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14/03/2024 | FRANCE | N°19/02934

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 j, 14 mars 2024, 19/02934


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 19/02934 - N° Portalis DB2H-W-B7D-TZ2T

Jugement du 14 mars 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :

Maître Sophie LAURENDON de la SELARL ADK - 1086
Maître Edith COLOMB de la SELARL ATHOS AVOCATS - 755
Maître Olivier COSTA de la SELARL BISMUTH AVOCATS - 88
Maître Patrick LEVY de la SELARL LEVY ROCHE SARDA - 713





REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FR

ANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 19/02934 - N° Portalis DB2H-W-B7D-TZ2T

Jugement du 14 mars 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Maître Sophie LAURENDON de la SELARL ADK - 1086
Maître Edith COLOMB de la SELARL ATHOS AVOCATS - 755
Maître Olivier COSTA de la SELARL BISMUTH AVOCATS - 88
Maître Patrick LEVY de la SELARL LEVY ROCHE SARDA - 713

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 11 avril 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 19 octobre 2023 devant :

François LE CLEC’H, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.R.L. AUTO-ECOLE GRAND TEST
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 4]

représentée par Maître Patrick LEVY de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocats au barreau de LYON

DEFENDEURS

Compagnie d’assurances HDI GLOBAL SE (anciennement dénommée HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG)
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est [Adresse 5]

représentée par Maître Sophie LAURENDON de la SELARL ADK, avocats au barreau de LYON

Syndicat de copropriétaires de l’immeuble Le Castel situé [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice le CABINET RIVOIRE, domicilié : chez CABINET RIVOIRE, dont le siège social est sis [Adresse 3]

représenté par Maître Sophie LAURENDON de la SELARL ADK, avocats au barreau de LYON

S.A. CABINET RIVOIRE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Edith COLOMB de la SELARL ATHOS AVOCATS, avocats au barreau de LYON

Madame [E] [M]
domiciliée : chez SARL IMMOBILIERE DABRETEAU
[Adresse 2]

représentée par Maître Olivier COSTA de la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocats au barreau de LYON

Compagnie d’assurances MACIF
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Olivier COSTA de la SELARL BISMUTH AVOCATS, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Le local commercial appartenant à Madame [E] [M] et se trouvant au sein de l’immeuble Le Castel, immeuble en copropriété, sis [Adresse 4]), a été loué à la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST

La gestion de ce local est assurée par la régie DABRETEAU.

Le syndic de copropriété de l’immeuble est la société CABINET RIVOIRE (ci-après le CABINET RIVOIRE).

La bailleresse est assurée auprès de la compagnie d’assurances MACIF, et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Castel auprès de la compagnie HDI GLOBAL SE, anciennement dénommée HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG.

Le 5 novembre 2017, la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST a subi un dégâts des eaux, qui s’est poursuivi jusqu’au début du mois de mai 2018. Le syndic a fait procéder aux travaux de réparation au début de ce mois.

Par courriers des 27 mars et 7 juin 2018, la compagnie d’assurance AVIVA, assureur de la société AUTO-ECOLE GRAND TEST, a refusé de mettre en œuvre sa garantie.

Par actes d’huissier de justice des 25 janvier et 4 février 2019, la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST a assigné le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE, Madame [M] et la MACIF devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de :
dire et juger que le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] ont commis des manquements engageant leur responsabilité délictuelle et ouvrant droit à réparation ; condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] à payer à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 8000 euros au titre du préjudice de jouissance ; condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] à payer à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST les sommes suivantes au titre des préjudices commercial et financier : 9762,51 euros correspondant à la perte de chiffre d’affaires depuis le sinistre ; 5712 euros correspondant à sa dette fiscale ; 632 euros correspondant à sa dette de cotisations sociales ; 6295,10 euros correspondant à sa dette de loyers PEUGEOT ; 5200 euros correspondant aux mensualités non honorées du crédit ADIE ; 3120 euros correspondant aux prestations comptables impayées ; dire et juger le jugement à intervenir opposable à la MACIF et à l’assureur du syndicat des copropriétaires ; condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] à payer à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 1000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner les mêmes in solidum aux dépens.
Cette procédure a été enrôlée sous le n°RG 19/02934.

Par acte d’huissier du 30 octobre 2019, Madame [M] et la MACIF ont assigné la compagnie HDI GLOBAL SE, anciennement dénommée HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins d’ordonner la jonction de cette instance avec celle n°RG 19/02934 et de la dire et juger commune et opposable à la compagnie HDI.

