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18/04/2024 | FRANCE | N°20/08683

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 j, 18 avril 2024, 20/08683


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 20/08683 - N° Portalis DB2H-W-B7E-VNTP

Jugement du 18 Avril 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :
Maître Olivier PIQUET-GAUTHIER de la SELARL DPG - 1037
Maître Samuel BECQUET de l’AARPI JAKUBOWICZ ET ASSOCIÉS - 806






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a re

ndu, le 18 Avril 2024, délibéré prorogé du 07 Mars 2023, devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 20 Mars 2023, et que la cause eut été déb...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 20/08683 - N° Portalis DB2H-W-B7E-VNTP

Jugement du 18 Avril 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :
Maître Olivier PIQUET-GAUTHIER de la SELARL DPG - 1037
Maître Samuel BECQUET de l’AARPI JAKUBOWICZ ET ASSOCIÉS - 806

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 18 Avril 2024, délibéré prorogé du 07 Mars 2023, devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 20 Mars 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 16 Novembre 2023 devant :

François LE CLEC’H, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Patricia BRUNON, Greffier,

En présence de Perrine PEREZ, Juriste assistante du magistrat,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.S. HOTEL DE LA CROIX ROUSSE,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Olivier PIQUET-GAUTHIER de la SELARL DPG, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.C.I. SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE 275,
prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Samuel BECQUET de la SELEURL SAMUEL BECQUET AVOCAT, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Suivant bail commercial reçu par Maître [B] [W], notaire à [Localité 4], le 16 janvier 2013, la SCI 275 a donné en location à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE un local commercial sis [Adresse 1].

Ce bail a été conclu pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 2012 jusqu’au 30 juin 2021.

Il a été prévu dans le bail la destination suivante pour les lieux loués : « le bien loué devra servir exclusivement à usage d’hôtel restaurant ».

Par acte d’huissier de justice en date du 9 novembre 2020, la SCI 275 a fait délivrer à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE un commandement d’avoir à se conformer à la destination du bail visant la clause résolutoire.

Estimant ce commandement injustifié, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE a, par acte d’huissier en date du 9 décembre 2020, fait assigner la SCI 275 devant le tribunal judiciaire de Lyon aux fins de :
dire le commandement du 9 novembre 2020 insusceptible d’avoir mis en œuvre la clause résolutoire du bail, faute d’interpellation suffisante et en l’absence de toute injonction précise ; dire cet acte nul et de nul effet également en ce que l’infraction à la destination du bail n’est pas avérée, alors que la destination d’hôtel restaurant autorise l’usage du 6ème étage pour le logement de l’exploitant de l’hôtel afin d’y assurer ses astreintes et gardes de nuit ; condamner la SCI 275 à payer à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE une indemnité de 3500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ; la condamner aux dépens ; rappeler que le jugement à intervenir est exécutoire de droit par provision.
Parallèlement, par acte d’huissier en date du 29 décembre 2020, la bailleresse a fait délivrer à la preneuse un congé avec offre de renouvellement du bail commercial pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2021 et pour un loyer annuel de 85 000 euros HT et HC. Il était mentionné dans l’acte que ce congé était délivré sans préjudice des effets du commandement du 9 novembre 2020.

Par acte d’huissier du 24 mars 2021, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE a fait assigner la SCI 275 devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de contester le déplafonnement du loyer proposé dans l’offre de renouvellement, et de fixer le loyer du bail renouvelé entre les parties en fonction de la variation de l’indice des loyers commerciaux intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré.

Par acte d’huissier du 17 mai 2021, la SCI 275 a fait notifier à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE sa rétractation de son offre de renouvellement du bail.

