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30/04/2024 | FRANCE | N°18/12659

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 j, 30 avril 2024, 18/12659


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 18/12659 - N° Portalis DB2H-W-B7C-TNAC

Jugement du 30 Avril 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Me Fabien LEFEBVRE - 149
Me Guillaume PICON - 2206






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contrad

ictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 10 Octobre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 13 Février 2024 devant :

Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Marlène...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 18/12659 - N° Portalis DB2H-W-B7C-TNAC

Jugement du 30 Avril 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Me Fabien LEFEBVRE - 149
Me Guillaume PICON - 2206

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 30 Avril 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 10 Octobre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 13 Février 2024 devant :

Cécile WOESSNER, Vice-Présidente,
Marlène DOUIBI, Juge,
François LE CLEC’H, Juge,
Siégeant en formation Collégiale,

Assistés de Patricia BRUNON, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDEURS

Syndicat de copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 8], représenté par son syndic en exercice la société SYNDIC LYONNAIS ET GERANCE, domicilié : chez SYNDIC LYONNAIS ET GERANCE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représenté par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Monsieur [E] [A] [T] [B]
né le 29 Janvier 1978 à [Localité 11],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Madame [S] [V] [Z] [T] épouse [B]
née le 25 Avril 1980 à [Localité 15],
demeurant [Adresse 5]

représentée par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

S.C.I. HORTENSE MANOHA,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 6]

représentée par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Monsieur [W] [G] [X]
né le 25 Avril 1953 à [Localité 13],
demeurant [Adresse 9]

représenté par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Madame [H] [F] épouse [X]
née le 26 Août 1950 à [Localité 18],
demeurant [Adresse 9]

représentée par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Madame [I] [X]
née le 14 Janvier 1982 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 10]

représentée par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Monsieur [J] [X]
né le 09 Août 1984 à [Localité 19],
demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

Madame [Y] [BO] épouse [U]
née le 05 Mai 1980 à [Localité 16] (CHINE),
demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Guillaume PICON, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE

Madame [N] [ZT] [M]
née le 07 Août 1960 à [Localité 12] (VIETNAM),
demeurant [Adresse 7]

représentée par Me Fabien LEFEBVRE, avocat au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 5 novembre 2002, Madame [N] [M] a acquis, au sein d’un ensemble immobilier en copropriété composé de trois bâtiments A, B et C sis [Adresse 8] à [Localité 14], un lot n°1 consistant en un local commercial en duplex sur le rez-de-chaussée et l’entresol et un lot n°26 correspondant à une cave directement situé sous le lot n°1. Le local commercial communique intérieurement avec la cave. Ces lots se trouvent dans le bâtiment A.

Par acte authentique du 21 mai 2012, Madame [Y] [BO] épouse [U] a notamment acquis au sein du bâtiment A de cet ensemble immobilier le lot n°22 correspondant à une cave.

Par acte authentique du 27 mai 2014, Monsieur [E] [B] et Madame [S] [T] épouse [B] ont entre autres acheté dans le bâtiment A le lot n°24 consistant en une cave.

Par acte authentique du 12 janvier 2017, la SCI HORTENSE MANOHA a notamment acquis dans ce bâtiment A la cave ayant comme numéro de lot le 23.

Par acte authentique de donation partage en date du 31 mars 2018, Monsieur [W] [X] et Madame [H] [F] épouse [X] ont donné à leurs enfants Madame [I] [X] et Monsieur [J] [X] la nue-propriété de plusieurs biens, dont celles des lots n°21 et 25 situés dans le bâtiment A correspondant chacun à une cave.

Estimant que Madame [M] a annexé à son profit au sous-sol du bâtiment A des parties communes et des caves, parties privatives, le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier du [Adresse 8], représenté par son syndic en exercice la SARL SYNDIC LYONNAIS & GERANCE, a, par acte d’huissier de justice du 7 mars 2017, assigné celle-ci devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de la condamner à déposer le mur qu’elle a fait édifier dans le sous-sol de l’immeuble, donnant accès aux caves numérotées 23, 24, 25, 26 et 27, à remettre à l’état initial les murs séparatifs de chacune desdites caves numérotées 23, 24, 25, 26 et 27, et à débarasser les encombrants, mobiliers et autres rebuts se trouvant dans le couloir commun desservant lesdites caves, le tout sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir.

Par ordonnance du 4 décembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande de remise en état sous astreinte.

Par acte d’huissier en date du 30 novembre 2018, le syndicat des copropriétaires, Madame [BO], les époux [B], la SCI HORTENSE MANOHA et les consorts [X] ont assigné Madame [M] devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de :
déclarer leurs demandes recevables et bien fondées ; condamner Madame [M], sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement à intervenir, à : déposer le mur en briques édifié dans le sous-sol des parties communes du bâtiment A de l’immeuble, et obstruant le couloir d’accès aux caves des lots n°21 à 26 ; remettre en état les portes et cloisons des caves des lots n°21 à 26 ; retirer tout encombrant, mobilier et autres rebuts entreposés dans le couloir desservant les caves des lots n°21 à 26 et à l’intérieur desdites caves ; condamner Madame [M] à verser à chaque copropriétaire requérant, à savoir Madame [BO], Madame et Monsieur [B], la SCI HORTENSE MANOHA, et Mesdames et Messieurs [X], la somme de 1000 euros chacun en réparation du préjudice de jouissance subi par eux du fait de la privation de l’accès à leurs caves ; condamner Madame [M] à payer au syndicat des copropriétaires et à chacun des copropriétaires requérants la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
condamner Madame [M] aux dépens, en ce compris le coût des procès-verbaux des constats d’huissier des 11 octobre 2016 et 30 août 2018 ; ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires, Madame [BO], les époux [B], la SCI HORTENSE MANOHA et les consorts [X] demandent au tribunal de :
déclarer leurs demandes recevables et bien fondées ; débouter Madame [M] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; condamner Madame [M], sous astreinte de 300 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant la signification du jugement à intervenir, à : déposer le mur en briques édifié dans le sous-sol des parties communes du bâtiment A de l’immeuble, et obstruant le couloir d’accès aux caves des lots n°21 à 26 ; remettre en état les portes et cloisons des caves des lots n°21 à 26 ; retirer tout encombrant, mobilier et autres rebuts entreposés dans le couloir desservant les caves des lots n°21 à 26 et à l’intérieur desdites caves ; restituer aux copropriétaires des caves portant sur les lots n°21 à 25 l’accès et la pleine jouissance de leurs biens ; condamner Madame [M] à verser à chaque copropriétaire requérant, à savoir Madame [BO], Madame et Monsieur [B], la SCI HORTENSE MANOHA, et Mesdames et Messieurs [X], la somme de 3000 euros chacun en réparation du préjudice de jouissance subi par eux du fait de la privation de l’accès à leurs caves ; condamner Madame [M] à payer au syndicat des copropriétaires et à chacun des copropriétaires requérants la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner Madame [M] aux dépens, en ce compris le coût des procès-verbaux des constats d’huissier des 11 octobre 2016 et 30 août 2018 ; ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel.
Face à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par Madame [M], les demandeurs soutiennent que, leur action visant à remettre les parties communes et privatives annexées en leur état initial ainsi qu’à restituer aux copropriétaires des lots n°21 à 25 l’accès et la pleine jouissance de leurs bien, il s’agit d’une action réelle soumise par conséquent à la prescription trentenaire, et non d’une action personnelle.