Cette procédure a été enrôlée sous le n°RG 19/10675.

Par ordonnance du 11 décembre 2019, le juge de la mise en état a joint ces deux instances sous le n° RG 19/02934.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 décembre 2020, la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST demande au tribunal de :
dire et juger que le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] ont commis des manquements engageant leur responsabilité délictuelle et ouvrant droit à réparation ; condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] à payer à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 8000 euros au titre du préjudice de jouissance ; condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] à payer à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST les sommes suivantes au titre des préjudices commercial et financier : 9762,51 euros correspondant à la perte de chiffre d’affaires depuis le sinistre jusqu’aux travaux de réparation ; 5712 euros correspondant à sa dette fiscale ; 632 euros correspondant à sa dette de cotisations sociales ; 6295,10 euros correspondant à sa dette de loyers PEUGEOT ; 5200 euros correspondant aux mensualités non honorées du crédit ADIE ; 3120 euros correspondant aux prestations comptables impayées ; dire et juger le jugement à intervenir opposable à la MACIF et à la société HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG, assureur du syndicat des copropriétaires ; débouter le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE, Madame [M], la MACIF et la société HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG de toutes demandes plus amples ou contraires ; condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, le CABINET RIVOIRE et Madame [M] à payer à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 1000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner les mêmes in solidum aux dépens.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 10 mars 2021, Madame [M] et la MACIF demandent au tribunal de :
à titre principal :
débouter la société AUTO-ECOLE GRAND TEST de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la MACIF et de Madame [M] ; débouter l’ensemble des parties de leurs demandes à l’encontre de la MACIF et de Madame [M] ; à titre subsidiaire :
condamner la société HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG à relever et garantir la MACIF et Madame [M] de toutes condamnations qui pourraient être mises à leur charge ; en tout état de cause : condamner la société AUTO-ECOLE GRAND TEST à verser à la MACIF et Madame [M] la somme de 1000 euros chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; débouter la société HDI GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions.
Dans leurs dernières conclusions notifiées par RPVA le 15 juillet 2021, le syndicat des copropriétaires et la société HDI GLOBAL SE demandent au tribunal de :
à titre principal :
sur le principe de la demande de la société AUTO-ECOLE GRAND TEST à l’encontre du syndicat des copropriétaires ; dire et juger qu’aucune faute n’est démontrée à l’encontre du syndicat des copropriétaires ; dire et juger que les manquements commis par la société AUTO-ECOLE GRAND TEST caractérisent une faute de sa part qui justifie a minima un partage de responsabilité, constituant une cause d’exonération partielle de responsabilité pour le syndicat des copropriétaires ; débouter, à tout le moins partiellement, la société AUTO-ECOLE GRAND TEST de ses demandes à l’encontre du syndicat des copropriétaires ; sur le principe de la demande de garantie de Madame [M] et de la MACIF à l’encontre de la compagnie HDI GLOBAL SE ; dire et juger que Madame [M] et/ou la MACIF sont infondées à solliciter la garantie de la compagnie HDI GLOBAL SE, que ce soit au titre du volet « Responsabilités assurées au titre de la garantie « Dommages » » pour la responsabilité de l’assurée à l’égard du locataire ou des tiers, du volet « F. Responsabilité Civile », ou de tout autre volet ; dire et juger que Madame [M] est garantie par la MACIF au titre des dommages immatériels de sa locataire, et notamment cas de dégât des eaux ; débouter Madame [M] et la MACIF de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre de la compagne HDI GLOBAL SE ; à titre subsidiaire :
dire et juger qu’il incombe à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST d’établir la réalité et le caractère certain et déterminé des préjudices qu’elle allègue, ainsi que l’éventuel lien de causalité entre les préjudices allégués et le sinistre du 5 novembre 2017 ; dire et juger que la société AUTO-ECOLE GRAND TEST ne justifie pas de la recevabilité et du bien fondé d’aucune des demandes qu’elle formule au titre des préjudices qu’elle allègue ; dire et juger qu’il y a lieu de faire application de la franchise stipulée de 500 euros ; dire et juger que les demandes de la société AUTO-ECOLE GRAND TEST sont infondées dans leur quantum ; débouter la société AUTO-ECOLE GRAND TEST, Madame [M], la MACIF et toute autre partie de l’ensemble de leurs demandes à l’encontre du syndicat des copropriétaires et de la compagnie HDI GLOBAL SE, ou les ramener à de plus justes proportions dans leur montant ; en tout état de cause : débouter la société AUTO-ECOLE GRAND TEST, ou tout autre partie, de leur demande tendant à ce que le jugement soit assorti de l’exécution provisoire, et écarer le cas échéant l’exécution provisoire de droit ; condamner Madame [M] et/ou la MACIF, ou qui mieux le devra, à devoir verser au syndicat des copropriétaires et à la compagnie HDI GLOBAL SE la somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner les mêmes, ou qui mieux le devra, aux dépens.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 11 décembre 2019, le CABINET RIVOIRE demande au tribunal de :
débouter purement et simplement la société AUTO-ECOLE GRAND TEST de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l’encontre du CABINET RIVOIRE ; en tout état de cause ;
rejeter toutes demandes qui pourraient être formées à l’encontre du CABINET RIVOIRE ; à titre très infiniment subsidiaire ;
condamner Madame [M] et son assureur la MACIF à relever et garantir le CABINET RIVOIRE de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ; dans tous les cas ;
condamner la société AUTO-ECOLE GRAND TEST ou qui mieux le devra à régler au CABINET RIVOIRE la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par ordonnance du 11 avril 2022, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 19 octobre 2023 et mise en délibéré au 25 janvier 2024. Le délibéré a été prorogé au 29 février 2024, puis au 14 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’exception de procédure soulevée par le CABINET RIVOIRE dans ses dernières conclusions

