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03/09/2024 | FRANCE | N°23/00716

France | France, Tribunal judiciaire de Lille, Chambre 04, 03 septembre 2024, 23/00716


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
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Chambre 04
N° RG 23/00716 - N° Portalis DBZS-W-B7H-WZJI

JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Mme [P] [N]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [M] [R]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de LILLE

La CPAM [Localité 8] [Localité 7], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 8]
défaillant

COMPOSITION DU T

RIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFI...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE
-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

Chambre 04
N° RG 23/00716 - N° Portalis DBZS-W-B7H-WZJI

JUGEMENT DU 03 SEPTEMBRE 2024

DEMANDEUR :

Mme [P] [N]
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Pierre VANDENBUSSCHE, avocat au barreau de LILLE

DEFENDEUR :

M. [M] [R]
[Adresse 4]
[Localité 5]
représenté par Me Emmanuel MASSON, avocat au barreau de LILLE

La CPAM [Localité 8] [Localité 7], prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 8]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président : Ghislaine CAVAILLES, Vice-Présidente
Assesseur : Leslie JODEAU, Vice-présidente
Assesseur : Sophie DUGOUJON, Juge

GREFFIER : Yacine BAHEDDI, Greffier

DEBATS :

Vu l’ordonnance de clôture en date du 20 Septembre 2023.

A l’audience publique du 04 Avril 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré,les avocats ont été avisés que le jugement serait rendu le 28 Juin 2024 et prororgé au 03 Septembre 2024.

Sophie DUGOUJON, Juge rapporteur qui a entendu la plaidoirie en a rendu compte au tribunal dans son délibéré

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au Greffe le 03 Septembre 2024 par Ghislaine CAVAILLES, Président, assistée de Yacine BAHEDDI, greffier.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 03 avril 2021, un incident s'est produit sur le parking de la clinique vétérinaire [10] située à [Localité 9] (Nord) au cours duquel le chien de race berger allemand de Monsieur [M] [R] a attaqué et mordu le chien de race west highland white terrier de Madame [P] [N]. A l'occasion de cette agression, Madame [N] a été mordue aux deux mains, la contraignant à une intervention chirurgicale et à des soins pendant plusieurs semaines.

Par suite, Madame [N] a sollicité et obtenu du juge des référés du tribunal judiciaire de Lille, suivant ordonnance en date du 04 janvier 2022, l'organisation d'une expertise judiciaire, laquelle a été confiée au Docteur [C] [D].

L'expert judiciaire a déposé son rapport d'expertise définitif le 06 novembre 2022, fixant la date de consolidation au 18 juillet 2022 et concluant, notamment, à la persistance d'un déficit fonctionnel permanent de 0,5%.

Sur la base de ce rapport, Madame [P] [N] a, par actes d'huissier de justice en dates des 11 et 20 janvier 2023, fait assigner Monsieur [M] [R] et la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE (ci-après la CPAM) de [Localité 8]-[Localité 7] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins d'indemnisation de ses préjudices.

Bien que régulièrement assignée, la CPAM de [Localité 8]-[Localité 7] n'a pas constitué avocat.

La clôture des débats est intervenue le 20 septembre 2023, suivant ordonnance du même jour, et l’affaire a été fixée à l’audience de plaidoiries du 04 avril 2024.

* * *

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 20 juin 2023, Madame [P] [N] demande au tribunal, au visa de l'article 1234 du Code civil, de :

- déclarer Monsieur [R] responsable des conséquences dommageables de l'accident survenu le 03 avril 2021,
- en conséquence, le condamner à lui verser les sommes ci-après au titre de son préjudice corporel :
- Dépenses de santé actuelles : 492,38 € ;
- Frais divers : 312 € ;
- Assistance par tierce personne : 441 € ;
- Perte de gains professionnels actuels : 22.326,40 € ;
- Déficit fonctionnel temporaire : 505,10 € ;
- Souffrances endurées : 4.000 € ;
- Préjudice esthétique temporaire : 1.000 € ;
- Déficit fonctionnel permanent : 1.500 € ;
- Préjudice esthétique permanent : 500 € ;
- condamner Monsieur [R] à lui verser la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, de même que les entiers frais et dépens, en ceux compris les frais d'expertise judiciaire.

