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04/04/2024 | FRANCE | N°23/10173

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 04 avril 2024, 23/10173


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


JUGEMENT DU : 04 Avril 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 20 Février 2024

PRONONCE: jugement rendu le 04 Avril 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Monsieur [E] [F]
C/ Madame [P] [V]

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/10173 - N° Portalis DB2H-W-B7H-Y2AD


DEMANDEUR

M. [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentÃ

© par Me Edwige MOUILLON, avocat au barreau de LYON



DEFENDERESSE

Mme [P] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Isabelle DAMIANO, avocat au b...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 04 Avril 2024

MAGISTRAT : Daphné BOULOC

GREFFIER : Léa FAURITE

DÉBATS: tenus en audience publique le 20 Février 2024

PRONONCE: jugement rendu le 04 Avril 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Monsieur [E] [F]
C/ Madame [P] [V]

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/10173 - N° Portalis DB2H-W-B7H-Y2AD

DEMANDEUR

M. [E] [F]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Me Edwige MOUILLON, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE

Mme [P] [V]
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Me Isabelle DAMIANO, avocat au barreau de LYON

NOTIFICATION LE :
- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Me Isabelle DAMIANO - 214, Me Edwige MOUILLON - 994
- Une copie à l’huissier instrumentaire : Maître [J] [X], Commissaire de justice à [Localité 4] (69)
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Du mariage de Madame [P] [V] et de Monsieur [E] [F] sont issus quatre enfants : [W] né en 1999, [K] né en 2001, [R] né en 2002 et [U] né en 2007.

Par ordonnance sur mesures provisoires rendue le 21 février 2022, le juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de LYON, statuant en qualité de juge de la mise en état, a notamment :
-fixé la résidence habituelle de [U] au domicile de Madame [P] [V],
-fixé à 400 euros par mois le montant de la contribution aux frais d'entretien et d'éducation de [U] que devait verser Monsieur [E] [F] à Madame [P] [V] à compter de la délivrance de l'assignation en divorce,
-dit que ce montant devrait être payé d'avance au domicile du créancier, sans frais pour lui, au plus tard le 5 du mois, même pendant les périodes d'exercice du droit de visite et d'hébergement ou en périodes de vacances,
-condamné Monsieur [E] [F] au paiement de ladite pension alimentaire,
-dit que la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants serait due même au-delà de leur majorité, tant qu'ils poursuivent des études ou jusqu'à ce qu'ils exercent une activité rémunérée de façon régulière et suffisante,
-dit que le parent créancier devrait justifier à l'autre parent, à compter des 18 ans des enfants, chaque année, par lettre recommandée et avant le 1er novembre, de ce que ceux-ci se trouvent toujours à charge,
-dit que la contribution à l'entretien et l'éducation des enfants sera revalorisée à la diligence du débiteur lui-même, le 1er janvier de chaque année, en fonction de la variation subie par l'indice des prix à la consommation hors tabac de l'ensemble des ménages publié par l'I.N.S.E.E,
-dit que la première valorisation interviendrait le 1er janvier 2023, que les paiements devront être arrondis à l'euro le plus proche, et que la revalorisation devra être calculée comme suit : pension revalorisée = montant initial X nouvel indice
indice de base

dans laquelle l'indice de base est celui du jour de la décision et le nouvel indice est le dernier publié à la date de la revalorisation ;
-dit que les frais exceptionnels afférents à [W], [K] et [R] (frais de scolarité, permis de conduire, frais de santé restés à charge) nés depuis la délivrance de l'assignation seraient partagés par moitié entre les parents sous réserve d'avoir été acceptés par les deux parents,
-dit que les frais exceptionnels afférents à [U] (frais de scolarité, voyages scolaires, permis de conduire, frais de santé restés à charge) nés depuis la délivrance de l'assignation seraient partagés par moitié entre les parents sous réserve d'avoir été acceptés par les deux parents,
-rappelé qu'en cas de défaillance dans le règlement des sommes dues :
1. Le créancier peut en obtenir le règlement forcé en utilisant à son choix une ou plusieurs des voies d'exécution suivantes :
- saisie-arrêt entre les mains d'un tiers,
- autres saisies,
- paiement direct entre les mains de l'employeur,
- recouvrement public par l'intermédiaire du procureur de la République ;
2. Le débiteur encourt les peines des articles 227-3 et 227-29 du code pénal : deux ans d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende, interdiction des droits civiques, civils et de famille, suspension ou annulation du permis de conduire, interdiction de quitter le territoire de la République.

