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07/03/2024 | FRANCE | N°21/04231

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 h, 07 mars 2024, 21/04231


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/04231 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V7IN

Jugement du 07 mars 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :

Maître Damien DUREZ de la SELARL DUREZ AVOCAT - 1787
Maître Jérôme ORSI de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU - 680






REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a

rendu, le 07 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 06 mars 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 dé...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/04231 - N° Portalis DB2H-W-B7F-V7IN

Jugement du 07 mars 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Maître Damien DUREZ de la SELARL DUREZ AVOCAT - 1787
Maître Jérôme ORSI de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU - 680

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 07 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 06 mars 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 décembre 2023 devant :

Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

En présence de Perrine PEREZ, Juriste assistante du magistrat,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.A.R.L. EMVIE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Damien DUREZ de la SELARL DUREZ AVOCAT, avocats au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A.S.U. UNI-COMMERCES
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 3]

représentée par Maître Jérôme ORSI de la SELARL VERNE BORDET ORSI TETREAU, avocats au barreau de LYON, et Maître Antoine PINEAU-BRAUDEL de la SASU CABINET PINEAU-BRAUDEL, avocats au barreau de PARIS

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé signé le 18 juillet 2019, la société UNI-COMMERCES a consenti un bail en l’état futur d’achèvement à la société EMVIE pour une durée de dix années à compter de la mise à disposition d’un local commercial d’une surface de 598 m² situé au niveau R+3 de l’extension Ouest du centre commercial [Localité 5] [4], au [Adresse 1], aux fins d’y exploiter notamment une activité de “bar à bières et brasserie/débit de boissons” moyennant un loyer annuel de base de 250.000 euros hors taxes et hors charges (ci-après “HT HC”), un loyer variable indexé sur le chiffre d’affaires , le règlement d’un dépôt de garantie de 75.000,00 euros et le paiement d’un droit d’entrée de 50.000,00 euros HT.

Tenue par les dispositions contractuelles de réaliser des travaux d’aménagement du local dans un délai de quatre mois suivant la mise à disposition des locaux, la société EMVIE a conséquemment mandaté un cabinet d’architecture aux fins de les planifier. Les sociétés EMVIE et UNI-COMMERCES ont également échangé à de multiples reprises sur l’état des locaux à livrer, les problématiques techniques rencontrées et les travaux complémentaires à envisager, sans qu’il n’émerge de consensus sur l’imputation des surcoûts ainsi générés.

La mise à disposition du local commercial a finalement été fixée au 16 octobre 2020, en vue d’une ouverture prévisionnelle de l’extension au public en février 2021.

Arguant l’inachèvement des travaux à la charge du bailleur, l’impossibilité d’y réaliser les aménagement requis et la non-conformité du local aux dispositions contractuellement convenues, la société EMVIE a refusé de prendre possession des lieux à la date susdite. Elle a, en outre, informé la société UNI-COMMERCES de la résolution unilatérale du contrat de bail en l’état futur d’achèvement et a sollicité la restitution d’une somme de 135.000,00 euros correspondant au dépôt de garantie et au droit d’entrée, ce par courrier recommandé avec demande d’avis de réception adressé le 4 novembre 2020.

En retour, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception émise le 18 décembre 2020, la société UNI-COMMERCES a proposé à la société EMVIE de repousser la mise à disposition du local au 19 janvier 2021, soit postérieurement à la levée de l’intégralité des réserves, ou, à défaut d’exécution du contrat, de lui payer un montant total de 260.170,00 euros HT incluant le coût des travaux modificatifs demandés et une indemnité de non-exécution.

Aucun accord n’étant trouvé entre les parties, la société EMVIE a fait assigner la société UNI-COMMERCES devant le tribunal judiciaire de LYON par acte d’huissier de justice signifié le 28 juin 2021 aux fins, pour l’essentiel, d’obtenir la restitution des sommes versées et à l’indemnisation des ses préjudices.

Par acte d’huissier de justice délivré le 26 juillet 2021, la société UNI-COMMERCES a elle-même fait assigner la société EMVIE devant le tribunal judiciaire de LYON aux fins, notamment, d’obtenir le paiement d’une indemnité d’immobilisation contractuelle forfaitaire et des travaux modificatifs effectués à la demande du preneur. L’affaire a été jointe à la première procédure sous le numéro RG unique 21/04231.