Dans l’hypothèse où leur action serait qualifiée de personnelle par le tribunal, les demandeurs expliquent que l’article 2222, alinéa 2, du code civil sera alors applicable, le délai de prescription de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 auparavant de 10 ans ayant été réduit à 5 ans par la loi ELAN du 23 novembre 2018, entrée en vigueur le 25 novembre 2018, ce qui implique, selon eux, que la durée de prescription des actions personnelles reste de 10 ans tant que le nouveau délai de 5 ans n’a pas expiré depuis l’entrée en vigueur de la loi ELAN, la durée totale de la prescription ne pouvant excéder cette durée de 10 ans. Le nouveau délai de prescription de 5 ans n’a donc, pour eux, pas expiré, leur action ayant été engagée le 30 novembre 2018, soit 5 jours après l’entrée en vigueur de la loi ELAN.

Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires parties à l’instance indiquent que, quelle que soit la nature de l’action, celle-ci n’est de toute façon pas prescrite étant donné le point de départ du délai de prescription.

A cet égard, ils exposent que l’appropriation illicite des caves et la construction du mur en briques dans les parties communes ont été découvertes en 2016, avec un constat de ces aspects par procès-verbal d’huissier en date du 11 octobre 2016, et que, partant, le point de départ de leur action est le 11 octobre 2016. Les demandeurs ajoutent que le délai de prescription, pour les copropriétaires, n’a pu en tout état de cause commencer à courir avant qu’ils soient propriétaires de leurs biens.

Les demandeurs font également valoir à propos du point de départ du délai de prescription que Madame [M] ne peut prétendre que les travaux ayant consisté à s’approprier les lots n°21 à 25 auraient été réalisés avant 2002. Ils expliquent que le titre de propriété de la défenderesse signale expressément qu’elle n’est propriétaire que de la cave portant comme numéro de lot le 26, que ce titre ne fait pas état des lots n°21 à 25, et qu’elle a donc effectué les travaux et s’est appropriée les caves après 2002. Les demandeurs soulignent en outre que les titres de propriété des copropriétaires mentionnent bien qu’ils sont propriétaires des caves qui ont été ensuite appropriées par Madame [M], que ses travaux d’appropriation des caves sont ainsi postérieurs à l’acquisition de leurs biens, et partant postérieurs à 2012, et que, si Madame [M] avait réalisé ces travaux avant 2012, les titres de propriété ne pourraient pas mentionner la vente de ces caves. Les demandeurs concluent que les travaux illicites d’appropriation de Madame [M] ont été réalisés en 2016.
Sur les attestations produites par la défenderesse, les demandeurs estiment que celle de Monsieur [L] [P] montre que Madame [M] a bien effectué des travaux dans la cave. Ils ajoutent que Monsieur [P] atteste de surcroît simplement qu’il n’y a aucune ouverture depuis la cave vers l’extérieur, ce qui n’est pas contesté. Pour les deux autres attestations, les demandeurs relatent qu’elles ont été rédigées par la mère et l’époux de Madame [M] et qu’elles sont dès lors irrecevables en raison des liens de parenté avec Madame [M] et des intérêts communs évidents dans ce procès.

Enfin, sur la prescription, le syndicat des copropriétaires, les époux [B], les consorts [X], la SCI HORTENSE MANOHA et Madame [BO] mettent en avant qu’elle a été interrompue par l’assignation en référé et jusqu’au prononcé de l’ordonnance de référé, soit du 7 mars 2017 jusqu’au 4 décembre 2017.

Sur le fond, les demandeurs font valoir que Madame [M] a construit un mur de briques sans autorisation de la copropriété et que, ce faisant, elle a annexé de manière illicite le couloir desservant les lots n°21 à 26 et la colonne d’eau de raccordement de l’immeuble, qui sont des parties communes.
Pour les caves des copropriétaires, les demandeurs indiquent qu’en édifiant le mur en briques, Madame [M] a condamné l’accès à ces caves depuis les parties communes du sous-sol de l’immeuble, que l’accès à celles-ci est désormais uniquement possible depuis l’intérieur du local commercial de la défenderesse, et que cette dernière se les est en conséquence appropriée en violation pure et simple du droit de propriété de chacun des propriétaires concernés. Les demandeurs précisent que Madame [M] a supprimé les portes des caves qui les délimitaient et qu’ainsi elle a accès depuis l’intérieur de son local commercial à ces caves en enfilade.

Sur le préjudice de jouissance invoqué, les copropriétaires considèrent qu’ils se sont vus privés de la jouissance de leurs caves et qu’ils subissent partant un préjudice qui doit être réparé.