Au terme de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 août 2023, Monsieur [M] [R] demande au tribunal, au visa de l'article 1234 du Code civil, de l'article 1 de l’arrêté du 21 avril 1997 relatif à la mise sous surveillance des animaux mordeurs ou griffeurs visés à l'article 232-1 du Code rural et de la pêche maritime et des articles 9, 696 et 700 du Code de procédure civile, de :

A titre principal :
- débouter Madame [P] [N] de sa demande tendant à le voir déclarer responsable des conséquences dommageables de l’accident survenu le 3 avril 2021 ;
- en conséquence, débouter Madame [P] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

A titre subsidiaire :
- ordonner la réduction de moitié du droit à indemnisation de Madame [P] [N] ;
- en conséquence, limiter l’évaluation des préjudices de Madame [P] [N] aux propositions d’indemnisation du défendeur :
- Dépenses de santé actuelles : 246,19 € ;
- Frais divers : 156 € ;
- Assistance par tierce personne : 220,50 € ;
- Déficit fonctionnel temporaire : 198,44 € ;
- Souffrances endurées : 1.000 € ;
- Préjudice esthétique temporaire : 250 € ;
- Déficit fonctionnel permanent : 250 € ;
- Préjudice esthétique permanent : 200 € ;
- débouter Madame [P] [N] de sa demande d’indemnisation des pertes de gains professionnels actuels ;
- débouter Madame [P] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires à ces propositions satisfactoires ;

A titre infiniment subsidiaire, si le tribunal devait retenir un droit à indemnisation intégrale :
- prendre acte des propositions formulées par le défendeur :
- Dépenses de santé actuelles : 492,38 € ;
- Frais divers : 312 € ;
- Assistance par tierce personne : 441 € ;
- Déficit fonctionnel temporaire : 396,88 € ;
- Souffrances endurées : 2.000 € ;
- Préjudice esthétique temporaire : 500 € ;
- Déficit fonctionnel permanent : 500 € ;
- Préjudice esthétique permanent : 400 €.
- débouter Madame [P] [N] de sa demande d’indemnisation des pertes de gains professionnels actuels ;
- débouter Madame [P] [N] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires à ces propositions satisfactoires ;

En tout état de cause, condamner Madame [P] [N] à verser à Monsieur [M] [R] la somme de 1.500€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre sa condamnation aux entiers frais et dépens.

Pour l’exposé des moyens, il sera fait application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile et procédé au visa des conclusions récapitulatives prémentionnées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'absence de constitution de la CPAM de [Localité 8]-[Localité 7]

Il convient de rappeler que, conformément aux dispositions de l’article 472 du Code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne faisant droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le droit à indemnisation de Mme [N]

Aux termes de l'article 9 du Code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

L'article 1243 du Code civil dispose que « le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. ».

Ce texte édicte une présomption de responsabilité du propriétaire et/ou gardien de l’animal ayant joué un rôle actif dans la survenance du dommage. En l’absence de contact avec la victime, le rôle actif de l’animal résulte de l’anomalie soit de sa position, soit de son comportement.

Cette responsabilité, qui n'est pas une responsabilité pour faute, est fondée sur l’obligation de garde, corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d’usage qui la caractérisent.

Cette présomption ne cède que devant la preuve d'une faute de la victime ou d'un tiers présentant un caractère imprévisible et irrésistible.

En application de ces dispositions, il revient à Madame [P] [N] de rapporter la preuve du fait d’un animal, d’un dommage et d'un lien de causalité entre les deux, et également de la qualité, au moment des faits, de propriétaire ou à tout le moins de gardien de l'animal du défendeur.

Sur ce, Madame [N] entend engager la responsabilité de Monsieur [R] sur le fondement de l'article précité, faisant valoir que le chien de ce dernier, dénommé Aïko, a attaqué sa propre chienne, dénommée Feya, et que s'est en tentant de séparer les deux animaux qu'elle a été mordue.

Si Monsieur [R] ne conteste ni l’existence de l’incident entre les deux chiens, incident à l’occasion duquel la demanderesse a été blessée, ni le fait qu'il était propriétaire et gardien du chien berger allemand Aïko au moment des faits, il conclut à son absence de responsabilité à raison dudit chien, faisant valoir que Madame [N] a en réalité été mordue par son propre chien.