Par jugement du 5 octobre 2021, le juge des loyers commerciaux a :
constaté que la SCI 275 a exercé son droit d’option et renoncé au renouvellement du bail conclu par la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE portant sur le local commercial sis [Adresse 1] ; dit l’instance en fixation du bail renouvelé désormais sans objet et a donné acte à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE de son désistement d’instance.
Dans le cadre de la présente procédure, par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 5 janvier 2022, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE demande au tribunal de :
dire le commandement du 9 novembre 2020 insusceptible d’avoir mis en œuvre la clause résolutoire du bail, faute d’interpellation suffisante et en l’absence de toute infraction comme de toute injonction précise ; dire cet acte nul et de nul effet en ce que l’infraction à la destination du bail n’est pas avérée, l’usage du 6ème étage ayant de tout temps été réservé au logement de fonction nécessaire à l’exploitation des lieux ; débouter la SCI 275 de ses demandes en résiliation du bail et en expulsion et toutes autres demandes indemnitaires ; dire le bail liant les parties définitivement résilié par suite de l’exercice du droit d’option de la SCI 275 ; fixer l’indemnité d’éviction globale revenant à la société HOTEL DE LA CROIX ROUSSE à la somme de 1 600 000 euros ; condamner la SCI 275 à payer à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE la somme principal de 1 600 000 euros ; condamner la SCI 275 à payer la somme de 20 000 euros en application de l’article L.145-47 du code de commerce et de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI 275 aux dépens ; ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 7 décembre 2022, la SCI 275 demande au tribunal de :
à titre principal ;
constater la validité du commandement délivré le 9 novembre 2020 à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE ; constater que la SCI 275 s’est réservée le bénéfice du commandement délivré le 9 novembre 2020, nonobstant le congé délivré le 29 décembre ; constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail au 9 décembre 2020, soit 30 jours après la date du commandement, avec toutes conséquences de droit ; subsidiairement, à défaut d’acquisition de la clause résolutoire, constater les manquements de la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE et prononcer la résolution du bail en date du 16 janvier 2013 ; ordonner, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification du jugement à venir, l’expulsion de la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE et celle de tous occupants de son chef du local sis [Adresse 1], avec l’assistance, si besoin est, du commissaire de police et du serrurier ; dire que le sort des objets mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les articles 65 et 66 de la loi du 9 juillet 1991 ; fixer l’indemnité d’occupation due par la société Hôtel de la Croix-Rousse à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés à une somme égale au montant de la valeur locative ;condamner la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE à payer à la SCI 275 une indemnité d’occupation annuelle fixée à 85 000 euros HT HC, subsidiairement à 114 120 euros en cas de désaccord sur le caractère monovalent du bien loué ; à titre subsidiaire ;
constater la rétractation par la SCI 275 de son offre de renouvellement du 29 décembre 2020, et par voie de conséquence la cessation du bail au 30 juin 2021 ; donner acte à la SCI 275 de son offre d’indemnité d’éviction à hauteur de 320 302 euros HT ; fixer l’indemnité d’occupation statutaire due par la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE à la somme de 85 000 euros HT HC, subsidiairement à 114 120 euros en cas de désaccord sur le caractère monovalent du bien loué ; à titre subsidiaire, ordonner une expertise sur l’indemnité d’éviction, l’expert ayant notamment pour mission de faire toutes observations sur l’exploitation du fonds, ainsi que sur le montant de l’indemnité d’occupation, aux frais partagés des parties ; en tout état de cause ;
rejeter toutes demandes, fins, moyens et prétentions tels que dirigés contre la SCI 275 ; condamner la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE à payer à la SCI 275 la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;la condamner aux dépens.
Par ordonnance du 20 mars 2023, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date et fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 16 novembre 2023. L'affaire a été mise en délibéré au 7 mars 2024. Le délibéré a été prorogé au 18 avril 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du commandement

L'article L.145-41, alinéa 1er, du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux » et que « le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».

Outre la mention du délai d’un mois, le commandement, pour ne pas être frappé de nullité, doit précisément indiquer les clauses contractuelles que le preneur n’auraient pas respectées, les infractions qui lui sont reprochées, ce qui est exigé par le bailleur pour y remédier et les conséquences en cas d’inexécution.

Il est de jurisprudence constante que le commandement doit être annulé si les mentions y figurant sont de nature à créer, dans l'esprit du preneur, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions faites et d'y apporter la réponse appropriée dans le délai requis.