* * *

Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 21 octobre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société EMVIE demande au tribunal de :
juger que la société UNI-COMMERCES a manqué à son obligation contractuelle de lui délivrer des locaux lui permettant de procéder à la réalisation de travaux d’aménagement,juger que compte-tenu de ce manquement, elle était bien fondé à résilier le bail conclu entre les parties le 18 juillet 2019,juger que la société UNI-COMMERCES doit la remettre dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la conclusion dudit bail,

en conséquence, condamner la société UNI-COMMERCES à lui verser les sommes de 75.000,00 euros à titre de restitution du dépôt de garantie, 60.000,00 euros à titre de restitution du droit d’entrée, 175.351,20 euros à titre de dommages et intérêts, 597.185,00 euros au titre de la perte de chance d’exploiter le bien pris à bail,rejeter l’ensemble des demandes, fins et conclusions formulées par la société UNI-COMMERCES,condamner la société UNI-COMMERCES à lui verser la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’instance, y compris ceux découlant des articles 10 à 12 du décret du 12 décembre 1996 en cas d’exécution forcée, distraits au profit de Maître DUREZ, Avocat, sur son affirmation de droit.
Rappelant les dispositions des articles 1103, 1719 et 1231-1 du code civil, la société EMVIE estime qu’elle était fondée à notifier la résiliation du bail en l’état futur d’achèvement aux torts exclusifs de la société UNI-COMMERCES, eu égard au manquement de cette dernière à l’obligation de délivrance lui incombant. Elle souligne que le bailleur était tenu contractuellement de lui mettre à disposition un local conforme à l’exploitation d’une activité de bar à bières, brasserie et débit de boisson. Or, elle indique que postérieurement à la signature du bail, la société UNI-COMMERCES a procédé unilatéralement à des modifications techniques des travaux, qui ont généré des difficultés et d’importants retards sur le chantier. Elle énumère ensuite les désordres relevés par procès-verbal de constat d’huissier de justice le jour de la mise à disposition du local, en présence de l’architecte et des entreprises mandatés pour réaliser les travaux d’aménagement. Elle explique que le cabinet d’ingénierie-fluides VEYREINC l’a expressément mise en garde sur les problématiques engendrées par l’exécution concomitante des travaux “bailleur” et du chantier d’aménagement, en considération de la présence de deux maîtrises d’oeuvre dans un environnement restreint, de la superposition des tâches et des risques subséquents tant sur le plan budgétaire qu’en termes de sécurité. Elle expose qu’elle a pareillement été informée par l’architecte de l’impossibilité d’effectuer les travaux d’aménagement en sécurité en raison de l’inachèvement des prestations du bailleur et de la co-activité qui s’ensuivrait nécessairement. Elle précise qu’il lui a été signalé par la même occasion le report répété de la mise à disposition de la coque et le non-respect par le bailleur de certains équipements, outre les problématiques inhérentes à l’absence d’étanchéité. En réponse aux moyens soulevés par le défendeur, elle souligne que la société UNI-COMMERCES ne justifie aucunement de l’implication de la crise sanitaire dans le retard accumulé sur le chantier et que le procès-verbal de constat produit par celle-ci a été réalisé non-contradictoirement, alors que l’ensemble des intervenants avait déjà quitté les lieux. Elle soutient, de surcroît, que les désordres constatés ne peuvent être assimilés à de simples réserves, 50% des locaux n’étant pas accessibles au jour de la mise à disposition, et, au demeurant, que le bailleur ne les a pas levées dans le délai imparti par le contrat de bail.
A l’appui de sa demande d’indemnisation, elle explique qu’elle a été contrainte d’engager de nombreuses dépenses en vue du lancement du projet initialement envisagé, dont le recours à un cabinet d’architecte, à des entreprises et à un conseil, outre la commande de matériaux, la réalisation de procès-verbaux de constat et l’exécution de démarches pour obtenir une licence IV. Elle évalue le préjudice suivant à un montant total de 175.351,20 euros. Au surplus, elle affirme qu’elle a ainsi été privée de la chance d’exploiter les locaux pris à bail et de dégager des bénéfices. Se fondant sur un compte prévisionnel de résultat en date de septembre 2020, elle estime que l’activité exploitée pouvait générer une résultat d’exploitation excédentaire de 1.194,370 euros sur cinq années. Par suite, elle demande un indemnisation de la perte de chance à hauteur de 50% dudit résultat, soit 594.185,00 euros.
S’agissant des demandes reconventionnelles de la société UNI-COMMERCES, elle soutient que la clause prévoyant le versement d’une indemnité d’immobilisation n’a pas vocation à s’appliquer dès lors qu’elle a été empêchée de prendre possession des locaux. Pour rejeter l’argumentation adverse, elle observe un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties et souligne que ledit déséquilibre pourrait justifier une requalification du bail en contrat d’adhésion par le Tribunal. Elle relève, en dernier lieu, qu’aucun justificatif n’est produit au soutien de la demande d’indemnisation de travaux supplémentaires, qu’il s’agisse de leur coût ou de leur exécution effective. Au reste, elle signale qu’aucune clause ne prévoit que le preneur en serait redevable dans le cas où le contrat serait résilié, à peine d’enrichissement sans cause.

Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 27 décembre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société UNI-COMMERCES demande au tribunal de :
juger la société UNI-COMMERCES recevable et bien fondée en ses demandes,débouter la société EMVIE de l’intégralité de ses demandes,condamner la société EMVIE à lui payer la somme de 300.000,00 euros TTC au titre de l’indemnité d’immobilisation contractuelle forfaitaire réduite,condamner la société EMVIE à lui rembourser la somme 72.262,60 euros TTC au titre des travaux modificatifs exécutés à la demande et pour le compte exclusif du preneur, en pure perte,ordonner la compensation des condamnations prononcées à l’encontre de la société EMVIE avec le dépôt de garantie de 75.000,00 euros en possession de la société UNI-COMMERCES,ordonner la conservation par la société UNI-COMMERCES de la somme de 60.000,00 euros versée au titre du droit d’entrée,condamner la société EMVIE à lui payer la somme de 8.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,condamner la société EMVIE aux entiers dépens d’instance, qui comprendront notamment le coût de l’assignation, dont distraction au bénéfice de la SCP VERNE BORDET ORSI TETREAU en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société UNI-COMMERCES expose en premier lieu, au visa de l’article 1719 du code civil et des clauses du bail en l’état futur d’achèvement, que l’obligation de délivrance portait uniquement sur la mise à disposition de locaux bruts de béton et fluides en attente, de sorte que les autres travaux demeuraient à la charge du preneur, soit la société EMVIE. A cet égard, elle observe que les griefs reprochés par celle-ci portent sur de simples réserves ou finitions qu’il était prévu de lever pour le 19 janvier 2021. Elle précise également que le mesurage de l’altimétrie correspondait à une modification rendue nécessaire par une contrainte structurelle du bâtiment, qui avait d’ailleurs fait l’objet de nombreux échanges entre les maîtres d’oeuvre des parties. Elle relève également qu’il incombait à la société EMVIE de poser la chape d’étanchéité, conformément au cahier des charges techniques particulières du preneur. Elle note, au reste, que les réserves, d’ordre minime, ne faisaient pas obstacle à la prise de possession du local et au démarrage des travaux d’aménagement, de sorte que la résolution lui semble inopérante. Elle souligne, de surcroît, qu’elle se trouvait tenue de lever l’intégralité des réserves dans un délai d’un mois dans la seule hypothèse d’une prise de possession effective des lieux par la société EMVIE et que cela n’est présentement pas le cas. En réponse aux moyens adverses, elle indique qu’il n’est pas précisé par la société EMVIE la nature des modifications effectuées unilatéralement. Elle signale par ailleurs qu’il appartenait à cette dernière d’obtenir les autorisations administratives nécessaires et de procéder à des ajustements si celles-ci lui étaient refusées. Elle estime qu’il ne peut légitimement lui être reproché un retard de livraison, la date inscrite dans le contrat de bail étant prévisionnelle et non contractuelle et les aléas inhérents à toute opération de construction ayant été acceptés par la société EMVIE. Elle rappelle, au surplus, qu’il avait été spécifié au preneur l’octroi d’une franchise totale de loyer si la date d’ouverture au public venait à être reportée. Elle signale, au reste, qu’en repoussant la date de livraison, elle lui a nécessairement épargné les surcoûts provoqués par la pandémie et l’arrêt subséquent de toute exploitation, outre des chantiers en cours.
En conséquence, se prévalant des dispositions contractuelles, elle exclut toute restitution du droit d’entrée payé par la société EMVIE et sollicite qu’il soit ordonné la compensation du dépôt de garantie avec la condamnation éventuellement prononcée à son encontre. Elle juge qu’elle ne peut être tenue responsable des frais exposés à pure perte par la société EMVIE aux fins de lancer son activité dans le centre commercial “[4]”dès lors que cette dernière se trouve à l’origine de la rupture de la relation contractuelle. Elle soutient qu’il en va de même de la demande d’indemnisation d’une perte de chance et signale, au surplus, que l’estimation fournie par la société EMVIE n’intègre pas les pertes entraînées par les fermetures administratives en période d’épidémie et les loyers qui lui auraient été dus.
Se fondant sur les articles 1103 et 1104 du code civil, elle indique que l’indemnité compensatrice dont le paiement est sollicité à hauteur de 300.000,00 euros est prévue contractuellement et a vocation à compenser la perte de loyer sur période de relocation, la perte de chance de percevoir un loyer variable additionnel assis sur le chiffre d’affaires et le préjudice d’image généré par la vacance d’une boutique lors de l’inauguration de l’extension. Elle signale que le préjudice personnel est d’autant plus important que la défection du preneur est intervenue dans un contexte économique altéré par la crise sanitaire. Elle sollicite par ailleurs le remboursement des travaux modificatifs réalisés dans l’intérêt du preneur, soit 32.751,60 euros TTC de frais de modification des attentes des réseaux d’évacuation, 17.311,00 euros TTC de frais de “réservation dans le plancher pour implanter le wagon” et 22.200,00 euros TTC de travaux permettant l’implantation de groupes froids en toiture. Elle se considère enfin bien fondée à conserver le droit d’entrée de 60.000,00 euros TTC payé par le preneur, ce à l’aune des dispositions contractuelles.

