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14/03/2024 | FRANCE | N°18/07304

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 j, 14 mars 2024, 18/07304


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 18/07304 - N° Portalis DB2H-W-B7C-STKQ

Jugement du 14 mars 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :

la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK - 719
la SELAS ELAN JUDICIAIRE - 531





REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J

le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 12 décembre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 19 octobre 2023 devant :

François LE CLEC’H, P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 J

N° RG 18/07304 - N° Portalis DB2H-W-B7C-STKQ

Jugement du 14 mars 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK - 719
la SELAS ELAN JUDICIAIRE - 531

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 14 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 J le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 12 décembre 2022, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 19 octobre 2023 devant :

François LE CLEC’H, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assisté de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.C.I. EAUX VIVES
prise en la personne de son représentant légal en exercice,
dont le siège social est sis [Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Maître Guillaume BAULIEUX de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A.S. OLYS
prise en la personne de son représentant légal en exercice,
dont le siège social est sis [Adresse 5] - [Localité 7]

représentée par Maître Jérôme NOVEL de la SELAS ELAN JUDICIAIRE, avocats au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé passé le 25 juillet 1991 avec effet au 1er juillet 1991, la SCI EAUX VIVES a donné à bail à la société OLYS un local commercial sis [Adresse 2] à [Localité 8] pour une durée de neuf ans avec un loyer annuel de 438 750 francs HT HC.

Par acte sous seing privé signé le 24 juin 2000 avec effet au 1er juillet 2000, un deuxième bail commercial a été conclu entre les sociétés EAUX VIVES et OLYS pour une durée de neuf ans avec un loyer annuel de 438 750 francs HT HC.

Par acte sous seing privé du 1er juillet 2009 avec effet à cette date, un troisième bail commercial a été conclu entre les deux mêmes sociétés, à nouveau pour une durée de neuf ans et moyennant un loyer annuel de 86 984,52 euros HT HC.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 31 juillet 2017, puis par sommation de payer délivrée par huissier de justice en date du 14 septembre 2017, la SCI EAUX VIVES a réclamé à la société OLYS le versement de loyers qui n’auraient pas été réglés.

Par acte d’huissier en date du 17 novembre 2017, la SCI EAUX VIVES a assigné la société OLYS devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon aux fins de la condamner à lui verser la somme de 72 766,90 euros au titre des loyers et des charges impayés, outre intérêts à compter du 14 septembre 2017.

Par ordonnance du 14 mai 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Lyon s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes de la SCI EAUX VIVES en l’état de l’existence de contestations sérieuses et l’a renvoyée à mieux se pourvoir.

Par acte d’huissier en date du 9 juillet 2018, la SCI EAUX VIVES a assigné la société OLYS devant le tribunal de grande instance de Lyon aux fins de :
constater que la SCI EAUX VIVES a vainement mis en demeure la SA OLYS de régler les loyers et charges impayés depuis le 1er juillet 2017, notamment par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 31 juillet 2017 et par acte d’huissier en date du 14 septembre 2017 ; dire et juger que non seulement la société OLYS est défaillante dans l’administration de la charge de la preuve qui lui incombe de la résiliation amiable du bail commercial régularisé le 1er juillet 2009, mais que la SCI EAUX VIVES rapporte la preuve de l’absence de résiliation amiable, eu égard à la teneur des courriers échangés, aux avis d’échéance adressés postérieurement au 30 juin 2017, à la sommation de payer et à la teneur du courrier recommandé avec accusé de réception du conseil de la société OLYS à l’huissier, ne faisant aucune référence à un quelconque accord pour mettre un terme amiable au bail ; dire et juger qu’à défaut de congé, le bail commercial du 1er juillet 2009 se poursuit en application de l’article L.145-9 du code de commerce ; condamner, en conséquence, la société OLYS à payer à la SCI EAUX VIVES la somme de 147 755,65 euros au titre des loyers et charges impayés au 1er juillet 2018, outre intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2017, date de la sommation de payer ; dire et juger qu’en application de l’article 4 du bail du 1er juillet 2009, les travaux de mise en conformité à la réglementation ou imposés par l’autorité administrative incombent à la société OLYS, de sorte qu’il lui appartient de prendre en charge les travaux de mise aux normes de l’ascenseur d’un montant de 34 200 euros TTC et ceux de mise aux normes de la chaufferie d’un montant de 69 546,47 euros TTC ; condamner la société OLYS à payer à la SCI EAUX VIVES la somme de 34 200 euros TTC au titre de la mise en conformité de l’ascenseur ; condamner la société OLYS à payer à la SCI EAUX VIVES la somme de 69 546,47 euros TTC au titre de la mise aux normes de la chaufferie ; condamner la société OLYS à verser à la SCI EAUX VIVES une somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la société OLYS aux entiers dépens de l’instance, comprenant le coût de la sommation de payer d’un montant de 205,79 euros, distraits au profit de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK. Par ordonnance du 21 juin 2021, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la société OLYS en sa demande de renvoi devant une autre juridiction et a débouté la SCI EAUX VIVES de sa demande de dommages et intérêts pour procédure dilatoire.

Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 8 décembre 2021, la SCI EAUX VIVES demande au tribunal de :
constater que la SCI EAUX VIVES a vainement mis en demeure la SA OLYS de régler les loyers et charges impayés depuis le 1er juillet 2017, notamment par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 31 juillet 2017 et par acte d’huissier en date du 14 septembre 2017 ; dire et juger que non seulement la société OLYS est défaillante dans l’administration de la charge de la preuve qui lui incombe de la résiliation amiable du bail commercial régularisé le 1er juillet 2009, mais que la SCI EAUX VIVES rapporte la preuve de l’absence de résiliation amiable, eu égard à la teneur des courriers échangés, aux avis d’échéance adressés postérieurement au 30 juin 2017, à la sommation de payer et à la teneur du courrier recommandé avec accusé de réception du conseil de la société OLYS à l’huissier, ne faisant aucune référence à un quelconque accord pour mettre un terme amiable au bail ; dire et juger qu’à défaut de congé, le bail commercial du 1er juillet 2009 s’est poursuivi jusqu’au 31 mars 2020 eu égard au « congé par le locataire à titre subsidiaire » que la société OLYS a finalement fait délivrer à la SCI EAUX VIVES en application de l’article L.145-9 du code de commerce ; condamner, en conséquence, la société OLYS à payer à la SCI EAUX VIVES la somme de 345 648,20 euros au titre des loyers et charges impayés jusqu’au 31 mars 2020, outre intérêts au taux légal à compter du 14 septembre 2017, date de la sommation de payer ; condamner la société OLYS à procéder à un état des lieux contradictoire et à restituer les clés des lieux loués dans un délai de huit jours à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et ce pendant un délai de 3 mois à l’issue duquel il sera statué autrement ; dire et juger qu’en application de l’article 4 du bail du 1er juillet 2009, les travaux de mise en conformité à la réglementation ou imposés par l’autorité administrative incombent à la société OLYS, de sorte qu’il lui appartient de prendre en charge les travaux de mise aux normes de l’ascenseur et ceux de mise aux normes de la chaufferie ; dire et juger qu’en application de l’article 9 du bail, la SCI OLYS a à sa charge toutes les réparations et travaux d’entretien, quel qu’ils soient, même à cause des vices cachés ou de la vétusté, y compris les grosses réparations au titre de l’article 606 du code civil, de sorte qu’il lui incombe d’assurer l’entretien de la toiture terrasse du premier étage et la réfection de l’étanchéité percée par les plantations qu’elle a elle-même faites ; condamner la société OLYS à payer à la SCI EAUX VIVES la somme globale de 66 860,86 euros TTC au titre des travaux de mise aux normes de l’ascenseur, de ceux de mise aux normes de la pompe à chaleur et de la réparation de l’étanchéité de la toiture terrasse ; condamner la société OLYS à verser à la SCI EAUX VIVES une somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir ; condamner la société OLYS aux entiers dépens de l’instance, comprenant le coût de la sommation de payer d’un montant de 205,79 euros, distraits au profit de la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK.
Dans ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 9 septembre 2022, la société OLYS demande au tribunal de :
sur les demandes relatives aux loyers et charges 
à titre principal :
constater l’accord amiable intervenu entre les sociétés EAUX VIVES et OLYS aux fins de résilier de manière anticipée le bail commercial à compter du 1er juillet 2017 ; en conséquence, débouter la SCI EAUX VIVES de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; à titre subsidiaire :
constater que la société OLYS a renoncé à son droit au renouvellement ; en conséquence, dire et juger que le bail a cessé de plein droit à son terme, soit au 30 juin 2018 ; limiter les demandes de la SCI EAUX VIVES aux loyers et charges dus au 30 juin 2018, soit à la somme de 126 989,10 euros ; à titre infiniment subsidiaire :
constater qu’un bail commercial à effet au 1er décembre 2019 a été conclu par la SCI EAUX VIVES s’agissant des locaux sis [Adresse 2] à [Localité 8] ; en conséquence, limiter les demandes de la SCI EAUX VIVES aux loyers et charges dus jusqu’au 30 novembre 2019 ; sur les demandes relatives aux travaux de mise en conformité (ascenseur et chaufferie)
débouter la SCI EAUX VIVES de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; sur la demande au titre des travaux d’étanchéité de la terrasse 
à titre principal :
débouter la SCI EAUX VIVES de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;à titre subsidiaire :
limiter la demande de la SCI EAUX VIVES à la somme de 16 215 euros HT ; en tout état de cause
condamner la SCI EAUX VIVES au paiement d’une somme de 7000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ; condamner la SCI EAUX VIVES aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais d’huissier qu’ont été contraint d’engager la société OLYS aux fins de faire délivrer un congé à titre conservatoire, distraits au profit de la SELARL ELAN AVOCATS, représentée par Maître Jérôme NOVEL.
Par ordonnance du 12 décembre 2022, le juge de la mise en état a clôturé la procédure à cette date. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 19 octobre 2024 et mise en délibéré au 25 janvier 2024. Le délibéré a été prorogé au 29 février 2024, puis au 14 mars 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les loyers et charges impayés

