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12/03/2024 | FRANCE | N°23/06365

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, J.e.x, 12 mars 2024, 23/06365


MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



JUGEMENT DU : 12 Mars 2024

MAGISTRAT : Sidonie DESSART
GREFFIER : Anastasia FEDIOUN

DÉBATS: tenus en audience publique le 13 Février 2024
PRONONCE: jugement rendu le 12 Mars 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Madame [C] [V]
C/ S.A. d’H.L.M. ALLIADE HABITAT

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/06365 - N° Portalis DB2H-W-B7H-YMSF



DEMANDERESSE

Mme [C] [V]
[Adresse 2]
[LocalitÃ

© 4]

représentée par Me Caroline DENAMBRIDE, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-69383-2023-006877 du...

MINUTE N° :

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LYON
JUGEMENT DU JUGE DE L’EXÉCUTION

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

JUGEMENT DU : 12 Mars 2024

MAGISTRAT : Sidonie DESSART
GREFFIER : Anastasia FEDIOUN

DÉBATS: tenus en audience publique le 13 Février 2024
PRONONCE: jugement rendu le 12 Mars 2024 par le même magistrat

AFFAIRE : Madame [C] [V]
C/ S.A. d’H.L.M. ALLIADE HABITAT

NUMÉRO R.G. : Jex N° RG 23/06365 - N° Portalis DB2H-W-B7H-YMSF

DEMANDERESSE

Mme [C] [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Caroline DENAMBRIDE, avocat au barreau de LYON
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-69383-2023-006877 du 04/09/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de LYON)

DEFENDERESSE

S.A. d’H.L.M. ALLIADE HABITAT
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Nagi MENIRI, avocat au barreau de LYON

NOTIFICATION LE :

- Une copie certifiée conforme revêtue de la formule exécutoire par LRAR et une copie certifiée conforme par LS à chaque partie.
- Une copie certifiée conforme à Me Caroline DENAMBRIDE - 182, Me Nagi MENIRI - 436
- Une copie à l’huissier poursuivant : SARL AURAJURIS ([Localité 5])
- Une copie au dossier

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement en date du 30 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON a notamment :
- prononcé la résiliation du bail consenti par la SA d'HLM ALLIADE HABITAT à [C] [V] ;
- ordonné à [C] [V] de quitter les lieux loués au [Adresse 2] à [Localité 4] et de les laisser libres de toute personne et de tout bien, dans les deux mois suivant la signification d'un commandement de quitter les lieux ;
- autorisé la SA d'HLM ALLIADE HABITAT, à défaut de libération effective des lieux à l'expiration du délai précité, à procéder à l'expulsion de [C] [V] et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique si nécessaire ;
- condamné [C] [V] à payer à la SA d'HLM ALLIADE HABITAT la somme de 6.252,41 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
- condamné [C] [V] à payer à la SA d'HLM ALLIADE HABITAT une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges, laquelle sera due avec les augmentations légales, en deniers ou quittances valables jusqu'au départ effectif des lieux.

Le 20 juillet 2023, cette décision a été signifiée, avec un commandement de quitter les lieux, à [C] [V] à la requête de la SA d'HLM ALLIADE HABITAT.

Par assignation en date du 14 septembre 2023, [C] [V] a saisi le juge de l'exécution de LYON d'une demande à titre principal de voir prononcer la nullité de l'acte de signification du jugement ayant ordonné l'expulsion et, à titre subsidiaire, de délai pour quitter le logement occupé au [Adresse 2] à [Localité 4].

L'affaire a été appelée à l'audience du 7 novembre 2023, puis renvoyée à l’audience du 5 décembre 2023, date à laquelle elle a été évoquée.

A l'audience, chacune des parties, représentée par un conseil, a exposé oralement ses demandes sur le fondement de conclusions déposées à l'audience auxquelles il y a lieu de se référer pour plus ample rappel de ses demandes et moyens, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

[C] [V] a actualisé à l'audience sa demande de délai à expulsion à une année.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 16 janvier 2024.

Suite à la communication de la note en délibéré non autorisée par [C] [V], par jugement du 16 janvier 2024, le juge de l'exécution a ordonné la réouverture des débats afin d'obtenir de la SA d'HLM ALLIADE HABITAT un décompte actualisé de la dette locative et de recueillir les observations de la SA d'HLM ALLIADE HABITAT et les répliques éventuelles de [C] [V].

L'affaire a été appelée à l'audience du 13 février 2024, date à laquelle elle a été évoquée.
La SA d'HLM ALLIADE HABITAT a actualisé la dette locative à la somme de 6.779,86 € au 12 février 2024.

A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 12 mars 2024, date à laquelle elle a été rendue par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande principale de voir déclarer nul l'acte de signification du jugement ayant ordonné l'expulsion

Aux termes de l'article 503 du code de procédure civile, les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

L'article 680 du code de procédure civile dispose que l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé; il indique, en outre, que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie.

Conformément à l'article 114 du code de procédure civile, la nullité pour vice de forme ne peut être prononcée qu'à charge pour le tiers saisi qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.

[C] [V] conclut à la nullité de l'acte de signification du jugement d'expulsion en faisant valoir :

-qu'il indique qu'elle pouvait interjeter appel de la décision en chargeant un avocat admis à postuler devant le tribunal de grande instance - juridiction remplacée par le tribunal judiciaire - dépendant du ressort de la cour d'appel ;
-qu'il n'indique pas que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile ;
-qu'il n'indique pas le délai dans lequel elle pouvait interjeter appel du jugement.

