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07/03/2024 | FRANCE | N°21/02556

France | France, Tribunal judiciaire de Lyon, Chambre 10 cab 10 h, 07 mars 2024, 21/02556


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/02556 - N° Portalis DB2H-W-B7F-VZIW

Jugement du 07 mars 2024
























Notifié le :




Grosse et copie à :

Me Thierry DUMOULIN - 261
Me Emeline THOMAS - 1275





REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 07 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradic

toire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 06 mars 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 décembre 2023 devant :

Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en format...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE LYON

Chambre 10 cab 10 H

N° RG 21/02556 - N° Portalis DB2H-W-B7F-VZIW

Jugement du 07 mars 2024

Notifié le :

Grosse et copie à :

Me Thierry DUMOULIN - 261
Me Emeline THOMAS - 1275

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Le Tribunal judiciaire de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 07 mars 2024 devant la Chambre 10 cab 10 H le jugement contradictoire suivant,

Après que l’instruction eut été clôturée le 06 mars 2023, et que la cause eut été débattue à l’audience publique du 07 décembre 2023 devant :

Marlène DOUIBI, Président,
siégeant en formation Juge Unique,

Assistée de Jessica BOSCO BUFFART, Greffier,

En présence de Perrine PEREZ, Juriste assistante du magistrat,

Et après qu’il en eut été délibéré par le magistrat ayant assisté aux débats dans l’affaire opposant :

DEMANDERESSE

S.C.I. AB
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]

représentée par Maître Thierry DUMOULIN, avocat au barreau de LYON

DEFENDERESSE

S.A.S. KBPROP
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître Emeline THOMAS, avocat au barreau de LYON

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé signé le 1er avril 2017, la société civile immobilière AB (ci-après “SCI AB”) a consenti un bail commercial pour une durée de neuf années (soit du 1er avril 2017 au 31 mars 2026) à la société KBPROP sur un local de 130 m² situé au [Adresse 1], sur la commune de [Localité 3] (69) moyennant un loyer mensuel de 4.340,00 euros hors taxes et hors charges (HT HC ci-après) avec clause de révision annuelle.

Arguant le non-respect des dispositions du bail commercial par la société KBPROP et en l’absence de consensus sur la résiliation amiable dudit contrat, la SCI AB a fait procéder, le 3 juillet 2020, à un procès-verbal de constat par Maître [C] [V], huissier de justice, à l’appui duquel elle a fait délivrer un commandement visant la clause résolutoire par acte en date du 22 septembre 2020.

Puis, par requête datée du 22 octobre 2020, la SCI AB a sollicité du Président du tribunal judiciaire de LYON la désignation d’un huissier de justice territorialement compétent aux fins de faire constater la nature de l’activité exploitée par la société KBPROP au sein des locaux loués. Le Président du tribunal judiciaire de LYON a fait droit à la demande précitée par ordonnance rendue le jour-même, la mesure ayant été exécutée le 3 décembre 2020 par Maître [C] [V].

La SCI AB a finalement fait assigner la société KBPROP devant le tribunal judiciaire de LYON par acte d'huissier de justice signifié le 9 avril 2021 aux fins, pour l’essentiel, de solliciter la résolution judiciaire du contrat de bail signé le 1er avril 2017, l’expulsion du preneur et le paiement d’une indemnité d’occupation.

Le local commercial a été vendu à la SCI FLASH par acte notarié reçu le 30 avril 2021 par Maître [N] [W], notaire associé de la S.A.R.L. NOTAIRE LYON BUGEAUD. Par suite, la SCI AB a entendu se désister de l’instance et de l’action, mais s’est heurtée au refus opposé par la société KBPROP.

Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 27 février 2023, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la SCI AB demande au tribunal de :
débouter la société KBPROP de l'ensemble de ses prétentions et demandes,condamner la société KBPROP à lui payer 5.000,00 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi, outre 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,condamner la société KBPROP aux entiers dépens, dont les frais de commandement de payer et les deux constats d’huissier de justice des 3 juillet 2020 et 3 décembre 2020.
Rappelant le refus opposé par la société KBPROP à la proposition de désistement, la SCI AB justifie sa demande d’indemnisation, au visa de l’article 1231-1 du code civil, par les manquements du preneur aux dispositions conventionnelles. Elle note, en premier lieu, que la société KBPROP n’apporte pas la preuve d’une assurance effective du bien sur la période antérieure au mois de septembre 2020, pas davantage que du paiement régulier des primes d’assurance. Elle soutient ensuite que la société KBPROP a sous-loué les locaux sans solliciter le consentement du bailleur. A l’appui de ses assertions, elle indique qu’il a été constaté par voie d’huissier de justice la présence de boîte aux lettres aux noms de sociétés étrangères au bail commercial conclu le 1er avril 2017, outre le stockage à proximité d’un tènement immobilier d’éléments automobiles et d’une enseigne “KEBAB”. Elle explique que les violations susdites l’ont contrainte à mobiliser du temps afin de les faire cesser et l’ont amenée à mettre en vente le bien immobilier. En réponse aux moyens soulevés par le défendeur, elle conteste la valeur probante de l’attestation, à défaut d’apposition d’une signature. Elle relève également que la souscription d’une assurance postérieurement au commandement visant la clause résolutoire demeure sans effets sur la violation des dispositions du bail.