Sur ce, il est versé aux débats les quatre attestations suivantes de témoins présents au moment des faits s'étant produits le 03 avril 2021 devant la clinique vétérinaire :

une attestation établie le 28 septembre 2021 par un client de la clinique vétérinaire, Monsieur [J], lequel relate avoir vu, alors qu'il quittait la clinique vétérinaire, « une femme qui se fai[sai]t attaquer par un berger allemand », essayer « de la repousser et se fai[re] mordre » avant que le berger allemand n' « attrape le petit chien blanc par le derrière », la dame essayant alors « de tirer son chien pour le séparer du berger allemand » (pièce n°3) ;
une attestation établie le 25 septembre 2021 par l'un des vétérinaires de la clinique, le Docteur [T], lequel expose que Madame [N] a été « attaquée sur le parking de la clinique par un autre chien, Berger Allemand » et relate, avoir, une fois les chiens séparés, « pris en charge Mme [N] qui était évidemment extrêmement choquée : elle était pâle, ne tenait pas debout et avait les mains en sang » (pièce n°4) ;une attestation établie le 20 avril 2021 par Madame [G], auxiliaire spécialisée vétérinaire de la clinique, indique qu'alors qu'elle raccompagnait Monsieur [R] à l'extérieur, elle a entendu des cris, s'est rendue rapidement sur le parking, s'est rapprochée et a « vu le chien de Monsieur [R] tenir dans sa gueule l'arrière-train de Feya, chienne West Highland White Terrier de Madame [N] [P]. » ; elle relate que, n'étant pas elle-même parvenue à ouvrir la gueule du chien Aïko, elle a laissé faire son propriétaire pour s'occuper de Madame [N] « qui tenait dans ses bras, l'avant de son chien » ; elle déclare avoir alors « vu Feya se débattre et mordre à plusieurs reprises les mains de sa propriétaire » (pièce n°8) ;une lettre établie à date inconnue par Madame [F], personne qui accompagnait Monsieur [R] le jour des faits ; aux termes de ce courrier, Madame [F] relate qu'alors qu'elle tenait le chien Aïko en laisse sur le parking pendant que Monsieur [R] s'annonçait à l'intérieur de la clinique vétérinaire, le chien a, sans qu'elle parvienne à le retenir, soudainement décidé de courir au contact de la chienne de Madame [N] qui venait d'arriver puis l'a attrapée au niveau du dos ; Madame [F] poursuit en indiquant que Madame [N] s'est alors « directement mise à crier et à tirer son chien vers elle en le tenant au niveau de la tête », tandis qu'elle tentait elle-même de mettre sa main dans la gueule d'Aïko afin de le faire lâcher prise, en vain ; elle précise qu'une fois la situation calmée, « Mme [N] a également informé les équipes qu'elle s'était fait mordre à plusieurs reprises aux mains par son chien, sûrement paniqué » (pièce n°9).
Il résulte de ces éléments que, tandis que Monsieur [J] estime, sans qu'aucun autre élément ne corrobore ses déclarations, que le berger allemand serait l'auteur des morsures, les deux témoins les plus directs des faits ayant été au contact des deux chiens impliqués affirment, de manière concordante, que les blessures subies par Madame [N] sont en réalité le fait de sa petite chienne Feya, ce que la demanderesse ne conteste au demeurant pas foncièrement, se contentant de souligner qu'il importe peu qu'elle ait été mordue par l'un ou l'autre chien dès lors que ses morsures ont pour cause le comportement totalement anormal du berger allemand qui est à l'origine de l'agression de la chienne Feya.

Il sera, dès lors, tenu pour acquis que Madame [N] a été mordue par sa propre chienne et non par le chien de Monsieur [R].

Il n'en demeure pas moins établi que, malgré l'absence de contact direct entre la victime et le chien de Monsieur [R], celui-ci a adopté, à l'origine de l'incident, un comportement anormal, en se jetant soudainement et brutalement sur la chienne de Madame [N] et en l'attrapant au niveau de l'arrière train tout en refusant de lâcher l'animal dont il était largement dominateur. Si son intervention sous le coup de l’émotion et de l’inquiétude sur le sort de sa chienne a pu être inadéquate, c'est bien en intervenant pour tenter de dégager et de protéger cette dernière que Madame [N] a été blessée par son animal manifestement apeuré et souffrant.

Ainsi, quand bien même Madame [N] a été mordue par sa propre chienne, la responsabilité globale des dommages subis par cette dernière doit être, au moins en partie, attribuée au fait générateur de l’agression initiale par le chien de Monsieur [R] qui avait échappé à son contrôle, agression sans laquelle le dommage ne serait pas survenu.

