agrément des repreneurs potentiels qu’elle lui a présentés.

Dans ses conclusions récapitulatives notifiées le 24 mai 2023, la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME demande au tribunal de :
vu les dispositions de l’article L 145-16 du code de commerce,
vu les dispositions de l’article 32-1 et 514-1 du Code de procédure civile,
- dire que la société NJ ET ASSOCIES est de mauvaise foi, et particulièrement mal fondée en ses demandes,
- rejeter purement et simplement les moyens, fins et prétentions formulés par la société NJ ET ASSOCIES,
- juger n’y avoir lieu à l'exécution provisoire au regard des conséquences excessives qui en résulteraient pour la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME,
à titre reconventionnel,
- condamner la société NJ ET ASSOCIES à une amende civile de 5 000 euros et à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
en tout état de cause,
- ordonner la suspension de l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- condamner la société NJ ET ASSOCIES à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Elle expose que seul un compromis de cession de bail avait été conlu par la société NJ ET ASSOCIES, et non un compromis de cession de fonds de commerce, de sorte qu’il ne peut lui être reproché d’avoir refusé la despécialisation et la cession du droit au bail. Elle précise que c’est bien la société YAAFA FALAFEL COMPANY qui était à l’initiative du projet de rachat des droits au bail des deux locaux mitoyens, dont la réunion et la transformation pour une activité de restauration impliquait d’importants travaux, qui nécessitaient le consentement exprès et écrit du bailleur.
Elle fait valoir que la présentation d’un potentiel cessionnaire à la société TRICOTS MAURICE qui projetait de céder son activité ne pouvait être assimilée à un accord sur l’implantation du nouveau commerce, et précise qu’elle a toujours été transparente sur les conditions de son agrément, qui impliquait une étude préalable du dossier par la commission d’attribution des commerces, une renégociation du loyer du fait du changement de destination des lieux et la validation des travaux d’aménagement, notamment concernant la gaine d’extraction. Elle estime que son refus d’autoriser la cession était fondé sur des motifs légitimes et non purement potestatifs, puisque l’activité projetée n’était pas en adéquation avec les exigences du plan de merchandising de 2013 utilisé par la commission d’attribution comme ligne directrice afin d’assurer une harmonie et une cohésion de la diversité des commerces de la zone, qu’aucun accord n’est intervenu sur la modification du loyer, pas plus que sur la suppression de la cloison et l’installation de la gaine d’extraction dans les parties communes de l’immeuble, le candidat acquéreur ayant fourni un dossier d’étude insuffisamment précis. Elle souligne qu’il appartenait le cas échéant à la société NJ ET ASSOCIES de solliciter du juge des référés une autorisation judiciaire à la cession, ce avant de liquider entièrement son stock, et soutient que la demanderesse n’avait en réalité pas l’intention de poursuivre son activité.
Elle conteste également les préjudices invoqués, faisant valoir que rien ne justifiait l’arrêt de l’exploitation de la société preneuse avant la réitération du compromis de cession de droit au bail qui était conclu sous conditions suspensives, et que c’est bien cette liquidation anticipée du stock, qui avait fait l’objet d’une simple déclaration en mairie, qui a contraint par la suite la société NJ ET ASSOCIES à céder son bail dans des conditions moins favorables. Elle précise qu’elle a bien accompagné la société preneuse pour la reprise de son bail par la société CHANGEMAVITRE.COM, les délais de régularisation n’ayant pas été excessifs au regard des négociations nécessaires.
A l’appui de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive et en amende civile, elle fait valoir que la présente procédure tend à obtenir l’indemnisation d’une cessation d’activité que la société NJ ET ASSOCIES a décidée seule, et n’a finalement pour but que de tenter de s’enrichir.
A l’appui de sa demande de suspension de l’exécution provisoire, elle souligne que la demanderesse a cessé son activité et ne présente aucune garantie de représentation des sommes qui pourraient lui être versées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes principales

En application de l’article 1717 du Code civil, le preneur a le droit de céder son bail à un autre, si cette faculté ne lui a pas été interdite.