Sur l’existence d’un accord tacite de résiliation amiable du bail commercial

Il est de jurisprudence constante que le statut des baux commerciaux n’empêche pas les parties à un bail commercial de le résilier amiablement d’un commun accord, faculté prévue à l’article 1134 du code civil dans sa version applicable au présent litige.

Cet accord peut être tacite. Il doit alors être non équivoque.

La charge de la preuve de l’existence d’un accord tacite repose sur la partie qui l’invoque.

En l’espèce, en premier lieu, il ne peut être contesté que la société OLYS a quitté les lieux le 30 juin 2017. En effet, dans un email en date du 3 juillet 2018 adressé au notaire de la société LA SOURCE (pièce 26 demanderesse), Monsieur [S] [H], gérant de la SCI EAUX VIVES, s’il indique qu’un bail commercial existait entre la SCI et la société OLYS jusqu’au 30 juin 2018, mentionne également expressément que la preneuse a déménagé le 30 juin 2017. Ce départ n’est pas non plus contesté par la SCI EAUX VIVES dans ses dernières conclusions puisqu’elle écrit en page 8 de celles-ci : « Elles prouvent seulement que la société OLYS a pris l’initiative de quitter les lieux le 27 ou 30 juin 2017 ». Elle indique juste que cela pourrait être le 27 ou le 30 juin 2017, le 30 devant être retenu compte tenu de l’email précité.

En deuxième lieu, antérieurement à ce départ du local commercial le 30 juin 2017, la société OLYS avait conclu avec la société EMPLACIA le 13 février 2017 un mandat exclusif de vente pour une cession de son droit au bail. Une lettre d’intention valant offre de location sous conditions suspensives a été émise par la société LA SOURCE le 11 mars 2017 pour la signature non pas d’un contrat de cession du droit au bail mais pour celle d’un bail commercial. Par avenant du 27 mars 2017 signé par les sociétés OLYS et EMPLACIA, le mandat a été modifié, et il n’était plus question désormais d’une cession du droit au bail mais de la conclusion d’un nouveau bail avec la SCI EAUX VIVES. Une promesse de bail, qui n’a pas abouti à la conclusion d’un bail commercial en raison de la non levée des conditions suspensives, a été signée le 25 septembre 2017 entre la SCI EAUX VIVES et la société LA SOURCE.