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 6 mars 2023. L’affaire a été fixée à l’audience de plaidoirie du 7 décembre 2023, à l’issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 7 mars 2024.

MOTIVATION

Il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. De plus, en vertu de l'article 768 dudit code, le tribunal statue sur les seules prétentions énoncées au dispositif et examine uniquement les moyens invoqués dans la discussion. Ainsi, les demandes de "déclarer", de "dire et juger", de "constater", de "prendre acte" ou de "préserver des droits" ne constituant pas, sauf exceptions liées à une rédaction erronée de la demande, des revendications au sens du Code de procédure civile, le juge ne se trouve pas tenu d'y répondre.

Sur les demandes d’indemnisation formées par la société EMVIE
Aux termes de l’article 1103 du code civil, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”, l’article 1104 dudit code rappelant par ailleurs qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Aux termes des articles 1719 et 1720 du Code civil, le bailleur est tenu de mettre à la disposition du locataire et d’entretenir le local convenu en bon état de réparation de toute espèce, notamment en y effectuant les travaux de nature non-locative s’ils s’avèrent nécessaires.

L’obligation de délivrance implique que le locataire puisse exploiter les lieux conformément à la destination convenue.

En l’occurrence, il est confirmé par la pièce n°1 produite par la société UNI-COMMERCES qu’un contrat de bail en l’état futur d’achèvement a été conclu avec la société EMVIE le 18 juillet 2019 sur des locaux commerciaux d’une surface totale de 598 m² au niveau 3 du centre commercial [4]. Il est notamment spécifié en page n°2 dudit contrat qu’il “est consenti et accepté sous les charges, clauses et conditions mentionnées au Titre I (le “Titre I”) et au Titre II (le “Titre II”) ci-après, marquant l’accord des Parties à l’issue de leurs négociations[1] [...].”

[1] Souligné par le Tribunal

Or, il est indiqué sous l’intitulé “Contexte dans lequel s’inscrit le présent bail” que “En complément des indication stipulées dans l’EXPOSE du présent Bail, le Preneur déclare et reconnaît qu’au jour de la signature du Bail, il est averti[2] de ce que le bail est conclu en état futur d’achèvement et que :

[2] Les termes ci-contre et ceux qui suivent ont été soulignés par le Tribunal, afin de mettre spécifiquement en évidence le contenu visé.

- les plans du local et de son environnement sont susceptibles d’être modifiés aussi bien jusqu’à l’obtention des autorisations administratives ci-après stipulées que jusqu’à l’achèvement des travaux de construction objet du Programme et ce pour tenir compte notamment des impératifs administratifs, de sécurité et des contraintes techniques imposées par les évolutions administratives ou de chantier ;
- les indications d’ordre technique figurant dans le bail, en ce compris ses annexes, pourront subir des modifications en conséquence des impératifs et contraintes mentionnées ci-dessus
- [...].”

Régulièrement informée de cet aléa, qu’elle a par ailleurs accepté en apposant sa signature sur le contrat de bail le 18 juillet 2019, la société EMVIE a assurément eu connaissance de la nécessité d’adapter le projet originellement conçu par le cabinet 4AX’ARCHITECTURE à une éventuelle évolution des plans des locaux, ainsi que des surcoûts qui pourraient en découler. Dès lors, elle ne peut se prévaloir des modifications effectivement apportées par la société UNI-COMMERCES aux surfaces prises en location et de leurs non-conformités aux dispositions contractuelles initiales pour justifier le refus de livraison, quand bien même lesdites modifications ont pu faire obstacle à la réalisation des aménagements tels qu’ils avaient été envisagés par le cabinet d’architectes.