Pour exclure tout abus de droit, elle observe d’une part que la société KBPROP n’invoque aucun fondement à l’appui des prétentions indemnitaires formées, d’autre part qu’il n’est pas démontré l’intention de nuire, les violations du bail dénoncées lui paraissant constituées, enfin que l’évaluation du préjudice n’est étayée par aucun justificatif. Au reste, elle souligne qu’elle n’a pas maintenu ses demandes initiales uniquement par suite de la cession du local commercial.

Aux termes des conclusions récapitulatives notifiées le 22 novembre 2022, auxquelles il sera expressément renvoyé pour un plus ample exposé des moyens invoqués et des prétentions émises, la société KBPROP demande au tribunal de :
débouter la SCI AB de l’ensemble de ses demandes fins et prétentions, condamner la SCI AB à payer à la défenderesse la somme de 10.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, condamner la SCI AB à lui payer la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, condamner la même aux entiers frais et dépens de la présente procédure.
La société KBPROP dément toute violation contractuelle, en premier lieu en considération de la communication de l’attestation d’assurance sollicitée sur la période visée par le commandement de payer, soit du 8 août 2020 au 7 août 2021. Elle relève ensuite qu’il ne peut lui être reproché une atteinte à la destination contractuelle des lieux, en ce que les équipements automobiles et la pancarte KEBAB dont la présence a été constatée par monsieur l’huissier de justice se trouvaient à l’extérieur du bâtiment, au sein d’une cour partagée. Elle signale d’ailleurs que plusieurs entreprises exploitent leur activité dans les hangars voisins, de sorte que le matériel susdit pourrait appartenir à n’importe laquelle d’entre elles. Elle exclut pareillement toute sous-location, à défaut d’éléments probants produits par la partie adverse. Elle observe, au surplus, que la SCI AB ne démontre aucun préjudice.
Au soutien de ses prétentions indemnitaires, elle soutient que la SCI AB a introduit la présente instance de manière abusive et dans l’intention de nuire. Elle explique que le bailleur a cherché par tout moyen à obtenir la résiliation du bail sans fixation d’une indemnité d’éviction aux fins de vendre le local libre de tout occupant, tout d’abord en l’avisant par courrier de son intention de résilier le contrat, ensuite en tentant de lui imputer des fautes hypothétiques, enfin en introduisant une action alors qu’il avait déjà pour objectif de procéder à la vente des lieux. Elle considère que la SCI AB a tenté de nuire à son activité en se présentant régulièrement au sein des locaux loués pour lui demander de quitter les lieux, en lui adressant des courriers destinés à obtenir la résiliation du bail, en sollicitant l’intervention d’huissiers de justice, en introduisant une procédure infondée et injustifiée en connaissance de la mise en vente future du local, enfin en patientant plus de six mois avant de formuler un désistement. Elle expose que les comportements précités lui ont été préjudiciables eu égard au temps consacré à la résolution du litige, ce au détriment du traitement de la charge habituelle de travail et du développement normal de l’entreprise, et du stress ainsi engendré.

La clôture de l'instruction est intervenue le 6 mars 2023 par ordonnance du même jour. L'affaire a été renvoyée à l'audience de plaidoirie en formation à juge unique du 7 décembre 2023 et mise en délibéré au 7 mars 2024.

MOTIVATION

Sur la demande d’indemnisation présentée par la SCI AB
Aux termes de l'article 1231-1 du Code civil, pris dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, "le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."

En l’occurrence, il apparaît que la SCI AB ne démontre ni la réalité ni le quantum du préjudice dont elle sollicite l’indemnisation.

En effet, si elle indique qu’elle s’est investie en temps aux fins d’obtenir le respect des clauses et conditions du bail, il ressort de la pièce n°3 produite par la société KBPROP que la proposition de résiliation amiable du bail commercial adressée le 25 juin 2019 ne mentionnait pas un quelconque manquement motivant cette décision et était tout au plus justifiée par la vente future des locaux. Ce n’est finalement qu’à compter du 21 septembre 2020, soit postérieurement à la demande de fixation d’une indemnité d’éviction formulée par la société KBPROP le 5 novembre 2019, que la SCI AB invoque pour la première fois de possibles violations des dispositions du bail commercial signé le 1er avril 2017, qu’elle ne précise d’ailleurs pas factuellement dans le commandement visant la clause résolutoire (tout du moins pour ce qui a trait au non-respect de la destination des locaux et à la sous-location allégués).

De même, s’il résulte des pièces n°5 et n°6 de la SCI AB qu’elle a entrepris des démarches ultérieures supplémentaires, soit le dépôt d’une requête en désignation d’un huissier de justice et l’établissement d’un second procès-verbal de constat, celles-ci ont manifestement eu vocation à obtenir non pas la cessation des manquements objectés, mais leur sanction immédiate par l’application de la clause résolutoire.