Ainsi, il apparaît qu’avant que la société OLYS ne quitte les lieux le 30 juin 2017, un processus de changement de locataire avait été mis en place et avait débuté au moins quatre mois auparavant (en se plaçant à la date de signature du mandat exclusif de vente, soit le 13 février 2017), avec le passage d’une cession du droit au bail à la conclusion d’un nouveau bail commercial avec un nouveau locataire, conclusion qui impliquait, par voie de conséquence, de mettre fin in fine à celui en cours jusqu’au 30 juin 2018 entre la SCI EAUX VIVES et la société OLYS.
Concernant l’avenant du 27 mars 2017 à l’origine de ce passage, la bailleresse soutient que ce n’est pas elle qui l’a signé mais la locataire et que celle-ci a été contrainte d’effectuer cette modification à cause de la lettre d’intention de la société LA SOURCE (celle-ci voulant conclure un bail commercial et non une cession du droit au bail). Néanmoins, la société OLYS n’aurait pas pu signer cet avenant sans l’accord de la bailleresse. Plus encore, dans l’email en date du 24 mars 2017, soit antérieur audit avenant, adressé par la société EMPLACIA à Monsieur [H], il est mentionné que le second avait précisé à la première sa « volonté de repartir sur un bail notarié neuf avec de nouvelles conditions financières et des garanties de solvabilité du preneur » (pièce 7 défenderesse). En d’autres termes, suivant cet email, la SCI EAUX VIVES était partie prenante de cette modification du mandat. D’ailleurs, aux termes des stipulations de l’avenant, les nouvelles conditions financières étaient à l’avantage de la bailleresse puisqu’il était question d’un loyer annuel de 110 000 euros HT alors que le loyer annuel assumé par la société OLYS en 2017 était de 92 800 euros HT (suivant le mandat du 13 février 2017, ce montant n’étant pas contesté par la demanderesse).
Egalement, étant donné qu’à partir du 27 mars 2017, il ne s’agissait plus de céder le droit au bail mais de conclure un nouveau bail commercial, que la bailleresse a forcément donné son accord pour ce changement, et qu’en plus elle a pris une part active dans ledit changement, son moyen tiré de la stipulation du bail du 1er juillet 2009 relative à la solidarité au titre du paiement des loyers et accessoires en cas de cession du droit au bail ne peut qu’être écarté.

Et, postérieurement au 30 juin 2017, une promesse de bail a bien été conclue le 25 septembre 2017 entre la SCI LES EAUX VIVES et la société LA SOURCE pour la signature par la suite d’un bail prévoyant notamment un loyer annuel HT de 110 400 euros.

En troisième lieu, à propos du contenu de cette promesse signée après le départ de la société OLYS, il est en particulier stipulé :
dans la partie « CLAUSE D’EXECUTION FORCEE » :
1°) […] Le bailleur promettant s’interdit, par suite, pendant toute la durée de la présente promesse de conférer aucun droit ni charge quelconque sur les locaux à louer […]. »
dans la partie « DECLARATIONS » :
« le bailleur promettant déclare ce qui suit : […]
Il déclare en outre qu’il n’existe aucun droit concédé par lui à un tiers, aucune restriction d’ordre légal, contractuelle et plus généralement aucun empêchement quelconque de nature à faire obstacle aux présentes. »