En parallèle, il est prévu par l’article 7 du Titre I du contrat de bail que la mise à disposition du local est prévue “au minimum QUATRE (4) mois avant la date d’ouverture au public des locaux construits dans le cadre du Programme”, laquelle est fixée “à titre informatif et non contractuel” au premier semestre 2020, le bailleur indiquant au reste expressément dans le contrat que ladite date “est susceptible d’être différée ou avancée”. A cet égard, il est spécifié sous l’intitulé “Retard” dudit document que “le preneur a conscience de ce que l’achèvement des travaux construits dans le cadre du Programme peut prendre du retard du fait notamment des contraintes de chantier telles que [...] les jours de retard consécutifs à des injonctions administratives ou judiciaires de suspendre ou d’arrêter les travaux [...]”, qu’il “reconnaît l’existence de contraintes qui s’imposent aux deux parties et, par conséquent, en accepte tous les aléas et ce sans remise en cause des clauses et conditions du présent Bail qui resteront sans changement à l’exception des délais de mise à disposition du Local au Preneur et d’ouverture au public des locaux construits dans le cadre du Programme [...]” et qu’il “ne pourra se prévaloir des contraintes susvisées et du retard qui y est attaché pour engager une quelconque action à l’encontre du bailleur et de ses mandataires, les Parties ayant parfaitement conscience et acceptant irrévocablement les aléas inhérents à toute opération de construction[3] notamment quant à sa bonne fin dans les conditions et délais envisagés ou les prévisions des Parties qui ne peuvent être et ne sont pas garantis”.

[3] Mentions soulignées par le Tribunal

Il apparaît ainsi qu’en prenant à bail en l’état futur d’achèvement les locaux, la société EMVIE a également accepté le risque de retard de livraison et les conséquences que cela pourrait avoir sur les travaux d’aménagements envisagés préalablement à l’ouverture de l’établissement au public. A ce titre, si la société UNI-COMMERCES ne produit aucun élément probant à l’appui de ses assertions, il est indéniable que les travaux d’extension débutés au second semestre 2017, dont il était prévu contractuellement qu’ils se poursuivraient jusqu’au premier semestre 2020, ont été partiellement entrepris en concomitance avec la survenance de l’épidémie de COVID-19, si bien que le chantier a nécessairement été affecté par les périodes de fermeture administrative, et notamment par le confinement décrété le 16 mars 2020. En conséquence, s’il ressort du procès-verbal de constat établi par Maître [I] [T], huissier de justice (pièce n°7 de la société EMVIE) qu’à la date de mise à disposition du local convenue, soit le 16 octobre 2020 (pièce n°4 de la société UNI-COMMERCES), de multiples réserves restaient à lever, il s’avère que la société EMVIE avait contractuellement accepté un tel imprévu.

En outre, la société EMVIE échoue à démontrer que les travaux inachevés étaient intégralement à la charge de la société UNI-COMMERCES, le contrat de bail imposant uniquement à cette dernière de mettre à disposition un local “en l’état brut de gros-oeuvre et fluides en attente conformément à l’Annexe Technique, au(x) plan(s) et au Cahier des Charges Techniques Preneurs [...]”. Il résulte d’ailleurs du cahier des charges techniques particulières du preneur que la réalisation de l’étanchéité, dont l’absence préjudiciable était signalée par la société TECHNIC BOISSONS dans un courrier adressé le 21 octobre 2020, relevait de la responsabilité du preneur, le point C.2.2. dudit document spécifiant que “Les sols du Local ou parties du Local destinés à recevoir des points équipés d’eau (installations sanitaires, bassins, stands de démonstration, chambres froides, salles de lavage, cuisines de restaurants, etc.) ou appelés à être lavés à grande eau régulièrement, devront, avant pose du revêtement de sol définitif, être revêtus par le Preneur d’une chape d’étanchéité avec relevés sur une hauteur de 10 cm au minimum au-dessus du niveau fini” (pièces n°14 et n°16 de la société UNI-COMMERCES).

La société EMVIE échoue pareillement à montrer que les travaux inachevés ont empêché l’entrée effective dans les locaux. Il s’avère certes, à la lecture de la pièce n°6 de la société EMVIE, soit le courrier adressé le 23 octobre 2020 par le cabinet 4AX’ARCHITECTURE, que l’absence de finalisation de certains travaux était susceptible de générer une co-activité préjudiciable à la sécurité des intervenants sur le chantier. Toutefois, il apparaît que cela ne faisait pas obstacle à la réalisation des travaux selon un planning aménagé en concertation avec le bailleur. Il ressort tout au plus de l’écrit du cabinet 4AX’ARCHITECTURE que celui-ci a refusé de poursuivre la mission confiée dans les conditions “morales et financières”existant. Il en va d’ailleurs de même du courrier électronique adressé le 23 octobre 2020 par le bureau d’études techniques VEYREINC, en ce que celui-ci ne relève pas formellement d’impossibilité d’effectuer les travaux d’aménagement, mais signale les difficultés inhérentes à la concomitance de deux chantiers (pièce n°13).