En réponse aux différents moyens de fond de Madame [M], les demandeurs signalent en premier lieu que seul doit être pris en compte le plan des caves annexé au règlement de copropriété, qui est celui réalisé par le cabinet DUTEZ sur lequel il est expressément fait mention de l’office notarial [O] à [Localité 17], avec l’indication que ce plan est « annexé à la minute d’un acte reçu par la notaire associé soussigné le 18 février 2000 », cet acte étant ledit règlement de copropriété. Les demandeurs exposent que ce règlement, dont fait partie intégrante le plan annexé, étant opposable à l’ensemble des copropriétaires, Madame [M] incluse, ledit plan est donc le seul à faire foi s’agissant de la correspondance entre la numérotation des caves et les numéros des lots affectés aux copropriétaires requérants dans le règlement de copropriété, et qu’il y a une correspondance exacte entre les numéros des lots correspondant aux caves mentionnés dans le règlement de copropriété avec ceux figurant sur le plan annexé audit règlement, ce car, pour chacun des lots n°21 à 26, le règlement de copropriété signale qu’il s’agit de caves portant le numéro de lot correspondant « au plan du sous-sol ci-annexé ».
Les demandeurs précisent que c’est ce plan qui a servi de référence aux huissiers pour leur constat.

En deuxième lieu, les demandeurs indiquent que l’huissier, dans son constat du 30 août 2018, relate la manière dont elle s’est repérée dans le sous-sol de l’immeuble par rapport aux numéros des caves figurant sur le plan annexé au règlement de copropriété, ce qui lui a permis de certifier que l’accès aux caves portant sur les lots n°21 à 26 n’est plus possible depuis les parties communes de l’immeuble, et que Madame [M] ne peut donc remettre en cause la teneur du constat d’huissier simplement parce qu’il y a ni noms, ni numéros sur les caves.

En troisième lieu, sur le plan des caves présentant une numérotation différente communiqué par la défenderesse, les demandeurs exposent qu’il a été aussi établi par le cabinet DUTEZ, qu’à l’exception de la numérotation des caves, il est le même que celui qu’ils produisent, mais que ce plan ne comporte pas l’indication qu’il est annexé au règlement de copropriété, et que seul fait foi le plan des caves portant la mention et la signature du notaire selon laquelle il est annexé au règlement de copropriété. Les demandeurs soulignent qu’ainsi la numérotation des lots correspondant aux caves fixée par le règlement de copropriété est bien celle prévue dans ce seul plan annexé audit règlement, et que le plan fourni par Madame [M], puisqu’il n’est pas annexé à ce règlement, n’a aucune incidence sur les débats.

En quatrième lieu, à propos du plan réalisé par la société BBL LEMENY versé aux débats par Madame [M], les demandeurs expliquent que ce plan est bien annexé au règlement de copropriété, mais qu’il correspond au lot n°1 de la défenderesse et qu’à la lecture du règlement de copropriété, il n’y a en réalité aucune difficulté étant donné que ce règlement comprend à la fois le plan de la société BBL LEMENY pour le lot n°1 correspondant aux locaux commerciaux en duplex au rez-de-chaussée et à l’entresol de l’immeuble, à l’exclusion de la cave, et le plan des caves du sous-sol établi par le cabinet DUTEZ, incluant le lot n°26 consistant en la cave.

En cinquième lieu, au sujet du plan que Madame [M] a fait réaliser par le cabinet POLYGONE et représentant sa cave, les demandeurs soutiennent que ce plan démontre qu’elle s’est appropriée les lots n°21 à 25. Ils mettent en avant que le plan du cabinet POLYGONE correspond à celui annexé au règlement de copropriété relatif aux lots 21 à 26, en précisant que la seule différence entre ces deux plans porte sur les cloisons à l’intérieur de ces caves qui ont été modifiées, le plan de Madame [M] montrant que cette dernière a supprimé certaines cloisons qui délimitaient les caves 21 à 25 sur le plan du règlement de copropriété et qu’elle a fait édifier de nouveaux murs.

En sixième lieu, les demandeurs font valoir, concernant la remise en état des lieux qu’ils sollicitent, qu’elle est tout à fait possible car, contrairement à ce que prétend la défenderesse, les espaces hachurés sur son plan ne sont pas des murs porteurs mais de simples aménagements intérieurs qu’elle pourra déposer pour remettre les caves dans leur état initial.

En septième lieu, les demandeurs rappelent que les constats d’huissier font preuve jusqu’à inscription en faux, et ils estiment donc que Madame [M] ne peut contester la véracité de ceux versés aux débats.
Sur le constat d’huissier du 30 août 2018, ils signalent qu’il n’est pas nécessaire, à la différence de ce que la défenderesse soutient, d’effectuer un mesurage des caves pour prouver que l’accès aux lots 21 à 26 n’est plus possible par le sous-sol des parties communes mais seulement par le local commercial de Madame [M]. Les demandeurs indiquent en outre que les numéros apposés sur les portes des caves ne correspondent pas nécessairement aux numéros de lots du règlement de copropriété, mais que cela n’a aucune incidence dès lors que ce qui importe, ce sont uniquement les numéros des lots du règlement de copropriété tels qu’ils figurent dans le plan annexé audit règlement, seuls ces numéros permettant de certifier l’identité de leurs propriétaires.

En huitième lieu, les demandeurs exposent que le titre de propriété de la société HORTENSE MANOHA et le règlement de copropriété montrent qu’il n’y a pas d’ambiguïté sur le fait que cette société est propriétaire de la cave correspondant au lot n°23 figurant sur le plan annexé à ce règlement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 3 mars 2021, Madame [M] demande au tribunal de :
- à titre principal, déclarer irrecevables comme étant prescrites les demandes du syndicat des copropriétaires, des époux [B], de la SCI HORTENSE MANOHA, des consorts [X] et de Madame [BO] ;
- à titre subsidiaire :
dire et juger que les demandeurs n’établissent pas que Madame [M] ait procédé à des travaux dans les lots de copropriété leur appartenant dans la mesure où il est contesté par cette dernière que les plans des caves versés aux débats correspondent à la situation juridique et matérielle de l’implantation des lots de caves dans l’immeuble ; débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions le syndicat des copropriétaires, les époux [B], la SCI HORTENSE MANOHA, les consorts [X] et Madame [BO] ; - en tout état de cause, condamner le syndicat des copropriétaires, les époux [B], la SCI HORTENSE MANOHA, les consorts [X] et Madame [BO] à verser chacun à Madame [M] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

A titre principal, Madame [M] excipe de la prescription de l’action intentée par les demandeurs. Elle explique que le mur de briques existait déjà lors de l’acquisition de son bien en novembre 2002, qu’elle ne l’a pas édifié, ni a procédé à la démolition ou à la pose de cloisons, mais a seulement effectué des travaux d’aménagement intérieurs de sa cave, et qu’il s’est donc in fine écoulé plus de 16 ans entre la date des travaux dont se plaignent les demandeurs et l’introduction de leur action, ce qui implique que ladite action est prescrite en application de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 renvoyant à l’article 2224 du code civil prévoyant un délai de prescription de 5 ans.