Par ailleurs, il est à relever que le destinataire du devis relatif à la mise en conformité de l’ascenseur du local commercial en date du 20 octobre 2017 est Monsieur [B] [E], président de la société LA SOURCE et que l’adresse du destinataire est celle du local commercial, et non celle indiquée sur le K-Bis de la société LA SOURCE, à savoir [Adresse 4] [Localité 6]. Egalement, le destinataire du devis pour la rénovation de la chaufferie du local commercial en date du 4 décembre 2017 est la société LA SOURCE, et l’adresse du destinataire est à nouveau celle du local commercial et non celle présente sur le K-BIS.
Ainsi, après qu’un processus de changement de locataire a été mis en œuvre plusieurs mois en amont du départ de la société OLYS, postérieurement audit départ, la SCI EAUX VIVES conclut avec la candidate s’étant manifestée dans le cadre de ce processus de changement une promesse de bail contenant une clause mentionnant de manière claire et univoque que la bailleresse n’a conféré aucun droit à un tiers sur les lieux et une autre clause, tout aussi claire et non équivoque, suivant laquelle elle s’interdit de conférer un quelconque droit pendant la durée de la promesse. En d’autres termes, ces clauses vont dans le sens d’une fin du bail entre la SCI EAUX VIVES et la société OLYS antérieure à la promesse du 25 septembre 2017. En effet, dans l’hypothèse d’un bail toujours en cours, ces clauses interrogent car le bailleur vient affirmer contractuellement au bénéficiaire qu’aucun tiers n’a et n’aura de droits sur le bien alors qu’il sait que tel n’est pas le cas.
Les deux devis évoqués plus haut vont également dans le sens d’une fin de bail antérieure.

En conséquence, compte tenu de ces développements, il apparaît qu’il existe un faisceau concordant d’éléments permettant de considérer qu’il y a eu un accord tacite de résiliation amiable à compter du 1er juillet 2017 du bail signé le 1er juillet 2009 entre la SCI EAUX VIVES et la société OLYS.

Et la SCI EAUX VIVES ne peut se retrancher, au regard de ces développements, derrière la lettre recommandée avec accusé de réception du 31 juillet 2017, la sommation de payer du 14 septembre 2017 et les avis d’échéance de loyer délivrés après le 30 juin 2017. Au contraire, au vu des éléments ci-dessus exposés établissant l’existence d’un accord tacite pour une résiliation amiable à compter du 1er juillet 2017, elle ne pouvait valablement venir réclamer les loyers postérieurs à cette date.

Le débat sur la remise des clés importe également peu compte tenu de l’ensemble des éléments ci-dessus exposés, qui le rendent insuffisant à remettre en cause la démonstration de l’existence de l’accord tacite.

Sur le moyen tiré de l’absence d’état des lieux de sortie et du fait qu’il aurait été la première chose effectuée en cas d’accord tacite pour une résiliation amiable, d’une part, s’agissant d’un bail commercial conclu le 1er juillet 2009, soit avant l’entrée en vigueur le 20 juin 2014 de la loi du 18 juin 2014, et l’existence d’un état des lieux d’entrée n’étant pas démontrée (s’il en avait été réalisé un, l’article L.145-40-1 issu de la loi du 18 juin 2014 se serait rétroactivement appliqué), la réalisation d’un état des lieux de sortie était donc facultative. D’autre part, faire valoir que, s’il y avait eu un accord tacite pour une résiliation amiable, l’état des lieux de sortie aurait été la première chose qui aurait été effectuée procède de la simple affirmation, d’autant plus eu égard au caractère facultatif de l’état des lieux de sortie comme il vient d’être dit, et affirmation qui se heurte au faisceau d’éléments convergents mentionnés plus haut. En outre, il est à noter la présence, au sein de la promesse de bail du 25 septembre 2017, au titre des conditions suspensives, d’une clause stipulant que « les travaux nécessaires pour la réhabilitation et la mise aux normes des locaux ne dépassent pas la somme de 250.000,00 euros hors taxes », et, au sein du projet de bail commercial qui devait être signé à la suite de la promesse du 25 septembre 2017 et sur lequel est rédigée en haut de la première page de manière manuscrite par chaque partie à la promesse la formule « Bon pour accord » avec sa signature en dessous, d’une clause prévoyant que « le preneur prendra en charge la mise aux normes de l’ascenseur telle qu’elle sera rendue obligatoire, le cas échéant par les textes réglementaires » et d’une autre suivant laquelle « le coût des grosses réparations et du changement de chaudière sera réparti entre le bailleur et le preneur au prorata selon les termes d’une grille de vétustée validée par les deux parties et qui sera annexée au bail authentique ».
Le moyen lié a l’état des lieux de sortie ne peut donc prospérer.