Ainsi, il s’avère que la SCI AB requiert l’indemnisation d’un investissement personnel qui n’est pas avéré et, en conséquence, non quantifiable.

La demande d’indemnisation sera donc rejetée, sans qu’il ne soit nécessaire de statuer sur la réalité des manquements fautifs allégués.

Sur la demande reconventionnelle en indemnisation formée par la société KBPROP
Il est observé, à titre liminaire, que la société KBPROP n’identifie aucun moyen à l’appui de leur demande.

En l'absence de toute précision sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits sous tous leurs aspects juridiques conformément aux règles de droit qui leur sont applicables (Civ. 3e, 27 juin 2006, n° 05-15.394).

Aux termes de l’article 32-1 du code de procédure civile, “Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.”

L’article 1240 du code civil pris dans sa rédaction postérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 prévoit que "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."

En outre, l'article 1241 dudit code, dispose que "chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence."

Dès lors, il appartient au demandeur d'établir, à l'encontre de celui qu'il entend obliger à réparer, l'existence d'une faute, d'un préjudice réel et certain, et d'un lien de causalité entre la faute et le dommage.

En l’occurrence, l’hypothèse selon laquelle la SCI AB aurait tenté de se soustraire à l’obligation de paiement d’une indemnité de résiliation est insuffisamment étayée par les éléments versés aux débats, quand bien même la démarche de résolution amiable entreprise le 25 juin 2019 peut questionner l’intention sous-jacente.

En outre, ce n’est qu’à compter du 30 avril 2021, soit postérieurement à l’introduction de la présente instance, que la SCI AB a été assurée de la cession du local commercial et a perdu tout intérêt à poursuivre l’action en résolution du contrat de bail. C’est au reste ce qui ressort des mentions précisées en page n°6 de l’acte authentique de vente, en ce qu’il y est indiqué que “L’ACQUÉREUR est informé de la procédure en cours avec les locataires et est subrogé dans les droits du VENDEUR à compter de ce jour.
L’ACQUÉREUR mandate le VENDEUR afin que ce dernier se désiste de l’instance en cours, déclarant vouloir en faire son affaire personnelle.[1]” Il résulte d’ailleurs des conclusions d’incident notifiées le 5 décembre 2021 que la SCI AB a effectivement tenté de se désister de l’instance. A cet égard, s’il peut être regretté un défaut de célérité, le désistement ayant été formulé plus de sept mois après la conclusion de la vente par acte authentique, il ne peut en être raisonnablement déduit que la SCI AB a poursuivi abusivement l’instance en cours. De même, le fait que certaines conditions suspensives de la vente aient été réalisées avant la saisine effective de la juridiction ne suffit pas à prouver tant l’intention de nuire de la SCI AB que le caractère abusif de son action.

[1] Mentions soulignées par le Tribunal

En conséquence, la demande indemnitaire présentée par la société KBPROP sera rejetée.

Sur les frais du procès et sur l’exécution provisoire
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie."

La SCI AB et la société KBPROP succombant toutes deux en leurs demandes respectives, les dépens de l’instance seront partagés à hauteur de 50% à la charge de la SCI AB et 50% à la charge de la société KBPROP.

Par ailleurs, la SCI AB gardera la charge des frais du commandement visant la clause résolutoire délivré le 22 septembre 2020 et des deux constats d’huissier de justice respectivement datés du 3 juillet 2020 et du 3 décembre 2021.

Aux termes de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations.

Au regard de l’équité, les demandes formées par la SCI AB et par la société KBPROP au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il est rappelé l’exécution provisoire du présent jugement.

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal, statuant publiquement après débats publics par jugement contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe,

REJETTE la demande de la société civile immobilière AB tendant à obtenir la condamnation de la société par actions simplifiée KBPROP à lui payer 5.000,00 euros de dommages et intérêts ;

REJETTE la demande de la société par actions simplifiée KBPROP tendant à obtenir la condamnation de la société civile immobilière AB à lui payer 10.000,00 euros de dommages et intérêts ;

PARTAGE les dépens de l’instance à hauteur de 50% à la charge de la société civile immobilière AB et de 50% à la charge de la société par actions simplifiée KBPROP, hors frais du commandements visant la clause résolutoire délivré le 22 septembre 2020 et des deux constats d’huissier de justice respectivement datés du 3 juillet 2020 et du 3 décembre 2021, lesquels resteront à la charge de la société civile immobilière AB ;

REJETTE les demandes de la société par actions simplifiée KBPROP et de la société civile immobilière AB formées au titre des frais irrépétibles ;

RAPPELLE l’exécution provisoire du présent jugement ;

REJETTE toutes les demandes plus amples ou contraires ;

En foi de quoi, le présent jugement a été signé par la Présidente, Marlène DOUIBI, et la Greffière, Jessica BOSCO BUFFART.

LA GREFFIÈRELLA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lyon
Formation : Chambre 10 cab 10 h
Numéro d'arrêt : 21/02556
Date de la décision : 07/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-07;21.02556 ?
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