Il est évoqué simultanément dans le courrier du cabinet d’architecte 4AX’ARCHITECTURE le refus de la commission départementale d’accessibilité d’accepter que la zone de retournement nécessaires aux personnes à mobilité réduite se situe à l’extérieur du WC aménagé à cette fin. Cet élément est corroboré par l’avis de la CCDSA en date du 13 octobre 2020 (pièce n°4 de la société EMVIE), au sein duquel la commission susdite indique expressément que l’aménagement de l’espace sanitaire mixte ne permet la rotation d’un fauteuil roulant qu’‘à l’extérieur du “cabinet d’aisance mixte adapté”. Elle précise toutefois qu’elle émet un avis défavorable parce que “toutes les solutions permettant un sanitaire adapté comportant un espace de manoeuvre avec possibilité de demi-tour situé à l’intérieur du cabinet n’ont pas été étudiées”, ce qui tend à démontrer qu’il ne s’agit pas d’un obstacle définitif à l’aménagement des lieux. Au demeurant, si le cabinet 4AX’ARCHITECTURE explique ces contraintes par l’agrandissement de la gaine technique “Apple”, il a été démontré supra que la société EMVIE a expressément accepté un tel aléa.

Par suite, si les aléas inhérents à l’opération de construction ont pu remettre en cause le projet imaginé par la société EMVIE au jour de la conclusion du contrat de bail, ce tant sur le plan technique que sur le plan financier, elle échoue toutefois à prouver qu’elle s’est trouvée dans l’impossibilité de réaliser les aménagements nécessaires à l’exploitation des lieux, seul le cabinet d’architectes ayant exprimé des réticences sur la poursuite de ses missions.

En outre, il est prévu par l’article 9.2 du Titre II du contrat de bail du 18 juillet 2019 que “Le preneur prendra possession du Local dans l’état où il se trouvera à la date de mise à disposition et tel qu’il a été désigné au Titre I.” L’article 7.2. du Titre I du contrat susmentionné dispose également que “Les imperfections suffisamment graves mais ne justifiant pas un tel refus d’entrer dans le local ne retarderont pas la prise de possession. La durée de ces travaux ne devra pas dépasser un mois et ne devra pas interrompre les travaux du Preneur”.

Or, comme cela a été relevé précédemment, il n’est pas suffisamment démontré que les réserves ont empêché la société EMVIE de débuter les travaux d’aménagement, qu’elle pouvait d’ailleurs confier à un autre cabinet d’architecte s’agissant de la maîtrise d’oeuvre.

De plus, si le bailleur indique dans un courrier daté du 18 décembre 2020 que “les réserves seront levées le 19 janvier 2021", il propose en parallèle de reporter à cette date la mise à disposition des lieux, ce qui aurait eu pour effet de décaler d’autant le règlement des premières échéances locatives (outre l’application de la franchise de quatre mois à compter du 19 janvier 2021) et de préserver conséquemment les intérêts financiers de la société EMVIE , qui plus est dans un contexte épidémique indubitablement préjudiciable à l’exploitation l’activité de restauration (pièces n°1 et n°7 de la société UNI-COMMERCES).

Eu égard aux éléments ci-dessus, il ne sera pas retenu à l’encontre de la société UNI-COMMERCE un manquement à l’obligation de délivrance lui incombant.

Néanmoins, le preneur ne s’étant présenté ni au rendez-vous de mise à disposition des locaux du 19 janvier 2021 ni à celui du 27 janvier 2021, dont il a pourtant été régulièrement informé, il sera constaté le caractère nul et non avenu du contrat de bail en l’état futur d’achèvement conclu le 18 juillet 2019, ce conformément aux dispositions de l’article 9.1. du Titre II de ladite convention (pièces n°1, n°7 et n°9 de la société UNI-COMMERCES).

Par suite et en application de l’article 5.2. du Titre II du contrat de bail signé le 18 juillet 2019, la société UNI-COMMERCES sera condamnée à restituer à la société EMVIE la somme de 75.000,00 euros TTC au titre dépôt de garantie. Il sera statué ci-après sur la demande de compensation.

S’agissant du droit d’entrée, il résulte de l’article 14 du Titre I du contrat en date du 18 juillet 2019 que le bail a été consenti sur les locaux commerciaux “moyennant le versement par le Preneur au Bailleur d’un droit d’entrée de 50.000 € HT (CINQUANTE MILLE EUROS HORS TAXE).” L’article 14 précise par ailleurs que “d’un commun accord entre les parties, ce droit d’entrée est une composante du loyer. Il demeurera définitivement acquis au Bailleur dès son versement ; le Preneur ne pourra jamais le revendiquer, ni en totalité ni en partie, quel que soit le sort du Bail et quelle qu’en ait été la durée, même en cas de résiliation pour quelle que cause que ce soit.”

Eu égard aux dispositions contractuelles sus-citées, il n’y a pas lieu d’ordonner la restitution par la société UNI-COMMERCES de la somme de 50.000,00 euros HT (outre taux de TVA en vigueur au jour du paiement) versée par la société EMVIE à la signature du bail commercial.