Enfin, il est à indiquer qu’il importe peu que la promesse de bail du 25 septembre 2017 soit finalement devenue caduque. En effet, il est avéré qu’elle a existé et cette existence fait partie des éléments allant dans le sens d’un accord tacite de résiliation amiable, quand bien même elle est devenue caduque par la suite. Et cette caducité, de même que celle de la promesse de bail des 29 et 30 novembre 2018 (la bénéficiaire étant à nouveau la société LA SOURCE), dont la durée a été prorogée par avenant du 19 avril 2019, ne sont pas susceptibles d’entraîner celle de l’accord tacite de résiliation amiable contrairement à ce que prétend la demanderesse lorsqu’elle se place dans l’hypothèse de l’existence de cet accord. En particulier, pour la seconde promesse, cela signifierait une caducité rétroactive de l’accord tacite deux ans après son intervention (la durée de la promesse a été prorogé jusqu’au 30 juin 2019).

En conclusion, au regard de tout ce qui vient d’être développé, il convient de retenir l’existence d’un accord tacite de résiliation amiable à compter du 1er juillet 2017 du bail commercial conclu le 1er juillet 2009 entre la SCI EAUX VIVES et la société OLYS.

Sur les loyers et charges impayés

Dès lors qu’il est considéré qu’il y a eu un accord tacite de résiliation amiable à compter du 1er juillet 2017, le bail a donc été résilié à ladite date et il en résulte nécessairement pour la société OLYS la fin de son obligation de payer les loyers et charges à compter de cette même date.

Elle ne doit pas non plus d’indemnité d’occupation à compter du 1er juillet 2017 puisqu’il est établi qu’elle a quitté le local commercial le 30 juin 2017.

Par conséquent, la SCI EAUX VIVES sera déboutée de sa demande de condamnation au titre des loyers et charges impayés.

Sur les travaux

Comme il vient d’être vu, la résiliation amiable du bail commercial a mis nécessairement fin à l’obligation de payer les loyers et charges incombant à la locataire.

En revanche, la renonciation amiable de la SCI EAUX VIVES à ne pas réclamer à la preneuse le coût des travaux de mise en conformité et d’étanchéité ne constitue pas une conséquence nécessaire de la résiliation.

Il s’agit donc d’une modalité de l’accord invoquée par la société OLYS dont la réalité doit être spécifiquement démontrée par cette dernière, cette réalité ne pouvant être simplement déduite de l’existence de l’accord tacite de résiliation amiable.

A cet égard, certes, la clause inscrite dans la promesse de bail du 25 septembre 2017 est relative au montant maximum des travaux de réhabilitation et de mise aux normes et les clauses stipulées dans le projet de bail portent sur la répartition entre la bailleresse et la future preneuse de la charge des travaux de mise en conformité de l’ascenseur ainsi que du coût des grosses réparations et du changement de chaudière.
Cependant, ces clauses sont insuffisantes pour valoir preuve d’une quelconque renonciation amiable antérieure de la bailleresse à ses recours à l’encontre de son ancienne locataire pour les travaux de mise aux normes et d’étanchéité, encore moins dans le cas d’une non conclusion du bail commercial et plus généralement dans celui l’impossibilité pour la SCI EAUX VIVES de trouver un nouveau locataire, recours fondés sur le bail du 1er juillet 2009 qui stipulait que « les parties au bail conviennent que la charge de tous les travaux qui pourraient être nécessaires pour mettre les biens loués en conformité avec la réglementation existante (notamment les travaux de sécurité), ou qui pourraient être imposés par l’Autorité Administrative, sera exclusivement supportée par le PRENEUR », et que « le PRENEUR sera tenu d’effectuer dans le local, pendant toute la durée du bail et à ses frais, toutes les réparations et les travaux d’entretien, le nettoyage des lieux, et en général tous remplacements qui seraient nécessaires, même à cause des vices cachés ou de la vétusté, ou imposés par l’administration, y compris les grosses réparations visées à l’article 606 du Code Civil ». Le fait que la SCI EAUX VIVES et la société LA SOURCE soient tombées d’accord dans le cadre de la promesse de bail et du projet de bail sur ces clauses ne signifie pas que la bailleresse a renoncé préalablement d’un commun accord avec la société OLYS à ses actions fondées sur les obligations ci-dessus rappelées. Une telle renonciation constitue un acte particulier et d’autres éléments probants, en plus de ces clauses, sont nécessaires pour en retenir l’existence. Néanmoins, rien de tel n’est produit.