En réplique au moyen des demandeurs selon lequel le délai de prescription serait de 10 ans, Madame [M] souligne que, même avec cette durée, leur action serait prescrite étant donné qu’elle a acquis les lieux dans leur état actuel, que le mur séparatif en sous-sol existe depuis l’origine et n’a pas été installé par elle, et qu’elle n’a jamais réalisé de travaux pour en modifier la consistance. Elle précise que cela ressort d’attestations de témoins, qui ont pu visiter les lieux immédiatement après leur achat en novembre 2002 et qui confirment tous que le volume de la cave existait dans son état actuel, que cette cave ne communiquait pas avec les autres caves du sous-sol et qu’aucune cloison n’a été abattue. Les prétendues modifications de volume et de distribution des caves dont se plaignent les demandeurs existaient ainsi, selon la défenderesse, avant 2002 et l’action des copropriétaires et du syndicat des copropriétaires, intentée plus de 16 ans après, est prescrite.

Sur l’effet interruptif de l’action en référé, Madame [M] considère qu’elle n’en a eu aucun à l’égard des copropriétaires car ils n’étaient pas dans la cause s’agissant de l’instance en référé.

Sur le moyen des demandeurs suivant lequel le délai de prescription aurait débuté le 11 octobre 2016, date du constat de l’appropriation alléguée, Madame [M] indique que, les travaux empêchant l’accès à l’allée commune et aux caves des copropriétaires requérants ayant été nécessairement réalisés avant le 5 novembre 2002, chacun de ces copropriétaires et le syndicat des copropriétaires avaient par conséquent tout le loisir d’agir dès cette réalisation, ce qu’ils n’ont pas fait, et que leur action est désormais prescrite.

Sur le caractère réel de l’action dont se prévalent les demandeurs et la prescription trentenaire qui en découle, Madame [M] expose que l’action de ces derniers ne peut avoir un tel caractère dès lors que leurs prétentions ne visent pas à la revendication des parties communes ou des caves, mais à la contraindre à mettre fin au trouble résultant de l’occupation de ces lieux, à les libérer et à réaliser des travaux. Madame [M] ajoute qu’il ne peut d’ailleurs pas en être autrement puisque le syndic n’a pas été habilité par le syndicat des copropriétaires à engager une action réelle et à revendiquer la propriété des parties communes, comme le montre la résolution adoptée lors de l’assemblée générale du 9 mai 2018 par laquelle il a été donné pouvoir au syndic d’agir pour obtenir la remise en état des caves. Madame [M] conclut que, l’action n’étant pas réelle, la prescription ne peut être trentenaire.

Subsidiairement, sur le fond, Madame [M] soutient que le plan des lots de caves produit par les demandeurs ne peut matériellement pas correspondre à la situation de l’immeuble du [Adresse 7]. Elle explique que ce plan ne comporte aucune échelle, qu’il est censé avoir été établi par le cabinet DUTEZ, le plan ne comprenant toutefois aucun tampon de ce cabinet, qu’il est incompréhensible que les plans de caves aient été réalisés de façon manuscrite par le cabinet DUTEZ alors que les locaux du rez-de-chaussée ont fait l’objet de plans techniques effectués par la société BBL LEMENY qui est métreur-vérificateur, et que, surtout, les demandeurs communiquent dans le cadre de la présente procédure un nouvelle version du plan des caves différente de celle fournie lors de l’instance en référé en ce que, s’il est toujours question d’un plan manuscrit au nom du cabinet DUTEZ, les numéros des lots ont été totalement modifiés.
Sur le fait que les demandeurs affirment que ce nouveau plan versé aux débats serait le bon car tamponné par le notaire qui a établi l’état descriptif de division et le règlement de copropriété, Madame [M] signale que le syndicat des copropriétaires soutenait pourtant devant le juge des référés avec autant de certitude que le plan qu’il produisait alors était le bon plan des caves, qu’il demandait ainsi dans son assignation la remise dans leur état initial des lots n°23 à 27, et que, finalement, s’agissant de la présente instance, le syndicat des copropriétaires vise les lots n°21 à 26.
Madame [M] considère ainsi qu’il existe des incohérences matérielles sur ces plans qui ne sont pas côtés et qui ne correspondent pas à la réalité des lieux.
Elle ajoute, sur ces lieux, qu’elle a accès, par l’escalier situé dans son local commercial, à un local de cave unique dont la surface correspond à celle du rez-de-chaussée du local commercial.

Sur le constat de l’huissier dans son procès-verbal du 30 août 2018 selon lequel, suivant les demandeurs, le plan des caves fourni par eux correspondrait bien à la situation réelle de ces caves, la défenderesse expose qu’elle ne considère pas que ce constat est un faux, mais qu’il a été réalisé selon les compétences de l’huissier, les moyens et données techniques à sa disposition et la configuration des lieux. Madame [M] fait ainsi valoir qu’il n’a pas été vérifié si le nom inscrit sur la porte de la cave correspondait bien au nom du copropriétaire à qui est censé appartenir ladite cave, qu’il n’a pas aussi été vérifié le numéro des caves, que l’huissier a usé de plans non côtés, qu’elle n’a pas procédé à un mesurage sur place, et qu’elle n’est pas géomètre expert et donc pas qualifiée pour procéder à un constat purement technique.