Par arrêt en date du 17 novembre 2022, la Cour d'appel de LYON a réformé, à compter de l'arrêt, l'ordonnance sur mesures provisoires et statuant à nouveau, a :
-fixé la résidence de [L] en alternance au domicile de ses parents,
-supprimé à compter de l'arrêt la contribution de Monsieur [E] [F] au titre de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de [L],
-dit que les frais de scolarité, de cantine, d'activités extra-scolaires, de soins médicaux relatifs à [L] non remboursés par la sécurité sociale et par la mutuelle de soins, seraient partagés dans la proportion de 60 % à la charge de Monsieur [E] [F] et de 40 % à la charge de Madame [P] [V].

Le 06 novembre 2023, une saisie attribution a été pratiquée entre les mains de la SOCIETE GENERALE à l'encontre de Monsieur [E] [F] par Maître [J] [X], Commissaire de justice à [Localité 4] (69), à la requête de Madame [P] [V] pour recouvrement de la somme de 11.450,86 € en principal, accessoires et frais.

La saisie a été dénoncée à Monsieur [E] [F] le 08 novembre 2023.

Par acte d'huissier en date du 08 décembre 2023, Monsieur [E] [F] a donné assignation à Madame [P] [V] d'avoir à comparaître devant le Juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Lyon afin de voir :
-voir juger que Madame [P] [V] ne justifie pas du montant de sa créance ni de son caractère liquide et exigible,
-voir prononcer l'annulation du procès-verbal de saisie-attribution du 06 novembre 2023 et l'acte de signification de dénonciation du procès-verbal en date du 08 novembre 2023 ainsi que de tous actes subséquents,
-voir ordonner la mainlevée de la saisie-attribution,
-condamner Madame [P] [V] à lui verser la somme de 2000 € à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi, de 133 € au titre des frais liés à la saisie prélevée par la SOCIETE GENERALE suite à la saisie, de 1.200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, et la condamner aux dépens.

L'affaire a été appelée à l'audience du 09 janvier 2024, puis renvoyée au 06 février 2024 et au 20 février 2024, date à laquelle elle a été évoquée.

A cette audience, Monsieur [E] [F], représenté par son conseil, réitère ses demandes.

Il sollicite également, à titre subsidiaire, d'ordonner la compensation avec la créance qu'il détient sur Madame [P] [V] et augmente sa demande d'indemnité de procédure à hauteur de 1800 €.

Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que la saisie ne produit pas un décompte précis des sommes réclamées, se contentant de fournir le montant de la créance année par année. Il estime que certaines dépenses visées en pièces justificatives ne rentrent pas dans le champ des frais des enfants dont le juge a ordonné le partage et qu'elles n'ont pas été précédées de son accord. Il précise qu'en tout état de cause, un accord de règlement est intervenu avec la CAF s'agissant du règlement de l'arriéré de la pension alimentaire. Au fond, il estime que la créance n'est pas fondée. Il ajoute que Madame [P] [V] échoue à rapporter la preuve que les dépenses dont elle réclame le remboursement ont été affectées avec son accord et qu'elle ne justifie pas non plus avoir réglé elle-même les dépenses dont elle se prétend créancière. Il ajoute que certaines dépenses ne sont pas en tout état de cause exigibles, car préalables à la délivrance de l'assignation en divorce. Il précise que les frais de transport scolaire, de carte grise, de contrôle technique et d'assurance automobile ne peuvent être considérés comme des frais exceptionnels et que pour les dépenses médicales, les frais non remboursés ont dû être pris en charge par la mutuelle.

Madame [P] [V], représentée par son conseil, conclut au débouté du demandeur en l'ensemble de ses prétentions.