En l’espèce, il convient en premier lieu de signaler que les moyens invoqués par la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE aux fins d’établir l’absence d’infraction à la destination du bail ne constituent pas des moyens susceptibles de fonder une nullité du commandement. Il s’agit de moyens aux fins de démontrer le mal fondé d’une résiliation du bail, par acquisition de la clause résolutoire ou judiciaire, alors que les moyens visant à remettre en cause la validité du commandement sont ceux portant sur le contenu dudit commandement qui doit contenir diverses mentions précises pour une compréhension complète et sans équivoque possible du preneur sur ce qui a amené le bailleur à faire délivrer ce commandement et sur la façon d’y répondre. La validité du commandement et le caractère avéré ou non de l’infraction reprochée sont deux questions distinctes.

Ainsi, les moyens par lesquels la demanderesse cherche à mettre en lumière l’absence d’infraction à la destination du bail ne pourront être vus que dans un second temps, dans l’hypothèse où le commandement n’est pas annulé.

Sur les moyens tirés du contenu du commandement, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE soutient qu’elle a été dans l’incapacité de savoir ce qui lui était reproché, ni ce qu’elle devait faire dans le délai imparti d’un mois, car le commandement se borne à reprocher au locataire de ne pas respecter la destination du bail sans autre grief.

A cet égard, le commandement du 9 novembre 2020 mentionne :
« ledit bail stipule [l’huissier rappelle juste avant qu’il s’agit du bail du 16 janvier 2013 reçu par Maître [W]] :

DESTINATION
Le bien loué devra servir exclusivement à usage d’hôtel restaurant.
Le LOCATAIRE ne pourra exercer dans les lieux loués, même à titre temporaire aucune autre activité.
Il devra en outre, se conformer aux prescriptions administratives et autres concernant ce genre d’activité.

Suivant rapport d’expertise en valeur locative établi par la SARL IFC EXPERTISE FAVRE-REGUILLON […] en date du 14 septembre 2020, il est indiqué au 6ème étage de l’immeuble, l’existence d’un appartement de fonction de type 3 d’une surface utile de 60 m2 environ et comportant une cuisine ouverte sur une pièce à vivre, un couloir distribuant des sanitaires, une salle de bains et deux chambres, soulignant qu’au vu des plans communiqués par l’exploitante, cet espace remplace 4 anciennes chambres d’hôtel.

Le rapport indique que les travaux ont été réalisés sans l’accord du bailleur alors que le bail stipule une destination exclusive d’hôtel restaurant.

Qu’en l’espèce, la réalisation de travaux créant un appartement de fonction n’est pas conforme à la destination exclusive d’hôtel restaurant.

EN CONSEQUENCE JE VOUS FAIS COMMANDEMENT D’AVOIR A RESPECTER LA DESTINATION DU BAIL DANS LE DELAI D’UN MOIS, A COMPTER DE LA DATE FIGURANT EN TETE DU PRESENT ACTE »

Il est expliqué ensuite que, si la preneuse n’exécute pas le commandement dans ce délai d’un mois, la bailleresse se prévaudra de la clause résolutoire stipulée au bail, l’huissier citant expressément ladite clause.

Il est en outre précisé à la fin du commandement que la copie du rapport d’expertise en valeur locative en date du 14 septembre 2020 a été signifiée à la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE.

En conséquence, il ressort de ce commandement que la clause de destination du bail qui aurait été enfreinte est rappelée expressément, de même que la clause résolutoire, qu’il est décrit clairement l’infraction reprochée à cette clause, avec de surcroît transmission du rapport sur lequel la bailleresse s’est appuyée pour identifier le manquement qu’elle avance, que le délai d’un mois pour exécuter le commandement ainsi que les conséquences d’une non exécution dans cette durée sont indiqués sans ambiguïté aucune, et qu’au regard de la description de l’infraction dans le commandement associée à l’injonction de se conformer à la destination du bail, la manière de remédier à la violation invoquée ne souffrait d’aucune équivoque.

Dès lors, la demande de nullité du commandement formée par la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE ne peut prospérer et sera rejetée.