Madame [M] explique que, de son côté, elle a fait réaliser un plan côté de sa cave par le cabinet POLYGONE, et que la comparaison de ce plan avec celui fourni par les demandeurs met en lumière que les deux plans ne coïncident pas, ce en ce que, sur le plan des demandeurs, toutes les caves sont séparées par des cloisons alors que, sur le plan du cabinet POLYGONE, la sienne comprend des murs porteurs imposants. Madame [M] expose également que, sur le plan des demandeurs, le lot n°23 s’étend sur toute la largeur du volume tandis que, sur le plan qu’elle communique, il y a la présence d’éléments porteurs sur la moitié de l’espace qui serait occupé par ce lot. La défenderesse relate aussi que le lot n°22 ne peut matériellement se situer à l’endroit revendiqué par le syndicat des copropriétaires.

Madame [M] estime en outre, au vu du plan du cabinet POLYGONE, que la remise en état des lieux sollicitée par les demandeurs est irréalisable car il n’est pas possible de toucher aux murs porteurs et d’obtenir les espaces qu’ils revendiquent.

Par ailleurs, la défenderesse expose qu’il est mentionné expressément dans l’acte de vente passé par la société HORTENSE MANOA que la cave acquise par cette dernière est non cloisonnée, et que cette société ne peut donc lui réclamer de réaliser à ses frais ce cloisonnement.

Enfin, Madame [M] indique que le règlement de copropriété fait seulement référence au plan de la société BBL LEMENY et non aux plans anciens et périmés du cabinet DUTEZ.

Par ordonnance du 10 octobre 2022, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date et fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 13 juin 2023. L’affaire a finalement été fixée à l’audience de plaidoiries du 13 février 2024.

Elle a été mise en délibéré au 30 avril 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité des prétentions des demandeurs

L’article 122 du code de procédure civile énonce que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel que le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». La liste de fins de non-recevoir donnée par cet article est non exhaustive.

L’article 2227 du code civil prévoit que « les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

En matière de copropriété, la jurisprudence décide de manière constante que sont réelles et se prescrivent donc par trente ans les actions en restitution de parties communes indûment appropriées par un copropriétaire. Il en va de même a fortiori pour l’appropriation indue par un copropropriétaire de parties privatives d’un autre copropriétaire.

L’article 42, alinéa 1er, de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version issue de la loi du 23 novembre 2018 entrée en vigueur le 25 novembre 2018, dispose que « les dispositions de l'article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ sont applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat », ledit article 2224 mentionnant que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ».

Auparavant, l’article 42 prévoyait, pour ces actions personnelles, un délai de prescription de 10 ans. Le texte ancien ne mentionnait toutefois rien sur le point de départ du délai. Néanmoins, suivant la jurisprudence sur ce point, le délai commençait à courir à compter de la connaissance des faits permettant l’exercice de l’action.

Dans l’hypothèse d’une loi réduisant un délai de prescription, il est prévu, en vertu de l’article 2222, alinéa 2, du code civil, que « ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ».

Par ailleurs, en application des articles 2241 et 2242 du code civil, la prescription est interrompue par une demande en justice, même en référé, cette interruption produisant ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance. Toutefois, suivant l’article 2243 du même code, l’interruption est non avenue notamment si la demande est définitivement rejetée, que cette demande ait été formée devant le juge du fond ou devant le juge des référés.

En l’espèce, concernant les prétentions des demandeurs relativement au couloir et aux caves (lots n°21 à 25), elles ont pour objet la démolition du mur de briques qui empêcherait l’accès à ce couloir partie commune desservant les lots n°21 à 26 et, partant, l’accès à leurs caves par les copropriétaires, la remise en état des cloisons et portes des caves correspondant aux lots n°21 à 26, le retrait de tout encombrant, mobilier et rebuts qui seraient entreposés dans le couloir et dans les caves, et la restitution aux copropriétaires des caves correspondant aux lots n°21 à 25 l’accès à ces caves et la jouissance de leurs biens.

En d’autres termes, les demandeurs cherchent à obtenir la restitution de parties communes et privatives qui auraient été indûment appropriées par Madame [M].

Il s’agit en conséquence d’actions réelles soumises à la prescription trentenaire.

A propos des demandes aux fins de condamnation à des dommages intérêts en réparation du préjudice de jouissance que chaque copropriétaire aurait subi, ce sont des actions personnelles puisqu’elles tendent à obtenir la réparation d’un préjudice qui aurait affecté personnellement chaque copropriétaire demandeur.

Le délai de prescription de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 est donc applicable pour ces demandes.

Or, celui-ci a été réduit par la loi du 23 novembre 2018 entrée en vigueur le 25 novembre 2018. Le délai est passé de dix à cinq ans.

L’article 2222, alinéa 2, du code civil s’applique dès lors.

Ainsi, un nouveau délai de cinq ans a en principe commencé à courir à compter du 25 novembre 2018. Toutefois la durée totale (celle déjà écoulée avant l’entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018 additionnée à celle qui a débuté le 25 novembre 2018) ne pourra pas excéder celle prévue par la loi antérieure, soit 10 ans.

Toutefois, le nouveau délai de 5 ans ne courra que si le délai de 10 ans n’a pas lui-même expiré au moment de l’entrée en vigueur de la loi nouvelle.

Cela amène à examiner le point de départ du délai de prescription des actions réelles et personnelles introduites par les demandeurs.

A cet égard, il est à relever que le plan du sous-sol du bâtiment A annexé au règlement de copropriété et produit, avec ce règlement, par les demandeurs porte, comme le reste des autres plans relatifs aux étages, à l’entresol et au rez-de-chaussée de l’immeuble, également communiqués par les requérants, le tampon de l’office notarial du notaire ayant reçu le règlement de copropriété et l’état descriptif de division avec la mention « Annexé à la minute d’un acte reçu par le Notaire associé soussigné », l’acte désignant ce règlement et cet état descriptif de division, et avec la signature dudit notaire ainsi que celles de l’ensemble des signataires de l’acte authentique.