A titre reconventionnel, elle sollicite de condamner Monsieur [E] [F] à lui payer la somme de 1200 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Au soutien de ses conclusions de débouté, elle expose que la saisie litigieuse peut être cantonnée à la somme de 8.760,91 €, indiquant justifier de l'ensemble des dépenses engagées en vertu du titre exécutoire. Elle précise que sur cette créance, un arriéré de pension alimentaire a bien été créé par Monsieur [E] [F], l'accord avec la CAF conclu ne concernant que le remboursement de l'ASF et non l'arriéré de pension alimentaire. Elle estime que Monsieur [E] [F] a lui-même pris en charge des leçons de conduite pour ses enfants, ce qui signifie qu'il était bien d'accord avec l'engagement de dépenses dédiées à l'obtention de leur permis de conduire. Elle conteste tout caractère abusif à la mesure faute d'exécution spontanée de la part de Monsieur [E] [F].

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 04 avril 2024, date à laquelle la présente décision a été rendue.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu l'assignation susvisée et les conclusions déposées par les parties à l'audience et reprises oralement lors des débats ;

Sur la recevabilité de la contestation

Aux termes de l'article R211-11 du Code des procédures civiles d'exécution, à peine d'irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'huissier de justice qui a procédé à la saisie. L'auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l'assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l'exécution au plus tard le jour de l'audience.

En l'espèce, la saisie-attribution pratiquée le 06 novembre 2023 a été dénoncée le 08 novembre 2023 à Monsieur [E] [F], de sorte que la contestation, élevée par acte d'huissier en date du 08 décembre 2023 dont il n'est pas contesté qu'il a été dénoncé le jour même ou le premier jour ouvrable, par lettre recommandée avec avis de réception, à l'huissier instrumentaire, est recevable.

Monsieur [E] [F] est donc recevable en sa contestation.

Sur la demande principale d'annulation et de mainlevée de la saisie attribution

L'article L211-1 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que tout créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d'un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d'argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

Aux termes de l'article R211-1 du Code des procédures civiles d'exécution, le créancier procède à la saisie par acte d'huissier de justice signifié au tiers.

Cet acte contient à peine de nullité :
1° L'indication des nom et domicile du débiteur ou, s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social ;
2° L'énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée ;
3° Le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorées d'une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d'un mois prévu pour élever une contestation ;
4° L'indication que le tiers saisi est personnellement tenu envers le créancier saisissant et qu'il lui est fait défense de disposer des sommes réclamées dans la limite de ce qu'il doit au débiteur ;
5° La reproduction du premier alinéa de l'article L. 211-2, de l'article L. 211-3, du troisième alinéa de l'article L. 211-4 et des articles R. 211-5 et R. 211-11.
L'acte indique l'heure à laquelle il a été signifié.

Monsieur [E] [F] sollicite la nullité de l'acte de saisie-attribution au motif que le décompte des sommes réclamées est imprécis.

L'article 114 du Code de procédure civile dispose que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

Sur le principal moyen tiré de l'absence de décompte précis figurant à l'acte de saisie

Dans le cas présent, le procès-verbal mentionne dans un tableau le principal de la créance à hauteur de :
-50 % de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sur 2021 (total 17.706,55€) soit la somme de 8853,27 €,
-60 % de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sur 2022 (total 2810,59 €) soit 1689,35 €,
-60 % de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sur 2023 (total 233 €) soit la somme de 139,80 €,
-ainsi que les frais de procédure, sans réclamer d'intérêts.

L'acte de saisie comporte donc bien le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts, puisqu'aucun intérêt n'est réclamé.

En revanche, l'acte de saisie qui repose sur plusieurs titres exécutoires et des créances diverses portées par ces titres ne porte pas ventilation ou précision des créances réclamées. L'acte du commissaire de justice se borne à mentionner un principal de " contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants " alors que les sommes semblent correspondre à la prise en charge de frais concernant les enfants, hors pension alimentaire dès lors qu'elles sont affectées d'un pourcentage correspondant à la répartition des frais fixée par le juge aux affaires familiales.