Le bail commercial conclu le 17 janvier 2012 entre la SVU et la société NJ ET ASSOCIES soumettait la cession du droit au bail au consentement exprès et écrit du bailleur. Il stipulait en outre que “toute cession devra avoir lieu, après accord du bailleur, par acte notarié auquel le bailleur sera prévenu par LRAR”.
En présence d’une telle clause, qui autorise par principe la cession du droit au bail sous certaines réserves, le refus opposé par le bailleur ne peut être discrétionnaire et doit revêtir un caractère légitime.
Le bailleur peut notamment subordonner son accord à la modification du bail transmis.

Il résulte des pièces produites que les sociétés TRICOTS MAURICE et YAAFA FALAFEL COMPANY ont conclu le 19 février 2018 un compromis de cession du droit au bail commercial sur le local n°3813, sous conditions suspensives, notamment, de l’accord du bailleur pour la cession, pour le changement de destination du bail sans indemnité et sans augmentation de loyer de plus de 10% et pour les travaux d’aménagement et de rénovation envisagés, et de l’accord de l’exploitant de l’enseigne HOME SWEET HOME (société NJ ET ASSOCIES) pour le passage dans son local de la gaine d’extraction jusqu’à la colonne d’un ancien vide ordure. Par courrier du 20 février 2018, la société TRICOTS MAURICE a sollicité l’accord du bailleur aux fins d’autoriser la cession. Dans un courrier du 14 mai 2018 la SVU, informée entre-temps que le projet avait évolué vers une cession des droits au bail des deux locaux commerciaux contigus KARBOON et HOME SWEET HOME (échanges de courriels pièce n°5) a répondu que son accord pour la cession interviendrait après étude du dossier de présentation de l’activité du repreneur par la commission d’attribution des commerces, et a posé des conditions concernant la nouvelle destination du bail, la conclusion d’un nouveau bail portant sur les deux locaux commerciaux avec renégociation des loyers, et l’encadrement des travaux à réaliser.

Parallèlement le 9 mai 2018, les sociétés NJ ET ASSOCIES et YAAFA FALAFEL COMPANY ont conclu un compromis de cession du droit au bail commercial sur le local n°3815 sous conditions suspensives, notamment, de l’accord du bailleur pour la cession, pour le changement de destination du bail sans indemnité et sans augmentation de loyer et pour les travaux d’aménagement et de rénovation envisagés, comprenant l’installation d’une gaine d’extraction et la suppression des cloisons pour relier les locaux à ceux alors exploités par la société TRICOTS MAURICE. Il était prévu que la demande d’autorisation serait effectuée à la diligence du promettant par lettre recommandée avec accusé de réception. Le délai de réalisation de ces conditions était fixé au 25 juillet 2018 et la date de réitération au même jour sauf prorogation conventionnelle décidée par les parties.
La société NJ ET ASSOCIES ne justifie pas avoir formulé par écrit une demande d’autorisation de cession à la SVU, ni l’avoir informée de la date prévue pour la réitération de l’acte. Il résulte toutefois du courrier de la bailleresse du 14 mai 2018 et des échanges de couriels intervenus avec la société YAAFA FALAFEL COMPANY en mars et avril 2018 qu’elle était informée du projet de cession et était en négociation avec la société cessionnaire en vue de la conclusion d’un nouveau bail portant sur l’ensemble des locaux, ce qu’elle ne conteste pas.
Par courrier du 6 juillet 2018, la société YAAFA FALAFEL COMPANY a mis en demeure la SVU de lui faire connaître sa position sur sa demande d’autorisation de travaux.
Dans un courrier du 30 juillet 2018 adressé à la société YAAFA FALAFEL COMPANY, la SVU a fait part de son refus d’autoriser la cession du droit au bail de la société NJ ET ASSOCIES, en invoquant en premier lieu, la décision de la commission d’attribution des commerces qui a souhaité se conformer au plan de merchandising établi en 2013 qui ne prévoyait pas d’activité similaire à la destination sollicitée, en second lieu l’absence d’accord sur les termes et conditions d’un nouveau bail incluant une modification du loyer compte-tenu du changement d’activité, en troisième lieu l’absence d’accord sur le programme de travaux envisagé concernant notamment l’installation d’une gaine d’extraction et la suppression des cloisons entre les deux locaux commerciaux pour relier ceux-ci.