En conséquence, sauf s’il était démontré que le notaire a accepté d’apposer tampon et signature sur un plan ne correspondant pas à ce qui existe au sous-sol, ce qui n’est absolument pas le cas, ce plan, annexé au règlement de copropriété et tamponné et signé par le notaire, a force probante et il convient de s’y référer pour la situation du sous-sol de l’immeuble du [Adresse 8] et plus particulièrement du bâtiment A.
Par voie de conséquence, peuvent d’ores et déjà être écartés les moyens de la défenderesse relatifs à la critique de ce plan, à ses différences avec l’autre plan du sous-sol réalisé par le même cabinet, le cabinet DUTEZ, et au fait que, devant le juge des référés, le syndicat des copropriétaires, se fondant sur ce second plan, a sollicité la remise en état des lots 23 à 27 alors qu’il est demandé dans le cadre de la présente instance celle des lots 21 à 26.
Quant au plan de la société BBL LEMENY fourni par la défenderesse, il concerne uniquement son lot n°1, à l’exclusion du lot n°26. Et ce plan est bien pris en compte dans le règlement de copropriété au même titre que ceux du cabinet DUTEZ, qui n’ont pas pour objet la situation d’un lot en particulier mais celle des lots pour le sous-sol, le rez-de-chaussée, l’entresol et chaque étage. Il n’y a aucune difficulté sur ce point.

Or, à propos du plan du sous-sol annexé au règlement de copropriété, il en ressort, sans équivoque possible, que le lot n°26, situé en bas à droite du plan, est bien séparé des lots n°21 à 25, que chaque lot occupe une surface distincte et distinguée, que les 6 lots sont desservis par un couloir accessible à partir de l’escalier liant le rez-de-chaussée et le sous-sol, qu’il y a un accès à ce couloir, et que cet accès n’est pas bloqué.

Dès lors, Madame [M] ne peut valablement soutenir que le mur fermant l’accès au couloir, et donc aux caves, ainsi que les travaux modifiant la consistance des caves ont été réalisés avant son acquisition du 5 novembre 2002, ce alors qu’elle n’est devenue propriétaire, s’agissant des caves, que du lot n°26.

En effet, cela signifierait qu’elle a acquis la propriété d’une surface plus importante que celle de son lot n°26 incorporant le couloir et les autres caves. Cependant, d’une part, aucun acte antérieur à l’acquisition de Madame [M] démontrant qu’elle était en droit de s’approprier ce couloir et ces caves n’est versé aux débats. D’autre part, Madame [BO], les époux [B] et la société HORTENSE MANOA n’auraient pas pu acquérir leurs caves respectivement en 2012, 2014 et 2017, et Monsieur et Madame [X] n’auraient pas pu donner à leurs enfants la nue-propriété de leurs caves en 2018.

Egalement, il peut difficilement être soutenu qu’il n’y a eu pendant toutes ces années aucune action et ce en connaissance de cause, alors qu’il est question d’une éventuelle appropriation de parties communes et de parties privatives, et donc d’atteintes directes au droit de propriété.

Sur les trois attestations communiquées par Madame [M], les développements qui précèdent conduisent à les écarter, étant en outre indiqué que ces attestations sont rédigées par des personnes en lien avec la défenderesse, à savoir Madame [C] [D] qui est sa sœur, Monsieur [L] [P] un de ses amis et Monsieur [K] [R] son ex époux, Monsieur [P] l’identifiant comme tel dans son attestation, et que l’accès évoqué par les attestants pourrait aussi correspondre à celui entre le lot n°26 et le couloir, qui ne pose pas de difficulté aux demandeurs, et non à celui entre l’escalier desservant le rez-de-chaussée et le couloir.
 
Ainsi, au regard de l’ensemble de ces éléments, il est à retenir que l’édification du mur de briques fermant l’accès au couloir de distribution des caves et les travaux affectant la consistance des caves ne peuvent avoir été effectués que postérieurement à 2002, et que les appropriations illicites invoquées n’ont été découvertes que fin 2016 ainsi que cela ressort du constat d’huissier du 11 octobre 2016.

Par conséquent, le délai de prescription, tant des actions réelles que personnelles, commençant à courir à compter du jour de la connaissance des faits permettant de l’exercer, il convient de retenir comme point de départ la date du constat d’huissier réalisé en 2016, soit le 11 octobre 2016.

Il en résulte qu’aucune des prétentions formées par les demandeurs n’est frappée de prescription, que cette dernière ait été interrompue ou non.

A propos d’ailleurs de l’interruption soulevée en demande, il est à signaler qu’elle est non avenue puisque la demande du syndicat des copropriétaires a été rejetée par le juge des référés, ce qui implique aussi dès lors qu’importe peu la question de savoir si l’effet interruptif valait ou non pour les copropriétaires qui n’étaient pas parties à l’instance de référé.

En conclusion, les prétentions des demandeurs ne sont pas prescrites et seront déclarées recevables.

Sur les demandes du syndicat des copropriétaires, des consorts [X], des époux [B], de Madame [BO] et de la société HORTENSE MANOHA

L’appropriation de parties communes par un copropriétaire nécessite une décision d’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires prise à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965. En d’autres termes, sans une telle décision, il ne peut y avoir aucune appropriation de parties communes.

L’article 9, alinéa 1er, de la même loi dispose que « chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot » et qu’« il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ». Il s’agit d’une déclinaison du principe général posé à l’article 544 du code civil, suivant lequel « la propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements », et de la protection qui en découle.

En l’espèce, tout d’abord, il est constant qu’aucune décision autorisant Madame [M] à s’approprier des parties communes quelles qu’elles soient n’a été prise par l’assemblée générale à quelle que majorité que ce soit.

Ensuite, il a été vu ci-dessus que l’édification du mur bloquant l’accès au couloir de distribution des caves et la modification de la consistance des caves ne pouvaient avoir eu lieu que postérieurement à 2002 et que les appropriations indues invoquées n’ont été connues qu’en octobre 2016, lorsqu’elles ont été décrites par l’huissier dans son constat.