De plus, l'acte de saisie ne comporte pas de tableau détaillant le principal, comme cela est fréquent en la matière. Ainsi, ne sont pas distingués dans l'acte litigieux les créances recouvrées, tels la contribution alimentaire, son indexation, ou les remboursements de frais réclamés, de scolarité, de soins ou de cantine.

Il est ainsi bien établi que le débiteur saisi ne peut à la seule lecture de l'acte de saisie déterminer quelles sont les sommes réclamées.

Le décompte n'apparaît donc pas conforme aux dispositions légales précitées, de sorte que la nullité est encourue.

Cependant, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge de prouver un grief, s'agissant d'une irrégularité de forme. Il convient donc de déterminer si Monsieur [E] [F] était en mesure de comprendre les sommes réclamées au vu notamment des échanges entre les parties.

Sur ce point, il ressort des pièces versées que Monsieur [E] [F] a été destinataire d'un décompte actualisé transmis par le commissaire de justice instrumentaire le 22 novembre 2023 soit durant le délai de contestation de la saisie litigieuse, précisant à nouveau les sommes réclamées en principal à hauteur de :
-8853,27 € (contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sur 2021, 50 % du total de 17.706,55 €),
-1584,03 € (contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sur 2022, 50 % du total de 3168,06 €),
-264,80 € (contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants sur 2023, 60 % du total de 233 € et 50 % du total de 250 €).

Le décompte était accompagné de pièces justificatives, portant sur des frais de scolarité relatifs aux enfants sur les années 2021 à 2023.

Pour autant, force est de constater que ce nouveau décompte transmis le 22 novembre 2023 ne permet toujours pas à Monsieur [E] [F] de comprendre les sommes qui lui étaient réclamées dès lors que :
-Le montant total des sommes réclamées par année n'est pas justifié par les pièces produites, et il n'est pas possible de comprendre les sommes réclamées à la seule lecture de celles-ci ; sur l'année 2021, le montant total des frais justifiés calculé à partir de l'addition des frais visés dans les pièces transmises atteint seulement la somme de 3829,75 €, ce qui ne correspond pas à la somme visée sur l'année 2021 dans le décompte actualisé à hauteur 17.706,55 € (Madame [P] [V] le reconnaissant elle-même aux termes de ses écritures), ce qui est également le cas pour les années 2022 et 2023, aucune pièce ne permettant de retrouver le montant de 3168,06 € réclamé au titre de l'année 2022 (Madame [P] [V] le reconnaissant elle-même aux termes de ses écritures), et de 264,80 € au titre de l'année 2023,
-Aucune ventilation n'est prévue, notamment s'agissant de la période visée dans les sommes réclamées, alors que l'arrêt d'appel ne date que de novembre 2022 et nécessite pour le moins une ventilation sur l'année 2022 quant au pourcentage à appliquer dans la répartition des frais de prise en charge, le point de départ devant être fixé au 19 mai 2021,
-Aucune explication, ni décompte détaillé, ni précision quant au calcul effectué n'est produit au titre de l'année 2023, que ce soit sur les sommes visées ou la ventilation apportée (tantôt 50 % tantôt 60 %), étant indiqué que les frais de transport concernent tant l'année 2022 (dernier trimestre) que l'année 2023 (jusqu'au 31 août), de même que les frais GMF (couvrant l'année 2022 et l'année 2023),
-Madame [P] [V] fait valoir une créance tirée d'un arriéré de pension alimentaire dans ses écritures, ce qui ne ressort aucunement du décompte actualisé, dès lors qu'il ne porte que sur des pourcentages (soit 50 %, soit 60 %) de frais annexes engagés pour les enfants, au demeurant non justifiés dans leur intégralité.

Ainsi, le décompte actualisé transmis au débiteur saisi et les pièces justificatives annexées ne l'ont toujours pas mis en mesure de comprendre les sommes qui lui étaient réclamées, ce qui l'a contraint à saisir le juge de l'exécution sans connaissance des créances qui lui étaient réellement réclamées, en témoigne si besoin est les discussions des parties sur l'arriéré de pension alimentaire qui ne ressort aucunement du décompte visé dans l'acte litigieux.