Dans ces conditions, Monsieur [M] [R] est responsable du dommage causé à Madame [P] [N] le 03 avril 2021 et dans la survenance duquel son chien a joué un rôle causal indéniable.

Néanmoins, il doit être également relevé qu'en intervenant physiquement au cours d’une bagarre entre deux chiens et en tenant la partie avant du corps de sa chienne tandis que cette dernière avait l'arrière-train retenu entre les crocs d'un autre chien qui refusait de la lâcher, Madame [N] a fait preuve d’imprudence et a ainsi indéniablement contribué à la réalisation de son propre dommage.

Il y a, dès lors, lieu de faire droit à la demande reconventionnelle et d’opérer un partage de responsabilité, Monsieur [R] devant être tenu pour responsable à hauteur de 70% des dommages causés à Madame [N] et cette dernière devant en assumer 30%.

Sur l’indemnisation des préjudices de Mme [N]

A titre liminaire, il convient de rappeler que l'indemnisation a pour objet de replacer la victime autant qu'il est possible dans la situation où elle se serait trouvée si le fait dommageable n'avait pas eu lieu, de sorte qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.

En l'espèce, la date de consolidation médico-légale retenue par l'expert judiciaire, soit le 18 juillet 2022, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, sera entérinée. Il est précisé qu'à cette date, Madame [P] [N] était âgée de 27 ans.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Les dépenses de santé actuelles

Les dépenses de santé sont les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d’hospitalisation (on les retrouve dans les prestations en nature des organismes sociaux) et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc..).

Aux termes de l'article L.376-1 du Code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel.

Renvoyant en outre à l'article 1346-3 du Code civil, cet article rappelle que la subrogation ne peut nuire à la victime subrogeante, créancière de l'indemnisation, lorsqu'elle n'a été prise en charge que partiellement par les prestations sociales ; en ce cas, l'assuré social peut exercer ses droits contre le responsable, par préférence à la caisse subrogée.

En l'espèce, Madame [N] fait valoir avoir conservé à sa charge des dépenses de santé actuelles d'un montant total de 492,38 euros, ce qui n'est pas contesté en défense.

Les débours définitifs de la C.P.A.M. de [Localité 8]-[Localité 7] s’élèvent, pour mémoire, à la somme totale de 488,61 euros, selon notification définitive datée du 15 février 2023 (pièce n°18 demanderesse). Ils se décomposent comme suit :

- frais médicaux : 306,31 €,
- frais pharmaceutiques : 129,97 €,
- frais d'appareillage : 52,33 €.

Les dépenses de santé actuelles s'élèvent donc à la somme totale de 980,99 euros (488,61 € pris en charge par la CPAM et 492,38 € demeurés à charge).

Dès lors, après application du partage de responsabilité ainsi que du principe de préférence de la victime, Monsieur [R] n'est redevable que de la somme totale de 686,69 euros, de sorte qu'il qu'il devra verser à Madame [N] la somme de 492,38 euros et à la CPAM de [Localité 8]-[Localité 7] la somme de 194,31 euros.

Les frais divers

Il s’agit des frais divers exposés par la victime avant la date de consolidation de ses blessures, tels les honoraires du médecin assistant la victime aux opérations d’expertise, les frais de transport survenus durant la maladie traumatique, dont le coût et le surcoût sont imputables à l’accident.

En l'espèce, Madame [N] sollicite la somme de 312 euros au titre des honoraires du Docteur [X] l'ayant assistée lors des opérations d'expertise judiciaire et dont elle verse la facture (pièce n°17). Monsieur [R] ne conteste pas le montant de ces honoraires ni devoir y participer à hauteur de moitié, en application du partage de responsabilité.

Il en sera, dès lors, donné acte, de sorte qu'il sera accordé à Madame [N], après application d'un partage de responsabilité à hauteur de 70% pour Monsieur [R], la somme de 218,40 euros.

L’assistance par tierce personne temporaire

Il s’agit des dépenses liées à l’emploi de tiers pour une activité que la victime ne peut effectuer seule durant cette période temporaire, tels les frais de garde d’enfants, les soins ménagers, ou encore pour les besoins de la vie courante. A ce titre, il est constant que l’indemnisation s’effectue sur la base de factures produites, sauf en cas d’entraide familiale.