Dans ce constat, l’huissier mentionne notamment qu’il est conduit au sous-sol du local commercial « dans une enfilade de caves voûtées dépourvues de leurs portes d’accès et encombrées de divers éléments de mobiliers et rebuts », qu’il remarque, dans cette enfilade, « la présence d’un tuyau d’alimentation longeant le plafond, lequel se prolonge jusqu’à la cloison murale », et qu’au pied de l’escalier situé dans les parties communes desservant l’accès aux caves depuis le hall d’entrée de l’immeuble, il « observe la présence d’un mur de moellons sur lequel sont installés les boîtiers techniques pour la fibre optique ».

Ainsi, ce constat va dans le sens d’une appropriation de parties communes et de parties privatives. En particulier, s’agissant des parties privatives, l’huissier décrit une « enfilade de caves voûtées dépourvues de leurs portes d’accès » au sous-sol du local commercial, alors qu’il ne saurait normalement être question d’une telle enfilade de plusieurs caves dès lors que le lot n°26 acquis par Madame [M] ne correspond qu’à une seule cave et qu’elle n’a fait l’acquisition d’aucune autre cave.

Concernant le constat du 30 août 2018, l’huissier n’est certes pas géomètre expert, mais elle décrit avec précision, en se fondant sur le plan du sous-sol annexé au règlement de copropriété tamponné et signé par le notaire, auquel il convient de se référer ainsi qu’il a été dit plus haut, la manière dont elle est parvenue aux différentes constatations énoncées dans son procès-verbal. L’huissier écrit en effet :
« Je me transporte dans les caves du bâtiment A accessible en entrant dans le hall de l’immeuble sis [Adresse 7].
J’y accède par une porte située sur ma droite en direction de la cour.
Cette porte se situe juste avant cette cour.
Je constate que ces caves correspondent bien aux caves du bâtiment A du plan annexé au présent acte [le plan du sous-sol du cabinet DUTEZ, tamponné et signé par le notaire, qui se trouve bien joint au constat d’huissier produit].
En effet, je constate bien une cave située derrière l’escalier (lot n°20 sur le plan et clichés n°4 et 5) et une cave face à moi (lot n°27 sur le plan et cliché n°2).
Sur ma droite se trouve un couloir permettant l’accès à 7 caves (lots n°28 à 34 sur le plan). Conformément au plan ce couloir se prolonge en tournant sur la droite. Les entrées de chacune des caves correspondent exactement au plan annexé au présent acte. (voir plan et clichés photographiques n°9 à 14)
Je retourne au pied de l’escalier permettant l’accès aux caves, à l’endroit où je me situais précédemment.
Je constate sur ma gauche qu’une ouverture a été intégralement condamnée par des briques. (voir clichés n°6 à 8)
Ce mur en briques et de nature différente des autres murs des caves. Ce mur en briques fait l’obstruction de la continuité du couloir se situant sur ma droite et permettant l’accès aux sept caves (lots n°28 à 34 sur le plan)
Je constate donc que les caves n°21, 22, 23, 24, 25 et 26 ne sont plus accessibles.
Sur place je ne constate aucun autre moyen d’accéder à ces caves à partir des parties communes.
Je constate que les caves n°21 à 26 sur le plan se situent sous le local commercial de l’immeuble sis [Adresse 7]. »

Il en ressort que l’huissier, même si elle n’est pas géomètre expert, a pu, par une visite complète du sous-sol du bâtiment A et en analysant le plan annexé au règlement de copropriété avec tampon et signature du notaire, qui est le plan à prendre en référence, mettre en exergue que ce sont bien les lots n°21 à 26 qui ne sont plus accessibles à cause d’un mur de briques fermant le couloir d’accès, qu’il n’y a aucune autre manière d’accéder à ces caves par les parties communes, et que lesdites caves se situent bien sous le local commercial.

Il est à noter que l’huissier a de surcroît visité le sous-sol des bâtiments B et C pour vérifier que la situation du sous-sol de l’ensemble des bâtiments, et pas seulement du A, correspond bien au plan annexé au règlement de copropriété, correspondance qu’elle confirme.

En conséquence, l’huissier a réalisé un constat complet et rigoureux corroborant une appropriation de parties communes et privatives. Il n’était pas nécessaire en plus d’effectuer un mesurage ainsi que de vérifier les noms et numéros inscrits sur les portes des caves, si tant est qu’il y en ait.

Sur le plan réalisé par le cabinet POLYGONE en date du 10 septembre 2017, il est d’abord à indiquer que Madame [M] prétend que ce plan montre qu’il existe des murs porteurs imposants au sein de sa cave alors que sur le plan annexé au règlement de copropriété les caves ne sont séparées que par de simples cloisons. Néanmoins, il n’y a pas de légende sur le plan du cabinet POLYGONE faisant état de l’existence de murs porteurs. La défenderesse reste sur ce point au stade de l’affirmation. En outre, le constat d’huissier du 11 octobre 2016 ne fait état d’aucun mur porteur imposant dans « l’enfilade de caves ».

Ensuite, la comparaison entre le plan du cabinet POLYGONE et le plan du cabinet DUTEZ met en lumière que la cave de Madame [M], dans son état actuel, va clairement au-delà de la surface du lot n°26 telle qu’elle est délimitée sur le plan du cabinet DUTEZ et qu’elle s’étend jusqu’au mur correspondant au mur du fond du lot n°23.

Egalement, le plan du cabinet POLYGONE mentionne une surface de la cave de 67 m2.
Or, il ressort de la comparaison entre le plan du sous-sol annexé au règlement de copropriété et celui du rez-de-chaussée de l’immeuble aussi annexé à ce règlement, auquel il convient de se référer pour les mêmes raisons que celles exposées pour le plan du sous-sol, que le rez-de-chaussée du local commercial, qui fait 70 m2 (donnée inscrite sur le plan), recouvre non seulement le lot n°26 mais aussi les lots n°21 à 25 et le couloir commun de distribution de ces caves. En d’autres termes, il y a sous ce rez-de-chaussée du local commercial de 70 m2 les lots 21 à 26 ainsi que le couloir commun les desservant. Et ces lots et le couloir occupent ensemble au sous-sol la même surface que celle occupée par le local commercial au rez-de-chaussée.
Dès lors, la cave de Madame [M] ne saurait normalement avoir une surface équivalente ou pratiquement équivalente à celle du rez-de-chaussée de son local commercial, ce qui est pourtant le cas suivant le plan du cabinet POLYGONE qui fait état d’une surface de 67 m2.