Sur la résiliation par acquisition de la clause résolutoire

L'article L.145-41, alinéa 1er, du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux » et que « le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».

En vertu de ce texte, si le locataire ne se conforme pas au commandement dans le délai d’un mois, les juges doivent constater l’acquisition de la clause résolutoire, indépendamment de la gravité de la faute commise.

En l’espèce, la clause de destination prévue dans le bail du 16 janvier 2013 est claire et sans équivoque, à savoir que le local commercial est destiné exclusivement à l’exercice de l’activité d’hôtel restaurant et qu’aucune autre activité ne pourra y être exercée, y compris à titre temporaire.

Et sur la composition du local commercial, il est fait état dans le bail d’un immeuble « élevé sur cave de rez-de-chaussée et six étages », mais à aucun moment il n’est mentionné qu’il inclut un logement de fonction au 6ème étage.

Quant au bail commercial antérieur du 16 juillet 1990 et à son avenant de renouvellement à effet au 1er juillet 1999, la preneuse étant alors la société HOTEL DU VIEUX [Localité 3] et la bailleresse d’abord Madame [J] puis la SCI 275, il n’est indiqué ni dans l’un ni dans l’autre que le local commercial loué comprend un logement de fonction au 6ème étage.

En effet, le bail du 16 juillet 1990 stipule : « au sixième étage (mansarde) : 2 chambres, 2 chambres de bonne », avec ces précisions que, sur le bail produit, le paragraphe « DESIGNATION ET EQUIPEMENTS » relatif à la description du local est barré avec l’indication « voir description de l’expert », l’expertise afférente n’étant pas fournie, et que, dans l’avenant, la descripton barrée du bail est pour autant reprise dans le rappel du contenu dudit bail qui précède la partie portant sur ce qui est convenu au titre de l’avenant. Ledit avenant, lui, mentionne pour le paragraphe « DESIGNATION ET EQUIPEMENT » qui lui est propre : « 6ème étage (non desservi par l’ascenseur) : palier, machinerie ascenseur, couloir ; chambre 30 avec salle d’eau (douche, WC) (8,82 m2) plus surface avec HSP 1,80 m ; chambre 32 avec salle de bains (baignoire, WC) (18,27 m2) plus surface avec HSP 1,80 m, cette chambre contient 1 lit à 2 places et 2 lits à 1 place ; Surface du niveau : 40,68 m2 ».

Et il ne peut également absolument pas être déduit de ces stipulations précitées que le 6ème étage a toujours servi au logement du personnel et de l’exploitant, et donc de logement de fonction.

Il n’est en outre pas démontré par la demanderesse que le 6ème étage ne peut faire l’objet d’une exploitation commerciale, celle-ci se contentant de procéder par voie d’affirmations sur ce point.
Quand bien même ledit étage ne serait pas exploitable commercialement, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE ne pourrait pas quoi qu’il en soit en faire un usage non contractuellement prévu.

Sur l’attestation du gérant de la société HOTEL DU VIEUX [Localité 3] en date du 16 novembre 2021, celui-ci écrit, à propos du 6ème étage, qu’il a « isolé et transformé ce grenier en deux chambres confortables dignes d’un hôtel 2 étoiles », ce qui va dans le sens d’un 6ème étage servant à l’usage d’hôtel et non d’un 6ème étage qui, déjà avant le bail du 16 janvier 2013, aurait été utilisé comme logement de fonction.

Par conséquent, au regard des développements qui précèdent, en aménageant le 6ème étage en un appartement de fonction (type T3 de 60 m2 avec une cuisine, une pièce à vivre, une salle de bains et deux chambres) et en l’utilisant comme tel, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE ne s’est pas conformée à la destination du bail commercial, contrairement à ce qu’elle prétend.

La demanderesse a donc enfreint la clause de destination du bail, et il est constant qu’elle n’a pas remédier à cette infraction dans le délai d’un mois après la délivrance le 9 novembre 2020 du commandement d’avoir à respecter la destination du bail visant la clause résolutoire.

Dès lors, il convient de constater l’acquisition de la clause résolutoire au 9 décembre 2020.