En l'espèce, l'expert judiciaire a retenu un besoin en assistance par tierce-personne temporaire, de type aide non-spécialisée, à hauteur de :

- 3h par jour du 03 au 21 avril 2021, pour la réalisation de la vie quotidienne,
- 1h par semaine du 22 avril au 30 mai 2021, essentiellement pour la réalisation des activités domestiques lourdes.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Madame [N] sollicite, de ce chef, une somme totale de 441 euros, sur la base d’un taux horaire de 18 €, évaluation avant application de partage de responsabilité qui emporte l'accord de Monsieur [R]. Il en sera donné acte.

Dès lors, après partage de responsabilité, il convient d'allouer à Madame [N], au titre de l'assistance tierce-personne temporaire, la somme totale de 308,70 euros.

Les pertes de gains professionnels actuels

Il s’agit du préjudice patrimonial temporaire subi par la victime du fait de l’accident, c’est à dire des pertes de revenus éprouvées par cette victime du fait de son dommage jusqu’à la date de consolidation.

En l'espèce, Madame [N] fait valoir que, suite aux morsures subies et au regard de son activité de chirurgien-dentiste, elle a été contrainte d'être en arrêt du 03 avril au 30 mai 2021, ce qui a engendré pour elle une perte de revenus de 22.326,40 euros, malgré l'atténuation de sa perte de chiffre d'affaires par l'encaissement de la moitié du chiffre d'affaires facturé par sa remplaçante.

Monsieur [R] conclut au rejet de la demande, estimant les éléments versés par la demanderesse insuffisants pour justifier des pertes de gains professionnels actuels allégués.

Sur ce, au soutien de sa demande, Madame [N] se contente de verser aux débats les éléments suivants :

- son bilan comptable relatif à l'exercice 2020, faisant état d'un résultat comptable de 141.397 euros (pièce n°11) ;
- son avis d'imposition 2022 sur les revenus de l'année 2021 faisant état de revenus imposables déclarés pour un montant de 166.488 euros (pièce n°14) ;
- une attestation de son expert-comptable indiquant, « sur la base des éléments communiqués par la cliente » que cette dernière a encaissé 19.598 euros d'honoraires en avril 2021 et 2.856 euros d'honoraires en mai 2021 (pièce n°15).

En l'état de ces seuls éléments ne permettant pas une analyse plus fine, il sera considéré que, courant 2021, les revenus professionnels mensuels moyens de Madame [N] se sont élevés à 13.874 euros par mois, de sorte que du 03 avril au 30 mai 2021, elle aurait dû percevoir la somme de :

- du 03 au 30 avril 2021 (28 jours sur 30) : 12.949,07 €,
- du 1er au 30 mai 2021 (30 jours sur 31) : 13.426,45 €,

soit la somme totale de 26.375,52 euros.

Or, il ressort de l'attestation de son expert-comptable qu'elle a perçu, sur cette même période, en rétrocession de son remplaçant, la somme totale de 22.454 euros, soit un manque à gagner de 3.921,52 euros.

En conséquence, après application du partage de responsabilité, il sera alloué à Madame [N], au titre de la perte de gains professionnels actuels, la somme de 2.745,06 euros.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

Le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste tend à l’indemnisation de la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante de l’accident à la consolidation, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

En l'espèce, l'expert judiciaire a indiqué que le déficit fonctionnel temporaire a été partiel :

de classe III (soit 50%), du 03 au 21 avril 2021, soit pendant 19 jours, période durant laquelle ses deux membres supérieurs étaient limités sur le plan fonctionnel, en raison de la présence de pansement,de classe I (soit 10%), du 22 avril au 30 mai 2021, soit pendant 39 jours, période de poursuite de soins actifs jusqu'à la fin de l'arrêt de travail,de 2% jusqu'à la consolidation, soit pendant 232 jours, période de surveillance active.
Les parties ne contestent pas cette évaluation.

Madame [N] évalue ce chef de préjudice à la somme de 505,10 euros sur la base d'une indemnité journalière d'un montant à taux plein de 28 euros.

Monsieur [R] évalue ce chef de préjudice, avant réduction du droit à indemnisation, à 396,88 euros, sur la base d'une indemnité journalière d'un montant à taux plein de 22 euros.

Sur ce, eu égard aux éléments du rapport d'expertise, les troubles dans les conditions d’existence subis jusqu’à la consolidation permettent d'évaluer le préjudice de Madame [P] [N] comme suit, sur la base d’une indemnité de 27 euros par jour :

au titre du DFT partiel de classe III soit de 50% : 50% x 19 jours x 27 € = 256,50 euros,au titre du DFT partiel de classe I soit de 10% : 10% x 39 jours x 27 € = 105,30 euros,au titre du DFT partie de 2% : 2% x 232 jours x 27 € = 125,28 euros,
soit un total de 487,08 euros.