En conséquence, la société OLYS échoue à établir la réalité de cette modalité spécifique de l’accord tacite de résiliation amiable, et, sans cette démonstration, elle ne peut se prévaloir dudit accord pour considérer qu’elle n’a pas à régler le coût des travaux.

Il convient maintenant d’examiner si les demandes de la SCI EAUX VIVES au titre des travaux sont suffisamment justifiées en distinguant entre les travaux de mise en conformité et ceux d’étanchéité.

Sur les travaux de mise en conformité, comme il a été indiqué, suivant le bail du 1er juillet 2009, tous les travaux de mise en conformité des lieux avec la réglementation existante ou imposés par l’autorité administrative ont été mis à la charge du preneur, et donc de la société OLYS.

Et ceux de mise aux normes de la chaufferie et de l’ascenseur auraient dû être réalisés par la preneuse car leurs causes sont apparues avant la résiliation du bail. En effet, pour la chaufferie, l’utilisation du gaz R22 a été interdite à compter du 1er janvier 2015, élément non contesté par la défenderesse, et il fallait donc la mettre aux normes (pièces 20 et 21 demanderesse). Pour l’ascenseur, il n’a pas été mis aux normes depuis 17 ans (pièce 21 demanderesse), fait qui n’est pas non plus contesté par la société OLYS, sa critique portant sur les travaux réalisés (aussi bien pour l’ascenseur que pour la chaufferie), étant rappelé que la société OLYS était locataire depuis le 1er juillet 1991, la location s’étant poursuivie sans discontinuités par la conclusion de deux autres baux, celui du 24 juin 2000 et celui du 1er juillet 2009.

Cependant, concernant les travaux qui ont été effectués sur l’ascenseur, il est à relever que le devis du 20 octobre 2017 a été réalisé par la société THYSSENKRUPP ASCENSEURS mais que la facture des travaux en date du 22 avril 2020 a été émise par la société ACAF, ce qui implique donc un devis différent de celui de la société THYSSENKRUPP ASCENSEURS et l’impossibilité de se reporter à ce dernier devis pour apprécier les travaux auxquels a procédé la société ACAF, ces travaux ne pouvant en effet être appréciés à la lecture de la facture de cette dernière société car celle-ci mentionne seulement « Mise en conformité de 1 Ascenseur », mais ne contient aucun détail sur les travaux effectués. Le devis de la société ACAF aurait permis d’avoir les détails de ces travaux. Il n’a néanmoins pas été communiqué.

Dès lors, en l’absence d’informations sur le contenu de ces travaux dits de mise en conformité permettant d’apprécier s’il est bien question de tels travaux et s’il n’a notamment pas été ajouté d’autres travaux sans rapport avec cette mise en conformité, la SCI EAUX VIVES ne peut prétendre au versement du montant de la facture ACAF, à savoir la somme de 16 444,80 euros TTC, au titre des travaux afférents à l’ascenseur et sera, partant, déboutée sur ce point.

En revanche, s’agissant des travaux de mise en conformité de la chaufferie, d’une part, la facture du 30 juin 2020, relative au remplacement de l’installation utilisant le R22 par une autre répondant aux normes en vigueur, détaille les travaux effectués, qui apparaissent ni incohérents ni déraisonnables pour permettre cette mise en conformité.
D’autre part, la société OLYS fait valoir l’existence de solutions moins onéreuses en produisant seulement une page d’un site internet. En outre, sur cette page, il est mentionné, à propos de l’hypothèse d’une modification et non d’un remplacement de l’installation, que : « une machine rétrofitée perdra en performance, de l’ordre de 20% : cela signifie qu’elle vous coûtera 20% plus cher en énergie et qu’elle perdra 20% de sa capacité de production, elle peut donc devenir insuffisante ».

Dans ces conditions, le coût de ces travaux, soit la somme de 26 400 euros TTC, sera mis à la charge de la société OLYS.