Par conséquent, au regard de ce qui précède, le plan du cabinet POLYGONE est finalement un révélateur de l’appropriation par Madame [M] du couloir commun desservant les caves et des lots 21 à 25.

Quant aux moyens de la défenderesse sur les lots 22 et 23, ces développements ainsi que la non démonstration de son allégation relative aux murs porteurs, ce qui implique que la partie hachurée en haut à gauche sur le plan du cabinet POLYGONE pourrait tout aussi bien correspondre à un endroit de la cave inaccessible car tout simplement cloisonné, aboutissent à les écarter.

En conclusion, compte tenu de tout ce qui vient d’être exposé, les appropriations alléguées par les demandeurs apparaissent avérées et il convient de faire droit à leurs demandes de remise en état et de restitution.

La remise en état des cloisons portera également sur le lot n°23 de la société HORTENSE MANOHA puisqu’en dépit de ce qui est inscrit dans son acte d’acquisition, les cloisons de ce lot correspondent également, suivant le plan du sous-sol annexé au règlement de copropriété, à l’une des cloisons du lot n°22 et à l’une de celles du lot n°24.

Il est aussi à préciser que la demande aux fins de retirer tout encombrant, mobilier et autres rebuts ne peut, s’agissant des caves, porter que sur les lots 21 à 25, et non le lot 26, puisque, ce lot étant la propriété de la défenderesse, elle y entrepose ce qu’elle souhaite.

Une astreinte provisoire à hauteur de 70 euros par jour de retard sera en outre ordonnée suivant les modalités prévues au dispositif de la présente décision.

Sur les demandes de condamnation à des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance qui aurait été subi, les copropriétaires demandeurs ont été privés de leur cave, Madame [M] s’étant appropriée ces caves et ayant bloqué le seul accès à celles-ci dont disposaient les copropriétaires.

Ils ont donc subi un préjudice de jouissance.

En revanche, sur le quantum, étant donné que l’usage par les différents copropriétaires de leur cave n’est pas connu et qu’il s’agit de pièces de stockage dont la privation n’a aucun impact sur les conditions d’habitation, il convient de fixer forfaitairement les dommages et intérêts dus en réparation du préjudice de jouissance à la somme de 1000 euros pour les consorts [X] ensemble, la somme de 1000 euros pour les époux [B] ensemble, la somme de 1000 euros pour Madame [BO], et la somme de 1000 euros pour la société HORTENSE MANOA.

Madame [M] sera condamnée au paiement de ces sommes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Madame [M] sera condamnée aux dépens, en ce non compris le coût des procès-verbaux des constats d’huissier des 11 octobre 2016 et 30 août 2018 car les dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile, ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires.

Madame [M], tenue des dépens, sera également condamnée à verser au syndicat des copropriétaires, aux consorts [X], aux époux [B], à Madame [BO] et à la SCI HORTENSE MANOHA ensemble la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [M] sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile dans leur version antérieure au 1er janvier 2020, au regard de la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant dans sa formation collégiale, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;

DECLARE recevables les prétentions formées par le syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier du [Adresse 8], représenté par son syndic en exercice la SARL SYNDIC LYONNAIS & GERANCE, Madame [H] [F] épouse [X], Monsieur [W] [X], Madame [I] [X], Monsieur [J] [X], Madame [S] [T] épouse [B], Monsieur [E] [B], Madame [Y] [BO] épouse [U] et la SCI HORTENSE MANOHA ;

CONDAMNE Madame [N] [M], dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement puis, passé ce délai, sous astreinte de 70 euros par jour de retard pendant une durée de douze mois à l'issue de laquelle il sera de nouveau statué en tant que de besoin par le juge compétent, à :
déposer le mur en briques édifié dans le sous-sol des parties communes du bâtiment A de l’immeuble, et obstruant le couloir d’accès aux caves des lots n°21 à 26 ; remettre en état les portes et cloisons des caves des lots n°21 à 26 ; retirer tout encombrant, mobilier et autres rebuts entreposés dans le couloir desservant les caves des lots n°21 à 26 et à l’intérieur des lots n°21 à 25 ; restituer aux copropriétaires des caves portant sur les lots n°21 à 25 l’accès et la pleine jouissance de leurs biens ;
CONDAMNE Madame [N] [M] à verser :
la somme de 1000 euros à Madame [H] [F] épouse [X], Monsieur [W] [X], Madame [I] [X] et Monsieur [J] [X] ensemble en réparation de leur préjudice de jouissance ; la somme de 1000 euros à Madame [S] [T] épouse [B] et Monsieur [E] [B] ensemble en réparation de leur préjudice de jouissance ; la somme de 1000 euros à Madame [Y] [BO] épouse [U] en réparation de son préjudice de jouissance ; la somme de 1000 euros à la SCI HORTENSE MANOHA en réparation de son préjudice de jouissance ;
CONDAMNE Madame [N] [M] aux dépens, en ce non compris le coût des procès-verbaux des constats d’huissier des 11 octobre 2016 et 30 août 2018 ;

CONDAMNE Madame [N] [M] à verser au syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier du [Adresse 8], représenté par son syndic en exercice la SARL SYNDIC LYONNAIS & GERANCE, à Madame [H] [F] épouse [X], Monsieur [W] [X], Madame [I] [X], Monsieur [J] [X], Madame [S] [T] épouse [B], Monsieur [E] [B], Madame [Y] [BO] épouse [U] et la SCI HORTENSE MANOHA ensemble la somme de 4000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Madame [N] [M] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

DIT n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.

En foi de quoi la Présidente et la Greffière ont signé la présente décision.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE
Patricia BRUNONCécile WOESSNER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 j
Numéro d'arrêt : 18/12659
Date de la décision : 30/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 12/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-30;18.12659 ?
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