Au surplus, force est de constater que le commissaire de justice instrumentaire s'est manifestement trompé de vocable en se référant à la " contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants " alors qu'il s'agit en réalité de frais annexes. Le grief tiré de l'incompréhension des sommes réclamées, y compris devant le juge de l'exécution, est particulièrement caractérisé dès lors qu'en parallèle, Monsieur [E] [F] justifie avoir obtenu un échelonnement de l'arriéré de pension alimentaire avec la CAF (pièce 7 en demande). L'acte de saisie ne fait pas mention d'un arriéré, de sorte que la créancière n'est pas en mesure de viser dans ses écritures des sommes de ce chef, non visées dans l'acte de saisie.

Le grief est donc d'autant plus établi que la saisie a conduit à bloquer une somme auprès de la banque de Monsieur [E] [F] bien supérieure à la somme visée dans l'acte de saisie, ce qui est en tout état de cause reconnu par Madame [P] [V] aux termes de ses écritures.

En conséquence, la nullité du procès-verbal de saisie-attribution du 6 novembre 2023 est encourue. La saisie-attribution n'étant pas dotée d'un décompte de créance conforme aux exigences de forme imposées par l'article R211-1 du Code des procédures civiles d'exécution, elle est atteinte d'une cause de nullité, qu'il convient de prononcer.

Sur la demande de dommages et intérêts

L'article L121-2 du Code des procédures civiles d'exécution dispose que le Juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.

Il est constant que l'exercice d'un droit ne dégénère en abus qu'en cas d'attitude fautive génératrice d'un dommage.

Dans le cas présent, si la saisie-attribution fait l'objet d'une annulation, il n'est toutefois pas, pour autant, démontré que la pratique d'une saisie-attribution par Madame [P] [V], qui a reconnu elle-même des erreurs de calcul, soit constitutive d'un abus de saisie, celle-ci étant munie de deux titres exécutoires à l'encontre de Monsieur [E] [F]. L'appréciation inexacte qu'elle a faite de ses droits ne saurait constituer à elle-seule une faute.

Aucune faute n'est donc établie par le demandeur à l'encontre de la créancière.

En conséquence, Monsieur [E] [F] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour saisie abusive.

Sur la demande de prise en charge des frais de saisie

Aux termes de l'article L111-8 du Code des procédures civiles d'exécution, à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.

En l'espèce, Monsieur [E] [F] justifie, par la production du courrier de son établissement bancaire, que la saisie a engendré un coût de 133 € qu'il a supporté.

Celle-ci faisant l'objet d'une annulation, il y a lieu de mettre à la charge de Madame [P] [V], à l'initiative de la saisie litigieuse, la somme ainsi rapportée.

Sur les autres demandes

En application des articles 696 et 700 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

Madame [P] [V], qui succombe, supportera les dépens de l'instance et sera déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à Monsieur [E] [F] la somme de 500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

LE JUGE DE L'EXÉCUTION, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare Monsieur [E] [F] recevable en sa contestation de la saisie-attribution du 06 novembre 2023 qui lui a été dénoncée le 08 novembre 2023 ;

Prononce la nullité de la saisie-attribution pratiquée le 06 novembre 2023 entre les mains de la SOCIETE GENERALE à l'encontre de Monsieur [E] [F] à la requête de Madame [P] [V] ;

Déboute Monsieur [E] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour saisie abusive ;

Condamne Madame [P] [V] à payer à Monsieur [E] [F] la somme de 133 € au titre des frais bancaires de saisie ;

Condamne Madame [P] [V] à payer à Monsieur [E] [F] la somme de 500 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboute Madame [P] [V] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Madame [P] [V] aux dépens ;

Rappelle que les décisions du Juge de l'Exécution bénéficient de l'exécution provisoire de droit.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.

La greffièreLa juge de l’exécution


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 23/10173
Date de la décision : 04/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-04;23.10173 ?
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