En l'espèce, il ressort de l'analyse de l'acte de signification du 20 juillet 2023 du jugement du 30 juin 2023 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON :

-qu'il précise bien le délai d'appel de la décision, contrairement à ce que soutient [C] [V] ;
-qu'il indique "si vous entendez exercer ce recours, vous devez charger un avocat admis à postuler le tribunal de grande instance dépendant du ressort de la cour d'appel d'accomplir les formalités nécessaires avant l'expiration de ce délai qui est de rigueur";
-qu'il n'indique en effet pas que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie.

Concernant l'indication erronée du tribunal de grande instance au lieu du tribunal judiciaire qui lui a succédé, alors même qu'il précise "dépendant du ressort de la cour d'appel", force est de constater que [C] [V] ne rapporte pas la preuve du grief que lui a causé cette irrégularité. En outre, [C] [V] ne rapporte également pas la preuve du grief que lui a causée l'absence d'indication que l'auteur d'un recours abusif ou dilatoire peut être condamné à une amende civile et au paiement d'une indemnité à l'autre partie.

En conséquence, il convient de rejeter sa demande aux fins de voir déclarer nul l'acte de signification du jugement du 30 juin 2023 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON.

Sur la demande subsidiaire de délai pour quitter les lieux

Il résulte des articles L412-1 et L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution que le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que lesdits occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

Par ailleurs, l'article L 412-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que la durée des délais prévus à l'article L 412-3 ne peut en aucun cas être inférieure à un mois ni supérieure à un an et que pour la fixation des délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue

de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L 441-2-3 et L 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Cette possibilité d'obtenir des délais ne s'applique pas lorsque les occupants dont l'expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Il résulte de ces textes et plus particulièrement des articles L412-1 et L412-3 du code des procédures civiles d'exécution que, hors cas d'introduction dans les locaux à l'aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, des délais peuvent être accordés, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Il appartient ainsi au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l'atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits des occupants, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Il y a lieu de rechercher si la situation personnelle de [C] [V] lui permet de bénéficier de délais avant l'expulsion qui doit être entreprise et dont le principe n'est pas contestable.

Cette demande doit reposer sur des éléments sérieux relatifs à la bonne volonté de l'occupant et surtout à ses difficultés de relogement.

En l'espèce, il résulte des débats et des pièces produites que [C] [V] est dans une situation difficile : elle justifie être reconnue travailleur handicapé depuis le 9 février 2022 et bénéficiant à ce titre d'une allocation aux adultes handicapés depuis le 1er novembre 2021, elle perçoit désormais une pension de retraite à hauteur de 909,55 € par mois (moyenne calculée entre avril et juillet 2023). [C] [V] prétend, sans en justifier au vu de l'analyse des pièces produites et plus particulièrement de ses pièces 8 et 13, attendre la concrétisation d'une proposition de logement de la SA d'HLM ALLIADE HABITAT, ce qui est contesté par cette dernière. En outre, elle ne justifie donc d'aucune démarche de relogement. Depuis le jugement d'expulsion du 30 juin 2023, la dette locative a augmenté, pour s'élever à la somme de 6.779,86 € au 12 février 2024.

Dans ces circonstances, si la situation personnelle de [C] [V] est difficile, l'absence de réelles recherches de logement tout comme l'augmentation de la dette locative depuis le jugement d'expulsion du 30 juin 2023 ne permettent pas d'établir la bonne volonté de l'occupant des lieux, élément indispensable pour justifier l'octroi de délais, alors même que dans les faits [C] [V] a déjà bénéficié de larges délais pour quitter le logement. De surcroît, cette situation ne saurait justifier son maintien dans les lieux au détriment du propriétaire légitime. Il ne peut en effet être imposé au bailleur le risque d'aggravation de la dette locative, déjà très importante.

Dans ces conditions, la demande de délais formée par [C] [V] sera rejetée.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l'article 510 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile et de l'article R121-1 du code des procédures civiles d'exécution, après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie ou à compter de l'audience prévue par l'article R. 3252-17 du code du travail, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.

L'article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues et que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au

moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital. Ce texte précise que le juge peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette et que la décision du juge suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

En l'espèce, il résulte des débats et des pièces produites qu'aucune mesure d'exécution forcée ou aucun commandement de payer aux fins de saisie-vente quant au paiement de la dette locative ou d'indemnité d'occupation n'a été délivrée à [C] [V]. Il sera rappelé que le commandement de payer visant la clause résolutoire ne constitue pas une mesure d'exécution forcée pouvant fonder la compétence du juge de l'exécution.

Le juge de l'exécution ne dispose donc pas des attributions pour octroyer des délais de grâce sur ce point.

En conséquence, la demande de délais de paiement sera déclarée irrecevable devant le juge de l'exécution.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens et à payer à l'autre partie une somme que le juge détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.

[C] [V], qui succombe, supportera les dépens de l'instance.

L'équité et les situations économiques respectives des parties commandent de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile et de débouter la SA d'HLM ALLIADE HABITAT de sa demande à ce titre.

Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire par provision de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l'exécution, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de [C] [V] aux fins de voir déclarer nul l'acte de signification du jugement du 30 juin 2023 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de LYON ;

Rejette la demande de délais de [C] [V] pour restituer le logement actuellement occupé au [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Déclare irrecevable la demande de délais de paiement de [C] [V] ;

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette la demande formée par la SA d'HLM ALLIADE HABITAT au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne [C] [V] aux dépens de l'instance ;

Rappelle le caractère exécutoire par provision de plein droit de la présente décision, par application des dispositions de l'article R 121-21 du code des procédures civiles d'exécution ;

En foi de quoi, le présent jugement a été signé aux jour et lieu susdits par la greffière et la juge de l’exécution.

La greffière,La juge de l’exécution,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : J.e.x
Numéro d'arrêt : 23/06365
Date de la décision : 12/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-12;23.06365 ?
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