S’agissant des travaux relatifs à la réparation et la remise en fonctionnement de quatre pompes de circulation pour l’installation de la pompe à chaleur détaillés dans la facture du 31 juillet 2020, ces travaux apparaissent être un complément nécessaire des travaux de mise en conformité objet de la facture du 30 juin 2020.

La société OLYS en assumera donc également le coût, soit la somme de 4004,93 euros TTC.

Ainsi, la société OLYS sera condamnée à verser à la SCI EAUX VIVES la somme de 30 404,93 euros TTC.

Sur les travaux d’étanchéité, en premier lieu, dans le constat d’huissier en date du 12 octobre 2020 fourni par la demanderesse, il n’est constaté la présence d’aucune racine d’arbre de cinq mètres ou plus. Quant à la photographie produite (pièce 34 demanderesse), elle n’est pas datée et il n’est pas possible de savoir s’il s’agit bien de la terrasse du local commercial.

En second lieu, outre l’absence de preuve de l’existence d’un ou plusieurs arbres avec des racines de 5 mètres ou plus, la SCI EAUX VIVES ne verse aux débats aucune pièce permettant d’établir que les racines des arbres plantés sur la terrasse ont porté atteinte de manière directe et certaine à l’étanchéité de celle-ci et qu’elles sont donc à l’origine des infiltrations ayant affecté le local commercial.

En conséquence, la demande de condamnation formée par la SCI EAUX VIVES au titre du coût de ces travaux sera rejetée.

Sur la demande de condamnation sous astreinte formée par la SCI EAUX VIVES

Compte tenu de ce qui a été développé dans la partie du jugement relative à l’existence de l’accord tacite de résiliation amiable, de la conclusion par acte authentique du 14 novembre 2019 d’un bail commercial entre la SCI EAUX VIVES et la société NOCNOC portant sur le local commercial sis [Adresse 2], et de la réalisation d’un état des lieux contradictoire par huissier de justice le 29 novembre 2019, il convient de rejeter la demande formée par la SCI EAUX VIVES tendant à ce que la société OLYS soit condamnée sous astreinte à procéder à un état des lieux contradictoire et à restituer les clés du local commercial.

Sur les dépens et l’article 700

La société OLYS sera condamnée aux dépens, comprenant le coût de la sommation de payer d’un montant de 205,79 euros.

Ils seront recouvrés directement par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK.

La société OLYS, tenue des dépens, sera également condamnée à verser à la SCI EAUX VIVES la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La société OLYS sera déboutée de sa demande de condamnation au titre de l’article précité.

Sur l’exécution provisoire

En vertu des articles 514 et 515 du code de procédure civile dans leur version antérieure au 1er janvier 2020, eu égard à l'ancienneté du litige, l'exécution provisoire apparaît nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire et sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant à juge unique, après audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE la SCI EAUX VIVES de sa demande de condamnation au titre des loyers et charges impayés ;

CONDAMNE la société OLYS à payer à la SCI EAUX VIVES la somme de 30 404,93 euros TTC au titre du coût des travaux de mise en conformité de la chaufferie ;

DEBOUTE la SCI EAUX VIVES de sa demande de condamnation au titre du coût des travaux de mise en conformité de l’ascenseur ;

DEBOUTE la SCI EAUX VIVES de sa demande de condamnation au titre du coût des travaux d’étanchéité de la terrasse ;

DEBOUTE la SCI EAUX VIVES de sa demande tendant à ce que la société OLYS soit condamnée sous astreinte à procéder à un état des lieux contradictoire et à restituer les clés du local commercial ;

CONDAMNE la société OLYS aux dépens, comprenant le coût de la sommation de payer d’un montant de 205,79 euros, qui seront recouvrés directement par la SCP BAULIEUX-BOHE-MUGNIER-RINCK ;

CONDAMNE la société OLYS à verser à la SCI EAUX VIVES la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la société OLYS de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

En foi de quoi le présent jugement a été signé par le Président, François LE CLEC’H, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART.

LA GREFFIERELE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 j
Numéro d'arrêt : 18/07304
Date de la décision : 14/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-14;18.07304 ?
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