En conséquence, il sera accordé à Madame [P] [N], après application d'un taux de responsabilité de 70%, la somme de 340,96 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Les souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime du jour de l'accident à la date de consolidation.

En l'espèce, l'expert a évalué les souffrances endurées à 2,5 sur une échelle habituelle de 7 valeurs, compte tenu du mécanisme du traumatisme, des phénomènes anxieux post-traumatiques (épisodes de revécu de l'incident pendant environ trois semaines avec une séance d'hypnose), de la nécessité d'une intervention chirurgicales avec des soins locaux prolongés puis une surveillance active.

Cette évaluation n'est pas contestée par les parties.

Madame [P] [N] sollicite de ce chef une somme de 4.000 euros, tandis que Monsieur [R] propose d'évaluer ce poste de préjudice, avant partage de responsabilité, à la somme de 2.000 euros.

Sur ce, il est rappelé que Madame [P] [N] a présenté de multiples morsures au niveau des deux mains ayant nécessité une exploration chirurgicale sous anesthésie régionale, avec désonglage partiel du majeur gauche et du pouce droit et risque d'infection ayant engendré son placement sous antibiothérapie pendant cinq jours et antalgique.

Si son médecin traitant lui avait prescrit des séances de kinésithérapie qu'elle n'a pas effectuées, sur conseils de son chirurgien, cet élément n'a, en tout état de cause, pas été pris en compte par l'expert judiciaire pour l'évaluation des souffrances endurées, de sorte que les contestations en défense sur ce point sont inopérantes.

Enfin, il sera rappelé que Madame [N] exerce la profession de chirurgien-dentiste de sorte que les blessures dont elle a été victime ont pu être source pour elle d'une inquiétude légitime quant à d'éventuelles séquelles susceptibles d'impacter durablement l'exercice de son activité.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de la durée de la période traumatique, les souffrances endurées peuvent être valablement évaluées à 4.000 euros.

En conséquence, il sera accordé à Madame [P] [N], après application du partage de responsabilité, la somme de 2.800 euros au titre des souffrances endurées.

Le préjudice esthétique temporaire

Il s’agit de réparer l’altération physique subie jusqu’à la date de consolidation.

Sont considérés comme faisant partie du préjudice esthétique temporaire, l’apparence générale après les faits, les hématomes, les paralysies, cicatrices, plaies, brûlures et lésions cutanées, les troubles de la voix, de l’élocution, le port d’un fixateur externe, l'utilisation d'un fauteuil roulant, de béquilles, le port d'un plâtre, l'existence d'une boiterie, etc...

En l’espèce, l'expert judiciaire a évalué ce poste de préjudice à 1,5 sur une échelle habituelle de 7 valeurs sur la période du 03 au 21 avril 2021, période durant laquelle elle était porteuse de pansements ayant modifié sa présentation physique vis-à-vis de son entourage.

Les parties ne contestent pas cette évaluation.

Madame [N] sollicite, à ce titre, la somme de 1.000 euros, tandis que ce poste est évalué en défense à la somme de 500 euros.

Sur ce, outre le port transitoire de pansements, il doit être observé qu'à l'occasion de l'examen de la victime, le Docteur [D] a constaté la persistance de cicatrices au niveau du pouce droit (trace de deux plaies de quelques millimètres à la face dorsale de l'interphalangienne) et du 5ème doigt droit (trace d'une plaie ponctiforme de la 4e commissure et trace de plaies palmaires au niveau de l'interphalangienne distale du 5e doigt), ce dont il convient de déduire que le préjudice esthétique de la victime ne s'est pas interrompu au 21 avril 2021 mais s'est poursuivi jusqu'à la consolidation de son état de santé, par suite de la persistance de cicatrices.

Néanmoins, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préjudice esthétique temporaire subi par Madame [N] peut être évalué à la somme de 500 euros.

Dès lors, il convient de lui allouer, au titre du préjudice esthétique temporaire, après application du taux de responsabilité de 70%, la somme de 350 euros.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents

Le déficit fonctionnel permanent

Il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime que ce soient les atteintes à ses fonctions physiologiques ou la douleur permanente qu’elle ressent, la perte de la qualité de vie et les troubles dans ses conditions d'existence quotidiennes. Ce poste de préjudice doit réparer la perte d’autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières, ainsi que tous les déficits fonctionnels spécifiques qui demeurent même après la consolidation.