Ces éléments ne permettent pas d’établir que comme le soutient la demanderesse, la SVU était à l’origine du projet de reprise des locaux par la société YAAFA FALAFEL COMPANY dans le cadre de sa politique de développement du quartier des gratte-ciel. Ils démontrent en revanche qu’elle a participé aux négociations en cours en vue de la cession des droits au bail en connaissance de l’activité projetée par la société YAAFA FALAFEL COMPANY, et qu’elle a également mené des négociations directes avec celle-ci en vue de la conclusion d’un nouveau bail prévoyant cette nouvelle destination. Si elle a indiqué dans son courrier du 14 mai 2018 que le dossier de présentation de l’activité du repreneur devrait préalablement être étudié par la commission d’attribution des commerces, elle n’a pas précisé que le secteur était soumis à un plan de merchandising susceptible d’impacter le projet. La portée de ce plan est par ailleurs sujette à discussion, dès lors que la CCI de [Localité 3] qui en est l’auteur a indiqué dans un courriel du 23 février 2021 qu’il n’avait pas de valeur réglementaire et pouvait ne plus être d’actualité au vu de l’évolution du tissu commercial. Aussi le motif tiré de la non conformité de la nouvelle destination du bail à ce plan de merchandising n’apparaît pas légitime.

En revanche il est constant que le projet de cession du droit au bail de la société NJ ET ASSOCIE était lié à celui du droit au bail du local voisin, et impliquait un changement de destination contratuellement négocié en l’absence de toute procédure de despécialisation plénière engagée par la société preneuse. Dans ce cadre la SVU était fondée à conditionner son accord à la conclusion d’un nouveau bail portant sur les deux locaux, à la renégociation du loyer et à la définition précise des travaux à réaliser, qui devaient porter sur les parties communes de l’immeuble. Or il est constant qu’aucun accord n’est intervenu avec la société YAAFA FALAFEL COMPANY sur les termes de ce nouveau bail et les travaux à réaliser, sans qu’il soit démontré une faute de la SVU dans l’échec des pourparlers. En effet les seuls échanges versés aux débats montrent des divergences sur le montant du loyer, le dossier présentant les travaux envisagés établi par la société YAAFA FALAFEL COMPANY n’est pas produit, et il ne peut être tiré aucune conséquence de la transmission par la SVU d’un modèle-type de bail non renseigné. Cette absence d’accord constituait un motif légitime de refus de la cession du droit au bail.
La société NJ ET ASSOCIES ne peut prétendre que l’accord du bailleur à la cession ne devait être qu’une simple formalité, alors qu’elle ne lui a adressé aucune demande officielle et ne justifie pas avoir reçu un quelconque engagement en ce sens, et que la SVU avait au contraire clairement énoncé ses conditions auprès de la société TRICOTS MAURICE, ce que la demanderesse à la présente instance ne pouvait ignorer. Il lui appartenait dans ces conditions d’attendre l’accord exprès du bailleur à la cession pour liquider son stock.
Enfin aucune reconnaissance de responsabilité de la SVU n’est démontrée, pas plus qu’une réticence fautive à autoriser ultérieurement la cession du droit au bail au profit d’un autre repreneur.
En conséquence, la responsabilité de la SVU n’est pas engagée et les demandes indemnitaires, d’affichage et de publication formées à son encontre seront rejetées.

Sur les demandes reconventionnelles

L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
En l’espèce le caractère dilatoire ou abusif de l’action ne peut être déduit de la seule erreur de la société NJ ET ASSOCIES dans l’appréciation de ses droits.
En outre la SVU ne justifie d’aucun préjudice justifiant l’allocation de dommages et intérêts.
Les demandes reconventionnelles en procédure abusive et amende civile seront rejetées.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

La société NJ ET ASSOCIES supportera les dépens de l’instance et sera condamnée à verser à la SVU la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute la société NJ ET ASSOCIES de ses demandes indemnitaires, d’affichage et de publication,

Déboute la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME de ses demandes en procédure abusive et amende civile,

Condamne la société NJ ET ASSOCIES aux dépens,

Condamne la société NJ ET ASSOCIES à verser à la SOCIETE VILLEURBANNAISE D’URBANISME la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé la présente décision.

LE GREFFIERLE PRESIDENT
Patricia BRUNONCécile WOESSNER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 h
Numéro d'arrêt : 21/04480
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 07/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;21.04480 ?
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