En vertu de l'article 753 du code de procédure civile, dans sa version antérieure applicable au présent litige, dans le cadre d'une procédure écrite et s'agissant des instances introduites à compter du 11 mai 2017, le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. En d'autres termes, il n'est saisi que des prétentions mentionnées dans ce dispositif.

En l'espèce, l'instance a été introduite par assignations de la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST des 25 janvier et 4 février 2019, soit après le 11 mai 2017.

Le tribunal n'est dès lors saisi que des prétentions formulées dans le dispositif des conclusions des parties.

A cet égard, dans sa discussion, le CABINET RIVOIRE soulève une exception de procédure, mais ne formule dans son dispositif aucune demande relative à cette exception de procédure.

Dès lors, le tribunal n’est saisi d’aucune prétention concernant cette exception de procédure.

Il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur celle-ci.

Sur les demandes indemnitaires de la société AUTO-ECOLE GRAND TEST

Sur les responsabilités

Sur la responsabilité de la bailleresse

Il convient tout d’abord d’indiquer que l’éventuelle responsabilité de Madame [M] à l’égard de la société AUTO-ECOLE GRAND TEST est contractuelle et non extra-contractuelle, ce puisqu’elle trouve sa source dans le bail liant ces deux parties et les obligations qui en découlent, avec parmi elles l’obligation d’assurer au preneur une jouissance paisible des lieux.

Ensuite, à propos de cette obligation, elle incombe au bailleur pendant toute la durée du bail en vertu de l’article 1719, 3°, du code civil.

En cas de manquement à celle-ci, la responsabilité contractuelle du bailleur peut être engagée.

A cet égard, l’article 1147 du code civil, dans sa version antérieure applicable au présent litige, dispose que « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part ».

En l’espèce, d’une part, le rapport d’expertise amiable de la société HYDROTECH, mandatée par le syndic, en date du 16 mars 2018 mentionne qu’une fuite sur la colonne d’évacuation commune passant dans les murs des cuisines est à l’origine des désordres.
Le 22 mars 2018, le CABINET RIVOIRE adresse un email au conseil de la demanderesse dans lequel il s’associe aux conclusions du rapport étant donné que, dans ce courriel, il écrit qu’il « confirme que l’origine de la fuite a été repérée par l’entreprise AREPA HYDROTECH » et qu’« il s’agit d’un percement sur une colonne de chute des eaux usées, situé dans la dalle entre le 2ème et le 3ème étage ».  

Le rapport d’expertise amiable de la société SARETEC, mandatée par la MACIF, en date du 24 août 2018 indique également : « Dommages constatés FUITE RUPTURE CANAL COLLEC ACCESS Faux plafond dalle + peinture local rdc ».

En conséquence, compte tenu de ces éléments concordants, l’origine des désordres consiste en une fuite d’une canalisation commune de l’immeuble. En d’autres termes, cette origine se trouve dans une fuite d’une partie commune de l’immeuble.