En l'espèce, l'expert judiciaire conclut à l'existence d'un déficit fonctionnel permanent qu'il évalue à 0,5% en raison d'une discrète gêne fonctionnelle résiduelle faite essentiellement de douleurs occasionnelles avec des paresthésies du 5e rayon, sans déficit sensitif objectif.

Sur la base de ces conclusions, Madame [N] sollicite une somme de 1.500 euros, tandis que Monsieur [R] sollicite que l'évaluation de ce poste de préjudice, avant partage de responsabilité, soit limitée à la somme de 500 euros.

Née le [Date naissance 3] 1994, Madame [N] était âgée de 27 ans à la date de la consolidation.

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, il convient d'évaluer le déficit fonctionnel permanent de Madame [N] à la somme de 1.000 euros, de sorte qu'il lui sera alloué, après application du partage de responsabilité, la somme de 700 euros.

Le préjudice esthétique permanent :

Il s’agit d’une altération définitive de l’apparence physique de la victime.

En l'espèce, au terme de son rapport, le Docteur [D] a évalué ce poste à 0,5 sur une échelle habituelle de 7 valeurs.

Ainsi qu'il a précédemment été relevé, l'expert judiciaire a notamment constaté, lors de l'examen clinique de la victime, la persistance de cicatrices au niveau du pouce droit (trace de deux plaies de quelques millimètres à la face dorsale de l'interphalangienne) et du 5ème doigt droit (trace d'une plaie ponctiforme de la 4e commissure et trace de plaies palmaires au niveau de l'interphalangienne distale du 5e doigt), sans toutefois qu'aucune déformation résiduelle des deux mains ne soit notée.

Madame [P] [N] sollicite à ce titre une somme de 500 euros, tandis que ce préjudice est évalué en défense à la somme de 400 euros.

Compte tenu des éléments ci-dessus, le préjudice esthétique permanent de Madame [P] [N] sera évalué à la somme de 500 euros.

En conséquence, il lui sera accordé, après réduction de son droit à indemnisation de 30%, la somme de 350 euros au titre du préjudice esthétique permanent.

Sur les mesures accessoires

L’article 696 du Code de procédure civile dispose : « la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie ».

Il résulte, en outre, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile que, « dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

En l'espèce, en considération du partage de responsabilité par moitié, ainsi que des échanges intervenus entre les parties dès le jour-même des faits témoignant de la bonne foi du défendeur et de sa volonté, spontanément manifestée, de participer à l'indemnisation de Madame [N], il sera fait masse des dépens de la présente instance ainsi que du coût de l'expertise judiciaire, et chaque partie en assumera la moitié.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile au profit de l'une ou de l'autre des parties. Les demandes au titre des frais irrépétibles seront, en conséquence, rejetées.
PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe et susceptible d’appel,

Fixe la créance de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de [Localité 8]-[Localité 7] à l'encontre de Monsieur [M] [R] à la somme de 194,31 euros ;

Dit que Monsieur [M] [R] est responsable des conséquences dommageables de l'accident causé par son animal le 03 avril 2021, au préjudice de Madame [P] [N] ;

Ordonne, néanmoins, le partage de responsabilité entre Monsieur et Madame [P] [N] dans la survenance desdites conséquences dommageables et Dit que Monsieur [M] [R] est responsable dans la limite de 70% ;

Condamne Monsieur [M] [R] à payer à Madame [P] [N] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

* 340,96 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,
* 2.800 euros au titre des souffrances endurées,
* 350 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
* 700 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,
* 350 euros au titre du préjudice esthétique permanent,
* 492,38 euros au titre des dépenses de santé actuelles,
* 218,40 euros au titre des frais divers,
* 308,70 euros au titre de l'assistance par tierce-personne temporaire,
* 2.745,06 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels ;

Fait masse des dépens de la présente instance, ainsi que du coût de l'expertise judiciaire ;

Condamne chacun de Madame [P] [N] et de Monsieur [M] [R] à supporter la moitié desdits dépens ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires, en ce comprises les demandes formulées sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Le greffier, La présidente.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Lille
Formation : Chambre 04
Numéro d'arrêt : 23/00716
Date de la décision : 03/09/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 10/09/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-09-03;23.00716 ?
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