L’acquisition de la clause résolutoire étant constatée, il n’y a pas lieu d’examiner la demande de résiliation judiciaire.

Sur l’indemnité d’éviction

La clause résolutoire étant acquise, la demande de la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE au titre de l’indemnité d’éviction ne pourra qu’être rejetée.

Celles de la SCI 275 relatives à cette indemnité deviennent quant à elles sans objet.

Sur la demande d’expulsion

Le bail commercial étant résilié par acquisition de la clause résolutoire au 9 décembre 2020, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE est dès lors occupante sans droit ni titre depuis cette date et la demande d'expulsion de la SCI 275 est donc fondée.

Il sera ainsi ordonné l’expulsion de la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE et de tous occupants de son chef du local commercial sis [Adresse 1], au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier, ce à défaut de restitution volontaire des lieux dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement.

Sur l’indemnité d’occupation

Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
Suivant l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Ainsi, en cas d'atteinte au droit de propriété résultant d'une occupation sans droit ni titre du logement, l'occupant concerné peut être condamné à verser une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer et des charges jusqu'à parfaite libération des lieux afin de compenser cette atteinte.

En l’espèce, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE ne pouvant prétendre à une indemnité d’éviction, l’indemnité d’occupation dont il est question ici est celle de droit commun, et non celle statutaire prévue par l’article L.145-28 du code de commerce incombant au locataire qui se maintient dans les lieux dans l’attente du paiement de l’indemnité d’éviction.

En conséquence, l’article L.145-28 ainsi que les articles L.145-33 et suivants du même code sont inapplicables dans le cadre du présent litige.

S’agissant d’une indemnité d’occupation de droit commun, son quantum correspond aux loyer et charges effectivement dus en exécution du bail.

Ainsi, la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE sera condamnée à verser à la SCI 275 une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges en cours, due depuis le 9 décembre 2020 jusqu’à libération effective des lieux.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE sera condamnée aux dépens.

La SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE, tenue des dépens, sera condamnée à verser la somme de 2500 euros à la SCI 275 au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur l’exécution provisoire

En vertu de l'article 514 du code de procédure civile dans sa version issue du décret du 11 décembre 2019 et applicable à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

L’article 514-1 du même code énonce :
« Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire.
Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé, qu’il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l’instance, qu’il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu’il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. »

En l’espèce, compte tenu des lourdes conséquences pour la preneuse afférentes à la résiliation du bail et à l’impossibilité d’obtenir une indemnité d’éviction qui en découle, il convient d’écarter l’exécution provisoire de droit pour le tout.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant à juge unique, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE de sa demande de nullité du commandement d’avoir à se conformer à la destination du bail commercial du 16 janvier 2013 délivré, à la demande de la SCI 275, par acte d’huissier de justice du 9 novembre 2020 ;

CONSTATE l’acquisition au 9 décembre 2020 de la clause résolutoire stipulée dans le bail commercial du 16 janvier 2013 liant la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE et la SCI 275 et portant sur le local commercial situé [Adresse 1] ;

DEBOUTE la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE de sa demande au titre de l’indemnité d’éviction ;

ORDONNE, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent jugement, l’expulsion de la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE et de tous occupants de son chef du local commercial sis [Adresse 1], au besoin avec le concours de la force publique et d’un serrurier ;

CONDAMNE la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE à verser à la SCI 275 une indemnité d’occupation équivalente au montant du loyer et des charges en cours, due depuis le 9 décembre 2020 jusqu’à libération effective des lieux ;

CONDAMNE la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE aux dépens ;

CONDAMNE la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE à verser à la SCI 275 la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SAS HOTEL DE LA CROIX ROUSSE de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

ECARTE l’exécution provisoire de droit du présent jugement pour le tout.

En foi de quoi le Président et le Greffier ont signé la présente décision.

LA GREFFIERELE PRESIDENT
Patricia BRUNONFrançois LE CLEC'H


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 j
Numéro d'arrêt : 20/08683
Date de la décision : 18/04/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-18;20.08683 ?
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