D’autre part, il n’est pas démontré un manque de diligences du bailleur à la suite du dégât des eaux.
En conséquence, il ne peut être retenu un manquement de Madame [M] à son obligation de jouissance paisible.

La société AUTO-ECOLE GRAND TEST sera donc déboutée de ses demandes indemnitaires à l’encontre de Madame [M].
Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

Selon l’article 14, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965, dans sa version applicable au litige, le syndicat des copropriétaires « est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par le vice de construction ou le défaut d’entretien des parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires ».

En l’espèce, il a été vu ci-dessus que les désordres proviennent d’une fuite d’une canalisation commune de l’immeuble, c’est-à-dire d’une partie commune de l’immeuble.

Il s’agit donc d’un défaut d’entretien des parties communes qui engage la responsabilité du syndicat des copropriétaires vis-à-vis de la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST, tiers locataire.

Sur la responsabilité du syndic de copropriété

L’article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

A ce titre, suivant l’article 18, I, de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est notamment chargé « d’administrer l’immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d’urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l’exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci ».

En l’espèce, il est à signaler qu’il est stipulé au point 57° du bail commercial que le locataire doit « prévenir immédiatement, par lettre recommandée, le bailleur ou son mandataire et le syndic de la copropriété de tout sinistre sous peine de tous dommages-intérêts ».

Si, ainsi que cela ressort des échanges d’emails produit par la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST (pièce 22), celle-ci démontre avoir averti promptement la régie DABRETEAU, mandataire de Madame [M], quand bien même cet avertissement n’a pas été effectué par lettre recommandée, la demanderesse n’établit pas en revanche avoir informé rapidement le syndic de la copropriété. Au contraire, suivant l’échange d’emails précités, c’est la mandataire qui invite la locataire à contacter le syndic dans un courriel du 3 janvier 2018.

Quant au syndic, il a missionné la société HYDROTECH le 19 janvier 2018 pour la recherche de fuite, société qui est intervenue les 5 février et 15 mars 2018 et a rendu son rapport le 16 mars 2018 (cf. rapport de ladite société). Les travaux de réparation ont eu lieu début mai 2018 (fait constant et facture de la société FERRARIS ayant procédé à ces travaux en date du 4 mai 2018). Depuis, il n’y a plus eu de désordres (fait constant également).

Et, sur le moyen tiré de l’urgence et de l’atteinte à la sauvegarde de l’immeuble imposant de prendre rapidement les mesures appropriées sans attendre d’organiser une assemblée générale, la demanderesse ne peut valablement l’invoquer dès lors qu’elle ne démontre pas avoir informé promptement le syndic du sinistre une fois celui-ci survenu, ce alors même que le bail commercial mettait à sa charge une telle obligation. En outre, il n’est pas établi que le dégât des eaux a entraîné une atteinte à la sauvegarde de l’immeuble qui aurait justifié de prendre en urgence les mesures nécessaires aux fins d’assurer cette sauvegarde.

Dans ces conditions, la responsabilité du syndic de copropriété ne peut être engagée et la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST sera déboutée de ses demandes indemnitaires formées à son encontre.

Sur la faute de la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST

En matière de responsabilité civile, la faute de la victime est limitative, voire exonératoire, de responsabilité.

En l’espèce, le point 57° du bail commercial prévoit que le locataire doit « prévenir immédiatement, par lettre recommandée, le bailleur ou son mandataire et le syndic de la copropriété de tout sinistre sous peine de tous dommages-intérêts ». Cette obligation s’applique donc peu important la question de l’origine du sinistre.

Or, ainsi qu’il a été vu, la locataire a informé rapidement la mandataire de la bailleresse, même si cette information n’a pas été transmise sous la forme d’une lettre recommandée, mais elle n’a pas démontré avoir satisfait à cette obligation à l’égard du syndic de la copropriété.

La SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST a dès lors commis une faute qui vient limiter la responsabilité du syndicat des copropriétaires.

Sur cette limitation, étant donné que la demanderesse a malgré tout signalé promptement le sinistre à la régie DABRETEAU et que le syndic est intervenu au moins à compter du 19 janvier 2018 (date de l’ordre de mission de la société HYDROTECH), soit 2 mois après le 5 novembre 2017, date du début du sinistre, il y a lieu de considérer que la faute de la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST vient limiter la responsabilité du syndicat des copropriétaires de 5%.