A défaut de résolution du contrat de bail aux torts exclusifs de la société UNI-COMMERCES, le surplus de demandes indemnitaires formé par la société EMVIE sera rejeté.

Sur les demandes d’indemnisation reconventionnelles présentées par la société UNI-COMMERCES
Sur la demande de paiement d’une indemnité forfaitaire compensatrice
Aux termes de l’article 1103 du code civil, “les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”, l’article 1104 dudit code rappelant par ailleurs qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En l’occurrence, il est observé à titre liminaire que si la société EMVIE évoque brièvement une possible requalification du contrat de bail en l’état futur d’achèvement en contrat d’adhésion, elle ne formule expressément aucune demande à cette fin et ne développe aucun moyen tangible à l’appui.

En parallèle, il résulte de l’article 9.1. du Titre II du contrat de bail en l’état futur d’achèvement conclu le 18 juillet 2019 que lorsque le contrat est nul et non avenu en raison de l’absence du preneur le jour de la mise à disposition des lieux, celui-ci se trouve tenu de verser au bailleur “à titre forfaitaire une indemnité correspondant à trois années de loyer de base toutes taxes comprises, tel que défini à l’article 4.1. du Titre I, et ce sans préjudice des sanctions encourues sur le fondement du code civil.”

Toutefois, il s’avère, à la lecture dudit contrat, qu’il a été convenu contractuellement de déroger à la disposition susmentionnée aux termes de l’article 11.5. du Titre I, en ce qu’il y est spécifié que “Par dérogation au deuxième point du quatrième alinéa 9.1. du Titre II du Bail, l’indemnité est ramenée à un an de loyer annuel de base toutes taxes comprises tel que défini à l’article 4 du Titre I du Bail.”

Or, l’article 4 du Titre I du contrat de bail du 18 juillet 2019 énonce que “Le loyer annuel de base (L0) est fixé à la somme de 250.000 € (DEUX CENT CINQUANTE MILLE EUROS) HORS TAXES ET HORS CHARGES; TVA en sus à la charge du Preneur au taux en vigueur au jour des règlements.

Eu égard aux éléments développés en partie I du présent jugement, la société UNI-COMMERCES apparaît bien fondée à solliciter le paiement d’une indemnité forfaitaire de compensation d’un montant de 250.000,00 euros HT, outre application du taux de TVA en vigueur au jour du règlement.

Sur la demande d’indemnisation des travaux modificatifs
Aux termes de l’article 1240 du code civil, pris dans la rédaction postérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, “t out fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

En outre, l’article 1241 dudit code, dispose que “chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

Dès lors, il appartient au demandeur d’établir, à l’encontre de celui qu’il entend obliger à réparer, l’existence d’une faute, d’un préjudice réel et certain, et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.

Sur ce, il a d’ores et déjà été démontré supra le manquement fautif imputable à la société EMVIE. Toutefois, la société UNI-COMMERCES ne justifie ni la réalisation effective desdits travaux ni leur paiement, à défaut notamment de production de factures comprenant la mention “acquittée”. Tout au plus produit-elle :
une “fiche travaux modificative preneur” portant sur une “demande de réservation dans le plancher technique de -7cm afin de pouvoir y implanter le wagon” pour un montant prévisionnel de 17.311,13 euros TTC, sans qu’il n’y soit mentionné l’acceptation ou le refus des travaux concernés, ainsi qu’une date de réalisation ;une “fiche travaux modificative” intitulée “implantation attentes fluides” pour un montant de 12.639,50 euros HT indiqué manuscritement, non datée et sur laquelle il n’est pas davantage précisé si les modifications ont fait l’objet d’une acceptation ou d’un rejet,une troisième “fiche travaux modificative” pareillement incomplète intitulée “Création attentes EU, EV EUG et2 siphons e sol dans plancher technique” pour une somme totale de 17.585,51 euros TTC (l’addition des montants de travaux portant sur les attentes ne permettant pas, au surplus, de retrouver la somme de 32.751,60 euros avancée par la société UNI-COMMERCE)des tableaux estimatifs sans valeur probante (pièce n°12 de la société UNI-COMMERCE).
Le préjudice étant insuffisamment prouvé, la demande de remboursement des travaux modificatifs formulée par la société UNI-COMMERCE sera rejetée.

Sur la demande d’indemnisation pour résistance abusive
Aux termes de l’article 1240 du code civil, pris dans la rédaction postérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, “t out fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.”

En outre, l’article 1241 dudit code, dispose que “chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.”

Dès lors, il appartient au demandeur d’établir, à l’encontre de celui qu’il entend obliger à réparer, l’existence d’une faute, d’un préjudice réel et certain, et d’un lien de causalité entre la faute et le dommage.