Sur les préjudices

Sur le préjudice de jouissance
En l’espèce, dans le procès-verbal de constat d’huissier du 22 janvier 2018 portant sur le local commercial de la société AUTO-ECOLE GRAND TEST, il est mentionné :
« Salle de code
De l’eau est présente au sol. […]
Une dalle est tombée, en fond de pièce, qui découvre le plafond avec un lattis de roseaux et différentes gaines électriques. […]
Deux dalles sont tombées le long du mur de droite, le mur de porte.
Les dalles qui se sont effondrées sont présentes au sol.
De l’eau est visible au sol.
Les dalles en plafond sont humides au toucher.
Des taches mouillées sont visibles en partie supérieure.
[…]
Vestiaires en tout fond du local
Le long du mur de façade donnant sur la cour, trois dalles de plafond sont tombées, des morceaux de dalle mouillée jonchent le sol.
Un canapé est protégé par un Polyane, de l’eau est présente dans celui-ci.
Dans l’angle Nord Est, l’eau goutte depuis le plafond dans un seau.
Je note qu’au plafond un lattis de roseaux est visible.
Le lattis est totalement détrempé et mouillé et de l’eau goutte depuis celui-ci, venant de l’étage supérieur. »

Ainsi, s’il n’est pas suffisamment démontré par les pièces versées aux débats que les désordres causés par le dégât des eaux ont entraîné une impossibilité totale d’exploitation, il n’en demeure pas moins qu’au regard de ces constatations de l’huissier de justice, ils ont forcément affecté cette exploitation, en particulier la chute de dalles du plafond en plusieurs endroits du local commercial. Les conditions d’exploitation se sont nécessairement dégradées et de manière non négligeable au vu des désordres observés.

Cette dégradation s’est étalée du 5 novembre 2017, date de début du sinistre, jusqu’à la réalisation des travaux de réparation début mai 2018, soit sur près de 6 mois.

En conséquence, la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST a subi un préjudice de jouissance qu’il convient de fixer à la somme de 4750 euros après application de la limitation de responsabilité de 5%.

Le syndicat des copropriétaires sera donc condamné à verser à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 4750 euros au titre du préjudice de jouissance de cette dernière.
Sur le préjudice lié à la perte de chiffre d’affaires
En l’espèce, tout d’abord, pour pouvoir apprécier l’évolution du chiffre d’affaires pendant le sinistre, les périodes à prendre en compte sont celle du sinistre, soit du mois de novembre 2017 au mois de mai 2018, et la même période l’année antérieure, soit du mois de novembre 2016 au mois de mai 2017.
Cette appréciation ne peut être juste si sont incluses des périodes différentes de celles correspondant à l’intervalle de temps au cours duquel le sinistre s’est déroulé.
Ainsi, l’analyse réalisée par le syndicat des copropriétaires en comparant l’année 2017 avec l’année 2016 ne peut être retenue.

Ensuite, il est à indiquer que le préjudice susceptible d’indemnisation consiste non pas dans la perte de chiffre d’affaires, mais dans la perte de chance de réaliser un chiffre d’affaires.

Sur ce préjudice, suivant l’attestation de l’expert comptable du 3 juillet 2018 fournie par la demanderesse, le chiffre d’affaires pour la période du 1er novembre 2016 au 31 mai 2017 était de 17 835,84 euros HT et celui pour la période du 1er novembre 2017 au 31 mai 2018 était de 8073,33 euros HT.
La SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST a donc subi pendant la période du sinistre une baisse de son chiffre d’affaires d’un montant de 9762,51 euros HT par comparaison à celui réalisé sur la même période l’année précédente.

En conséquence, il y a eu une baisse importante du chiffre d’affaires de la demanderesse spécifiquement pendant la durée du sinistre et, au vu des désordres exposés plus hauts, une telle baisse provient indéniablement de tels désordres qui ont empêché une exploitation dans de bonnes conditions.

Dès lors, le dégât des eaux a causé à la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST une perte de chance de réaliser un chiffre d’affaires similaire à celui de l’année antérieure sur la même période.

Compte tenu des désordres subis, il convient d’évaluer cette perte de chance à 80% du montant de la baisse du chiffre d’affaires mentionné ci-dessus.

Il sera par ailleurs appliqué la limitation de responsabilité de 5%.

Ainsi, le syndicat des copropriétaires sera condamné à verser à la société AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 7419,50 euros HT au titre de son préjudice de perte de chance de réaliser un chiffre d’affaires.

Sur le préjudice relatif à la dette fiscale
En l’espèce, suivant le document de situation de la dette fiscale au 2 juillet 2018 produit par la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST, cette dette a pris naissance en décembre 2015, soit plus d’un an et demi avant le dégât des eaux.

En conséquence, il ne peut être retenu aucun lien de causalité entre le dégât des eaux et la dette fiscale.

La société AUTO-ECOLE GRAND TEST sera donc déboutée de sa demande de condamnation au titre du préjudice relatif à la dette fiscale.

Sur le préjudice relatif à la dette de cotisations sociales
En l’espèce, suivant la synthèse du compte des cotisations sociales arrêtée au mois de juillet 2018 communiquée par la demanderesse, la première échéance de cotisations sociales partiellement impayée date de mars 2017 et la dernière de juin 2017, soit près de 5 mois avant le sinistre.

Dès lors, il ne peut être considéré qu’il existe un lien de causalité entre le dégât des eaux et la dette de cotisations sociales.
La demande de condamnation au titre du préjudice relatif à la dette de cotisations sociales sera ainsi rejetée.

Sur le préjudice relatif à la dette de loyers PEUGEOT
En l’espèce, l’existence de la dette n’est même pas démontrée, la SARL AUT-ECOLE GRAND TEST fournissant seulement un échéancier. Aucune pièce faisant état d’impayés n’est produite.

En conséquence, la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST sera déboutée de sa demande de condamnation au titre du préjudice relatif à la dette de loyers PEUGEOT.

Sur le préjudice relatif aux mensualités non honorées du crédit ADIE 
En l’espèce, l’existence de la dette n’est pas non plus établie, la demanderesse ne communiquant qu’un simple échéancier et deux pages de son compte client ADIE ne mentionnant aucun impayé.

La demande de condamnation au titre du préjudice relatif aux mensualités non honorées du crédit ADIE sera dès lors rejetée.

Sur le préjudice correspondant aux prestations comptables impayées
En l’espèce, la première prestation comptable impayée concerne l’année 2016, soit l’année précédant le sinistre.

Ainsi, il ne peut être retenu aucun lien de causalité entre le dégât des eaux et les prestations comptables impayées.

Par conséquent, la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST sera déboutée de sa demande de condamnation au titre du préjudice correspondant aux prestations comptables impayées.

Sur les appels en garantie

Etant donné que les demandes indemnitaires formulées par la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST à l’encontre de Madame [M] ont été rejetées, l’appel en garantie formé par cette dernière et la MACIF à l’encontre de la société HDI GLOBAL SE devient sans objet.

Pour la même raison, l’appel en garantie formée par le CABINET RIVOIRE à l’encontre de Madame [M] et de la MACIF devient également sans objet.

Sur l’opposabilité du jugement aux sociétés MACIF et HDI GLOBAL SE

Il n’y a pas lieu de dire que le présent jugement sera opposable aux sociétés MACIF et HDI GLOBAL SE, ces parties étant dans la cause.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le syndicat des copropriétaires sera condamné aux dépens.

Tenu des dépens, il sera également condamné à verser à la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant à juge unique, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de Madame [E] [M] ;
DEBOUTE la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST de ses demandes indemnitaires formées à l’encontre de la société CABINET RIVOIRE ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Castel, représenté par son syndic en exercice la société CABINET RIVOIRE, à verser à la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 4750 euros au titre de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Castel, représenté par son syndic en exercice la société CABINET RIVOIRE, à verser à la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 7419,50 euros HT au titre de son préjudice de perte de chance de réaliser un chiffre d’affaires ;

DEBOUTE la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST de ses demandes de condamnation au titre du préjudice relatif à la dette fiscale, du préjudice relatif à la dette de cotisations sociales, du préjudice relatif à la dette de loyers PEUGEOT, du préjudice relatif aux mensualités non honorées du crédit ADIE, et du préjudice correspondant aux prestations comptables impayées ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Castel, représenté par son syndic en exercice la société CABINET RIVOIRE, aux dépens ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble Le Castel, représenté par son syndic en exercice la société CABINET RIVOIRE, à verser à la SARL AUTO-ECOLE GRAND TEST la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, François LE CLEC’H, et le Greffier, Jessica BOSCO BUFFART.

LE GREFFIERLE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 j
Numéro d'arrêt : 19/02934
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;19.02934 ?
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