En l’occurrence, si les moyens avancés par la société EMVIE au soutien de ses demandes sont insuffisants pour obtenir gain de cause, cela n’est aucunement révélateur de l’éventuelle mauvaise foi dont elle aurait pu faire preuve en introduisant la présente instance, laquelle, au demeurant, fait suite à des tentatives infructueuses de résolution amiable d’un différend juridique légitime.

De même, il résulte certes des pièces versées aux débats qu’il a été envisagé des travaux modificatifs à l’initiative du preneur. Néanmoins, il a été souligné précédemment que leur réalisation et leur paiement ne sont pas étayés par des pièces probantes. Par suite, il ne peut être reproché à la société EMVIE d’avoir fautivement et abusivement refusé de les rembourser au bailleur.

Au reste, il ressort des conclusions récapitulatives de la société UNI-COMMERCES qu’elle n’a pas repris dans le dispositif la demande de paiement d’une indemnité réparatrice de 50.000,00 euros, si bien que le Tribunal ne s’en trouve pas valablement saisi.

Sur la demande de compensation
L’article 1348 du code civil prévoit que “la compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.”

Il sera ordonné la compensation des créances réciproques entre la société EMVIE et la société UNI-COMMERCES.

Sur les frais du procès et sur l’exécution provisoire
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, "la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie."

En outre, l'article 699 dudit code dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens.

En l'espèce, succombant en ses demandes formées à l’encontre de la société UNI-COMMERCES, la société EMVIE sera condamnée aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’assignation délivrée à l’initiative de la société UNI-COMMERCES, avec distraction au profit de la SCP VERNE BORDET ORSI TETREAU.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

En l’occurrence, la société EMVIE étant condamnée aux dépens, il serait inéquitable que la société UNI-COMMERCES supporte la charge des frais exposés dans la présente instance.

Par conséquence, la société EMVIE sera condamnée à payer à la société UNI-COMMERCES une somme de 2.000,00 euros au titre des frais irrépétibles. Elle sera par ailleurs déboutée de sa propre demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il sera rappelé l’exécution provisoire de droit du présent jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement après débats publics par jugement rendu contradictoirement en premier ressort par mise à disposition au greffe,

CONSTATE le caractère nul et non avenu du contrat de bail en l’état futur d’achèvement conclu entre la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES et la société à responsabilité limitée EMVIE par acte sous seing privé en date du 18 juillet 2019 ;

CONDAMNE la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES à restituer à la société à responsabilité limitée EMVIE la somme de 75.000,00 euros toutes taxes comprises au titre du dépôt de garantie ;

REJETTE la demande de la société à responsabilité limitée EMVIE au titre du droit d’entrée tendant à obtenir la condamnation de la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES à lui restituer la somme de 50.000,00 euros hors taxes au titre du droit d’entrée ;

REJETTE demande de la société à responsabilité limitée EMVIE tendant à obtenir la condamnation de la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES à lui payer la somme de 175.351,20 euros en indemnisation des frais engagés dans la réalisation du projet d’ouverture de son commerce au sein du centre commercial “[4]” ;

REJETTE demande de la société à responsabilité limitée EMVIE tendant à obtenir la condamnation de la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES à lui payer la somme de 597.185,00 euros en indemnisation d’une perte de chance de réaliser un résultat d’exploitation ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EMVIE à payer à la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES la somme de 250.000,00 euros hors taxes (outre taux de TVA applicable) au titre de l’indemnité d’immobilisation contractuelle forfaitaire ;

REJETTE la demande de la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES tendant à obtenir la condamnation de la société à responsabilité limitée EMVIE à lui payer une somme de 72.262,60 euros toutes taxes comprises en remboursement des travaux modificatifs ;

DIT n’y avoir lieu de statuer sur la demande de paiement d’une somme de 50.000,00 euros formée par la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES pour résistance abusive, le Tribunal n’en étant pas saisi à défaut de mention expresse dans le dispositif des conclusions récapitulatives notifiées le 27 décembre 2022 par la société susdite par message RPVA ;

ORDONNE la compensation des créances réciproques entre la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES et la société à responsabilité limitée EMVIE ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EMVIE aux entiers dépens de l’instance, en ce compris les frais de l’assignation délivrée le 26 juillet 2021 à l’initiative de la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES, avec distraction au profit de la SCP VERNE BORDET ORSI TETREAU ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée EMVIE à payer à la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES la somme de 2.000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la société à responsabilité limitée EMVIE de sa demande tendant à obtenir la condamnation de la société par actions simplifiée unipersonnelle UNI-COMMERCES à lui payer une somme de 5.000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du présent jugement ;

REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires.

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART.

LA GREFFIERELA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 h
Numéro d'arrêt : 21/04231
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;21.04231 ?
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